12 avril 2023
Cour d'appel de Colmar
RG n° 21/02693

Chambre 2 A

Texte de la décision

MINUTE N° 191/2023

























Copie exécutoire à



- SELARL ARTHUS



- Me Joëlle LITOU-WOLFF





Le 12 avril 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 12 AVRIL 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02693 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HTFN



Décision déférée à la cour : 07 Avril 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTE :



La S.C.I. 4XC, représentée par son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 2] à [Localité 4]



représentée par la SELARL ARTHUS, société d'avocats à la cour.





INTIMÉE :



La S.A. GOLD, représentée par son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1] à [Localité 4]



représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la cour.





COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre, chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, président de chambre

Madame Myriam DENORT, conseiller

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.



Greffier, lors des débats : Mme Dominique DONATH, faisant fonction



ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.










EXPOSE DU LITIGE





Selon acte authentique du 27 février 2016, la société Gold a vendu à la société 4XC un terrain de construction de 2,46 ares au prix de 450.000 euros HT, situé [Adresse 3] à [Localité 4], avec le bénéfice d'un permis de construire et d'une convention régularisée entre la CUS et le vendeur en date du 11 septembre 2012.





La SCI 4XC affirme que lors des travaux entrepris en vue de faire édifier un immeuble, elle a découvert la présence de blocs de béton dans le sol et d'une pollution aux hydrocarbures, ce qui constituerait des vices importants. Elle précise qu'afin de ne pas retarder l'avancement du chantier et dans un souci de diminuer son préjudice, elle a fait évacuer les blocs de béton et les terres polluées (5 camions) par la Société KS construction qui les a remis à la Société Lingenheld environnement au centre de valorisation de [Localité 4].



La société 4XC informait le vendeur de la situation en lui demandant de prendre en charge les frais afférents à ces interventions.





Sans réponse de la part de la société Gold, la société 4XC a saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg le 25 juin 2018 d'une demande d'indemnisation de son préjudice selon assignation délivrée à la société Gold.



Selon jugement du 07 avril 2021 le tribunal judiciaire de Strasbourg a jugé les demandes recevables, débouté la société 4XC de ses prétentions, l'a condamnée aux dépens et décidé de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Le tribunal, après avoir considéré que la demande n'était pas prescrite au sens de l'article 1648 du code civil dès lors que la découverte du vice allégué avait été faite moins de deux ans avant l'assignation, a considéré que la SCI 4XC ne peut légitimer son action car aucune opération ou analyse des terres polluées n'a été réalisée de manière contradictoire. D'autre part elle n'a pas démontré qu'elle avait informé le vendeur du terrain de la difficulté constatée pour assurer soit « une objectivisation des constats et analyses, et au besoin de solliciter le recours à une expertise judiciaire ».





La SCI 4XC a interjeté appel de ce jugement le 17 mai 2021.







PRÉTENTIONS DES PARTIES





Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 janvier 2022, la SCI 4XC demande à la cour de :







Avant dire droit

Si la cour l'estime nécessaire, ordonner une expertise judiciaire sur pièces et interrogatoires des Sociétés KS construction, Lingenheld environnement et Eurofins, et ce aux frais avancés de la Société 4XC.



A titre principal

- condamner la société Gold, à titre principal sur le fondement du vice caché, à titre subsidiaire sur le fondement de la délivrance conforme et à titre infiniment subsidiaire sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à payer à la société 4XC la somme de 24 642,18 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, en réparation du préjudice subi du fait des vices affectant le terrain objet de l'acte authentique de vente du 27 février 2016,

- condamner la société Gold à payer à la société 4XC la somme de 10 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation à titre de dommages et intérêts,



A titre subsidiaire

- condamner la société Gold à payer à la société 4XC la somme de 14 642,18 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation au titre du coût de l'élimination des déchets,



Sur appel incident

- déclarer la société Gold mal fondée en son appel incident,

- L'en débouter ainsi que de l'intégralité de ses fins, prétentions et moyens,

En tout état de cause,

- condamner la société Gold aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel principal et incident,

- condamner la société Gold à payer à la société 4XC la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.





Au soutien de son appel, la partie appelante fait valoir la garantie des vices cachés de l'article 1641 du code civil, qui peut porter sur un défaut rédhibitoire affectant le sol découlant de l'existence d'une pollution, ignorée par l'acquéreur, qui rend l'immeuble impropre à sa destination.



La SCI 4XC affirme que le vendeur lui aurait dissimulé le fait que le terrain était pollué par des hydrocarbures, provenant vraisemblablement d'un ancien garage et station-service bâtie sur le fond voisin, et que son sous-sol était affecté par des blocs de béton provenant de fondations d'une ancienne maison de jardin.



L'existence de ces vices serait confirmée par les analyses réalisées par le laboratoire Eurofins qui a détecté dans les 56,72 t de terre retirée du site d'une part un taux de 756 mg par kilo d'hydrocarbures, dépassant la limite inerte fixée selon arrêté ministériel du 12 décembre 2014 à 500 mg par kilo, et d'autre part un taux de HAP supérieur à la norme, atteignant 110 mg par kilo alors que la limite inerte est fixée à 50 mg par kilo.



La société appelante estime que l'existence du vice est démontrée, qu'il aurait été antérieur à la vente, dissimulé et suffisamment grave pour affecter le





caractère habitable du terrain de sorte que l'acheteur aurait été obligé d'engager rapidement des frais de dépollution ' en retirant les terres polluées et les blocs de béton ' pour un montant de 14 642,18 euros.



On ne saurait reprocher à l'appelante de ne pas avoir sollicité une expertise judiciaire ce qui aurait retardé le chantier pendant au minimum une période allant de 6 à 12 mois et aurait généré une perte économique importante puisque la mensualité de remboursement du crédit contracté par la SCI 4XC était de 9 000 euros par mois.



En outre les résultats des analyses réalisées ne sauraient être contestés au regard du sérieux du laboratoire intervenant, et ce d'autant plus que la société Gold n'aurait jamais nié l'existence de cette pollution.



Contrairement à ce qu'a dit le premier juge, l'appelante estime avoir informé régulièrement la société Gold de la survenue de cette situation et des démarches entreprises par elle.



De toute manière, en sa qualité de vendeur professionnel, la société Gold - qui avait envisagé de mener une opération de promotion immobilière - devrait être considérée comme étant réputée ne pas pouvoir ignorer le défaut affectant son terrain, et ce d'autant plus que l'acte de vente rappelait expressément en page 8 l'impossibilité pour le vendeur de pouvoir s'exonérer de la garantie des vices cachés.



Si la cour estime ne pas disposer de suffisamment d'éléments de nature à démontrer l'existence de cette pollution, elle pourrait avant dire droit ordonner une expertise à cette fin, mais à la charge de la société Gold.



Quant au quantum des dommages réclamés, la SCI 4XC affirme que les libellés des factures produites sont suffisamment précis pour démontrer que les prestations et travaux engagés et payés sont directement en lien avec les vices cachés. Les sommes de 24 642,18 euros au titre du préjudice matériel subi, et de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, seraient parfaitement justifiées.





À titre subsidiaire, la partie appelante fonde ses réclamations sur l'obligation de délivrance conforme de l'article 1604 et suivants du code civil, en ce sens que le terrain qu'elle a acquis aurait présenté des caractéristiques non conformes aux spécifications contractuelles prévues.



Elle fait à nouveau référence aux stipulations de l'acte de vente qui précisait en page huit que le vendeur s'engageait à supporter le coût de réhabilitation du terrain « en cas de présence de déchets ».



À titre plus subsidiaire encore, la société appelante estime que son action pourrait également prospérer sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en application des dispositions des articles 1134 et 1184 du code civil applicable au moment des faits.



* * *



Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 octobre 2021 la société anonyme Gold demande à la cour de :



- dire mal fondée la SCI 4XC en sa demande d'expertise judiciaire avant dire droit et l'en débouter,

- confirmer le jugement entrepris sous réserve de l'appel incident,

- condamner la SCI 4XC à payer à la société Gold la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel,

sur l'appel incident

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Gold de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamner la partie appelante à lui verser une somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.





La société Gold précise être une société spécialisée dans le commerce de gros, et plus spécifiquement dans l'achat et la vente de bijoux. Elle dénonce le fait de ne pas avoir été conviée aux opérations de dégagement de terres présentées comme étant polluées et de leur analyse. Concernant les blocs de béton dont fait état la partie appelante, leur présence dans le sol ne saurait être considérée comme un vice, ces blocs n'étant pas de nature à polluer les sols. En outre au regard de l'environnement urbain, leur présence ne peut être considérée comme anormale.



S'agissant de la pollution aux hydrocarbures évoquée par l'appelante, l'intimée rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation du 14 mai 2020 selon laquelle le juge ne saurait se fonder sur une expertise non judiciaire, réalisée à la demande de l'une des parties, pour allouer une indemnisation.



En tout état de cause, les critères du vice caché ne seraient pas remplis car il n'est pas démontré :

- que la pollution rendrait la chose vendue impropre à sa destination,

- l'importance même de celle-ci, car le montant des factures produites rattachables aux vices ne représenterait que 9 516,86 euros, soit à peine 1,76 % du prix d'acquisition du terrain,

- l'existence d'une antériorité du vice allégué à la vente, alors même que les études géotechniques antérieures à celle-ci réalisées en vue de l'obtention du permis n'auraient jamais révélé une telle situation,

- le caractère caché du vice ; la SCI estime que le gérant de la SCI 4XC, Monsieur [R], géomètre expert, aurait eu une « parfaite connaissance des caractéristiques du terrain, et toute qualité pour se convaincre de la consistance du sol en question » (page 8 des conclusions).





Les réclamations de la société appelante ne sauraient davantage prospérer sur le fondement, d'une part de la délivrance conforme, en ce sens que la société Gold n'aurait jamais personnellement exploité une installation soumise à autorisation sur les lieux objet du litige et n'aurait jamais eu connaissance d'aucun des points dont il devait être question, ni d'autre part sur le fondement de la responsabilité contractuelle car la page 8 de l'acte de vente n'aurait eu vocation qu'à informer l'acquéreur et ne constituerait que la reprise des dispositions légales applicables.





Enfin, à titre infiniment subsidiaire, la société Gold conteste le quantum des dommages et intérêts mis en compte.



La facture de la société Lingenheld du 12 novembre 2017 d'un montant de 6 023,66 euros n'aurait été produite que 16 mois après le début de la procédure de sorte qu'il serait légitime de s'interroger sur son bien-fondé.



Concernant la facture de la société KS construction, de 5 125,32 euros, elle porterait sur des travaux de terrassement complémentaire « y compris évacuation du limon argileux » qui n'aurait rien à voir avec les prétendues allégations de sols pollués ou de dégagement de blocs de béton.



S'agissant de la facture de 2 911 euros établie par KS construction au titre de « l'évacuation des terres polluées et blocs de béton », seul un montant de 691 euros concernerait l'évacuation des terres.



Quant à la somme de 10 000 euros mise en compte par la SCI, elle serait dépourvue de toute justification. Les 8 jours d'arrêt de chantier allégués par la société appelante ne pourraient justifier l'allocation d'une telle somme. En tout état de cause, l'intimé dénonce le fait que l'appelante ne livrerait aucune indication quant au mode de calcul de ce montant et s'abstiendrait de produire les comptes de l'opération concernée comme les actes de vente finaux.





* * *



Par ordonnance du 4 octobre 2022, la présidente de chambre, chargée de la mise en état, a ordonné la clôture de la procédure et renvoyé l'affaire à l'audience du 22 février 2023.



En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.






MOTIVATION



1) Sur le vice caché



L'article 1641 du code civil dispose que « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. »



La jurisprudence précise qu'un défaut rédhibitoire peut affecter le sol. Ainsi, la pollution du sol, ignorée par l'acquéreur, constitue un vice caché, s'il rend l'immeuble impropre à sa destination.





La société 4XC a acquis, le 27 février 2016, un terrain de construction de 2,46 a, situé [Adresse 3] à [Localité 4], avec le bénéfice d'un permis de construire en vue de la construction de logements collectifs et d'une convention régularisée entre la communauté urbaine de [Localité 4] et le vendeur le 11 septembre 2012.



Dans l'acte notarié de vente, sous le titre « protection de l'environnement », après que le notaire ait informé les parties des dispositions des articles L514'20 et L 125'7 du code de l'environnement, en page 17 de l'acte de vente, le vendeur déclarait et garantissait :



« Ne pas avoir personnellement exploité une installation soumise à autorisation sur les lieux objet des présentes,



ne pas connaître l'existence de déchets considérés comme abandonnés,



qu'à sa connaissance :



' le bien n'était frappé d'aucune pollution susceptible de résulter notamment de l'exploitation actuelle ou passée, ou de la proximité d'une installation soumise à autorisation,



' il n'a jamais été déposé, ni utilisé sur le terrain ou enfoui dans celui-ci de déchets ou substances quelconques telles que par exemple, amiante, polychlorobiphényles, polychloroterphényles directement ou dans des appareils ou installations pouvant entraîner des dangers ou inconvénients pour la santé ou l'environnement,



' il n'a jamais été exercé sur les lieux dont il s'agit ou les lieux voisins d'activités entraînant des dangers ou inconvénients pour la santé ou l'environnement (air, eaux superficielles ou souterraines, sols ou sous-sols par exemple),



' il ne s'est pas produit d'incident ou accident présentant un danger pour la sécurité civile, la qualité, la conservation ou la circulation des eaux ».





1.1) sur le vice allégué résultant de la présence de blocs de béton



La société appelante estime que la présence de blocs de béton dans le sous-sol du terrain acquis constituerait un vice caché. Elle explique que ces blocs proviendraient d'un soubassement d'une ancienne maison de jardin.





En premier lieu, s'agissant de matière inerte, ces blocs de béton ne peuvent être considérés en soi comme un produit polluant, concerné par les dispositions présentes en page 17 de la vente ci-dessus reprises.





En deuxième lieu la SCI 4XC savait acquérir un terrain situé en milieu urbain entouré par une maison et un immeuble résidentiel (comme le montrent les photographies présentes au permis de construire annexé à l'acte de vente) qui avait pu être construit par le passé. La présence de blocs de béton enfouis ne





peut être considérée comme un vice, tout comme on n'aurait d'ailleurs pu considérer la découverte de fondations anciennes par les services de l'INRAP comme constitutives d'un vice caché.





Dans ces conditions, quel que soit le fondement avancé (vice caché, délivrance d'un bien conforme, ou encore responsabilité contractuelle), l'action diligentée par la SCI 4XC portant sur la présence de blocs de béton ne saurait aboutir.







1. 2) sur la présence d'hydrocarbures dans les terres





Il résulte des pièces transmises par la société appelante que le terrain vendu comportait des hydrocarbures provenant très probablement d'une station essence qui avait été exploitée précédemment sur une parcelle voisine.



C'est en réalisant les travaux de terrassement que la société KS construction a constaté le 4 mai 2017 la présence d'hydrocarbures sur une profondeur de près de 3 m de sorte qu'elle a arrêté immédiatement ses travaux (cf. courrier de la société KS en charge du terrassement). Le fait que le terrassier cesse d'initiative sa mission, démontre en soi l'importance de la pollution.





L'étude des factures produites démontre qu'entre le 31 mai et le 8 juin 2017, 56,72 tonnes de terres polluées ont été excavées du terrain et ont fait l'objet de cinq transports par la société Lingenheld qui procédait à leur pesée à l'arrivée.



Contrairement à ce que sous-entend le premier juge, le laboratoire Eurofins a procédé à des prélèvements sur l'ensemble des terres qui avaient été transportées dans les 5 camions.



Or toutes les mesures ont permis de déterminer que la présence d'hydrocarbure dépassait la limite inerte fixée selon arrêté ministériel du 12 décembre 2014 à 500 mg par kilo puisque les résultats trouvés oscillaient respectivement entre 756 et 775 milligrammes par kilo pour les hydrocarbures. Il en est de même pour le taux de HAP considéré comme inerte de 50 mg par kilo qui était dépassé (110 mg par kilo).



Du fait de la présence de cette pollution, les terres ont dû faire l'objet d'un traitement de dépollution par la société Lingenheld environnement ce qui a entraîné un coût, que cette dernière société évaluait à 88,50 euros hors-taxes par tonne, soit un total de 5 019,72 euros hors-taxes, comme l'atteste le mail de la société Lingenheld du 13 juin 2017 (annexe 19).









Les éléments de preuves transmis par la société requérante (document transmis par la société Lingenheld) permettent de certifier la traçabilité de ces terres évacuées du terrain acquis par la SCI 4XC et de déterminer que ce sont bien elles qui ont fait l'objet de prélèvements et d'analyses par le laboratoire Eurofins et par conséquent de démontrer que les résultats obtenus concernent bien le terrain acquis par la société appelante et que celui-ci était pollué.



La société venderesse ne saurait tenter d'échapper à sa responsabilité au motif qu'il n'y aurait pas eu d'expertise judiciaire, alors qu'elle n'a jamais contesté le sérieux des examens réalisés par la société Eurofins et la présence passée d'une activité polluante à proximité directe du terrain qui explique cette pollution.



De même, la société Gold est restée silencieuse alors qu'elle a été régulièrement informée par la société acquéreur de la survenue de cette situation et ne s'est jamais manifestée pour demander des renseignements supplémentaires sur la nature de la pollution.



La lecture des nombreux mails produits en annexes 13 à 23 démontre que les gérants de la société Gold ont toujours été mis en copie des mails que rédigeait le gérant de la SCI 4XC ; les représentants de la société Gold n'ont ainsi jamais manifesté d'opposition aux propos du gérant de la SCI 4XC qui expliquait qu'il allait remédier au problème au plus vite en faisant appel à la société Lingenheld et que si les analyses confirmaient la présence de produits pétroliers à un taux supérieur aux normes, les frais induits devraient être pris en charge par le vendeur.



La cour note avec intérêt que le 18 août 2017, alors que le gérant de la SCI 4XC relançait une nouvelle fois les gérants de la société Gold sur ce sujet en leur proposant « une rencontre de résolution amiable de cette problématique de terre polluée » ajoutant « je souhaite ne pas avoir recours au contentieux, qui, a contrario vous le comprendrez deviendra obligé » Monsieur [T], un des deux cogérants de la société Gold, se contentait de répondre « il ne lâche pas l'affaire ! », ce qui démontre clairement que la société Gold était parfaitement informée de la situation et avait fait le choix d'adopter une attitude passive.



Ce choix ne lui permet pas aujourd'hui de se plaindre de l'absence d'une procédure d'examen des échantillons contradictoire.







Au regard d'une part de ces résultats qui attestaient d'une pollution aux hydrocarbures des sols, de la nature du projet de construction envisagé dédié à l'habitation, il n'est pas contestable que les travaux ne pouvaient reprendre tant que les terres contaminées n'avaient pas été évacuées ou traitées, en ce qu'il est interdit d'édifier de telles constructions dédiées à l'habitation sur un sol pollué.



La présence de ces hydrocarbures rendait impropre le terrain acquis accompagné du permis de construire, à l'usage auquel il était destiné au sens de l'article 1641 du code civil.

Dans ces conditions, la cour d'appel constate que le terrain vendu par la société Gold à la SCI 4XC était bien affecté d'un vice caché découlant de la présence de produits pétroliers à des doses supérieures aux normes admises, et ce sans qu'il soit nécessaire de désigner un expert judiciaire ; que ce vice datait d'avant la vente, et était suffisamment grave pour remettre en cause la faisabilité du projet immobilier entrepris.



La société Gold ' qui avait envisagé de mener un projet de promotion immobilière ' doit être considérée comme un vendeur professionnel. De ce fait, elle ne saurait prétendre ne pas avoir connu ce vice et ce d'autant plus que l'acte de vente rappelait expressément en page 8 l'impossibilité pour le vendeur de pouvoir s'exonérer de la garantie des vices cachés.



Elle ne saurait davantage tenter une fois encore d'échapper à sa responsabilité au motif que le gérant de la SCI 4XC serait lui aussi un professionnel ; étant géomètre expert, le gérant de la SCI 4XC ne peut être considéré comme un spécialiste de la vente immobilière et n'avait nullement les moyens de savoir que le sous-sol était pollué.





Le jugement, en ce qu'il a rejeté la demande fondée sur l'article 1641 du code civil de la SCI 4XC, doit être infirmé.







2) sur l'indemnisation de la SCI 4XC





La société appelante a produit aux débats une facture établie par la société KS construction de 2 911 euros hors-taxes comprenant l'évacuation des terres polluées pour 691 euros hors-taxes.



Les autres prestations de cette facture portent sur l'excavation et l'évacuation des blocs de béton et les frais de dépose de ces blocs en décharge « classique », donc destinée uniquement aux déchets non polluants. Ces montants ne sauraient être pris en compte dans l'indemnisation réclamée.



Seul le montant de 691 euros hors-taxes, soit 829,20 euros TTC, peut être considéré comme un préjudice en lien avec le vice caché dont l'existence a été reconnue.





Il ressort de l'examen de la facture établie par l'entreprise Lingenheld environnement (annexe 7), en date du 11 décembre 2017, que la somme de 6 023,66 euros TTC est directement en lien avec le vice caché, en ce qu'elle correspond à la prise en compte des 56,72 t de terre polluée par un centre de valorisation de déchets. Cette facture est à rapprocher de l'annexe 19 évoquée plus haut (à savoir un mail la société Lingenheld environnement qui informait le gérant de la SCI 4XC du coût du traitement des terres).



Ces deux montants seront augmentés des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2018, date de l'assignation.





En revanche, la facture de la société KS construction du 20 février 2018 de 5 125,32 euros TTC ne saurait être mise à la charge de la société venderesse, en ce qu'elle porte sur des travaux de terrassement complémentaire ayant entraîné la nécessité d'évacuer du limon argileux pour aboutir au bon sol à -3,96 m.



Aucun élément d'information présent dans cette facture ne permet de démontrer que ces travaux ont été rendus nécessaires par la présence de la pollution, la partie demanderesse ne démontrant nullement que le « limon argileux » ait été pollué.







Enfin il ressort du courrier de la société KS construction que le chantier a été suspendu pendant huit jours du fait de la découverte de cette terre polluée. Ce retard a entraîné un coût pour la société appelante, qui a en outre subi un préjudice distinct du fait des tracas administratifs en découlant et de l'attitude adoptée par la société Gold.



Une somme de 1 200 euros lui sera accordée à titre de dommages-intérêts à ce titre.





3) sur les demandes accessoires



Le jugement de première instance statuant sur la question des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile, sera infirmé.

La société Gold, partie succombante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens de la procédure de première instance et d'appel et à verser à la SCI 4XC une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles que l'appelante a exposés dans le cadre de la première instance et en appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de la société Gold tendant à être indemnisée de ses frais irrépétibles.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant après en avoir délibéré, publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile :





INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Strasbourg,







Et statuant à nouveau et y ajoutant



DIT n'y avoir lieu à désigner un expert en pollution,



CONDAMNE la société anonyme Gold à payer à la SCI 4XC la somme de 6 852,86 euros (six mille huit cent cinquante-deux euros et quatre-vingt-six centimes) TTC augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2018 au titre de son préjudice matériel,



CONDAMNE la société anonyme Gold à payer à la SCI 4XC la somme de 1 200 euros (mille deux cents euros) augmentée des intérêts au taux légal à compter de ce jour à titre de dommages-intérêts,



CONDAMNE la société anonyme Gold aux dépens de la procédure de première instance et d'appel,



CONDAMNE la société anonyme Gold à verser à la SCI 4XC une somme de 4 000 euros (quatre mille euros) au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés en première instance et à hauteur d'appel à hauteur d'appel,



REJETTE la demande de la société anonyme Gold fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.



Le greffier, Le président,

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