19 avril 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-24.208

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00418

Texte de la décision

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 avril 2023




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 418 F-D

Pourvoi n° X 21-24.208




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 AVRIL 2023

La société GTM Sud, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-24.208 contre l'arrêt rendu le 6 juillet 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l'opposant :

1°/ au comité social et économique GTM Sud, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société Syndex, société coopérative ouvrière de production à forme anonyme et capital variable, dont le siège est [Adresse 4], ayant un établissement secondaire [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société GTM Sud, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du comité social et économique GTM Sud, de la société Syndex, après débats en l'audience publique du 8 mars 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 juillet 2021), au cours de la réunion du comité social et économique de la société GTM Sud (le comité) du 23 janvier 2020, a été décidée l'ouverture de la procédure d'information et de consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi prévue à l'article L. 2312-17 du code du travail et la fixation du calendrier de cette procédure.

2. Le comité a décidé de recourir à une expertise et a désigné la société Syndex, expert-comptable (l'expert), pour y procéder.

3. Le 24 janvier 2020, l'expert a transmis au président et au secrétaire du comité sa lettre de mission et une demande d'informations et de documents nécessaires à la réalisation de l'expertise. Le 5 février 2020, l'expert a sollicité à nouveau la communication de ces éléments.

4. Lors de la réunion du comité du 18 juin 2020, la société GTM Sud (la société) a indiqué qu'elle considérait les pièces déjà transmises comme nécessaires et suffisantes à l'expertise sur la politique sociale de l'entreprise.

5. Par assignation du 2 juillet 2020, le comité et l'expert ont fait citer, selon la procédure accélérée au fond, la société devant le tribunal judiciaire pour obtenir la communication de documents complémentaires, la prolongation du délai de consultation et des dommages-intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche


6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.


Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

7. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à transmettre à l'expert les documents suivants « Pour l'ensemble des salariés : - Suivi mensuel des effectifs 2019 ; - Livre de paie détaillant globalement toutes les rubriques des rémunérations versées au personnel durant l'année 2018 et 2019, par catégorie de personnel ; Pour les salariés cadres et ETAM, les fichiers électroniques de rémunérations comprenant : 1) Le matricule ; 2) Le sexe ; 3) La date de naissance ; 4) L'entreprise d'origine pré-fusion (GTM Sud, CMS, CBSE) ; 5) La DA ou service de rattachement ; 6) La date d'entrée dans l'effectif de l'entreprise ainsi que la date d'ancienneté, si elle est différente ; 7) La date de sortie de l'effectif de l'entreprise (éventuellement) ; 8) L'intitulé précis du poste dans la nomenclature de l'entreprise ; 9) Nature du contrat de travail (CDI, CDD) et échéance du contrat dans le cas des CDD ; Les rubriques sont, pour chaque salarié et pour chaque exercice, les suivantes : 10) Le groupe et le niveau à l'échéance de chaque exercice, le coefficient ; 11) Les données seront celles, "théoriques", de la base de rémunérations, avec : le salaire de base mensuel après augmentation annuelle, les éventuels 13ème mois, les primes de vacances, primes de fin d'année, les primes d'ancienneté, le bonus (ou prime d'objectifs, ou primes commerciales) et toutes les primes exceptionnelles, les avantages en nature (tout ce qui précède sur la base d'un plein temps, même si le (la) salarié(e) a été employé(e) à temps partiel) ; 12) Le salaire brut sécurité sociale réel ; 13) L'horaire annuel contractuel en début et en fin d'exercice ; 14) L'indication du pourcentage de l'horaire effectué par rapport au plein temps ; 15) Le plafond SS appliqué au terme de l'exercice », d'ordonner la prolongation de deux mois du délai dont dispose le comité pour rendre son avis sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi, à compter de la notification de la décision avec obligation de communiquer les documents à l'expert dans un délai de 15 jours suivants cette notification, alors :

« 1°/ que l'employeur remplit son obligation de communiquer les pièces utiles à la consultation annuelle du comité social et économique sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi, dès lors qu'il met à disposition du comité, et par suite de l'expert désigné par ce dernier, l'ensemble des éléments devant figurer dans la base de données économiques et sociales et notamment les rémunérations moyennes ou médianes par sexe, catégorie professionnelle, niveau ou coefficient hiérarchique, tranche d'âge, ainsi que les données collectives sur l'évolution des rémunérations salariales, telles que définies à l'article R. 2312-9 du code du travail ; qu'il n'est pas tenu, en revanche, de fournir au comité, ni à l'expert désigné par ce dernier, des informations individuelles sur la rémunération de chacun des salariés ; qu'en l'espèce, la société GTM Sud soutenait que le comité social et économique et l'expert-comptable désigné par ce dernier pour l'assister dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise avaient reçu l'ensemble des informations devant figurer dans la base de données économiques et sociales pour leur permettre d'appréhender et analyser la politique sociale de l'entreprise ; qu'elle soulignait que la demande de l'expert tendant à obtenir des ''fichiers électroniques de rémunération'' pour les salariés cadres et Etam, comportant des informations individuelles sur chaque salarié et sa rémunération, excédait ce qui était nécessaire à l'accomplissement de sa mission ; qu'en retenant, pour faire droit à la demande de l'expert-comptable et condamner l'employeur à lui communiquer des fichiers électroniques comportant des informations individuelles sur la rémunération de chaque salarié, que ''la nature des documents accessibles à l'expert n'est pas limitée aux informations devant être transmises au comité économique et social et contenues dans la base de données économiques et sociales'', cependant que l'information servant de support à la consultation du comité social et économique porte sur la rémunération de groupes de salariés, et non sur la rémunération individuelle de chaque salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 2312-18 et R. 2312-9 du code du travail ;

2°/ que si l'expert-comptable désigné par le comité social et économique dans le cadre de la consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi peut se faire communiquer toute pièce qu'il estime utile à l'exercice de sa mission, il ne peut exiger la production de documents qui n'existent pas et dont l'établissement n'est pas obligatoire ; que l'employeur ne saurait en conséquence être tenu de constituer pour les seuls besoins de l'expertise les fichiers électroniques réclamés par l'expert-comptable, en procédant à la place de l'expert à un retraitement de données issues de différents documents légaux, tels que bulletins de paie, registres du personnel et livres de paie ; qu'en l'espèce, la société GTM Sud soutenait que les fichiers électroniques dont le cabinet Syndex réclamait la communication, comportant différentes informations sur la situation de chacun des salariés cadres et ETAM, n'existaient pas et ne correspondaient à aucun document dont la confection est légalement obligatoire pour l'employeur ; qu'elle en concluait qu'il ne pouvait lui être imposé d'établir ces fichiers pour les besoins de l'expertise, leur confection impliquant un travail d'analyse de données relevant de la mission de l'expert qu'il appartenait à ce dernier d'effectuer à partir des documents déjà fournis ; qu'en se bornant à relever, pour condamner l'exposante à transmettre au cabinet Syndex les fichiers électroniques sollicités, qu' ''il appartient au seul expert-comptable désigné par le CSE pour l'assister d'apprécier la nature des documents qu'il estime utiles à l'exercice de sa mission'' et que ''la taille et la structure de la SASU GTM Sud ne lui permet pas de prétendre qu'elle ne dispose pas des éléments réclamés sur ses effectifs et les salaires de son personnel'', sans rechercher si les fichiers électroniques dont la communication était exigée correspondaient à des documents existants ou dont l'établissement est obligatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2315-83, L. 2315-90 et L. 2315-91 du code du travail dans leur version issue de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017. »

Réponse de la Cour

8. Selon l'article L. 2315-91 du code du travail, le comité social et économique peut décider de recourir à un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi mentionnée au 3° de l'article L. 2312-17.

9. Aux termes de l'article L. 2312-26, I, de ce code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021, la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi porte sur l'évolution de l'emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l'employeur, l'apprentissage, les conditions d'accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail, les congés et l'aménagement du temps de travail, la durée du travail, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés dans les entreprises non couvertes par un accord sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail contenant des dispositions sur ce droit.

10. En application de l'article L. 2315-83 du même code, l'employeur fournit à l'expert les informations nécessaires à l'exercice de sa mission.

11. Il résulte des textes susvisés que l'expert-comptable ne peut pas exiger la production de documents n'existant pas et dont l'établissement n'est pas obligatoire pour l'entreprise.

12. D'une part, l'arrêt constate que, par courrier électronique du 28 janvier 2020, la société a indiqué transmettre les éléments sollicités pour les compagnons et précisé qu'elle transmettrait, dans un deuxième temps, les documents concernant les ETAM et cadres, et relève que la société ne développe aucun motif valable pouvant justifier la transmission des fichiers électroniques de rémunérations pour les ouvriers, et non pour les ETAM et les cadres, et que la taille et la structure de la société ne lui permettent pas de prétendre qu'elle ne dispose pas des documents réclamés sur les effectifs et les salaires de son personnel, faisant ainsi ressortir l'existence des fichiers électroniques de rémunérations des ETAM et des cadres sollicités par l'expert.

13. D'autre part, l'arrêt relève que la communication, pour l'ensemble des salariés, du suivi mensuel des effectifs 2019, du livre de paie détaillant globalement toutes les rubriques des rémunérations versées au personnel durant les années 2018 et 2019, par catégorie de personnel, ainsi que, pour les salariés cadres et ETAM, des fichiers électroniques de rémunérations n'excède pas la mission légale de l'expert désigné, faisant ainsi ressortir que cette communication est nécessaire à l'exercice de la mission d'expertise dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi.

14. Dès lors, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendûment omise, a légalement justifié sa décision, peu important que les informations demandées ne soient pas au nombre de celles devant figurer dans la base de données économiques et sociales en application des articles L. 2312-36, R. 2312-9 et R. 2312-20 du code du travail.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société GTM Sud aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société GTM Sud et la condamne à payer au comité social et économique GTM Sud et à la société Syndex la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt-trois.

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