6 avril 2023
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 22/02632

Chambre 1-2

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 06 AVRIL 2023



N° 2023/ 288













Rôle N° RG 22/02632 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BI44T







[S] [V]





C/



S.A. ENEDIS





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Frédéric CASANOVA



Me Pierre-Yves IMPERATORE









Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de TOULON en date du 25 janvier 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/01633.





APPELANTE



Madame [S] [V]

née le 03 février 1969 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Frédéric CASANOVA, avocat au barreau de TOULON, plaidant





INTIMEE



S.A. ENEDIS

prise en la personnne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 2]



représentée par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

et assistée de Me Gilles LE CHATELIER, avocat au barreau de LYON substitué par Me Lydia HOUMER, avocat au barreau de LYON, plaidant









*-*-*-*-*





COMPOSITION DE LA COUR





L'affaire a été débattue le 28 février 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, M. PACAUD, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.



La Cour était composée de :



M. Gilles PACAUD, Président rapporteur

Mme Angélique NETO, Conseillère

Madame Myriam GINOUX, Conseillère



qui en ont délibéré.





Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 avril 2023.







ARRÊT



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 avril 2023,



Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***





EXPOSÉ DU LITIGE



Par courrier en date des 13 et 28 janvier 2016, la société ERDF, gestionnaire du réseau de distribution d'électricité en France, devenue depuis Enedis, a informé madame [S] [V], résidant [Adresse 1] et titulaire d'un contrat de fourniture d'énergie souscrit auprès d'EDF, de ce que, dans le cadre de la campagne nationale d'installation des compteurs communicants « Linky », son compteur allait prochainement être remplacé.



Malgré l'opposition de cette dernière, manifestée par l'envoi de plusieurs courriers, la saisine de la ville de [Localité 5], d'une association spécialisée, du Président de la République et du Médiateur national de l'énergie ainsi que la signification, le 24 février 2017, d'une 'sommation de ne pas faire' à Enedis, le compteur de Mme [V], accessible depuis la voie publique, a été remplacé, le 11 novembre 2020, par un compteur Linky.



Par acte d'huissier en date du 30 juillet 2021, Mme [S] [V] a fait assigner la société anonyme Enedis devant le président du tribunal judiciaire de Toulon, statuant en référé, aux fins d'entendre :

- ordonner à la SA Enedis de procéder au retrait du compteur Linky, installé [Adresse 1], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir ;

- condamner la SA Enedis, à titre provisionnel, à lui verser la somme de 5 000 euros au titre du préjudice d'anxiété ;

- condamner la SA Enedis à lui verser la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Par ordonnance contradictoire en date du 25 janvier 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulon a :

- rejeté l'exception de nullité de l'assignation ;

- rejeté toutes les demandes de Mme [S] [V] ;

- condamné Mme [S] [V] à lui payer la somme de 1 100 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [S] [V] aux dépens.



Il a notamment considéré que le caractère manifestement illégal du trouble allégué par Mme [V] n'était pas établi pas plus que n'était démontré son préjudice d'anxiété.

Selon déclaration reçue au greffe le 22 février 2022, Mme [V] a interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises, à l'exception du rejet de l'exception de nullité de l'assignation soulevée par Enedis.



Par dernières conclusions transmises le 13 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, elle sollicite de la cour qu'elle révoque l'ordonnance de clôture, réforme l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau :

- condamne la SA Enedis à désinstaller, à sa charge, le compteur communicant Linky implanté à son domicile et à le remplacer par l'ancien compteur d'électricité sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- condamne, à titre provisionnel, la SA Enedis à lui payer la somme de 5 000 euros au titre du préjudice d'anxiété découlant de son préjudice moral dû à l'installation forcée du nouveau compteur communicant Linky ;

- condamne la SA Enedis à lui payer la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 14 février 2023.



Par dernières conclusions transmises le 28 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA Enedis sollicite de la cour qu'elle :

- prononce la révocation de l'ordonnance de clôture du 14 février 2023 ;

- confirme l'ordonnance entreprise ;

- condamne Mme [V] aux entiers dépens ;

- condamne Mme [V] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article

700 du code de procédure civile.


MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur la révocation de l'ordonnance de clôture



Aux termes de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.



L'article 16 du code de procédure civile dispose : Le juge doit, en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.



Aux termes de l'article 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office : sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et accessoires échus, aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes en révocation de l'ordonnance de clôture.



Par application des dispositions de ce texte, rapprochées de celles des articles 15 et 16 du même code, doivent également être considérées comme comme tardives les conclusions déposées le jour ou la veille de la clôture de la procédure dont la date a été communiquée à l'avance.



Mme [V] a conclu le 13 février 2023 soit la veille de l'ordonnance de clôture, dont la date a été communiqué par l'avis de fixation du 9 mars 2022, alors que les dernières écritures de la SA Enedis avaient été notifiées le 5 août 2022. L'intimée a répliqué le 28 février 2023 en sollicitant la révocation de l'ordonnance de clôture.



A l'audience, lors de l'appel des causes, le conseil de Mme [V], sollicité sur ce point, a indiqué à la cour qu'il ne s'opposait pas à la demande de révocation de l'ordonnance de clôture formulée la SA Enedis.



La cour a donc, avant l'ouverture des débats, révoqué ladite ordonnance et considéré que l'affaire était en état d'être jugée.



Sur la demande de retrait du compteur Linky



Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence, peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.



Le trouble manifestement illicite visé par ce texte désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.



Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit perdurer. Dès lors, pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, l'imminence d'un dommage, d'un préjudice ou la méconnaissance d'un droit, sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines. Un dommage purement éventuel ne saurait être retenu pour fonder l'intervention du juge des référés.



Sur l'existence de troubles manifestement illicites



A l'appui de ses prétentions, Mme [V] invoque l'existence de troubles manifestement illicites nés de :

- l'absence d'obligation légale quant à la pose des compteurs Linky ;

- la modification unilatérale de son contrat de fourniture d'énergie ;

- la violation de son droit à l'information ;

- la violation du principe de précaution ;

- la violation du principe du respect à la vie privée ;

- l'absence d'assurance d'Enedis ;

- les nombreux problèmes liés aux pannes et sécurité incendie ;

- les problèmes de sécurité électrique ;

- le problème de la qualification des poseurs ;

- celui du non-respect de la législation par les dispositifs de comptage ;

- le risque black-out induit par les réseaux intelligents Linky ;

- le problème de vente de données.



Elle ne verse cependant aux débats aucun document technique, type étude, et se contente de produire l'ensemble de sa correspondance avec la société Enedis, le Marie de [Localité 5], le Médiateur national de l'Energie, la sommation de ne pas faire qu'elle a fait délivrer à l'intimée ainsi que la lettre qu'elle a envoyée au président de la République, demeurée a priori sans réponse.



Sur la licéité du déploiement du compteur Linky



Il est constant que le développement et le déploiement des compteurs électriques dits 'intelligents' a été rendu obligatoire par la directive CE n° 2009/72 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE. Celle-ci dispose :

Les États membres veillent à la mise en place de systèmes intelligents de mesure qui favorisent la participation active des consommateurs au marché de la fourniture d'électricité. La mise en place de tels systèmes peut être subordonnée à une évaluation économique à long terme de l'ensemble des coûts et des bénéfices pour le marché et pour le consommateur, pris individuellement, ou à une étude déterminant quel modèle de compteurs intelligents est le plus rationnel économiquement et le moins coûteux et quel calendrier peut être envisagé pour leur distribution. Cette évaluation a lieu au plus tard le 3 septembre 2012. Sous réserve de cette évaluation, les États membres, ou toute autorité compétente qu'ils désignent, fixent un calendrier, avec des objectifs sur une période de dix ans maximum, pour la mise en place de systèmes intelligents de mesure. Si la mise en place de compteurs intelligents donne lieu à une évaluation favorable, au moins 80 % des clients seront équipés de systèmes intelligents de mesure d'ici à 2020. Les États membres, ou toute autorité compétente qu'ils désignent, veillent à l'interopérabilité des systèmes de mesure à mettre en place sur leur territoire et tiennent dûment compte du respect des normes appropriées et des meilleures pratiques, ainsi que de l'importance du développement du marché intérieur de l'électricité.



L'expérimentation du compteur communicant ' Linky ' a été lancée en mars 2010 par ERDF (devenue ENEDIS) dans l'agglomération de [Localité 4] et le département d'Indre-et-Loire. Elle s'est terminée le 31 mars 2011 et a donné lieu à des résultats considérés comme positifs. Le déploiement des compteurs a été avalisé par la Commission de Régulation de l'Energie (CRE), par une délibération du 7 juillet 2011.



Se référant aux positions prises par cette dernière (en juillet et novembre 2011) et à l'avis du Conseil Supérieur de l'Energie du 18 octobre 2011, un arrêté du 4 janvier 2012 a défini les fonctionnalités que devait présenter le dispositif de comptage.



La directive européenne du 13 juillet 2009 a été transposée, en droit français, dans les articles L 341-4, R 341-4 et R 341-6 du code de l'énergie.



L'article R 341-8 du même code dispose : d'ici au 31 décembre 2020, 80 % au moins des dispositifs de comptage des installations d'utilisateurs raccordées en basse tension (BT) pour des puissances inférieures ou égales à 36 kilovoltampères sont rendus conformes aux prescriptions de l'arrêté prévu à l'article R. 341-6, dans la perspective d'atteindre un objectif de 100 % d'ici 2024.





La société anonyme (SA) ENEDIS, société de droit privé, chargée de l'exécution d'un service public industriel et commercial (SPIC), est en charge de ce déploiement. Celui-ci, qui se trouve imposé par des dispositions légales et conventionnelles ne saurait donc être qualifié d'illicite et ce, même si d'autres technologies que celle du CPL (courant porteur en ligne), que l'appelante ne prend pas la peine de citer, auraient pu être sélectionnées.



En outre, contrairement à ce que soutient Mme [V], les anciens compteurs ne permettaient en rien de satisfaire les exigences légales et communautaires précitées dès lors qu'ils n'étaient pas communiquants. Cette spécificité lui a d'ailleurs été amplement rappelée par les nombreux courriers qui lui ont été adressés par Enedis mais aussi par le médiateur de l'énergie, lequel a pris la peine, le 30 mars 2017 de répondre, sur trois pages, à l'ensemble de ses interrogations.



Sur les violations du droit de la consommation



Sur le défaut de consentement à la pose des compteurs Linky



Aux termes de l'article L. 322-8 7° du code de l'énergie, la société Enedis est notamment chargée, en sa qualité de gestionnaire du réseau public d'électricité, d'exercer les activités de comptage pour les utilisateurs raccordés à son réseau, en particulier la fourniture, la pose, le contrôle métrologique, l'entretien et le renouvellement des dispositifs de comptage et d'assurer la gestion des données et toutes missions afférentes à l'ensemble de ces activités. Le 8° du même texte lui impose de mettre en 'uvre des actions d'efficacité énergétique et de favoriser l'insertion des énergies renouvelables sur le réseau.



Comme rappelé supra, la directive CE n° 2009/72 du Parlement européen et Conseil du 13 juillet 2009, a imposé aux États membres (de veiller) à la mise en place de systèmes intelligents de mesure qui favorisent la participation active des consommateurs au marché de la fourniture d'électricité. Cette obligation a été transposée en droit interne par l'article L. 341-4 du code de l'énergie qui charge les gestionnaires de réseaux publics de transport et de distribution d'électricité de :

- mettre en 'uvre des dispositifs permettant aux fournisseurs de proposer à leurs clients des prix différents suivant les périodes de l'année ou de la journée et incitant les utilisateurs des réseaux à limiter leur consommation pendant les périodes où la consommation de l'ensemble des consommateurs est la plus élevée ;

- mettre à la disposition des consommateurs leurs données de comptage, des systèmes d'alerte liés au niveau de leur consommation, ainsi que des éléments de comparaison issus de moyennes statistiques basées sur les données de consommation locales et nationales.



L'article R. 314-4 du même code précise que pour l'application des dispositions de l'article L. 341-4 et en vue d'une meilleure utilisation des réseaux publics d'électricité, les gestionnaires de réseaux publics de transport et de distribution d'électricité mettent en oeuvre des dispositifs de comptage permettant aux utilisateurs d'accéder aux données relatives à leur production ou leur consommation et aux tiers autorisés par les utilisateurs à celles concernant leurs clients.



La directive CE n° 2009/72 dispose : Sous réserve de cette évaluation, les États membres, ou toute autorité compétente qu'ils désignent, fixent un calendrier, avec des objectifs sur une période de dix ans maximum, pour la mise en place de systèmes intelligents de mesure : si la mise en place de compteurs intelligents donne lieu à une évaluation favorable, au moins 80 % des clients seront équipés de systèmes intelligents de mesure d'ici à 2020. L'article R 341-8 a transposé ces dispositions en droit interne et y a ajouté un objectif de 100 % d'ici 2024 ;



Dès lors que la SA Enedis, en sa qualité de gestionnaire des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, a l'obligation d'installer des équipements de comptage conformes à ces prescriptions et d'en assurer le déploiement selon le calendrier défini par la directive européenne et l'article R 341-8 précité du code de l'énergie. La Commission nationale informatique et libertés (CNIL) l'a rappelé dans son communiqué du 21 novembre 2017. Au demeurant, l'article L 341-1-4 du code précité prévoit la possibilité pour l'autorité administrative de prononcer, à l'encontre des opérateurs défaillants, une sanction pécuniaire ... proportionnée à la gravité du manquement, à la situation de l'intéressé, à l'ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés.



Il résulte des dispositions combinées des articles L 322-4 du code de l'énergie et L 2224-31 du code général des collectivités territoriales, que les compteurs sont la propriété de l'autorité concédante et non des consommateurs. En application de l'article L 224-8 du code de la consommation, ces derniers signent avec le fournisseur d'électricité ... un contrat unique portant sur la fourniture et la distribution d'électricité ou de gaz naturel (qui) reproduit en annexe les clauses réglant les relations entre le fournisseur et le gestionnaire de réseau. Ce faisant, ils donnent mandat au fournisseur de signer en leur nom le contrat qui les liera au gestionnaire de réseau.



Au demeurant, le paragraphe 3 de l'annexe 2 bis du contrat GRD-F, qui doit obligatoirement être reproduite en annexe de chaque « contrat unique », stipule : Le Client s'engage à prendre toute disposition pour permettre à Enedis d'effectuer : la pose, la modification, l'entretien et la vérification du matériel de comptage. Dans le cadre du déploiement des Compteurs Communicants, le Client doit laisser Enedis procéder au remplacement du Compteur conformément aux dispositions de l'article R 341-4 à 8 du code de l'énergie ['].



Lorsque le changement de compteur est envisagé, les usagers reçoivent 30 à 45 jours avant l'intervention des poseurs un courrier les informant que la prise de rendez-vous est nécessaire, Lorsque leur compteur est situé à l'intérieur de leur logement, et de la période d'intervention prévue dans les autres cas.



Aucun texte ne prévoit d'associer le consommateur au choix du dispositif de comptage devant remplacer l'ancien compteur ou équiper son domicile. Le seul droit qui lui est reconnu est celui de choisir son fournisseur d'énergie.



Néanmoins, comme indiqué dans sa brochure intitulée 'Le compteur Linky en toute simplicité', sur son site internet et rappelé dans ses écritures, Enedis ne peut s'introduire de force dans une propriété privée pour y installer ce dispositif de comptage. Comme précisé à Mme [V] par le Médiateur national de l'énergie, en cas de refus persistant, elle soumet alors le consommateur à un 'relevé spécial' payable une fois par an, visant notamment à facturer le déplacement de son technicien.



En revanche, lorsque le compteur est, comme en l'espèce, accessible depuis la voie publique, l'intervention ne nécessite pas, pour les raisons sus-évoqué, l'accord du client.



La pose du compteur Linky, imposée au consommateur, procède donc de l'exercice, par la SA Enedis, de ses prérogatives de gestionnaire d'un réseau public d'électricité dans un cadre législatif et réglementaire contraignant. Le fait, allégué, qu'aucun texte ne sanctionne le refus de se voir imposer ce compteur ne démontre en rien l'existence d'un 'droit au refus'.



Dès lors, l'absence de recueil préalable du consentement des consommateurs à la pose du compteur Linky ne caractérise pas, avec l'évidence requise en référé, un trouble manifestement illicite.



Sur la modification unilatérale du contrat et l'insuffisance des informations transmises



Aux termes de l'article L 111-1 du code de la consommation, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à titre onéreux, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, ainsi que celles du service numérique ou du contenu numérique, compte tenu de leur nature et du support de communication utilisé, et notamment les fonctionnalités, la compatibilité et l'interopérabilité du bien comportant des éléments numériques, du contenu numérique ou du service numérique, ainsi que l'existence de toute restriction d'installation de logiciel ;

2° Le prix ou tout autre avantage procuré au lieu ou en complément du paiement d'un prix en application des articles L. 112-1 à L. 112-4-1 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à délivrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à l'identité du professionnel, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;

5° L'existence et les modalités de mise en 'uvre des garanties légales, notamment la garantie légale de conformité et la garantie légale des vices cachés, et des éventuelles garanties commerciales, ainsi que, le cas échéant, du service après-vente et les informations afférentes aux autres conditions contractuelles ;

6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.

La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

Les dispositions du présent article s'appliquent également aux contrats portant sur la fourniture d'eau, de gaz ou d'électricité, y compris lorsqu'ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain. Ces contrats font également référence à la nécessité d'une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l'environnement.



L'article L 224-10 du code de la consommation dispose : Tout projet de modification envisagé par le fournisseur des conditions contractuelles est communiqué au consommateur par voie postale ou, à sa demande, par voie électronique, au moins un mois avant la date d'application envisagée. En matière d'électricité, les projets envisagés de modification des dispositions contractuelles relatives aux modalités de détermination du prix de la fourniture, ainsi que les raisons, les conditions préalables et la portée de cette modification sont communiqués de manière transparente et compréhensible.

Cette communication est assortie d'une information précisant au consommateur qu'il peut résilier le contrat sans pénalité, dans un délai maximal de trois mois à compter de sa réception.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux modifications contractuelles imposées par la loi ou le règlement.



Mme [V] argue d'une modification unilatérale de son contrat au motif que dans son contrat antérieur il était mentionné une seule fréquence de 50 Hz conforme à la norme NF EN 50-160 alors que, dans le compteur Linky, la fréquence du CPL est ajoutée.



Force est néanmoins de constater que les alinéas 1 et 2 de l'article précité ne peuvent trouver à s'appliquer puisque les modifications mises en oeuvres par Enedis sont, comme indiqué supra, imposées par des dispositions légales et conventionnelles. En outre, la fréquence de 50 Hz souscrite par M. [V] n'a pas été modifiée puisque, comme l'indique l'intimée, sans être démentie sur ce point, la fréquence CPL Linky, comprise entre 30 et 95 KHz ne fait que se superposer à la tension du réseau électrique.



Enfin, contrairement à ce que soutient Mme [V], l'ensemble des informations qui lui ont été délivrées par Enedis et le médiateur de l'énergie, tant dans leurs courrier que par l'invitation à contacter la hotline Linky (0 800 054 659, Service et appels gratuits) ou à se connecter au site internet dédié, étaient de nature à la rassurer sur l'absence d'impact sanitaire ou sécuritaire, notamment sur sa 'domotique', de cette nouvelle technologie.



C'est ainsi que dès le 24 février 2016 notamment, EDRF indiquait à l'appelante : En ce qui concerne plus spécifiquement votre interrogation sur l'impact potentiel de ce nouveau compteur sur votre environnement, je vous informe qu'ERDF procède depuis plusieurs années à des mesures régulières en sollicitant notamment un laboratoire indépendant, le Laboratoire National de métrologies et d'Essais (LNE). Sur la question des ondes, ERDF respecte scrupuleusement la réglementation en vigueur (NF EN 50470, NF EN 55022 et NF EN 50065-1), laquelle vise à restreindre le risque sanitaire vis-à-vis de la population française. Le compteur Linky est un instrument de basse puissance, comparable aux compteurs électroniques d'électricité dont les consommateurs sont déjà équipés. À l'intérieur du logement, le compteur Linky n'induit pas davantage de champs électromagnétiques que le compteur actuel. En effet, la technologie CPL (Courant Porteur en Ligne) utilisée par le compteur Linky n'utilise pas d'émetteur radio pour communiquer : elle utilise les câbles électriques existants pour y superposer le signal à transmettre, ponctuellement, durant quelques secondes par jour.



Dans ces conditions, l'absence de recueil préalable du consentement des consommateurs ou d'information préalable suffisante à la pose du compteur Linky ne saurait caractériser, avec l'évidence requise en référé, un trouble manifestement illicite.



Sur la violation du principe de précaution



Mme [V] invoque une violation du principe de précaution au motif qu'une partie de la doctrine scientifique aurait exprimé son inquiétude quant aux ondes électromagnétiques diffusées par les compteurs Linky. Néanmoins, comme indiqué supra, elle ne cite pas plus avant ladite 'doctrine' pas plus qu'elle ne verse aux débats une quelconque étude issue de ses travaux.

La loi n° 95-101 du 2 février 1995, dite Loi Barnier, a introduit en droit français le principe de précaution, énoncé par l'article L 110-1 du code de l'environnement, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économique acceptable. Devant le juge des référés, juge de l'évidence, la méconnaissance de ce principe, de valeur constitutionnelle, n'est de nature à constituer un trouble manifestement illicite que s'il est établi, au vu des connaissances scientifiques du moment, un risque évident de dommages graves et irréversibles à la santé humaine.



Il convient de rappeler que dans ses rapports des mois de mai 2016, octobre 2019 et juillet 2021, l'ANFR confirme que les fréquences émises par les compteurs Linky sont entre 25 et 37 fois inférieures aux normes règlementaires. Elle rappelle également que le niveau d'exposition baisse sensiblement lorsqu'on s'éloigne de quelques décimètres du point d'émission et que les signaux utilisés par le Linky n'augmentent pas de manière significative le niveau du champ magnétique ambiant, aucun rayonnement n'ayant même été détecté sur les deux tiers (62 %) des mesures réalisées sur site.



Dans son rapport de juin 2017, l'ANSES exclut tout risque sanitaire en lien avec une exposition à court terme et rappelle qu'en raison du peu d'études disponibles, on ne peut conclure définitivement quant à l'existence ou non d'effets délétères liés à des expositions aux radiofréquences dans la bande des 9 kHz-10kHz à des niveaux non thermiques.



Elle cite le rapport d'étude du CSTB, qu'elle a elle-même sollicité, selon lequel :

Les niveaux de champ magnétique mesurés à proximité des compteurs (55 cm) sont très faibles, comparables par exemple aux niveaux émis par un chargeur d'ordinateur portable. Au centre des pièces, les niveaux de champ magnétique dûs aux communications Linky sont du même ordre de grandeur que ceux émis par des éclairages fluorescents ou à LED, des chargeurs électroniques ou des écrans. Toutes configurantions de mesures confondues, le niveau maximum de champ magnétique mesuré in situ est de 6 000 fois inférieur à la valeur limite d'exposition réglementaire.



Dès lors, en l'état des connaissances scientifiques, telles que caractérisées par les documents versés aux débats par l'intimée, il ne peut être soutenu, avec l'évidence requise en référé, que l'exploitation des compteurs Linky présente un risque évident de dommages graves et irréversibles pour la santé humaine. Aucun trouble manifestement illicite ne peut donc être fondé sur une quelconque méconnaissance du principe de précaution.



Sur l'atteinte au respect de la vie privée et la vente de données



Sans étayer davantage ces grief, Mme [V] invoque une atteinte à sa vie privée, par le recueil d'informations relatives à sa consommation d'électricité, atteinte qu'elle considère majorée par le fait qu'Enedis ou EDF puissent revendre ces données. Là encore, elle procède par affirmation sans verser au dossier le moindre élément susceptible d'accréditer ses allégations.



Comme le rappelle la CNIL dans ses communiqués et décisions des 15 juin 2018 et 31 décembre 2019, le code de l'énergie, en ses articles L 111-26, L 111-73, R 111-26, D 341-18 et D 341-21, autorise le gestionnaire du réseau de distribution d'énergie à collecter par défaut les consommations journalières, pour permettre à l'usager de consulter gratuitement l'historique de ses consommations. En revanche, il ne collecte pas les données de consommation fines (horaires et/ou à la demi-heure) de manière automatique, leur recueil n'étant possible qu'avec l'accord préalable de l'usager ou, de manière ponctuelle, lorsqu'elles sont nécessaires à l'accomplissement des missions de service public assignées par le code de l'énergie (par exemple, pour l'entretien et la maintenance du réseau ou l'intégration des énergies renouvelables).



En outre, l'enregistrement des données de consommation horaires peut s'effectuer en local, dans la mémoire du compteur Linky, sans transmission au gestionnaire de réseau ou à un tiers. S'ils peuvent disposer des données de consommation mensuelle pour établir leur facturation, les fournisseurs d'électricité ne sont autorisés à collecter les consommations quotidiennes, et horaires et/ou à la demi-heure qu'avec l'accord de l'abonné. Enfin, la transmission des données de consommation détaillée (données horaires et/ou à la demi-heure) à des sociétés tierces, notamment à des fins commerciales (par exemple, des sociétés proposant des travaux d'isolation) ne peut elle aussi intervenir qu'avec l'accord de l'abonné.



Il échet enfin de rappeler que le compteur Linky ne connaît pas le détail de la consommation de chaque appareil, ni par voie de conséquence, les usages que chaque usager fait de ses appareil électriques, seule consommation globale étant enregistrée. C'est donc le client et lui seul qui, au receuil de ces données sur son site personnel, peut faire le lien avec la consommation de chaque appareil et adapter sa consommation dans une optique d'optimisation tant financière que solidaire, notamment par l'usage privilégié des heures creuses.



En l'espèce, il n'est nullement établi, ni même allégué que la SA Enedis recueille des données dites 'fines' sans le consentement de Mme [V] de même qu'il n'est pas avéré qu'elle procède à leur traitement et/ou qu'elle les communique ou revende à des tiers, à l'exception d'EDF pour des besoins de simple facturation.



Aucun trouble manifestement illicite ne peut donc être fondé sur une quelconque méconnaissance du respect à la vie privée ou revente de données.



Sur les autres troubles manifestement illicites



Sans prendre la peine de développer ni d'étayer ces griefs, Mme [V] invoque, pêle-mêle, l'absence d'assurance d'Enedis, les nombreux problèmes liés aux pannes et sécurité incendie, les problèmes de sécurité électrique, le problème de la qualification des poseurs, le problème de non-respect de la législation par les dispositifs de comptage et le risque black-out induit par les réseaux intelligents Linky.



S'agissant des risques sécuritaires, du type incendie, pannes et black-out, la société Enedis réplique qu'ils ne peuvent être documentés dès lors qu'à l'inverse, une expérimentation menée sur 300 000 des 33 millions de compteurs posés démontre le contraire et que le compteur Linky, à la différence de ses prédecesseurs, intègre une fonction protectrice limitant les dommages aux appareils électriques en cas de surtension sur le réseau. Elle affirme en outre, sans être démentie, qu'elle est assurée et, en tout état de cause, en capacité financière d'assumer ses responsabilités en cas de sinistre, risque qui ne peut jamais être totalement exclu quelle que soit la technologie mise en oeuvre.



S'agissant ensuite de la qualification de ses poseurs, elle soutient, sans être démentie, que les techniciens de ses sous-traitants ont suivi une formation en trois modules :

- le niveau électrique dit 'basique' qui peut-être obtenu par un CAP électrotechnique, un baccalauréat électrotechnique ainsi que par un diplôme jugé équivalent de l'éducation nationale : il ne peut, par ailleurs, être considéré comme acquis que si le technicien justifie d'une habilitation électrique courant fort en vigueur et des compétences identifiées comme des pré-requis aux formations B2 BC, dans l'annexe D de l'UTE C18-150 ;

- le niveau électricien dit 'comptage' qui impose le suivi de deux formations :

' la formation 'Pose compteurs hors tension' nécessaire pour obtenir les pré-requis précités (annexe D de l'UTE C18-150) ;

' la formation 'Pose compteurs sous tension' : indispensable pour pouvoir être habilité B2T dans le domaine terminal, a minima pour les opérations de remplacement d'appareils : elle est délivrée par un organisme agrémenté par le Comité des Travaux sous tension.



S'agissant enfin du problème de non-respect de la législation par les dispositifs de comptage, il apparaît relativement abscons en ce qu'il n'est pas développé, étant ajouté que les considérations purement juridiques ont été développées supra.



Là encore, aucun trouble manifestement illicite ne peut tiré, avec l'évidence requise en référé, de ces assertions non explicitées ni documentées.



Sur la demande de provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice d'anxiété



L'appelante invoque un dommage psychologique en lien avec le fait d'avoir vécu dans la crainte d'abord de se voir imposer la pose d'un compteur Linky puis de devoir vivre non loin d'une telle installation. Elle ne produit aucun certificat médical attestant d'une éventuelle hyper-électrosensibilité.



L'on ne saurait caractériser l'existence d'un préjudice psychologique actuel ou imminent sur la base de ressentis et analyses, insuffisamment attestés et vérifiés par les données actuelles de la science, au sujet d'un progamme d'intérêt général, mobilisant de forts enjeux environnementaux, et dont aucune des modalités de mise en oeuvre ne peut, comme démontré ci-avant, être considérée comme constitutive d'une violation de dispositions légales ou réglementaires.



Dès lors, la preuve d'un trouble manifestement illicite ou d'un dommage imminent qui résulterait de la pose de compteurs Linky n'étant pas rapportée avec l'évidence requise en référé, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a débouté Mme [V] de sa demande visant à ordonner à la société ENEDIS de désinstaller un compteur de ce type, implanté à son domicile, ainsi que de sa demande de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice d'anxiété.



Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens



Il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné Mme [S] [V] aux dépens et payer à la SA Enedis la somme de 1 100 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Mme [S] [V], qui succombe au litige, sera déboutée de sa demande formulée sur le fondement de ce texte. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais non compris dans les dépens, qu'elle a exposés pour sa défense. Il lui sera donc alloué une somme de 1 500 euros en cause d'appel.



Mme [S] [V] supportera en outre les dépens de la procédure d'appel.





PAR CES MOTIFS



La cour,



Statuant dans les limites de l'appel ;



Révoque l'ordonnance de clôture et considère que l'affaire est en état d'être jugée ;



Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,



Y ajoutant :



Condamne Mme [S] [V] à payer à la SA Enedis la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Déboute Mme [S] [V] de sa demande sur ce même fondement ;



Condamne Mme [S] [V] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.





La greffière Le président

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