6 avril 2023
Cour d'appel de Rouen
RG n° 21/00345

Chambre Sociale

Texte de la décision

N° RG 21/00345 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IVID





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 06 AVRIL 2023











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 10 Décembre 2020





APPELANTE :





S.A.S. US QUEVILLY ROUEN METROPOLE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]



représentée par Me Amélina RENAULD de la SELARL POINTEL & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN









INTIME :





Monsieur [U] [R]

Chez Me Didier LACOMBE

LEX ARENA - [Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par Me Didier LACOMBE de la SELARL LEX ARENA, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

































COMPOSITION DE LA COUR  :





En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 09 Février 2023 sans opposition des parties devant Madame POUGET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.



Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :



Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ALVARADE, Présidente

Madame POUGET, Conseillère





GREFFIER LORS DES DEBATS :





Mme WERNER, Greffière







DEBATS :





A l'audience publique du 09 Février 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Avril 2023





ARRET :





CONTRADICTOIRE



Prononcé le 06 Avril 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,



signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.










EXPOSÉ DU LITIGE 



Le 16 juillet 2018, M. [U] [R] et la société US Quevilly Rouen Métropole (la société ou USQRM) ont signé un protocole d'accord, ainsi qu'un contrat d'entraîneur professionnel à durée déterminée qui devait être soumis à l'homologation de la Ligue de football professionnel (LFP).



Par courrier daté du 24 juin 2019, la société a notifié au salarié la rupture anticipée pour faute grave de son contrat de travail.



Contestant cette décision, ce dernier a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen, lequel jugement du 10 décembre 2020, a :



- dit que l'action engagée par M. [R] était recevable,



- dit que le protocole d'accord établi entre la société et M. [R] était un contrat de travail à durée déterminée de deux saisons sportives 2018/2019 et 2019/2020,



- dit que la mise à pied conservatoire était justifiée dans le cadre de la procédure établie par la société,



- dit que la rupture anticipée notifiée le 24 juin 2019 à M. [R] était sans faute grave,



- dit que M. [R] avait été privé du statut cadre,



- condamné la société à payer à M. [R] les sommes suivantes :




30 300 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat à durée déterminée,

9 000 euros au titre du préjudice professionnel, d'image et extra-patrimonial,

1 661,54 euros au titre de la rémunération de la période de mise à pied,

166,15 euros au titre des congés payés sur mise à pied,

10 000 euros au titre de la perte de chance,

1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,




- débouté M. [R] de ses autres demandes,



- débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



- ordonné la régularisation des cotisations cadres pour la période 2018/2019,



- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire des dispositions du jugement pour celles qui n'en bénéficieraient pas de plein droit,



- laissé les dépens à la charge de la société.













Le 22 janvier 2021, la société a interjeté appel de cette décision et par conclusions remises le 14 septembre 2021, elle demande à la cour de :



- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il :




a dit que la rupture anticipée notifiée le 24 juin 2019 à M. [R] était sans faute grave,





a dit que M. [R] avait été privé du statut cadre,





l'a condamnée à payer à M. [R] les sommes suivantes :





30 300 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat à durée déterminée,

9 000 euros au titre du préjudice professionnel, d'image et extra-patrimonial,

1 661,54 euros au titre de la rémunération de la période de mise à pied,

166,15 euros au titre des congés payés sur mise à pied,

10 000 euros au titre de la perte de chance,

1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,





l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,





a ordonné la régularisation des cotisations cadres pour la période 2018/2019,




- débouter M. [R] des demandes formulées à titre incident :




dommages et intérêts nés de la non-soumission par le club pour homologation du contrat de travail liant les parties,

requalification à temps plein pour la période de 16 juillet 2019 au 30 juin 2019,




- condamner M. [R] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



- condamner M. [R] aux entiers dépens.



Par conclusions remises le 8 juillet 2021, M. [R] demande à la cour de :



- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :




dit que son action était recevable,





dit que le protocole d'accord établi entre la société et lui était un contrat de travail à durée déterminée pour deux saisons sportives 2018/2019 et 2019/2020,





dit que la mise à pied conservatoire était justifiée dans le cadre de la procédure établie par la société,





dit que la rupture anticipée notifiée le 24 juin 2019 était sans faute grave,





dit qu'il avait été privé du statut de cadre,





condamné la société à lui payer les sommes suivantes :





30 300 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat à durée déterminée,

9 000 euros au titre du préjudice professionnel, d'image et extra-patrimonial,

1 661,54 euros au titre de la rémunération de la période de mise à pied,

166,15 euros au titre des congés payés sur mise à pied,

10 000 euros au titre de la perte de chance,

1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,





débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,





ordonné la régularisation des cotisations cadres pour la période 2018/2019,





laissé les dépens à la charge de la société,




- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a débouté de ses autres demandes,



- constater et juger :




que la période de mise à pied conservatoire doit être requalifiée de mise à pied disciplinaire et, par conséquent, faire droit aux demandes indemnitaires liées à la rupture anticipée du CDD, si par impossible la cour estimait constituée la faute grave reprochée à son égard,





que la période du 16 juillet 2018 au 30 juin 2019 doit être requalifiée à temps plein,





que la non-soumission du protocole du 16 juillet 2018 à l'homologation de la LFP par le club crée un préjudice à son égard qui doit être réparé,




- condamner la société à lui payer les sommes suivantes, avec production d'intérêts aux taux légaux à compter de la saisine de la juridiction prud'homale :




10 000 euros au titre de dommages et intérêts nés de la non-soumission par le club pour homologation du contrat de travail liant les parties,

24 000 euros au titre de la requalification à temps plein pour la période courant du 16 juillet 2018 au 30 juin 2019,




- condamner la société à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



- condamner la société aux entiers dépens de première instance et d'appel.











L'ordonnance de clôture a été fixée au 19 janvier 2023.



Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens et arguments.




MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur le protocole d'accord



L'article 1114 du code civil dans sa dernière rédaction, dispose que l'offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation.



L'article 1124 du code civil, également dans sa dernière rédaction, précise que la promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis.



En l'espèce, l'intimé soutient que le protocole d'accord signé avec USQRM doit être qualifié de contrat de travail à durée déterminée pour deux saisons sportives 2018/2019 et 2019/2020, l'appelante opposant seulement, sans autre développement ni argument, qu'elle pensait qu'il s'agissait d'une promesse d'embauche.



Or, en considération des définitions ci-dessus arrêtées par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la Cour de cassation distingue, aujourd'hui, l'acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation, lequel constitue une offre de contrat de travail, de la promesse unilatérale de contrat de travail qui est un contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat de travail, dont l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction sont déterminés et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.



La promesse d'embauche demeure, aujourd'hui, un terme courant qui peut, selon les faits de l'espèce, recouvrir l'une des deux notions ci-dessus définies.



Aux termes de 15 articles stipulés dans le protocole d'accord, les parties se sont accordées sur la mission, les fonctions et obligations de M. [R] en tant qu'entraîneur des gardiens, la prise d'effet de son engagement (le 16 juillet 2018), la durée du contrat (deux saisons), le temps de travail (temps partiel de 15h par semaine pour la première saison, puis temps complet pour la seconde), les actions publicitaires, le lieu de travail, la rémunération de base ainsi que le montant des diverses primes, l'acquisition des congés payés, les conditions régissant la maladie, les accidents du travail et les maladies professionnelles, les paris sportifs, les obligations professionnelles et la juridiction compétente en cas de litige.



En outre, ledit protocole, établi en deux originaux, a été signé par les parties dénommées d'une part «le club» et d'autre part «l'entraîneur».



Dans ces conditions, et sans nul doute possible, ledit protocole n'est ni une offre, ni une promesse unilatérale de contrat de travail, mais un contrat de travail portant «engagement de M. [R] à compter de la saison 2018/2019 et pour la saison 2019/2020».



Arguant de articles 1134 et 1190 du code civil, notamment, le salarié soutient que ledit protocole doit prévaloir sur le CDD du même jour, portant sur une seule saison, moyen sur lequel l'employeur ne fait valoir aucun argument pour s'y opposer.



La décision déférée est confirmée sur ce chef.



Sur la demande de dommages-intérêts pour défaut de soumission du protocole d'accord du 16 juillet 2018 à la LFP



S'il est exact que le protocole considéré, à la différence du CDD, n'a pas été soumis par l'employeur à l'homologation de la LFP, le salarié ne précise, ni ne justifie le préjudice qui en serait résulté, de sorte que la décision déférée est confirmée en ce qu'elle a rejeté sa demande de dommages-intérêts.



Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet pour la période du 16 juillet 2018 au 30 juin 2019



Se fondant sur la seule disposition du protocole d'accord prévoyant une première saison à temps partiel et la seconde à temps complet, le salarié sollicite la requalification de la première période en temps complet.



Toutefois, cette mention est insuffisante, à elle seule, pour faire prospérer la demande de requalification d'autant que le salarié n'invoque, ni ne justifie de ce que la mission confiée pour la saison 2018/2019 ne pouvait être accomplie dans le cadre du temps partiel fixé.



La décision déférée est également confirmée sur ce chef.



Sur le statut de cadre



Le juge, saisi d'une contestation sur la qualification attribuée à un salarié, doit se prononcer au vu des fonctions réellement exercées, par comparaison avec la classification de la convention collective et former sa conviction au vu des éléments dont il dispose.



C'est au salarié qui conteste sa qualification, de prouver par tous moyens, le bien-fondé de sa contestation.



En se fondant sur l'article 651 de la charte du football professionnel, convention collective régissant les rapports des parties - pris dans sa version applicable à l'espèce - qui dispose que : « Tout club utilisant les services d'un BMF, d'un BEF, d'un entraîneur titulaire du DES, du BEFF ou du BEPF, contre rémunération, est tenu de remplir les obligations de l'employeur au regard de la législation sociale, y compris l'inscription à une caisse de retraite de cadres si l'entraîneur remplit les conditions requises », M. [R] sollicite la reconnaissance du statut de cadre puisqu'il ne bénéficiait que de celle d'agent de maîtrise. Il soutient qu'il est titulaire d'un DES et que la seule question à se poser est celle de savoir si la société utilise ou pas le service de joueurs professionnels.



Pour s'en défendre, l'employeur prétend que le salarié n'apporte aucun élément susceptible d'attester de ce qu'il remplissait les conditions prévues à l'article précité pour bénéficier du statut de cadre.



Cela étant, il appartient à M. [R] d'établir que tant son degré d'autonomie que son niveau de responsabilité et de technicité justifiaient qu'il bénéficie du statut cadre au sein du club de football.



A ce titre, son contrat de travail prévoit qu'il exerce sa fonction « sous l'autorité et selon les directives de l'entraîneur en charge de l'équipe professionnelle auquel il rendra compte de son activité », soit l'entraîneur principal, lequel bénéficie du statut de cadre.



Or M. [R] n'établit pas, contrairement à la preuve qu'il lui incombe de rapporter, qu'il exerçait, dans les faits, ses fonctions d'entraîneur en autonomie.



Par conséquent, la décision déférée sera infirmée en ce qu'elle a fait droit à sa demande de reclassification au statut de cadre et à celle en découlant de régularisation des cotisations cadres pour la période 2018/2019.



Sur la mise à pied conservatoire



L'article L. 1332-3 du code du travail dispose que lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l'article L. 1332-2 ait été respectée.



M. [R] soutient que la mise à pied notifiée le 21 mai 2019 n'était pas justifiée puisque la dernière journée de championnat s'est déroulée le 17 mai et que l'effectif professionnel était en congés à cette date et, au surplus, qu'elle était excessive dans sa durée, si bien qu'elle doit être requalifiée en mise à pied disciplinaire de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens développés sur le fond.



La mise à pied à titre conservatoire est une mesure provisoire qui se justifie par la gravité des faits reprochés, lesquels sont, a priori, suffisamment graves pour empêcher le maintien du salarié à son poste de travail.



En l'occurrence, la société reprochait à M. [R] un comportement inadapté, agressif et des agressions verbales qui ne se limitaient pas à la sphère du championnat mais concernaient surtout le chargé de communication, M. [S], soit des actes potentiellement graves.



De plus, il n'est pas contesté que l'article 657 de la charte du football professionnel imposait la saisine préalable de la commission juridique aux fins de conciliation, laquelle ne s'est réunie que le 19 juin.



Eu égard à ce préalable et au fait que l'entretien préalable s'est tenu le 28 mai et le licenciement pour faute grave a été notifié le 24 juin suivant, il ne peut être considéré que la durée de mise à pied considérée ait un caractère abusif justifiant sa requalification en mise à pied disciplinaire.



Enfin, l'employeur ayant expressément notifié au salarié une mise à pied conservatoire, n'a pas épuisé son pouvoir disciplinaire.



La décision déférée est également infirmée sur ce chef.



Sur la rupture anticipée du contrat de travail



Aux termes de l'alinéa 1er de l'article L. 1243-1 du code du travail, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.



La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l'employeur et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits reprochés au salarié aux termes de la lettre de licenciement fixant les limites du litige sont établis, et s'ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise.



La lettre de rupture anticipée du contrat de travail de M. [R] est ainsi rédigée :



«  ['] A plusieurs reprises, nous avons été alertés sur des comportements inadaptés de votre part notamment lors d'un match avec l'équipe de [Localité 6] au cours duquel vous avez eu une altercation avec le capitaine de l'équipe mais aussi lors d'un match contre l'équipe d'[Localité 5] où un incident avec le préparateur physique nous a été rapporté.

Ceci étant, nous avions pensé qu'il s'agissait d'événements isolés et exceptionnels liés à la tension exacerbée régnant dans les matchs.



Cependant, des faits bien plus graves ont été portés à notre connaissance par Monsieur [M] [S] qui occupe les fonctions de chargé de communication dans le cadre d'un contrat de professionnalisation.



Ainsi, celui-ci nous a indiqué avoir en réalité été fréquemment victime de comportements agressifs de votre part depuis le 26 septembre 2018.



Si Monsieur [S] a pu passer sous silence les agressions verbales dont il a fait l'objet à plusieurs reprises de votre part, « stagiaire de merde », « l'autre enculé de [S]», propos méprisants', réflexions homophobes', il en est allé différemment le vendredi 03 mai puisque vous êtes intervenu dans une discussion entre Monsieur [S] et Monsieur [V] au cours de laquelle vous l'avez bousculé puis poursuivi dans le bureau tout en lui proposant de sortir pour lui en mettre une.

Votre attitude était tellement menaçante que Monsieur [S] est sorti du bureau par la fenêtre'

Un tel comportement est inadmissible.



Au regard de votre statut d'entraîneur, il ne peut être toléré que vous vous permettiez de proférer des insultes de manière répétée et que vous vous permettiez d'intimider physiquement un des salariés du club, lequel a réellement craint pour son intégrité physique.



Ces faits nous conduisent à vous notifier la rupture anticipée de votre contrat de travail pour faute grave [...] ».













Le salarié soutient que les faits reprochés ne sont ni datés, ni justifiés et pour certains prescrits.



Sur ce dernier point, l'employeur rétorque que les faits antérieurs au 3 mai 2019 ne fondent pas la sanction prononcée et qu'ils ne sont évoqués que pour permettre d'apprécier la personnalité agressive du salarié lors d'un match contre le club d'[Localité 5] au mois de février 2019.



Par conséquent, il n'y a pas lieu de les examiner.



En outre, dans un long mail du 7 mai 2019 adressé à l'employeur, M. [S], chargé de communication, a dénoncé le comportement du salarié en indiquant qu'il «n'avait pas fait état des accrochages» avec lui, avant vendredi dernier, «car ceux-ci n'étaient que verbaux». A ce titre, il précise que ce dernier avait pu l'insulter («l'autre enculé de [S]»), lui dire qu'il «n'était qu'un stagiaire de merde» et lui hurler «qu'il allait les écouter et faire ce qu'on lui dit». Il ajoute que M. [R] le rabaissait quand il évoquait le club de [Localité 7] en ces termes : «tu ne comptes tout de même pas aller là-bas, c'est beaucoup trop haut pour toi. T'as pas le niveau» ou encore prenant les joueurs à partie en les questionnant ainsi sur son travail : «tu en penses quoi du titre qu'il a mis, c'est nul, t'es d'accord ' ». Il indique aussi que ce dernier avait jeté violemment la pomme qu'il mangeait sur sa voiture, l'avait menacé en ces termes : « tu veux que je te montre ce que c'est d'être harcelé '» ou encore avait lancé à toute l'assistance, le 23 mars : «le chargé de communication du club souhaiterait prendre une photo collective. Il n'était pas là lors de la première session, il s'était couché tard car il était sorti dans une boîte homosexuelle».



Il précise qu'il avait préféré taire ses événements, pourtant de plus en plus fréquents, jusqu'à ceux du 3 mai 2019, qu'il avait vécu «comme une véritable agression physique».



Il poursuit son témoignage ainsi : ce jour-là, alors qu'il s'adressait à «[J]», M. [R] est intervenu dans ces termes : «Il ne va tout de même pas se justifier auprès de toi», s'est levé et l'a poussé «gentiment» avant de se rasseoir, ajoutant «je ne suis pas ton pote». Après lui avoir répondu «Moi non plus [U]», il affirme que cette phrase «a mis ce dernier dans un état second », l'a poursuivi dans le bureau, «[F] [X] essayant de le calmer et [P] [W] s'interposant». L'intimé lançait «Viens on sort dehors, viens on sort. Je vais lui en mettre une ». Il ajoute que M. [W] lui a dit de sortir dehors et lui a ouvert la fenêtre car « sous la peur et l'émotion », il n'y parvenait pas.



Il conclut que le salarié s'est excusé par deux fois mais qu'il ne lui a pas répondu car il ne se sentait «pas capable de lui parler».



Il résulte de ce témoignage que M. [S] n'a pas porté à la connaissance de l'employeur, avant le vendredi précédent son mail du 7 mai 2019, les divers agissements qu'il évoque, de sorte que compte tenu de la date de convocation à l'entretien préalable (le 28 mai suivant), aucune prescription n'est encourue les concernant.



La cour constate que les propos dénoncés par M. [S] sont multiples, précis et pour la plupart datés (25 ou 26 octobre 2018, 15 et 23 mars 2019, 3 mai 2019) ou circonstanciés en précisant, notamment, les personnes présentes.



Au-delà du fait que M. [R] conteste les faits reprochés, il ne produit, ni n'évoque le moindre élément permettant de considérer que le témoignage détaillé de M. [S], en partie repris, comporte des inexactitudes ou des invraisemblances permettant de douter de sa véracité, de sorte que la matérialité des propos considérés est établie.



En outre, pour contester les faits du 3 mai et en attribuer « la responsabilité à M. [S] », le salarié produit l'attestation de M. [X], lequel témoigne avoir « assisté à une altercation verbale sévère entre M. [R] et M. [S] ». Il confirme que ce dernier était venu parler à « [J] » et qu'il a répondu à M. [S], qui se mêlait de leur conversation, qu'il ne s'adressait pas à lui ajoutant que « le ton [était] quelque peu désobligeant ».



L'auteur reconnaît qu'à la suite de cette deuxième réponse, M. [R] « s'est énervé en lui précisant qu'il n'était pas copains ». Il ajoute que « devant le comportement désinvolte et frondeur de M. [S] », « M. [R] s'est emporté verbalement et le ton est brusquement monté entre les deux hommes. M. [R] a intimidé verbalement M. [S] » et lui, comme M. [W], se sont «interposés» pour éviter un «acte violent». Il confirme que M. [S] « a préféré sortir par la fenêtre». Il conclut en indiquant que M. [R] «conscient de son manque de maîtrise, a présenté ses excuses à M. [S] un peu plus tard ».



Il ne peut qu'être constaté que ce témoignage corrobore la chronologie des faits décrite par M. [S] et ne contredit pas utilement les faits tels qu'il les relate.



En effet, l'auteur confirme une altercation verbale sévère, la crainte d'une altercation physique et confirme le départ de M. [S] par la fenêtre, élément qui démontre que celui-ci était particulièrement effrayé par l'intimé. En dehors de la réponse de M. [S] indiquant à M. [R] qu'il ne s'adressait pas à lui, le témoin use de qualificatifs concernant le ton ou l'attitude de M. [S], sans les étayer par des éléments précis et objectifs permettant d'en apprécier le bien fondé, tentant ainsi de justifier l'emportement avéré de l'intimé.



Par conséquent, il s'infère de ces éléments que les faits reprochés au salarié sont établis et eu égard à leur nature, à leur caractère répété (propos) et à la fonction de M. [R], obligeant à l'exemplarité, sont suffisamment graves pour justifier la rupture anticipée de son CDD.



La décision déférée est infirmée sur ce chef et en ce qu'il a fait droit aux diverses demandes en découlant dont la perte d'une chance de percevoir les primes de résultats de matchs.



Sur les dépens et les frais irrépétibles



En qualité de partie succombante, le salarié est condamné aux dépens d'appel et débouté de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

Pour la même raison, il est condamné à payer à la société la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.









PAR CES MOTIFS



LA COUR



Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Rouen du 10 décembre 2020, sauf en ses dispositions relatives à la qualification du protocole d'accord, à la mise à pied conservatoire, à la requalification du contrat de travail à temps complet pour la saison 2018/2019 et aux dépens,



Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,



Dit que la rupture anticipée du contrat à durée déterminée de M. [U] [R] repose sur une faute grave ;



Déboute M. [R] de toutes ses demandes ;



Le condamne à payer à la société US Quevilly Rouen Métropole la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Le condamne aux dépens d'appel.



La greffière La présidente

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