19 avril 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-85.243

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00515

Titres et sommaires

RESTITUTION - Objets saisis - Demande en restitution - Demande formée par un tiers - Tiers de bonne foi - Instrument ou produit direct ou indirect de l'infraction - Absence d'influence

Les dispositions de l'article 99, alinéa 4, du code de procédure pénale, selon lesquelles il n'y a pas lieu à restitution par la juridiction d'instruction notamment lorsque le bien saisi est l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction, doivent être interprétées à la lumière des dispositions de l'article 6, § 2, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, ce dont il résulte que les droits du tiers de bonne foi doivent être réservés, que le bien soit l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction. Encourt la censure l'arrêt qui, pour rejeter la demande de restitution formée par un tiers, énonce que le bien dont la restitution est sollicitée est l'instrument de l'infraction, sans constater que le demandeur ne faisait valoir sur celui-ci aucun titre de détention régulier, ni rechercher s'il était de bonne foi

Texte de la décision

N° K 22-85.243 F-B

N° 00515


RB5
19 AVRIL 2023


CASSATION


M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 19 AVRIL 2023



M. [F] [B] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 27 avril 2022, qui, dans l'information suivie, notamment, contre M. [U] [M] des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance de refus de restitution de bien saisi rendue par le juge d'instruction.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [F] [B], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 mars 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Dans le cadre d'une information judiciaire ouverte des chefs susvisés, des paquets thermosoudés contenant de l'herbe de cannabis pour un poids de 101,64 kg ont été découverts le 25 avril 2021 dans un véhicule Audi RS3 immatriculé [Immatriculation 1].

3. Les investigations ont établi que ce véhicule, signalé volé, était en réalité immatriculé en Suisse sous le numéro [Immatriculation 2].

4. M. [F] [B], tiers à la procédure, a formé auprès du juge d'instruction une demande de restitution du véhicule.

5. Par ordonnance du 12 octobre 2021, le juge d'instruction a rejeté cette demande.

6. M. [B] a relevé appel de la décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de restitution à M. [B] du véhicule Audi RS3 immatriculé [Immatriculation 2], alors :

« 1°/ que toute personne a droit au respect de ses biens ; que le tiers de bonne foi a le droit à revendiquer auprès du juge le bien saisi dont il a la libre disposition même si ce bien a été l'instrument de l'infraction ; qu'en se fondant sur le seul fait que le véhicule saisi avait servi à la commission de l'infraction pour refuser de le restituer à M. [B], tiers de bonne foi, qui prévalait de son droit de locataire de longue durée sur le bien qui lui avait été volé, sans s'assurer que ce refus ne portait pas atteinte au droit de M. [B] au respect de ses biens et à son droit à l'accès à un juge, la chambre de l'instruction a violé l'article 131-21 du code pénal, les articles 706-153 et 99 du code de procédure pénale, ensemble les articles 6, § 1, et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, l'article 1er du premier protocole additionnel à cette Convention, les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 99, alinéa 4, du code de procédure pénale :

8. Selon ce texte, il n'y a pas lieu à restitution par la juridiction d'instruction notamment lorsque le bien saisi est l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction.

9. Cependant, ce texte doit être interprété à la lumière des dispositions de l'article 6, § 2, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, ce dont il résulte que les droits du tiers de bonne foi doivent être réservés, que le bien soit l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction.

10. L'arrêt attaqué mentionne qu'aux termes de son mémoire régulièrement déposé, le tiers appelant expose qu'il est titulaire d'un contrat de leasing sur le véhicule saisi, qu'il a loué au garage GS Auto SA, que des sous-locations ont été organisées sans l'en informer, et qu'il produit la carte grise dudit véhicule, les contrats de location ainsi que la plainte déposée par lui à la suite du vol du véhicule.

11. Pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction rejetant la demande de restitution de l'appelant, les juges énoncent qu'il résulte des éléments de la procédure que le véhicule dont la restitution est sollicitée est l'instrument de l'infraction.

12. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction, qui a refusé de restituer un bien constituant l'instrument de l'infraction sans constater que le demandeur ne faisait valoir sur celui-ci aucun titre de détention régulier, ni rechercher s'il était de bonne foi, a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

13. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 27 avril 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt-trois.

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