19 avril 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-18.274

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00485

Texte de la décision

SOC.

OR



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 avril 2023




Cassation partielle sans renvoi


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 485 F-D

Pourvoi n° X 21-18.274





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 AVRIL 2023

M. [T] [W], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 21-18.274 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [N] [H] [Y], domicilié [Adresse 2], pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société C.M.Z,

2°/ à UNEDIC Délégation AGS-CGEA IDF EST, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [W], après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 mars 2021), M. [W] a été engagé le 1er février 2001 en qualité de cuisinier par la société CMZ.

2. Le 25 février 2017, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

3. Sur déclaration de cessation des paiements du 16 février 2017, le tribunal de commerce a, par jugement du 14 mars 2017, prononcé la liquidation judiciaire de la société CMZ et a nommé M. [H] [Y] en qualité de liquidateur judiciaire.

4. Soutenant que la prise d'acte de la rupture devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes à ce titre.

5. Le Centre de gestion et d'étude AGS Ile-de-France Est a été appelé en la cause.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la garantie de l'AGS CGEA Ile-de-France Est n'est pas mobilisable pour la créance de dommages-intérêts pour licenciement abusif, alors « que la prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur entraîne la rupture immédiate du contrat de travail, même si une procédure collective a été ouverte concomitamment à l'égard de l'employeur ; qu'il en résulte que les dommages-intérêts alloués au salarié en réparation de la prise d'acte requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse doivent être garantis par l'AGS dans les conditions de l'article L.3253-8 1° du code du travail, s'agissant d'une somme due au salarié à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective même si elle dépend dans son montant de l'évaluation qu'en a faite le juge ; que, pour dire que la garantie de l'AGS n'est pas mobilisable pour la créance de dommages-intérêts pour licenciement abusif du salarié, la cour d'appel a relevé que les créances visées à l'article L. 3253-8 2° du code du travail s'entendent d'une rupture à l'initiative de l'administrateur judiciaire ou du mandataire liquidateur, ce qui n'est pas le cas de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur à l'initiative du salarié, même si elle produit les effets d'un licenciement, en sorte que la garantie de l'AGS n'est pas due pour les sommes allouées de ce chef ; qu'en statuant ainsi alors qu'elle avait expressément constaté que le contrat de travail avait été rompu le 25 février 2017, soit avant le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de l'employeur en date du 14 mars 2017, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L.3253-8 1° et 2° du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3253-8 1° du code du travail :

7. Selon ce texte, l'assurance contre le risque de non-paiement des sommes dues en exécution du contrat de travail couvre les sommes dues au salarié à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Elle s'applique en conséquence aux créances indemnitaires résultant d'une prise d'acte de la rupture du contrat de travail
produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

8. Pour exclure de la garantie de l'AGS la créance de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les créances résultant de la rupture du contrat de travail visées par l'article L. 3253-8 2° du code du travail s'entendent d'une rupture à l'initiative de l'administrateur judiciaire ou du mandataire liquidateur et qu'en l'espèce, le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, que la rupture est donc à son initiative même si elle produit les effets d'un licenciement. Il en déduit que la garantie de l'AGS n'est donc pas due pour les sommes allouées de ce chef.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la rupture du contrat de travail était intervenue avant le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.



PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la garantie de l'AGS-CGEA Ile-de-France Est n'est pas mobilisable pour la créance de dommages-intérêts pour licenciement abusif, l'arrêt rendu le 18 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que la garantie de l'AGS s'applique dans la limite du plafond légal à la somme de 16 850 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne le Centre de gestion et d'étude AGS Ile-de-France Est aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Centre de gestion et d'étude AGS Ile-de-France Est à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt-trois.

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