19 avril 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-12.808

Chambre sociale - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00488

Texte de la décision

SOC.

BD4



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 avril 2023




Cassation partielle


M. SOMMER, président



Arrêt n° 488 FS-D

Pourvoi n° K 20-12.808




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 AVRIL 2023

Mme [L] [J], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 20-12.808 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2019 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'association UNEDIC délégation AGS-CGEA d'Annecy, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ à Mme [N] [O], domiciliée [Adresse 1],

3°/ à la société Etude Bouvet & Guyonnet, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Salon nouvelle vague Hervé et Didier,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [J], et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Barincou, Seguy, Mmes Grandemange, Douxami, conseillers, M. Le Corre, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 12 décembre 2019), la société Salon nouvelle vague Hervé et Didier (la société), exploitant un fonds de commerce de coiffure, a été mise en redressement judiciaire le 16 mars 2009 et a fait l'objet d'un plan de redressement arrêté le 19 juillet 2010.

2. A compter du 15 août 2012, Mme [O] a été engagée par la société comme apprentie. Ayant obtenu, par jugement du 3 avril 2017, la mainlevée de la mesure d'inaliénabilité portant sur son fonds de commerce, la société a cédé celui-ci par acte authentique du 6 juin 2017 à Mme [J].

3. Par jugement du 9 janvier 2018, le tribunal de commerce a prononcé la résolution du plan de redressement et a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société, la société Etude Bouvet et Guyonnet étant désignée en qualité de liquidateur.

4. Après résiliation d'un commun accord, le 31 juillet 2017, du contrat d'apprentissage, l'apprentie a saisi la juridiction prud'homale de demandes dirigées contre le nouvel employeur pour obtenir paiement de salaires impayés entre janvier 2015 et juin 2017.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5.Le nouvel employeur fait grief à l'arrêt de dire que le transfert du contrat d'apprentissage a eu lieu en dehors de toute procédure de redressement judiciaire, de mettre hors de cause l'UNEDIC délégation AGS CGEA d'Annecy et la société Etude Bouvet & Guyonnet, ès qualités, et de le condamner à verser à l'apprentie la somme de 9 927,72 euros au titre des salaires impayés par l'ancien employeur, alors :

« 1°/ qu'en cas de transfert du contrat de travail, le nouvel employeur n'est pas tenu aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur lorsque le transfert est intervenu dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ; que l'adoption d'un plan de redressement n'a pas pour effet de clôturer la procédure de redressement judiciaire ; qu'en retenant que Mme [J] était tenue des obligations de la société Salon nouvelle vague après avoir constaté que cette dernière avait été placée en redressement judiciaire le 19 juillet 2010 et qu'elle était en plan de redressement lors de la cession de son fonds de commerce, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1224-2 du code du travail ;

2°/ que, dès lors que le transfert du contrat de travail est intervenu dans le cadre d'une procédure collective, le nouvel employeur ne saurait être tenu aux obligations de l'ancien employeur, peu important que ce dernier n'ait pas été en état de cessation des paiements au jour du transfert ; qu'en mettant avant la circonstance que la société Salon nouvelle vague était in bonis lors de la cession de son fonds de commerce pour décider que Mme [J] était tenue des obligations de la société Salon nouvelle vague à l'égard de Mme [O], la cour d'appel qui s'est fondé sur un motif inopérant a violé l'article L. 1224-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1224-2 du code du travail :

6. Selon ce texte, le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf dans le cas d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

7. Pour condamner le nouvel employeur à payer à l'apprentie une somme à titre de rappel de salaire sur la période de janvier 2015 à juin 2017, l'arrêt retient que la société n'était plus en redressement judiciaire mais bénéficiait d'un plan de continuation depuis le 19 juillet 2010, c'est-à-dire d'un plan de redressement judiciaire qui présentait les mêmes effets que le plan de sauvegarde, de sorte qu'elle était redevenue in bonis lorsqu'elle a procédé en août 2012 au recrutement de l'apprentie et lorsqu'elle a cédé, le 6 juin 2017, son fonds de commerce après autorisation du tribunal.

8. Il en déduit que le transfert du contrat de travail de l'apprentie a eu lieu en dehors de toute procédure de redressement judiciaire.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la société, qui avait été mise en redressement judiciaire le 16 mars 2009, avait cédé son fonds de commerce pendant l'exécution du plan de redressement, ce dont il résultait que la modification dans la situation juridique de l'employeur était intervenue dans le cas d'une procédure collective, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé

Portée et conséquences de la cassation

10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt disant que la cessionnaire du fonds de commerce sera seule tenue au paiement des salaires pour la période de janvier 2015 à juin 2017 et la condamnant à payer une somme à ce titre, entraîne la cassation des chefs de dispositif mettant hors de cause l'UNEDIC délégation AGS CGEA d'Annecy et la société Etude Bouvet et Guyonnet en sa qualité de liquidateur de la société, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que le contrat de travail de Mme [O] a été transféré de la société Salon nouvelle vague Hervé et Didier à Mme [J], l'arrêt rendu le 12 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne l'Association UNEDIC délégation AGS CGEA d'Annecy, Mme [O] et la société Etude Bouvet et Guyonnet, en sa qualité de liquidateur de la société Salon nouvelle vague Hervé et Didier, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [J] ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt-trois.

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