19 avril 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-13.687

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00432

Texte de la décision

SOC. / ELECT

CZ



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 avril 2023




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 432 F-D

Pourvoi n° H 22-13.687




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 AVRIL 2023

1°/ Le syndicat FO Akka, dont le siège est [Adresse 14],

2°/ le syndicat SPECIS-UNSA, dont le siège est [Adresse 5],

3°/ M. [V] [Z], domicilié [Adresse 6],

4°/ M. [J] [R] [E], domicilié [Adresse 13],

ont formé le pourvoi n° H 22-13.687 contre le jugement rendu le 7 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Lyon (pôle social,élections professionnelles), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Akka technologies, SE, dont le siège est [Adresse 7],

2°/ à la société Akka services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ à la société Akka I&S, société par actions simplifiée,

4°/ à la société Akka ingenierie produit, société par actions simplifiée,

toutes les deux ayant leur siège [Adresse 8],

5°/ à la société Ekis France, société par actions simplifiée,

6°/ à la société Aeroconseil, société par actions simplifiée,

ayant toutes les deux leur siège [Adresse 12],

7°/ à la société Akka high tech, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3],

8°/ au syndicat CGT Akka, dont le siège est [Adresse 2],

9°/ au syndicat CFE-CGC FIECI, dont le siège est [Adresse 9],

10°/ à la fédération CFDT F3C, dont le siège est [Adresse 10],

11°/ au syndicat CFTC SICSTI, dont le siège est [Adresse 11],

12°/ à la Direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat des syndicats FO Akka et SPECIS-UNSA, de MM. [Z] et [R] [E], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Akka technologies, Akka services, Akka I&S, Akka ingenierie produit, Ekis France, Aeroconseil et Akka high tech, après débats en l'audience publique du 8 mars 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Lyon , 7 mars 2022) et les productions, par jugement du 27 janvier 2014, le tribunal d'instance de Toulouse a reconnu l'existence d'une unité économique et sociale (UES) entre les neuf sociétés suivantes Akka technologies, Akka manager, Akka informatique et systèmes, Akka I&S, Akka ingenierie produit, Akka ingenierie process, Akka ingenierie documentaire, Ekis France et Akka services. Par accord collectif de mai 2016, le périmètre de l'UES a été étendu à deux sociétés (Aeroconseil et Casciope) puis, par avenant de juillet 2016, à la société Akka life science.

2. Les élections ont eu lieu sur ce périmètre de douze sociétés en novembre 2016, les résultats étant proclamés le 12 décembre 2016. Par jugement du 17 février 2017, le tribunal d'instance de Lyon a dit n'y avoir lieu à annulation de l'avenant de juillet 2016 mais a annulé le protocole préélectoral et les élections.

3. Le 7 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a élargi le périmètre de l'UES à la société Akka high tech.

4. Sur décision de l'associé unique en date du 19 novembre 2020, la société Akka manager a été absorbée par la société Akka technologies puis radiée du registre du commerce et des sociétés le 1er mars 2021.

5. Le 27 septembre 2021, la direction de l'UES a unilatéralement décidé que l'UES, qui ne comportait plus désormais que sept sociétés, constituait un établissement unique pour la mise en place d'un comité social et économique.

6. Saisi d'un recours contre cette décision par les syndicats CFE-CGC, FIECI, CGT Akka, FO Akka et SPECIS-UNSA, le directeur régional de l'emploi, du travail et des solidarités (le Dreets) a, par décision du 14 décembre 2021, estimé que l'enquête contradictoire ne permettant pas de conclure à la reconnaissance de l'existence d'établissements distincts, un comité social et économique unique devait être mis en place.

7. Par requête du 23 décembre 2021, deux syndicats (FO Akka et SPECIS-UNSA) et deux salariés (MM. [Z] et [R] [E]) ont fait assigner le Dreets, et les sept sociétés composant l'UES et quatre syndicats (CGT Akka, CFTC SICSTI, outre les fédérations CFE-CGC FIECI et CFDT F3C) en annulation de la décision du Dreets et afin qu'il soit fait injonction sous astreinte aux sociétés composant l'UES de négocier un accord aux fins de déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts.

8. Le 1er octobre 2021, l'UES a unilatéralement décidé la mise en place d'un vote dématérialisé par internet pour les élections 2021/2022 des membres de la délégation du personnel au comité social et économique.

9. Par requête enregistrée le 24 décembre 2021, les mêmes demandeurs ont fait assigner les syndicats et sociétés susvisés en annulation de cette décision au motif que l'UES étant dotée de délégués syndicaux, elle ne pouvait prendre une telle décision unilatérale sans engager préalablement de négociation, sollicitant en outre qu'il soit fait injonction à l'UES « d'engager les négociations pour la mise en place du CSE ».

10. Le tribunal judiciaire a joint les deux requêtes.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen


11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier et le deuxième moyens réunis

Enoncé des moyens

12. Par leur premier moyen, les syndicats FO Akka et SPECIS-UNSA font grief au jugement de les débouter de leurs demandes tendant à l'annulation de la décision de l'administration du 14 décembre 2021 et de la décision unilatérale de l'UES du 27 septembre 2021, à faire solidairement injonction, sous astreinte, aux sociétés composant l'UES d'engager loyalement des négociations tendant à la conclusion d'un accord collectif en vue du découpage de l'UES en établissements distincts et à suspendre le processus électoral dans l'attente de l'engagement de ces négociations, alors :

« 1°/ qu'un accord d'entreprise conclu au niveau de l'UES dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12 du code du travail détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts ; qu'au niveau du périmètre d'une UES nouvellement reconnue, la représentativité des organisations syndicales s'apprécie par addition de l'ensemble des suffrages obtenus lors des dernières élections organisées au sein des entités composant l'UES ; qu'en retenant que la négociation préalable des établissements distincts n'était pas obligatoire aux motifs erronés que la représentativité syndicale ne pouvait être appréciée au sein de l'UES car la majorité des sociétés composant celle-ci ne dispose pas ou plus d'institutions représentatives élues du personnel, que la consolidation des résultats au périmètre de l'UES exclurait un syndicat représentatif dans l'une des entités de l'UES, que les cycles électoraux envisagés de 2009, 2015 et 2018 sont trop éloignés les uns des autres pour être représentatifs et que la décision unilatérale de l'employeur et la décision de l'administration de fixer un établissement unique n'étaient pas contestées au fond, quand il résultait de ses propres constatations qu'au sein de trois des entités de l'UES des mandats étaient toujours en cours, ce qui permettait de mesurer la représentativité syndicale au niveau de l'UES en vue de la négociation préalable et obligatoire d'un accord collectif sur le périmètre des établissements distincts, le tribunal, qui n'a pas tiré les conséquences légales qu'imposaient ses propres constatations, a violé les articles L. 2121-1, L.2122-1, L. 2232-37 et L. 2313-8 du code du travail ;

2°/ que l'annulation de l'élection des membres du CSE est sans incidence sur la représentativité des organisations syndicales, laquelle est fonction du pourcentage des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires du comité ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations du tribunal que le 12 décembre 2016, des élections professionnelles avaient été organisées au niveau de l'UES ; qu'en jugeant que le résultat de ces élections ne pouvait permettre de mesurer la représentativité du fait de leur annulation, le tribunal a violé les articles L. 2121-1, L.2122-1 et L. 2313-8 du code du travail. ».

13. Par leur deuxième moyen, les syndicats FO Akka et SPECIS-UNSA font grief au jugement de les débouter de leurs demandes tendant à l'annulation de la décision unilatérale de l'UES du 18 octobre 2021, à faire solidairement injonction, sous astreinte, aux sociétés composant l'UES d'engager loyalement des négociations tendant à la conclusion d'un accord collectif fixant les modalités de vote électronique et à suspendre le processus électoral dans l'attente de l'engagement de ces négociations, alors :

« 1°/ que la possibilité de recourir au vote électronique est ouverte par un accord d'entreprise ou, à défaut d'accord, par une décision unilatérale de l'employeur ; qu'au niveau du périmètre d'une UES nouvellement reconnue, la représentativité des organisations syndicales s'apprécie par addition de l'ensemble des suffrages obtenus lors des dernières élections organisées au sein des entités composant l'UES ; qu'en retenant que la négociation préalable n'était pas obligatoire aux motifs erronés que la représentativité syndicale ne pouvait être appréciée au sein de l'UES car la majorité des sociétés composant celle-ci ne dispose pas ou plus d'institutions représentatives élues du personnel, que la consolidation des résultats au périmètre de l'UES exclurait un syndicat représentatif dans l'une des entités de l'UES et que les cycles électoraux envisagés de 2009, 2015 et 2018 sont trop éloignés les uns des autres pour être représentatifs, quand il résultait de ses propres constatations qu'au sein de trois des entités de l'UES des mandats étaient toujours en cours, ce qui permettait de mesurer la représentativité syndicale au niveau de l'UES en vue de la négociation préalable et obligatoire d'un accord collectif sur le vote électronique, le tribunal, qui n'a pas tiré les conséquences légales qu'imposaient ses propres constatations, a violé les articles L. 2121-1, L. 2122-1, L. 2232-37 et R. 2314-5 du code du travail.

2°/ que l'annulation de l'élection des membres du CSE est sans incidence sur la représentativité des organisations syndicales, laquelle est fonction du pourcentage des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires du comité ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations du tribunal que le 12 décembre 2016, des élections professionnelles avaient été organisées au niveau de l'UES ; qu'en jugeant que le résultat de ces élections ne pouvait permettre de mesurer la représentativité du fait de leur annulation, le tribunal a violé les articles L. 2121-1, L.2122-1 et L. 2313-8 du code du travail. »

Réponse de la Cour

14. Aux termes de l'article L. 2313-8 du code du travail, lorsqu'une unité économique et sociale regroupant au moins onze salariés est reconnue par accord collectif ou par décision de justice entre plusieurs entreprises juridiquement distinctes, un comité social et économique commun est mis en place. Des comités sociaux et économiques d'établissement et un comité social et économique central d'entreprise sont constitués dans les unités économiques et sociales comportant au moins deux établissements. Un accord d'entreprise conclu au niveau de l'unité économique et sociale dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12 détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts. En l'absence d'un tel accord et en l'absence de délégué syndical désigné au niveau de l'unité économique et sociale, un accord entre les entreprises regroupées au sein de l'unité économique et sociale et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires élus de la délégation du personnel du comité, peut déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts. En l'absence d'accord d'entreprise ou d'accord conclu avec le comité social et économique, l'un des employeurs mandatés par les autres fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel. En cas de litige portant sur cette décision, le nombre et le périmètre des établissements distincts sont fixés par l'autorité administrative du siège de l'entreprise qui a pris la décision dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. Lorsqu'elle intervient dans le cadre d'un processus électoral global, la saisine de l'autorité administrative suspend ce processus jusqu'à la décision administrative et entraîne la prorogation des mandats des élus en cours jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin. La décision de l'autorité administrative peut faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.

15. Aux termes de l'article R. 2314-5, 1er et 2e alinéas, du code du travail, l'élection des membres de la délégation du personnel du comité social et économique peut être réalisée par vote électronique sur le lieu de travail ou à distance. Sans préjudice des dispositions relatives au protocole d'accord préélectoral prévues aux articles L. 2314-5 et suivants, la possibilité de recourir à un vote électronique est ouverte par un accord d'entreprise ou par un accord de groupe. A défaut d'accord, l'employeur peut décider de ce recours qui vaut aussi, le cas échéant, pour les élections partielles se déroulant en cours de mandat.

16. Selon la jurisprudence constante de la Cour (Soc., 22 septembre 2010, pourvoi n° 09-60.435, Bull. 2010, V, n° 188), en application des articles L. 2121-1, L. 2133-3 et L. 2143-3 du code du travail, d'une part, les syndicats affiliés à la même confédération nationale ne peuvent désigner ensemble dans la même entreprise un nombre de délégués et représentants syndicaux supérieur à celui fixé par la loi, et d'autre part, lorsque la désignation s'effectue au niveau d'une unité économique et sociale, le seuil de 10 % fixé par l'article L. 2121-1 du code du travail se calcule en additionnant la totalité des suffrages obtenus lors des élections au sein des différentes entités composant l'UES. Il en résulte que le calcul de l'audience pour la désignation d'un délégué syndical au sein de l'UES tient compte de tous les suffrages ainsi obtenus par les syndicats affiliés à la même confédération syndicale.

17. Ayant constaté, d'une part que la majorité des sociétés composant l'UES dans son nouveau périmètre ne disposait plus d'institutions représentatives du personnel, de sorte que la représentativité syndicale au niveau de l'UES ne pouvait être calculée, faisant ainsi ressortir l'absence de délégués syndicaux désignés au niveau de l'UES, et d'autre part qu'aucun comité social et économique n'avait été encore élu au sein des sept sociétés composant l'UES, le tribunal en a déduit à bon droit que les sociétés composant l'UES avaient pu procéder par décision unilatérale le 27 septembre 2021 à la définition du nombre et du périmètre des établissements distincts, en application de l'article L. 2313-8 du code du travail, et que les sociétés composant l'UES avaient pu unilatéralement décider le 18 octobre 2021 de recourir au vote électronique pour l'élection des membres du comité social et économique.

18. Les moyens ne sont, dès lors, pas fondés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt-trois.

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