13 avril 2023
Cour d'appel de Rouen
RG n° 22/01492

Chambre de la Proximité

Texte de la décision

N° RG 22/01492 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JCHZ





COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITE



ARRET DU 13 AVRIL 2023







DÉCISION DÉFÉRÉE :



21/03433

Jugement du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE ROUEN du 20 Janvier 2022





APPELANT :



Monsieur [K] [L]

né le 19 Septembre 1988 à [Localité 5] (97)

[Adresse 1]

[Localité 4]



Ayant pour avocat constitué Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN, postulante de Me Eric de CAUMONT, avocat au barreau de PARIS

n'intervenant plus lors des plaidoiries





INTIMEE et APPELANT INCIDENT :



Madame [F] [T]

née le 17 Octobre 1994 à [Localité 6] (76)

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Renaud DE BEZENAC de la SELARL DE BEZENAC ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Yves MAHIU, avocat au barreau de ROUEN





COMPOSITION DE LA COUR  :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 16 Mars 2023 sans opposition des avocats devant Madame GOUARIN, rapporteur.



Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :



Madame GOUARIN, Présidente

Madame TILLIEZ, Conseillère

Madame GERMAIN, Conseillère





DEBATS :



Madame DUPONT greffière





A l'audience publique du 16 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Avril 2023



ARRET :



Contradictoire



Prononcé publiquement le 13 Avril 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,



signé par Madame GOUARIN, Présidente et par Madame DUPONT, Greffière lors de la mise à disposition.






Exposé des faits et de la procédure



Suivant certificat de cession établi le 24 juin 2018, Mme [F] [T] a acquis un véhicule de marque Seat Leon Cupra pour le prix de 10 000 euros.



A la suite d'une avarie moteur, une expertise amiable a été diligentée par l'assureur de Mme [T] et réalisée le 22 mars 2019 par la société Creativ' qui a conclu à l'impropriété du véhicule à son usage en raison de la reprogrammation du moteur.



Par ordonnance de référé du 8 septembre 2020, une mesure d'expertise a été ordonnée, qui a été confiée à M. [E], lequel a déposé son rapport le 8 février 2021, confirmant les conclusions de l'expert amiable.



Par acte d'huissier du 22 septembre 2021, Mme [T] a fait assigner

M. [L] aux fins de résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés.



Par jugement réputé contradictoire du 20 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Rouen a :



- prononcé la résolution de la vente du véhicule ;



- condamné M. [L] à restituer à Mme [T] le prix de vente du véhicule, soit 10 000 euros ;



- ordonné la restitution, à ses frais, du véhicule à M. [L] dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision ;



- dit qu'à défaut, le véhicule sera réputé appartenir à Mme [T] ;



- condamné M. [L] à verser à Mme [T] les sommes suivantes :



- 990 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

- 2 595,97 euros au titre des 'frais d'expertise',

- 70 euros au titre des frais de contrôle technique volontaire,

- 440 euros au titre des frais d'entretien du véhicule,



- condamné M. [L] à verser à Mme [T] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



- rejeté le surplus des demandes ;



- condamné M. [L] aux dépens, en ce compris les dépens de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire.



Par déclaration du 4 mai 2022, M. [L] a relevé appel de cette décision.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 mars 2023.



Exposé des prétentions des parties



Par dernières conclusions reçues le 28 juillet 2022, M. [L] demande à la cour de :



- infirmer le jugement dans toutes ses dispositions ;



Statuant à nouveau,



- débouter Mme [T] de ses demandes ;



- condamner Mme [T] à lui verser la somme de 2 292 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, somme à parfaire ;



- condamner Mme [T] aux dépens de référé, de première instance et d'appel.



Par dernières conclusions reçues le 28 octobre 2022, Mme [T] demande à la cour de :



- infirmer le jugement dans toutes ses dispositions ;



Statuant à nouveau,



- prononcer la résolution de la vente du véhicule ;



- condamner M. [L] à lui restituer la somme de 10 000 euros ;



- ordonner la restitution du véhicule aux frais de l'appelant dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision et juger qu'à défaut, le véhicule sera réputé appartenir à Mme [T] ;



- condamner M. [L] au paiement des sommes suivantes :



- 1 440 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

- 3 055,07 euros au titre des frais d'assurance,

- 70 euros au titre des frais de contrôle technique volontaire,

- 440 euros au titre des frais d'entretien du véhicule,

- 269,76 euros au titre des frais de carte grise,



- condamner M. [L] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et les dépens de référé et de première instance ainsi que les frais d'expertise judiciaire ;



- condamner M. [L] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi que les dépens d'appel.



En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour l'exposé des moyens développés par celles-ci.






MOTIFS DE LA DECISION



Sur la contestation élevée relative à la qualité de vendeur du véhicule



L'appelant soutient que seul M. [B], titulaire du certificat d'immatriculation et signataire du certificat de cession, a la qualité de propriétaire du véhicule de sorte que l'action ne peut être exercée à son encontre alors qu'il s'est borné à aider le vendeur et que, n'étant pas un intermédiaire professionnel en matière de vente de véhicules, il ne peut être considéré comme le vendeur au sens de la garantie légale des vices cachés.



Mme [T] réplique qu'elle a acquis le véhicule auprès de M. [L], qui exerce une activité d'entretien et de réparation de véhicules, que ce dernier était présent à l'expertise amiable contradictoire et qu'en application de la théorie de l'apparence, elle est fondée à agir contre celui qui lui est apparu comme le propriétaire du véhicule.



Lorsqu'un professionnel du marché de l'occasion apparaît à l'acquéreur comme le propriétaire du véhicule, il perd sa qualité d'intermédiaire et doit être considéré comme le vendeur et garantir l'acheteur contre les vices cachés.



En l'espèce, le certificat d'immatriculation remis à l'acquéreur lors de la vente est au nom de M. [B], lequel est le signataire de l'acte de cession établi le 24 juin 2018.



Il résulte cependant de l'extrait du site www.sociétés.com versé aux débats que M. [L] exerce, en qualité d'entrepreneur individuel depuis le 1er janvier 2016, une activité d'entretien et de réparation de véhicules automobiles légers de sorte que, contrairement à ce qu'il soutient sur ce point, il doit être qualifié de professionnel du marché de l'occasion.



En outre, M. [L] reconnaît être l'auteur de l'annonce de mise en vente diffusée le 11 janvier 2018 sous le pseudonyme de 'Mc Samcro' et il ne conteste pas avoir remis le véhicule à Mme [T] puis avoir assisté aux opérations d'expertise amiable, au cours desquelles il s'est présenté en qualité de vendeur du véhicule.



Il est également établi par le justificatif du virement versé aux débats que le prix du véhicule, soit la somme de 10 000 euros, a été versé sur le compte de M. [L] le 9 mai 2018 à la suite d'échanges de messages aux termes desquels ce dernier se présente sans ambiguïté comme le vendeur du véhicule.



Il sera relevé enfin qu'il résulte des propos de l'appelant tels qu'ils sont retranscrits par l'expert amiable, que M. [L] a indiqué à ce dernier avoir acquis le véhicule en panne auprès de M. [B], avoir effectué la remise en état et l'avoir revendu sans réaliser le changement de carte grise à son nom.



Dès lors que M. [L] s'est toujours comporté comme le propriétaire du véhicule et qu'il ne l'a informée à aucun moment qu'il agissait en qualité de mandataire de M. [B] comme il le prétend désormais, Mme [T] a pu légitimement croire qu'elle traitait avec le véritable vendeur du véhicule sans être tenue d'effectuer de plus amples investigations.



Il en résulte que Mme [T] est fondée à se prévaloir de la théorie de l'apparence pour engager la responsabilité de M. [L] sur le fondement de la garantie des vices cachés.



Sur la demande de résolution de la vente



M. [L] fait grief au premier juge d'avoir prononcé la résolution de la vente du véhicule sur le fondement de la garantie des vices cachés alors Mme [T] a acquis ledit véhicule en pleine connaissance des modifications effectuées, lesquelles sont mentionnées dans l'annonce diffusée le 11 janvier 2018.



Mme [T] réplique qu'elle n'a pas eu connaissance de la vente par le biais d'une annonce mais en rencontrant M. [L] à l'occasion d'une exposition de véhicules et qu'en tout état de cause la mention 'stage 2 +' ne lui permettait pas de savoir que le véhicule était impropre à un usage sur route.



Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.



En l'espèce, le rapport d'expertise judiciaire comme le rapport d'expertise amiable, mettent en évidence l'impropriété du véhicule à sa destination normale.



Ainsi le rapport d'expertise amiable réalisé au contradictoire de M. [L] indique-t-il que le véhicule a subi une reprogrammation du calculateur en vue d'augmenter la puissance du moteur, qu'il n'est pas conforme aux normes en vigueur, que le système de freinage, les suspensions et les éléments des trains roulants n'ont pas été conçus en vue d'une augmentation de puissance et que par conséquent le véhicule est dangereux.



L'expert judiciaire confirme que le désordre majeur affectant le véhicule est la préparation moteur effectuée avant la vente, qui a modifié la puissance du véhicule de 240 à 335 chevaux, que ces transformations modifient les caractéristiques du moteur rendant le véhicule non utilisable sur route, que le véhicule n'est plus conforme aux caractéristiques qui étaient les siennes lors de sa construction et qu'il n'est pas conforme à un usage routier normal sur route ouverte.



Il en résulte que tant l'impropriété du véhicule à un usage routier normal que l'antériorité du vice à la vente sont établies, peu important à cet égard que la panne soit survenue plusieurs mois après la vente.



Si M. [L] conteste le caractère caché du vice, il ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, d'avoir informé Mme [T] des transformations effectuées sur la puissance du véhicule avant la vente.



L'annonce diffusée le 11 janvier 2018 est ainsi rédigée : 'Vends Léon 2 Cupra de 2008 toute option avec 120 000 km en stage 2 + pour plus d'information venez en privé'.



A supposer que l'acquéreur ait eu connaissance de cette annonce, ce qui n'est au demeurant nullement démontré puisque Mme [T] indique, sans être contredite sur ce point, avoir rencontré le vendeur lors d'une manifestation automobile, la seule mention 'stage 2 +', incompréhensible pour un acheteur normalement vigilant ne disposant d'aucune compétence particulière en matière de sport automobile, est insuffisante à établir la connaissance par Mme [T] de la reprogrammation du moteur du véhicule de nature à le rendre impropre à une circulation sur route.



N'est pas davantage de nature à caractériser la connaissance du vice par l'acquéreur la mention portée sur le certificat de cession aux termes de laquelle le véhicule est vendu 'en l'état' dès lors que cette mention ne saurait exonérer le vendeur de la garantie des vices cachés à laquelle il est légalement tenu.



La circonstance que Mme [T] a pu tester le véhicule avant la vente, au demeurant contestée par l'acquéreur, n'est en tout état de cause pas de nature à caractériser sa connaissance du vice dès lors que la reprogrammation du moteur n'était pas perceptible lors d'un seul essai par un acquéreur profane.



Il s'en déduit que le véhicule était affecté lors de la vente d'un vice caché de nature à le rendre impropre à sa destination normale, laquelle s'entend d'un usage normal sur route et non d'un usage sportif sur circuit fermé en l'absence de preuve rapportée par l'appelant d'une destination contractuellement convenue différente de celle habituellement attendue d'un véhicule.



Le jugement doit en conséquence être confirmé dans ses dispositions ayant prononcé la résolution de la vente du véhicule sur le fondement de la garantie des vices cachés et condamné M. [L] à en restituer le prix de vente à Mme [T], à charge pour cette dernière de restituer le véhicule objet du litige.



Sur la réparation du préjudice subi par Mme [T]



Aux termes de l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.



En l'espèce, la connaissance par M. [L] des vices affectant le véhicule n'est pas sérieusement contestée, ce dernier ayant lui-même informé l'expert amiable que le véhicule avait subi une reprogrammation du calculateur en vue d'augmenter la puissance du moteur.



Le premier juge a évalué le préjudice de jouissance subi par Mme [T] entre le 15 mars 2021 et le 15 décembre 2021 à la somme de 30 euros par mois, soit la somme de 990 euros. Ces dispositions, qui ne sont pas utilement critiquées, seront confirmées.



En cause d'appel, Mme [T] actualise le montant réclamé au titre du préjudice de jouissance à la somme de 1 440 euros au 15 mars 2023.



Dès lors que le véhicule est toujours immobilisé et que le prix de vente n'a pas été restitué, Mme [T] est fondée à solliciter la somme complémentaire de 450 euros (30 euros x 15 mois), au titre du préjudice de jouissance subi entre le 15 décembre 2021 et le 15 mars 2023.



Le premier juge a également condamné M. [L] au paiement du coût du contrôle technique volontaire pour un montant de 70 euros, des frais d'assurance à hauteur de la somme de 2 595,97 euros et des frais d'entretien du véhicule pour la somme de 440 euros.



L'appelant ne développant aucune critique du jugement déféré sur ce point, ces dispositions seront confirmées, sauf à rectifier l'erreur affectant le dispositif du jugement qui condamné M. [L] à verser à Mme [T] la somme de 2 595,97 euros au titre des frais d'expertise alors qu'il résulte des

motifs de la décision que ce chef de condamnation concerne les frais d'assurance et que M. [L] a été condamné aux dépens, lesquels incluent notamment le coût de l'expertise judiciaire.



Mme [T] sollicite en outre le règlement de la somme de 269,76 euros au titre des frais de carte grise et elle actualise le montant réclamé au titre des frais d'assurance du véhicule.



En cause d'appel, Mme [T] justifie du montant acquitté au titre des frais de mutation de carte grise. Les dispositions du jugement l'ayant déboutée de sa demande formée à ce titre seront donc infirmées et M. [L] condamné à lui verser la somme de 269,76 euros en remboursement des frais de carte grise.



S'agissant des frais d'assurance, au vu de l'attestation de la Matmut versée aux débats, Mme [T] est fondée à solliciter le remboursement de la somme versée à ce titre depuis la demande formée devant le premier juge à hauteur de la somme complémentaire de 459,10 euros.



Sur les frais et dépens



Les dispositions du jugement déféré à ce titre seront confirmées.



M. [L] devra supporter la charge des dépens d'appel et sera condamné à verser à Mme [T] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et débouté de sa demande formée à ce titre.



PAR CES MOTIFS



La cour,



Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour à l'exception de celles ayant débouté Mme [T] de sa demande de remboursement des frais de mutation de carte grise et sauf à préciser que la condamnation prononcée à hauteur de la somme de 2 595,97 euros concerne les frais d'assurance et non les frais d'expertise ;



Statuant à nouveau du chef infirmé,



Condamne M. [K] [L] à verser à Mme [F] [T] la somme de 269,76 euros au titre des frais de mutation de carte grise ;



Y ajoutant,



Condamne M. [K] [L] à verser à Mme [F] [T] la somme complémentaire de 450 euros au titre du préjudice de jouissance subi entre le 15 décembre 2021 et le 15 mars 2023 ;



Condamne M. [K] [L] à verser à Mme [F] [T] la somme complémentaire de 459,10 euros au titre des frais d'assurance ;



Condamne M. [K] [L] aux dépens d'appel ;



Condamne M. [K] [L] à verser à Mme [F] [T] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;









Déboute M. [K] [L] de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.





La greffière La présidente

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