4 avril 2023
Cour d'appel d'Angers
RG n° 21/01928

Chambre A - Civile

Texte de la décision

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE







LE/IM

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 21/01928 - N° Portalis DBVP-V-B7F-E4FG



Jugement du 11 Mai 2021

Juge des contentieux de la protection de TJ ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 21/00310



ARRET DU 4 AVRIL 2023



APPELANTS :



Monsieur [V] [B]

né le 13 Novembre 1956 à [Localité 4] (49)

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Madame [W] [Z] épouse [B]

née le 30 Juillet 1974 à [Localité 4] (49)

[Adresse 2]

[Adresse 2]



UDAF DE MAINE ET LOIRE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège et en sa qualité de tuteur de Monsieur et Madame [B]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentés par Me Audrey PAPIN substituant Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS, et Me Christophe BUFFET de la SCP ACR AVOCATS, avocat plaidant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 71210328





INTIMEE :



S.A. [6] prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Pierre LAUGERY de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 21A00768







COMPOSITION DE LA COUR



L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 09 Janvier 2023 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée qui a été préalablement entendue en son rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Mme MULLER, Conseillère faisant fonction de présidente

Mme GANDAIS, conseillère

Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée



Greffière lors des débats : Mme LEVEUF

Greffière lors du prononcé : Mme TAILLEBOIS



ARRET : contradictoire



Prononcé publiquement le 4 avril 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;



Signé par [W] MULLER, conseillère faisant fonction de présidente, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




~~~~



FAITS ET PROCÉDURE



Par acte sous seing privé du 3 août 2020, la SA [6] a donné à bail à Mme [W] [Z] épouse [B] et M. [V] [B], un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 2], avec effet au 5 août 2020 et moyennant un loyer mensuel de 318,82 euros outre 96,50 euros de provisions sur charges.



Cette convention a suivi un contrat de bail précédemment conclu entre les mêmes parties, portant sur un autre local, mais dans le cadre duquel des difficultés étaient survenues ayant justifié de mises en demeure dénoncées à l'UDAF et d'une sommation adressée par acte d'huissier du 3 septembre 2019.



Suivant lettre recommandée du 9 novembre 2020, la bailleresse a mis les locataires en demeure de cesser et faire cesser les troubles causés au voisinage notamment par leur fils.



Considérant ces mesures vaines, par exploits du 26 février 2021, la SA [6] a fait assigner les locataires devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Angers aux fins notamment de prononcé de la résiliation du bail.



Suivant jugement du 11 mai 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Angers a :



- prononcé la résiliation du bail conclu le 3 août 2020 entre la société [6] et Mme [Z] épouse [B] et M. [B] représentés par l'UDAF de Maine-et-Loire,

- ordonné à défaut de départ volontaire dans les deux mois de la signification du commandement d'avoir à quitter les lieux, l'expulsion de Mme [Z] épouse [B] et M. [B] ainsi que de celle de tous occupants de leur chef, du logement situé [Adresse 2], avec le concours de la force publique si besoin est,

- rappelé que le sort des meubles est régi par les articles L 433-1 et L 433-2 du Code des procédures civiles d'exécution,

- condamné Mme [Z] épouse [B] et M. [B], représentés par l'UDAF de Maine-et-Loire, à verser à la société [6], à compter du jugement et jusqu'à la libération effective des lieux, une indemnité d'occupation fixée au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en cas de non résiliation du bail,

- condamné in solidum Mme [Z] épouse [B] et M. [B], représentés par l'UDAF 49 à payer à la société [6] la somme de 400 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné in solidum Mme [Z] épouse [B] et M. [B], représentés par l'UDAF 49 aux dépens,

- rappelé que la décision est assortie de l'exécution provisoire,

- dit que la décision sera notifiée par le greffe du tribunal à la préfecture de Maine-et-Loire en application de l'article R 412-2 du Code des procédures civiles d'exécution.



Par déclaration déposée au greffe de la cour le 24 août 2021, Mme [Z] épouse [B] et M. [B], ainsi que l'UDAF 49, agissant en sa qualité de tuteur des deux premiers, ont interjeté appel de cette décision en son entier dispositif, intimant dans ce cadre la SA [6].



L'ordonnance de clôture a finalement été prononcée le 21 décembre 2022 et l'audience de plaidoiries fixée au 9 janvier suivant.





PRÉTENTIONS DES PARTIES



Aux termes de leurs dernières écritures déposées le 18 novembre 2021, Mme [Z] épouse [B] et M. [B] ainsi que l'UDAF 49, en sa qualité de tuteur, demandent à la présente juridiction de :



- réformer le jugement dont appel,

- dire n'y avoir lieu à résiliation du bail qui leur a été consenti par la société [6],

- réformer le jugement en ce qu'il les a condamnés à payer une indemnité d'occupation et une indemnité de procédure à la société [6] et les a condamnés aux dépens,

- débouter la société [6] de toutes ses demandes fins et conclusions, et la condamner aux dépens.



Aux termes de ses dernières écritures déposées le 2 décembre 2022, la SA [6] demande à la présente juridiction de :



- dire et juger les époux [B] et l'UDAF ès qualités irrecevables et en tout cas mal fondés en leur appel et leurs demandes et au contraire la dire recevable et bien fondée en ses demandes.

- confirmer le jugement rendu le 11 mai 2021,

- condamner solidairement les époux [B] à lui payer la somme de 1.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner solidairement les époux [B] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.



Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du Code de procédure civile, aux dernières écritures, ci-dessus mentionnées.






MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur la résiliation du bail



En droit, l'article 7 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986 dispose notamment que : 'Le locataire est obligé :

(...)

b) D'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location.'



Le premier juge a constaté que suivant sommation interpellative des 13 et 14 janvier 2021, quatre voisins se sont plaints des nuisances occasionnées par les amis du fils des locataires, pouvant donner des coups de pieds dans les portes ; faisant commerce de produits stupéfiants ; dégradant les parties communes... Or il a été retenu que ces plaintes étaient postérieures aux dates à partir desquelles la soeur de la locataire déclarait héberger son neveu. De plus, il a été souligné que ces nuisances ont perduré après diverses convocations et rappels de leurs obligations aux locataires, qui ont notamment bénéficié de ce relogement dans un appartement plus petit, aux fins de ne plus héberger leur fils. Dans ces conditions, la résiliation du bail a été prononcée aux fins de faire cesser ces troubles au voisinage.



Aux termes de leurs uniques écritures, les appelants indiquent qu'un accord était intervenu avec la bailleresse qui leur mettait à disposition un logement plus petit aux fins de mettre un terme aux désordres commis par leur fils qui leur imposait sa présence. Ils soulignent que, dépassés par le comportement de leur fils, ils subissaient également les désagrément liés à la présence des amis de ce dernier, une procédure pénale ayant notamment été engagée contre l'un de ces derniers au cours de laquelle ils se sont constitués parties civiles. En tout état de cause ils précisent que les désordres créés par leur fils ont cessé du fait du départ de ce dernier vivant désormais chez sa tante. A ce titre, ils soulignent que si le premier juge fait grief à l'attestation de la soeur de l'appelante de ne pas être précise quant à la date à partir de laquelle leur fils s'est établi chez elle, il en va de même des plaintes figurant à la sommation interpellative. Enfin ils indiquent qu'eu égard au fait qu'ils ne sont pas les auteurs des nuisances causées par leur fils dont ils ne sont pas responsables ; de leur âge, 65 et 47 ans, ainsi que de la nécessité pour eux de demeurer dans un logement, une résiliation de bail serait disproportionnée.



Aux termes de ses dernières écritures, l'intimée rappelle que le présent bail fait suite aux importantes difficultés rencontrées dans le cadre de la location d'un précédent logement, ayant donné lieu à de nombreuses plaintes de la part du voisinage. Les rencontres communes avec le tuteur et autres sommations et mises en demeure étant demeurées sans effet, il a été convenu d'un 'relogement', 'à condition que leur fils, auteur des troubles et occupant de leur chef, ne loge pas dans cet appartement'. Cependant et quelques semaines après l'installation des appelants au sein de ce nouveau logement, les voisins se sont plaints des mêmes troubles que les précédents, sans que la mise en demeure adressée en novembre 2020 n'ait d'effet. A ce titre, l'intimée souligne que les appelants admettent la réalité des troubles décrits par le voisinage. Par ailleurs, elle souligne qu'il est indifférent que ces difficultés émanent de leur fils ou des relations de ce dernier, dès lors qu'ils sont 'responsables des agissements des occupants de leur chef'. Au surplus, elle précise que si ses contradicteurs soutiennent que les troubles auraient cessé du fait de l'emménagement de leur fils chez sa tante et de l'incarcération d'un ami de ce dernier, ces faits sont sans incidence sur les troubles constatés par le voisinage qui atteste de leur existence au-delà des dates d'intervention des événements invoqués par les locataires. En tout état de cause, elle précise que, même après avril 2021, elle est avisée par les voisins des appelants du caractère actuel des nuisances subies. Elle conclut donc à la confirmation de la décision de première instance et observe avoir reçu un congé avec préavis s'achevant au 15 décembre 2022.



Sur ce :



En l'espèce, les appelants ne contestent aucunement le fait que leur fils et ses fréquentations aient pu être auteurs de nuisances pour le voisinage, mais indiquent que cette situation a évolué en suite de l'emménagement de ce dernier chez sa tante.



A ce titre, ils produisent aux débats une attestation émanant de Mme [Z] épouse [I] qui indique que '[son] neveu vit chez [eux] depuis le mois de septembre/novembre 2020. [Elle] ne [sait] plus la date exacte'.





Cependant, l'intimée communique aux débats une sommation interpellative des 13 et 14 janvier 2021, aux termes de laquelle, les habitants du [Adresse 2] ont été interrogés aux fins de savoir s'ils subissaient des troubles du voisinage et, le cas échéant, de quelle nature et par quel(s) auteur(s). Dans ce cadre :



- Mme [L] a précisé que : 'Le fils de la famille [B] fait venir des copains à lui, qui donnent des coups de pieds dans les portes, provoquent des nuisances sonores, laissent des canettes, mégots au sol, tags sur les murs, brûlent des prospectus dans l'entrée du logement. Ils sont présents tous les soirs',

- Mme [G] a indiqué que : 'Des copains du fils [B] fument, trafiquent, salissent le sol, les murs, ceci tous les soirs. Ils font du bruit en tapant dans la porte d'entrée. Ils ont défoncé une porte',

- Mme [H] a exposé que : 'Le fils des époux de l'appartement du N°102, fait venir des amis à lui, qui tapent dans la porte d'entrée, fument du shit, font tomber des alcools au sol ce qui salit les communs, et ce pratiquement tous les soirs',

- M. [P] a répondu que : 'Je vois le fils des époux [B] avec des squatteurs, qui fument du shit, attendent leurs clients, mangent dans l'escalier et salissent, et font du bruit en tapant dans la porte d'entrée'.



Si les appelants contestent le fait que ces nuisances soient demeurées une réalité postérieurement au départ de leur fils, il n'en demeure pas moins que tous les occupants de l'immeuble ayant été interrogés par l'officier ministériel ont répondu au présent.



Il s'en déduit que le départ du fils des appelants et son installation au domicile de sa tante résidante de l'agglomération angevine ([Localité 5]), n'a aucunement mis un terme à la présence de M. [O] [B] au domicile de ses parents.



Au surplus l'intimée communique aux débats copie d'un courriel qui lui a été adressé le 2 avril 2021 par Mme [L], visiblement excédée par le fait que le nettoyage des parties communes allait être facturé à l'ensemble des locataires alors même qu'avant l'arrivée des époux [B] il n'existait aucune difficulté, qu'en suite du passage de l'huissier la situation s'était améliorée mais que 'depuis 15 jours tout recommence, ils écrasent leur mégots de cigarette contre les murs, même la technicienne de ménage a demandé de respecter les parties communes. Mais rien n'y fait' (sic). La locataire précise par ailleurs que 'le soir lorsque l'on rentre du travail on passe dans un nuage de fumée car maintenant ils fument directement sur le palier même après l'heure du couvre feu. Et quel ne fut pas ma surprise en rentrant ce soir, les imposteurs sont effectivement toujours là et un courrier est affiché sur les mur pour le non respect des parties communes (...). Depuis des mois je vous informe que depuis que mr et mde [B] sont arrivés dans l'immeuble il n'y a que des problèmes de nuisances sonores dégradations de l'immeuble'.



Elle communique également un mail du 27 septembre 2021, émanant de Mme [G] précisant : 'le 26 juin 2021 dans l'après-midi mr [B] est entré chez moi derrière ma fille et il continue à surveiller ma fille. Le 09 septembre je l'ai retrouvé dans un état d'ivresse dans le hall du bâtiment impossible de sortir où entrer, même les passant de dehors pensais qu'il était mort. Je vous prie de bien vouloir prendre en compte mon mail car je crains pour la sécurité des mes enfants depuis que la famille [B] est là' (sic).



La même locataire a adressé un second mail à la bailleresse, le 15 octobre 2021, en indiquant : 'suite à l'email que je vous avais envoyé concernant mr [B]. J'ai été convoqué à la police le 12 octobre pour faire une main courante. Le lundi 11 octobre vers 22h00 mr [B] est venu sonner chez moi 3 fois je n'ai pas ouvert, il est venu deux fois seul et la 3ème fois avec une jeune fille et c'est ma belle soeur qui a été voir il a dit non ces pas elle ils sont reparti. Je crains pour ma fille et moi' (sic). Elle joint par ailleurs la déclaration effectuée auprès des services de police exposant être importunée par son voisin.



Il résulte de ce qui précède que la persistance des nuisances causées soit par les locataires eux-mêmes, soit par leur fils et ses fréquentations, occupants des lieux du chef des appelants, est établie.



De plus, l'importance de ces nuisances, impactant les charges pouvant être supportées par l'ensemble des locataires de l'immeuble mais également la sécurité des autres occupants ainsi que des biens (commerce de produits stupéfiants, introduction dans le domicile d'autrui, dégradation de l'immeuble...), présentent un caractère de gravité justifiant du prononcé de la résiliation du bail conclu entre les parties le 3 août 2020 aux torts exclusifs des locataires.



Dans ces conditions, la décision de première instance doit être confirmée en ce qu'elle a prononcé cette résiliation ainsi que toutes les conséquences en découlant.



Sur les demandes accessoires



Les appelants qui succombent doivent être condamnés aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.



Par ailleurs, l'équité commande de les condamner au paiement à l'intimée de la somme de 750 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.



Enfin au regard de l'issue du présent litige, les dispositions de la décision de première instance au titre des demandes accessoires doivent être confirmées.





PAR CES MOTIFS



La cour,



CONFIRME le jugement du 11 mai 2021 du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Angers ;



Y ajoutant :



CONDAMNE in solidum Mme [W] [Z] épouse [B] et M. [V] [B] représentés par leur tuteur l'UDAF 49, au paiement à la SA [6] de la somme de 750 euros (sept cent cinquante euros) par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;



CONDAMNE in solidum Mme [W] [Z] épouse [B] et M. [V] [B] représentés par leur tuteur l'UDAF 49, aux dépens ;



ACCORDE au conseil de la SA [6] le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.





LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,









S. TAILLEBOIS C. MULLER

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