18 avril 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-83.515

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00497

Titres et sommaires

USURPATION DE TITRE OU FONCTION - Professions légalement réglementées - Avocat - Eléments constitutifs - Elément matériel - Cas - Omission au tableau - Conditions - Caractère exécutoire - Détermination

Il résulte des articles 433-17 du code pénal, 503 du code de procédure civile, 16, 102 et 108 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat que le délit d'usurpation du titre d'avocat par un avocat dont le conseil de l'ordre a ordonné l'omission du tableau est subordonné au constat préalable du caractère exécutoire de cette décision. Ce caractère exécutoire suppose que cette décision et, en cas de recours, l'arrêt l'ayant confirmée, aient été notifiés à l'intéressé. Encourt la censure l'arrêt qui confirme le jugement ayant déclaré le prévenu coupable de ce délit sans constater la notification, à l'intéressé, tant de la décision d'omission que de l'arrêt qui l'a confirmée

Texte de la décision

N° H 22-83.515 F-B

N° 00497


MAS2
18 AVRIL 2023


CASSATION


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 AVRIL 2023




M. [Y] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-13, en date du 18 mai 2022, qui, pour usurpation du titre d'avocat, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis, cinq ans d'interdiction professionnelle et a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de Me Bardoul, avocat de M. [Y] [D], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [Y] [D], admis le 20 décembre 1994 au tableau de l'ordre des avocats du barreau de Paris, a fait l'objet, le 29 juin 2015, d'une décision d'omission financière prononcée par le conseil de l'ordre, confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 mars 2016.

3. Deux de ses clientes ont déposé plainte contre lui pour avoir continué à se prévaloir à leur égard de sa qualité d'avocat postérieurement à cette omission.

4. A l'issue de l'enquête préliminaire ordonnée sur ces faits, M. [D] a été convoqué devant le tribunal correctionnel notamment pour usurpation du titre d'avocat commis entre le 29 avril 2016 et le 2 juillet 2017, dans une facture du 23 mai 2016 où son titre d'avocat est mentionné.

5. Les juges du premier degré l'ont déclaré coupable de ces faits et ont prononcé sur les intérêts civils.

6. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [D] coupable des faits qualifiés d'usurpation de titre, diplôme ou qualité commis du 29 avril 2016 au 2 juillet 2017 à [Localité 1] en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, l'a condamné à la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis et à l'interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant une durée de cinq ans et l'a condamné à indemniser les parties civiles, alors :

« 1°/ que le caractère exécutoire d'une décision confirmée en appel est subordonnée à la double notification de l'arrêt et de la décision confirmée ; qu'en retenant pour le déclarer coupable d'usurpation de titre, diplôme ou qualité en raison de l'usage de la qualité d'avocat que l'absence de notification de la décision du conseil de l'ordre du 29 juin 2015 omettant du tableau M. [D] était sans effet dès lors que ce dernier avait pu exercer
un recours à son encontre dès le 17 juillet 2015, la cour d'appel a violé les articles 591 et 593 du code de procédure pénale, l'article 433-17 du code pénal, l'article 503 du code de procédure civile et les articles 13, 102 et 108 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;

2°/ que la décision de la cour d'appel statuant en matière d'omission d'avocat doit être notifiée par le secrétariat-greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au procureur général, au bâtonnier et à l'intéressé ; qu'en retenant pour déclarer M. [D] coupable d'usurpation de titre, diplôme ou qualité en raison de l'usage de la qualité d'avocat que les textes réglementaires et en particulier les articles 102 et 108 du décret du 27 novembre 1991 n'imposaient pas une notification des décisions d'appel statuant en matière d'omission quand l'article 102, auquel renvoie l'article 108, du décret du 27 novembre 1991 renvoie à l'article 16 du décret qui prévoit une notification des décisions de la cour d'appel, la cour d'appel a violé les articles 591 et 593 du code de procédure pénale, l'article 433-17 du code pénal, l'article 503 du code de procédure civile et les articles 16, 102 et 108 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 433-17 du code pénal, 503 du code de procédure civile, 16, 102 et 108 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat :

8. Il résulte de ces textes que le délit d'usurpation du titre d'avocat par un avocat dont le conseil de l'ordre a ordonné l'omission du tableau est subordonné au constat préalable du caractère exécutoire de cette décision. Ce caractère exécutoire suppose que cette décision et, en cas de recours, l'arrêt l'ayant confirmée, aient été notifiés à l'intéressé.

9. Pour confirmer le jugement ayant déclaré le prévenu coupable de ce délit, l'arrêt attaqué énonce qu'il a fait l'objet d'une décision d'omission financière prononcée par le conseil de l'ordre le 29 juin 2015, confirmée, sur recours du 17 juillet 2015, par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 mars 2016.

10. Les juges ajoutent que, si les articles 102 et 108 du décret du 27 novembre 1991 prévoient que la décision d'omission doit être notifiée et si la décision concernant M. [D] précise qu'elle doit faire l'objet d'une telle notification, la circonstance qu'il n'en soit pas justifié au dossier est sans effet, dès lors que l'intéressé a pu exercer un recours contre cette décision.

11. Ils précisent que, s'il n'existe pas davantage de trace, au dossier, de la notification de l'arrêt du 10 mars 2016, les articles précités ne prévoient pas la notification d'un telle décision, qui ne mentionne d'ailleurs pas elle-même qu'elle doive être notifiée.

12. Ils retiennent que la fiche d'avocat de M. [D] comporte un tableau mentionnant que la décision d'omission financière du 29 juin 2015 a pris effet le 10 mars 2016.


13. La cour d'appel en conclut qu'à cette date, l'intéressé n'avait plus le droit ni d'exercer la profession d'avocat, ni d'en revendiquer le titre.

14. En statuant ainsi, sans constater la notification, à l'intéressé, tant de la décision d'omission que de l'arrêt qui l'a confirmée, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé.

15. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 18 mai 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit avril deux mille vingt-trois.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.