19 avril 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-25.563

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00419

Texte de la décision

SOC.

AF1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 avril 2023




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 419 F-D

Pourvoi n° V 21-25.563




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 AVRIL 2023

La société Casino services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-25.563 contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2021 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l'opposant au comité social et économique de la société Casino services, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Casino services, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du comité social et économique de la société Casino services, après débats en l'audience publique du 8 mars 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 7 décembre 2021), le 7 juin 2021, la société Casino services (la société) a réuni le comité social et économique de la société Casino services (le comité) en vue de la procédure annuelle d'information et de consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi.

2. Au cours de cette réunion, le comité a décidé de recourir à un expert comptable et a désigné le cabinet Syndex (l'expert) pour réaliser la mission. L'expert a sollicité la communication par l'employeur d'une liste de documents.

3. Par acte du 5 juillet 2021, le comité a assigné la société devant le président du tribunal judiciaire, selon la procédure accélérée au fond, afin qu'elle soit condamnée à transmettre à l'expert les documents demandés, sous astreinte, et que soit ordonnée la prolongation de deux mois du délai de consultation du comité en raison de la carence de la société dans la remise de l'information sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à transmettre à l'expert, dans un délai de 10 jours à compter de la signification du jugement sous peine d'une astreinte provisoire, l'extraction de certaines informations brutes, individuelles et anonymisées sur la totalité de l'effectif, et de proroger de deux mois le délai de consultation du comité, le point de départ du délai étant fixé au jour de la remise par la société des documents à l'expert, de liquider l'astreinte provisoire ordonnée par le jugement du 30 août 2021 du tribunal judiciaire de Saint-Étienne à la somme de 18 800 euros, pour la période du 12 septembre au 28 octobre 2021 et de condamner en conséquence la société à payer au comité la somme de 18 800 euros et de dire que les informations manquantes lors de la transmission du 7 septembre 2021 et, notamment, une extraction d'informations brutes, individuelles et anonymisées concernant les cadres de Niveau 9, 9+ et « HC », y compris les données relatives aux points « 5-06 site de rattachement », « 5-22 service de rattachement » et « 5-24 libellé de l'emploi », devront être transmises à l'expert dans le délai de 10 jours à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte provisoire de 1 000 euros par jour de retard, alors :

« 1°/ que lorsqu'un expert est désigné par le CSE dans le cadre de la consultation annuelle, prévue à l'article L. 2312-26 du code du travail, portant sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi, l'employeur n'est tenu de lui communiquer que les pièces utiles à cette consultation, c'est-à-dire les éléments recensés à l'article R. 2312-20 du code du travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu au contraire, adoptant en cela les motifs des premiers juges, que ''Les dispositions relatives à l'expertise ne limitent pas le droit d'accès de l'expert aux seules informations figurant dans la BDES en l'absence de toute disposition en ce sens. Les dispositions relatives à la BDES ne visent que l'information des élus. Aucune disposition ne limite l'objet de l'expertise à l'aide à la compréhension de la BDES et la faculté de recourir à une expertise comptable démontre au contraire que les éléments contenus dans la BDES ne sont pas le support exclusif de la consultation du CSE sur la politique sociale de l'entreprise et que celui-ci a le pouvoir de faire vérifier la validité ou la pertinence des données figurant dans la BDES'' ; qu'il en résulte que la cour d'appel a violé l'article L. 2315-83 du code du travail, ensembles les articles L. 2312-26 et R. 2312-20 du même code ;

2°/ subsidiairement qu'aux termes des articles L. 2312-28 à L. 2312-35 du code du travail, le bilan social doit notamment comporter des informations chiffrées sur les rémunérations et charges accessoires ; que l'article R. 2312-9 du code travail prévoit quant à lui que la BDES doit contenir des informations relatives à la hiérarchie des rémunérations ; que cependant, il n'est pas prévu par ces textes que des informations brutes individualisées doivent être fournies par l'employeur ; qu'en affirmant cependant qu' ''Il ressort de ces dispositions que le CSE a vocation à être informé de l'évolution des salaires et des éléments et indicateurs chiffrés sur la situation comparée des femmes et des hommes au sein de l'entreprise, de sorte que les données brutes individuelles sollicitées, en ce qu'elles sont destinées à permettre d'apprécier la politique sociale mise en oeuvre à l'échelle de l'entreprise, relèvent bien de la mission de l'expert'', la cour d'appel a violé les articles R. 2312-9 et L. 2312-28 à L. 2312-35 du code du travail ;

3°/ que l'employeur fournit à l'expert les informations nécessaires à l'exercice de sa mission ; qu'en l'espèce, la société Casino services demandait subsidiairement à la cour d'appel de juger que ''dans l'extraction d'informations brutes, individuelles et anonymisées dont la communication est sollicitée par la société d'expertise comptable Syndex, pour les cadres de Niveau 9 et "HC", ne devront pas être renseignées la rubrique "5-06" relative au "site de rattachement" et la rubrique "5-24" relative au "libellé de l'emploi" '' ; que pour ordonner à l'employeur de fournir les données individualisées sollicitées concernant tous les salariés de l'entreprise, y compris les cadres de Niveau 9, 9+ et ''HC'', bien que ces données soient confidentielles comme le faisait valoir l'employeur en cause d'appel, la cour d'appel a affirmé que le premier juge avait justement retenu qu'il appartenait à l'expert de ''déterminer les documents utiles à sa mission'', que les données brutes individuelles sollicitées « relèvent bien de la mission de l'expert » et qu'il ne pouvait se contenter des informations déjà produites par la société Casino services ; qu'en omettant ainsi de constater que les éléments sollicités par l'expert pour les cadres de Niveau 9, 9+ et ''HC'' étaient nécessaires à l'accomplissement de la mission d'expertise, y compris le ''site de rattachement'' et le ''libellé de l'emploi'', la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2315-83 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 2315-91 du code du travail, le comité social et économique peut décider de recourir à un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi mentionnée au 3° de l'article L. 2312-17.

6. Aux termes de l'article L. 2312-26, I, de ce code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021, la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi porte sur l'évolution de l'emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l'employeur, l'apprentissage, les conditions d'accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail, les congés et l'aménagement du temps de travail, la durée du travail, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés dans les entreprises non couvertes par un accord sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail contenant des dispositions sur ce droit.

7. En application de l'article L. 2315-83 du même code, l'employeur fournit à l'expert les informations nécessaires à l'exercice de sa mission.

8. Ayant énoncé, par motifs propres et adoptés, que la production de ces données brutes s'avérait nécessaire à la réalisation de la mission d'analyse de l'expert portant sur la politique sociale de l'entreprise, notamment sur l'évolution des salaires et sur les informations et indicateurs chiffrés sur la situation comparée des hommes et des femmes pour chacune des catégories professionnelles de l'entreprise et que les informations retraitées et consolidées, seules produites par la société, étaient susceptibles de fausser l'analyse de l'expert, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendûment omise, a légalement justifié sa décision, peu important que les informations demandées ne soient pas au nombre de celles devant figurer dans le bilan social en application de l'article L. 2312-30 du code du travail ou dans la base de données économiques et sociales en application des articles L. 2312-36, R. 2312-9 et R. 2312-20 du code du travail.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Casino services aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Casino services et la condamne à payer au comité social et économique de la société Casino services la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt-trois.

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