5 avril 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 20/03500

Pôle 4 - Chambre 13

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13



ARRET DU 05 AVRIL 2023

(n° , 23 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03500 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBQJV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Janvier 2020 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n°17/00115



APPELANT



Monsieur [J] [P]

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représenté par Me Yves ARDAILLOU de la SELAS GINESTIE MAGELLAN PALEY-VINCENT, avocat au barreau de PARIS, toque R138



INTIMES



Monsieur [G] [X]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représenté par Me Philippe DEROUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J037



S.A. ALLIANZ IARD prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034



S.E.L.A.R.L. CABINET [X]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Philippe DEROUIN, avocat au barreau de PARIS, toque J037



S.A. AXA FRANCE IARD

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représentée par Me François BLANGY de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque P0399



S.A. MMA IARD

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Philippe DEROUIN, avocat au barreau de PARIS, toque J037



Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Philippe DEROUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J037



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, chargée du rapport et devant Mme Estelle MOREAU, Conseillère.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre

Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

Mme Estelle MOREAU, Conseillère



Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER



ARRET :



- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 05 avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Florence GREGORI, Greffière présente lors de la mise à disposition.




***



M. [J] [P] qui avait fondé la société GL Trade constituait avec ses associés en juillet 2008 une société holding Financière Montmartre à laquelle il apportait des titres de la société GL Trade et bénéficiait d'un report d'imposition de la plus-value générée par cette opération.



Le 24 septembre 2008, il apportait à une société holding Global Link, société anonyme de droit belge soumise à l'impôt sur les sociétés constituée le même jour avec son épouse,

1488 actions de la société Financière Montmartre pour une valeur de 25 911 000 euros et recevait en rémunération de cet apport 25 911 parts de la société Global Link, dans le but de bénéficier du régime du sursis d'imposition de la plus-value prévu à l'article 150-0 B du code général des impôts, dans sa version applicable à cette date.



Le 1er octobre 2008, la société Global Link cédait ses actions dans la société Financière Montmartre à la société Sungard Investment Ventures LLC pour un montant net de 25 561 823 euros.



Le même jour, M. [P] cédait le solde de ses actions de la société Financière Montmartre à la société Sungard Investment Ventures LLC, afin de lui permettre de disposer de liquidités.



Le 9 décembre 2008, afin d'effectuer une réduction de son capital, la société Global Link rachetait à la SCI Vince, créée en 2006 par M. et Mme [P], l'intégralité de ses 5 060 actions données le 2 décembre 2008 par M. [P] à son épouse et ses deux enfants puis apportées pour 2 578 d'entre elles et cédées pour les autres à la SCI le lendemain, les annulait et les remboursait pour un montant de 4 998 470 euros.



Le 19 décembre 2011, la direction générale des finances publiques établissait à l'encontre de M. [P] une proposition de rectification de l'impôt sur le revenu pour un montant de 13 915 265 euros, fondée sur l'article L.64 du livre des procédures fiscales, en relevant que :

- la plus-value réalisée lors de l'apport des actions de la société Financière Montmartre à la société Global Link soit 17 645 869 euros a été placée sous le régime du sursis d'imposition prévu aux articles 150-0 B et 150-0 D.9 du code général des impôts,

- l'objet des dispositions de l'article 150-0 B est d'éviter la taxation immédiate des plus-values constatées à l'occasion de la réalisation d'un apport tant que les titres reçus en contrepartie de l'apport n'ont pas été cédés et n'ont pas permis au contribuable de disposer des liquidités nécessaires au paiement de l'imposition,

- M. [P] a interposé la société Global Link dans la cession des actions de la société Financière Montmartre puis appréhendé une partie des liquidités de la cession par l'intermédiaire de donations de titres de la société au profit des membres du foyer fiscal, avant de les faire racheter par ladite société par une diminution de capital et enfin a réinvesti la grande majorité des liquidités obtenues dans des investissements patrimoniaux (produits financiers),

- le rachat par la société Global Link de ses propres actions à la société Vince a conduit à la récupération d'une partie du fruit de la vente des titres de la société Financière Montmartre,

- la société Global Link bénéficiaire de l'apport n'a réinvesti le produit de la cession dans une activité économique qu'à hauteur de 14,87% du prix de cession,

- ce montage est constitutif d'un abus de droit dans la mesure où il n'a comme finalité exclusive que de faire jouer le sursis d'imposition et d'éluder l'impôt qui aurait été dû en cas de rachat direct des titres à l'actionnaire.



Saisi par M. [P], le comité de l'abus de droit fiscal, par avis du 16 octobre 2014, considérait que l'administration était fondée à mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales pour écarter l'application du régime du sursis d'imposition à l'égard de la plus-value réalisée à l'occasion de l'opération du 24 septembre 2008.

Il émettait toutefois un avis différent de celui de l'administration fiscale sur le ratio de réinvestissement qui représentait selon lui 27,94% du prix de cession, qualifiant certaines opérations d'investissements dans une activité économique alors qu'elles en avaient été écartées dans le cadre de la proposition de rectification. Il l'estimait cependant 'trop faible pour atteindre le taux qui lui permettait d'être regardé comme caractérisant un investissement significatif dans une activité économique'.



Le 24 novembre 2014, la direction générale des finances publiques notifiait à M. [P] un avis d'imposition à hauteur de 13 915 265 euros, contenant une majoration de 80 % des droits principaux pour abus de droit.



M. [P] formait une réclamation gracieuse avec demande de sursis de paiement qui a été refusée le 19 juin 2015.



Estimant que M. [G] [X], avocat spécialiste en droit fiscal qu'il avait chargé d'une mission d'optimisation de la cession des actions qu'il détenait au capital de la société Financière Montmartre, avait commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité, M. [P] l'assignait, ainsi que la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Cabinet [X], la société Zurich insurance public limited company, la SA Axa France Iard, la SA Allianz Iard et la SA MMA Iard devant le tribunal de grande instance de Paris.

La société d'assurances mutuelles MMA Iard assurances mutuelles intervenait volontairement à l'instance.



Aux termes d'un accord intervenu avec l'administration fiscale le 1er février 2018, M. [P] obtenait une réduction du montant de la pénalité de 10 % pour paiement tardif et de la majoration de 80 % pour abus de droit et se désistait de son action intentée devant le tribunal administratif en décharge du supplément d'impôt et des pénalités, désistement constaté par décision du 22 février 2018.



Par jugement du 8 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :



- déclaré parfait le désistement de M. [P] à l'égard de la société Zurich insurance public limited company,

- débouté M. [P] de ses demandes,

- condamné M. [P] aux dépens,

- laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.



Par déclaration du 17 février 2020, M. [P] a interjeté appel de cette décision.



Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 29 octobre 2020, M. [J] [P] demande à la cour de :



- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes et l'a condamné aux dépens,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [X] et la société [X] de leur demande de sursis à statuer,



statuant à nouveau,

- dire et juger que M. [X] a engagé sa responsabilité civile professionnelle au titre des conseils erronés prodigués à M. [P] dans le cadre de l'opération d'apport-cession réalisée en septembre 2008,

en conséquence,

- condamner solidairement M. [X], la société [X], les sociétés MMA Iard, MMA Iard assurances mutuelles en leur qualité d'assureurs de première ligne, Allianz Iard en sa qualité d'assureur de deuxième ligne et Axa France Iard en sa qualité d'assureur de troisième ligne à lui payer la somme de 11 517 875 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2014, date de la mise en demeure adressée à M. [X],

- condamner solidairement M. [X], la société [X], les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances mutuelles, Allianz Iard, et Axa France Iard à lui verser la somme de 200 000 euros au titre de la perte de chance qu'il a subie,

- condamner solidairement M. [X], la société [X], les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances mutuelles, Allianz Iard, et Axa France Iard à lui verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [X], la société [X], les sociétés MMA Iard, MMA Iard assurances mutuelles, Allianz Iard et Axa France Iard aux entiers dépens de la présente instance dont distraction au profit de la SELAS Ginestié, Magellan, Paley-Vincent.



Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 3 août 2020, M. [G] [X], la SELARL Cabinet [X], la SA MMA Iard et la société d'assurances mutuelles MMA Iard assurances mutuelles demandent à la cour de :



- confirmer le jugement entrepris,

- subsidiairement, soumettre à la Cour de justice de l'Union européenne une ou plusieurs questions préjudicielles qui s'inspireraient des termes proposés au point 55 et surseoir à statuer dans l'attente de sa décision,

- plus subsidiairement, fixer à moins de 5% la probabilité de la chance perdue du fait des avocats d'éviter les impositions et pénalités, limiter à la pénalité de 10%, pour défaut de déclaration, soit 724 753 euros, le dommage auquel s'appliquerait cette probabilité et débouter l'appelant du surplus de ses prétentions,



- dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.









Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 30 juin 2020, la SA Allianz Iard demande à la cour de :



- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [P] de ses demandes et l'a condamné aux dépens de l'instance,

à titre subsidiaire,

- juger les demandes formulées contre elle irrecevables,

en tout état de cause,

- juger qu'elle ne peut être tenue qu'en cas de condamnation de M. [X] et après épuisement de la première ligne d'assurance souscrite auprès des sociétés MMA à hauteur de 3 850 000 euros et dans la limite de 3 850 000 euros,

- rejeter toutes demandes contraires,

- condamner M. [P] à lui payer la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [P] aux dépens de l'instance en application de l'article 699 du code de procédure civile.



Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 3 août 2020, la SA Axa France Iard demande à la cour de :



- débouter M. [P] de son appel et en tout cas le déclarer mal fondé,

en conséquence,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- dire et juger que les demandes formulées par M. [P] à son encontre sont irrecevables et en tout cas mal fondées en ce qu'il a commis une faute dolosive faisant disparaître l'aléa du contrat d'assurance entraînant l'exclusion de l'application des polices d'assurances à son profit,

en tout état de cause,

- dire et juger que le contrat d'assurance de l'année 2014 ne s'applique pas aux réclamations formulées par M. [P],

- débouter en conséquence M. [P] de toute demande formulée à son encontre en tant qu'apériteur de seconde ligne du programme du barreau de Paris pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014,

- dire et juger qu'elle était effectivement apériteur de troisième ligne du programme du barreau de Paris pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011,

- dire et juger qu'elle est bien fondée à opposer à M. [P] et ses assureurs les limites de sa police et notamment qu'elle ne peut être tenue de garantir qu'après épuisement des deux premières lignes de garanties souscrites auprès des sociétés MMA Iard et de la société Allianz Iard et à hauteur de 11 500 000 euros par sinistre et par année de garantie,

- dire et juger que M. [X] n'a commis aucune faute contractuelle et que M. [P] ne justifie ni d'un préjudice ni d'un lien de causalité avec l'intervention de l'avocat,

- débouter M. [P] de l'intégralité des demandes formulées à son encontre et à l'encontre

de M. [X] et de la société [X],

- condamner M. [P] à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont recouvrement direct au profit de la SCP Cordelier et associés- M. [T] [L].



La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 13 décembre 2022.



Selon note adressée en cours de délibéré, la cour a soulevé d'office l'application au litige du principe dégagé par la jurisprudence sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil, applicable au litige, selon lequel la responsabilité d'un professionnel du droit ne présente pas de caractère subsidiaire.

Les parties ont adressé leurs observations les 29, 30 et 31 mars 2023.




SUR CE,



Sur la faute de l'avocat



Le tribunal a considéré que l'avocat a manqué à son obligation de conseil et à son devoir de prudence aux motifs que :



- M. [P] faisait grief à M. [X], à qui il avait confié une mission d'optimisation de l'opération d'apport-cession de 1488 actions qu'il détenait au sein de la société financière Montmartre, de lui avoir indiqué que cette opération fiscale ne présentait aucun risque de remise en cause par l'administration, quand bien même le prix de cession des actions apportées à la société Global Link ne serait pas remployé dans l'acquisition de biens professionnels, et de ne pas l'avoir informé de l'évolution de la jurisprudence, entre septembre 2008 et le début du contrôle fiscal en 2011,

- l'article 150-0 B du code général des impôts, dans sa version issue de la loi du 31 décembre 1999, prévoyait l'octroi automatique d'un sursis d'imposition pour les plus-values résultant de certaines opérations ne dégageant pas de liquidités, en particulier les échanges de titres,

- à la date de la consultation de l'avocat, le sursis d'imposition s'appliquait de plein droit et la plus-value d'échange de titres n'avait pas à faire l'objet de déclaration auprès de l'administration fiscale, l'année de l'échange,

- la question se posait de savoir si à l'occasion de l'application de cette disposition nouvelle, l'administration fiscale maintiendrait, sur le fondement de l'abus de droit au visa de l'article 64 du livre des procédures fiscales, le prononcé d'un redressement dans le cas où le contribuable bénéficiaire du sursis n'aurait pas réinvesti le produit de cession des titres dans une activité économique dans une proportion suffisante, alors que le comité consultatif pour la répression des abus de droit (CCRAD) avait conclu dans deux avis donnés en 2005 que ce nouveau dispositif, en raison de son caractère automatique, ne pouvait être constitutif d'un abus de droit,

- l'application par les juridictions nationales des articles 150-0 B du code général des impôts et L. 64 du livre des procédures fiscales, entre 2005 et l'avis donné par M. [X] en 2008, a été contrastée, certaines d'entre elles ayant admis, contrairement à l'avis de principe du comité de l'abus de droit fiscal de 2005 que l'administration fiscale puisse remettre en cause le sursis d'imposition sur le fondement de l'abus de droit,

- cette interprétation a été affirmée dans un arrêt du conseil d'Etat en date du 27 juillet 2012,

- à la date de ses consultations en septembre 2008, M. [X] a fait une analyse exacte et conforme de l'état du droit et de la jurisprudence, notamment s'agissant des divergences d'interprétation des textes applicables et par là même, d'une incertitude sur le sens de la jurisprudence,

- cependant, la conclusion de M. [X] sur l'absence de risque de remise en cause du schéma fiscal par l'administration, même si le prix n'était pas réemployé en investissement économique rapidement, était téméraire et contraire au devoir de prudence qui s'imposait à lui.



M. [P] fait valoir que M. [X] a commis des fautes aux motifs que :



- consulté dès juin 2008, l'avocat a précisé, dans ses consultations écrites des 2 et 24 septembre 2008, que l'opération d'apport-cession ne comportait aucun risque et qu'elle lui permettrait d'être exonéré d'impôt sur les plus-values, y compris celles en report d'imposition,



- il a concédé que ce type d'opération pouvait être critiqué par l'administration fiscale sur le fondement de l'abus de droit et évoqué la position conservatrice de certains conseils mais a exclu tout risque de remise en cause par l'administration fiscale même en l'absence de réinvestissements professionnels, alors que ce montage fiscal lui imposait de réinvestir le prix de cession des titres de manière significative dans des activités économiques pour éviter les poursuites de l'administration fiscale sur le fondement de l'abus de droit,





- l'avocat a considéré qu'en raison du caractère automatique du différé d'imposition, les opérations qui y étaient soumises échappaient en toutes circonstances à l'article L.64 du livre des procédures fiscales régissant l'abus de droit et a affirmé être prêt à engager sa responsabilité à ce titre en sollicitant une augmentation du plafond de son assurance responsabilité civile professionnelle pour un montant égal à 200 % de l'économie d'impôt,

- fort des conseils inconditionnels de M. [X] et alors que l'opération envisagée et l'économie d'impôt en découlant avaient pour objectif de lui permettre de réaliser de nouveaux investissements dans diverses activités économiques au travers des nouvelles structures juridiques mises en place, il n'a pas réinvesti la majorité du prix de cession, à court terme, dans des activités professionnelles,

- pour les opérations d'apport réalisées antérieurement au 1er janvier 2000, l'administration fiscale, le CCRAD et les juridictions administratives adoptaient une position similaire, selon laquelle les apports réalisés sous le régime du report d'imposition alors applicable, devaient être considérés comme abusifs en l'absence de réemploi à bref délai d'une part importante du produit de la cession dans des activités économiques mais à compter de cette date, la loi a substitué un régime de sursis d'imposition de la plus-value d'apport accordé de plein droit aux contribuables et le CCRAD a conclu dans deux avis de 2005 que ce dispositif, en raison de son caractère automatique, ne pouvait être constitutif d'un abus de droit,

- toutefois, dès 2006, la position du CCRAD était ambiguë et dès 2007, la jurisprudence administrative a considéré que le contribuable devait avoir réinvesti une partie du produit de la vente dans des actifs professionnels et patrimoniaux, pour bénéficier du régime du report d'imposition et échapper à la sanction tirée de l'abus de droit,

- par deux décisions du 8 octobre 2010 le Conseil d'Etat a confirmé la possibilité d'appliquer la notion d'abus de droit au régime du report d'imposition et la nécessité de réinvestir le produit de la vente de la cession dans une activité économique,

- alors que M. [X] était son conseil en 2010 et effectuait toutes ses déclarations fiscales, il a manqué à son obligation de l'informer du risque accru de remise en cause du schéma conseillé au vu de ces décisions et de l'alerter sur la nécessité d'accélérer les réinvestissements,

- la jurisprudence du conseil d'Etat de 2010 confirmée en 2012 ne constitue pas un revirement et M. [X] aurait dû être prudent dans ses conseils, notamment car dès 2006, il existait un risque avéré de remise en cause du schéma qu'il a conseillé sur le fondement de l'abus de droit ou du principe général de lutte contre la fraude à la loi,

- l'avocat fait une interprétation erronée de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 avril 2012, les conseils donnés dans cet arrêt étant sans rapport avec ceux prodigués par M. [X] à M. [P],

- la proposition de redressement de l'administration fiscale notifiée en avril 2008 dans le cas d'un apport-cession réalisé par les époux [C], autres clients de l'avocat, aurait dû susciter son extrême vigilance et le conduire à prodiguer un tout autre conseil,

- l'incompatibilité de la pratique administrative et de la jurisprudence française en matière d'apport cession avec les textes et la jurisprudence européens aucunement mentionnés dans la consultation de M. [X], laquelle a été identifiée a posteriori par ce dernier et la question préjudicielle que M. [X] demande, à titre subsidiaire, de soumettre à la cour, ont un caractère dilatoire alors que sa demande de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat à ce sujet a été rejetée, en ce qui le concerne par une ordonnance du tribunal administratif de Paris en 2016 et surtout au vu de l'arrêt du Conseil d'Etat du 27 septembre 2017, ayant refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité portant sur un tel argumentaire,

- il n'est pas un professionnel de droit fiscal, l'opération fiscale qu'il avait réalisée en 1998 n'étant pas comparable à celle de 2008 et il n'était pas averti sur les risques liés à un apport-cession en 2008.



M. [X], la société Cabinet [X] et les sociétés MMA répliquent que :

- le devoir de conseil de l'avocat s'apprécie in concreto au regard de l'état du droit, actuel ou prévisible, à la date de sa consultation et de l'opération sur laquelle son avis est requis ou dont il doit rédiger les actes,





- en droit fiscal, il est de principe que l'apport de titres à une société, qui ne dégage par lui-même aucune liquidité, n'est pas imposable immédiatement et fait l'objet d'un report ou d'un sursis d'imposition jusqu'à la cession des titres reçus en rémunération de l'apport,

- pour la généralité des plus-values d'échange de titres réalisées par les particuliers comme par les entreprises, ce principe a été consacré par l'article 8 de la directive européenne 90/434/CEE 'Régime fiscal des fusions' du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'Etats membres différents et repris par l'article 8 de la directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009 qui a refondu et codifié les texte,

- l'article 11 de la directive 90/434/CEE, repris en substance à l'article 15 de la directive 2009/133/CE, énonce qu'un Etat membre peut refuser d'appliquer tout ou partie des dispositions des titres II, III et IV ou en retirer le bénéfice lorsque l'opération de fusion, de scission, d'apport d'actifs ou d'échange d'actions a comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l'évasion fiscales, le fait qu'une opération n'ait pas été effectuée pour des motifs économiques valables pouvant constituer une présomption à ce titre,

- l'article 11 de la directive Régime fiscal des fusions et son interprétation par la jurisprudence de la Cour de justice, issue des arrêts Leur-Bloem (1997) et Kofoed (2007) permettaient de considérer l'absence de motif économique valable, tels que la restructuration ou la rationalisation des activités des sociétés participant à l'opération, comme une présomption de fraude ou d'évasion fiscale de nature à écarter l'application du régime spécial, mais à la double condition toutefois que les règles nationales soient suffisamment claires et précises (arrêt Kofoed) et de ne pas faire du critère de réinvestissement dans certaines activités dans un certain délai une règle générale excluant automatiquement certaines opérations du bénéfice de ce régime et d'exiger, au contraire, la preuve d'une fraude ou évasion fiscale effective après un examen de l'ensemble de l'opération (arrêt Leur-Bloem),

- en droit national, la pratique administrative considérait en 2008 que l'abus de droit ne pouvait être invoqué en matière de sursis à imposition, l'administration fiscale s'étant rangée à l'avis du CCRAD émis en ce sens en 2005 et au moins une cour d'appel administrative s'était prononcée dans le même sens (CAA Bordeaux , 9 octobre 2008) de sorte que la sanction d'une déchéance automatique pour défaut de réinvestissement suffisant dans des activités professionnelles paraissait à la fois interdite et disproportionnée au regard de la loi nationale et du droit de l'Union européenne,

- ce n'est qu'en 2012 que l'administration a obtenu du comité de l'abus de droit fiscal (CADF) remplaçant la CCRAD, qu'il revienne sur sa précédente doctrine en appréciant à nouveau les circonstances postérieures à la cession des titres apportés pour en déduire, ou non, l'existence d'un abus de droit et les juridictions administratives ont fait de même,

- la situation a perduré jusqu'à la loi de finances rectificative pour 2012 du 29 décembre 2012 qui a clarifié la législation applicable en fixant des critères précis et objectifs (remploi du prix de cession dans les deux ans au financement d'une activité économique) sous peine de voir l'impôt sur la plus-value d'apport exigible avec un simple intérêt de retard,

- selon M. [P], cette opération d'apport-cession et l'économie d'impôt en découlant avaient pour objectif de lui permettre de réaliser de nouveaux investissements dans diverses activités économiques, au travers des nouvelles structures juridiques mises en place,

- les conclusions de l'analyse de l'avocat sont formulées en des termes rassurants, mais elles n'effacaient pas l'objectif de M. [P] ni l'analyse qui la précédait et qui faisait état du risque de contestation et de la prudence qu'il y aurait à procéder à un réinvestissement économique suffisant,

- l'avocat a rempli son obligation de conseil en faisant à son client une présentation complète de l'état de droit à la date de sa consultation et en lui donnant les informations juridiques pertinentes et de nature à éclairer sa décision puisqu'il a évoqué le risque de contestation, l'évolution favorable engagée et l'attitude de réinvestissement dynamique en activité professionnelle pour réduire le risque fiscal, en précisant conformément à la jurisprudence européenne que ce n'était pas une condition nécessaire au maintien de l'exonération,

- le schéma conseillé par l'avocat s'est révélé efficace pour les deux autres actionnaires de la société Financière Montmartre qui ont effectué la même opération sans être inquiétés par l'administration fiscale,

- il a, en outre, obtenu dans une affaire similaire bénéficiant d'un sursis d'imposition l'abandon des rectifications proposées,

- l'orientation financière des investissements d'une société commerciale ne relève pas de la profession d'avocat, lequel n'a pas à prendre parti dans un tel choix mais seulement à l'informer des incidences juridiques et fiscales de l'acte envisagé en donnant des éléments d'appréciation du risque encouru, ce qu'il a fait,

- la décision du conseil d'Etat en date de 2010 n'est pas transposable au cas présent.

A titre subsidiaire, ils sollicitent sur le fondement de l'article 267 du TFUE l'interprétation de la CJUE sur le point de savoir si les articles 8 et 11 de la directive 90/434/CEE doivent être compris en ce sens qu'ils autorisent la pratique ou la législation d'un Etat membre consistant à refuser le bénéfice d'échanges d'actions quand le produit de la cession n'est pas réinvesti en proportion suffisante et dans un certain délai dans des activités productives, spécialement lorsque les critères de proportion, de délai et de nature des activités éligibles ne sont pas définis de façon ' suffisamment précise et claire pour permettre aux particuliers concernés de connaître l'étendue de leurs droits et obligations'.



La société Allianz Iard adopte les moyens de défense de M. [X] et des autres assureurs et souligne que la jurisprudence relative au mécanisme du report d'imposition fluctuante jusqu'aux arrêts du Conseil d'Etat du 8 octobre 2010 est inapplicable au sursis d'imposition, le Conseil d'Etat n'ayant statué qu'en 2012 sur le sursis d'imposition et que la position du CCRAD concernant ce sursis était dénuée de toute ambiguïté sur l'impossibilité d'abus de droit.



La société Axa France Iard fait de même et ajoute encore que :



- la consultation émise, avec un certain nombre de réserves, était en adéquation avec le droit positif actuel et prévisible, applicable en son temps,

- l'avocat avait informé M [P] de l'impérieuse nécessité de procéder à des réinvestissements conséquents, ce que celui-ci n'ignorait pas, ayant bénéficié d'un report d'imposition en 1998,

- il a émis la même consultation au profit des deux associés de M. [P] qui ont procédé aux investissements nécessaires et n'ont pas fait l'objet d'un redressement fiscal,

- la cour administrative d'appel de Bordeaux a retenu dans un arrêt concomitant du 9 octobre 2008 que l'article L. 64 du livre des procédures fiscales n'était pas applicable au sursis d'imposition,

- les arrêts du Conseil d'Etat de 2010 ne portaient que sur des opérations bénéficiant d'un report d'imposition optionnel et n'étaient pas applicables au sursis d'imposition de sorte que l'avocat n'avait pas à informer son client de cette évolution jurisprudentielle.



La responsabilité du professionnel du droit est une responsabilité de droit commun qui suppose la preuve d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité entre l'une et l'autre. Il en résulte, notamment, que le préjudice invoqué doit être certain, qu'il s'agisse du préjudice entier ou d'une perte de chance.



L'avocat, tenu à un devoir de conseil, doit informer et attirer l'attention de son client sur l'ensemble des conditions de l'opération pour laquelle son concours est sollicité et sur les risques, notamment fiscaux, encourus en raison de celle-ci.



Son devoir de conseil s'apprécie in concreto au regard de l'état du droit, actuel ou prévisible, à la date de sa consultation et de l'opération sur laquelle son avis est requis ou dont il doit rédiger les actes.



De même, l'article 3 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 mentionne au titre des principes essentiels de la profession d'avocat que celui-ci doit faire preuve de prudence à l'égard de son client.



Ni les compétences ni les connaissances du client ne dispensent le professionnel du droit de ses obligations et principalement de son devoir de conseil.



En vertu du premier alinéa de l'article 150-0 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition 2008 en litige, les plus-values réalisées dans le cadre d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés bénéficiaient d'un sursis d'imposition au titre de l'année de l'échange des titres. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 de laquelle elles sont issues, que le législateur a, en les adoptant, entendu faciliter les opérations de restructuration d'entreprises, en vue de favoriser la création et le développement de celles-ci, par l'octroi automatique d'un sursis d'imposition pour les plus-values résultant de certaines opérations qui ne dégagent pas de liquidités.



L'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable jusqu'au 1er janvier 2009, date d'application de la loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008, disposait que :



Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses :



a) Qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ;

b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ;

c) Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention.

L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit (CCRAD).

L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel.

Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification.



En septembre 2008, l'applicabilité de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales au sursis d'imposition prévu à l'article 150-0 B du code général des impôts pouvait susciter des interrogations de deux ordres :



- une hésitation au regard de l'avantage fiscal offert à savoir un différé d'imposition :



En effet, si depuis un arrêt de 1986, le Conseil d'Etat avait admis que l'article L. 64 du LPF s'appliquait aux mécanismes de report d'imposition, l'arrêt Janfin du 2 septembre 2006, ayant redéfini l'abus de droit et s'en tenant à une interprétation stricte du champ d'application de cet article, a suscité chez les auteurs le questionnement du maintien de cette jurisprudence et la cour administrative d'appel de Nantes dans des arrêts des 18 décembre 2006 et avril 2008 a estimé que l'administration fiscale ne pouvait faire usage des pouvoirs qu'elle tient de l'article L.64 du LPF lorsqu'elle entendait contester le fait pour un contribuable de solliciter le report d'imposition de plus-value.



Le Conseil d'Etat a mis fin à cette première interrogation par trois arrêts [V], [E] et [M] rendus le 8 octobre 2010, sur pourvoi à l'encontre des décisions précitées de la cour d'appel de Nantes en considérant que 'le mécanisme du report d'imposition dont l'intérêt fiscal est de différer l'imposition, entre dans le champ d'application de l'article L. 64 du LPF dès lors qu'il a nécessairement pour effet de minorer l'assiette de l'année au titre de laquelle l'impôt est normalement dû'.



- une hésitation au regard du caractère de plein droit et non optionnel du sursis à imposition née des avis de la CCRAD rendus en 2005 :



Ainsi, il ressort du rapport du CCRAD pour l'année 2005 que saisi de recours contre des montages destinés selon l'administration fiscale à bénéficier abusivement du sursis d'imposition prévu à l'article 150-0 B du CGI, le comité a examiné au fond les premières affaires quant au remploi du prix de cession dans l'acquisition de biens professionnels puis a considéré par la suite dans deux avis n°2004-63 et n°2004-64 que l'article 94 de la loi de finances pour 2000 ayant remplacé le régime du report d'imposition précédemment applicable sur option du contribuable par un mécanisme de sursis d'imposition automatique, celui-ci ne laissait désormais aucun autre choix au contribuable qui souhaiterait être immédiatement imposé que de procéder à la cession directe des titres, l'opération d'échange étant en effet traitée comme une opération intercalaire ne donnant pas lieu à la liquidation de l'impôt sur le revenu, la plus-value d'échange étant imposée ultérieurement, notamment lors de la cession des titres reçus en échange et il en a conclu que le bénéfice de ce nouveau dispositif légal n'était pas constitutif d'un abus de droit. Le CCRAD a maintenu sa position en 2006 et son président a indiqué le 7 mars 2007 que l'administration fiscale l'avait suivi.



Le comité de l'abus de droit fiscal (CADF) ayant remplacé la CCRAD à compter du 1er janvier 2009 a admis pour la première fois l'applicabilité de l'article L.64 du livre des procédures fiscales au sursis d'imposition dans deux avis n° 2011-16 et n°2011-17 du 2 février 2012.



Le conseil d'Etat n'a statué dans le même sens que le 27 juillet 2012, dans un arrêt [Z] rejetant le pourvoi formé contre un arrêt du 17 février 2009 de la cour administrative d'appel de Bordeaux confirmant un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 février 2007 affirmant que le caractère de plein droit du différé d'imposition ne faisait pas obstacle à l'application de l'article L.64 du livre des procédures fiscales.

Le tribunal administratif de Marseille avait statué dans le même sens dans un jugement du 4 février 2008, tout comme le tribunal administratif de Clermont-Ferrand dans un jugement du 27 mars 2007 et la cour administrative d'appel de Douai dans un arrêt du 11 décembre 2007.



Dans sa lettre du 2 septembre 2008, M. [X] mentionnait de manière très succincte les schémas retenus et le tarif de ses honoraires et indiquait qu'il était prêt à engager sa responsabilité sur l'absence d'imposition en France de la plus-value d'apport à la société belge lors de l'apport, la vente de la Financière Montmartre, la délocalisation de M. [P] en Belgique ou la liquidation de la société belge, offrant de lui apporter la preuve de l'augmentation du plafond de couverture de l'assurance responsabilité civile professionnelle de son cabinet pour un montant égal à 200 % de l'économie d'impôt.



Dans sa lettre du 24 septembre 2008, l'avocat a exposé à M. [P] de manière plus précise le schéma fiscal qu'il proposait en lui expliquant que 'l'apport de ses titres à une nouvelle structure bénéficierait d'un sursis d'imposition de la plus-value lui permettant de réaliser une économie d'impôt de 7 611 046 euros' et que :

'Leur cession par la société bénéficiaire de l'apport ne mettra fin ni au sursis d'imposition de la plus-value des titres Financière Montmartre ni au régime de report d'imposition de la plus-value d'apport de titres GL Trade à la société Financière Montmartre, dès lors qu'[il] conserve les actions de ladite société reçues en rémunération de son apport.

La plus-value réalisée par la société bénéficiaire des apports lors de la cession des titres apportés sera imposable à l'impôt sur les sociétés.

En pratique, aucun impôt ne sera dû dès lors que les actions seront cédées à leur valeur d'apport.'

Il a ajouté que 'la société Global Link ainsi créée bénéficierait d'un montant de 25 561 878 euros afin de procéder à des réinvestissements'.



Surtout, il a précisé :



'Nous attirons votre attention sur la tendance de l'administration de remettre en cause ce type d'opérations sur le fondement de l'abus de droit.

En effet, l'administration considère que ce type d'opérations est constitutif d'un abus de droit dès lors que le prix de cession des titres apportés n'est pas réemployé dans le développement d'une activité industrielle, commerciale ou artisanale.

Toutefois, dans ses nouveaux avis de l'année 2005, le Comité Consultatif pour la Répression des Abus de droit considère que le bénéfice du sursis à imposition, contrairement au report, n'est plus constitutif en soi d'abus de droit. (...)

Selon nos observations, l'administration se serait inclinée devant la nouvelle doctrine du comité des abus de droit et aurait donc renoncé à poursuivre ce type de redressements.

Cela dit, certains conseils estiment que la majorité du prix de cession des actions doit être réinvestie dans des actifs professionnels et non dans des biens relevant du simple placement.



Si un éventuel investissement dans un actif professionnel permet de consolider le schéma, nous observons que dans deux avis de 2005, le prix de cession des actions n'avait pas été réinvesti dans des actifs professionnels mais au contraire a fait l'objet d'une gestion purement patrimoniale, sans que pour autant le Comité reconnaisse le caractère abusif du schéma.

M. [X] a conclu, en encadrant le résultat de son analyse et en portant en gras l'expression 'cette opération ... ne présente aucun risque' ce qui en renforce la portée, à une absence totale de risque de redressement fiscal en se fondant uniquement sur la position du CCRAD donnée par ses avis de 2005 lesquels n'avaient qu'une portée limitée dans la mesure où ils ne liaient que l'administration fiscale.



Cet avis, trop faiblement étayé, ne pouvait pas être aussi tranché et radical alors que le Conseil d'Etat n'avait pas encore statué sur ce point, que la doctrine s'interrogeait et que certains tribunaux (Clermont-Ferrand, Marseille et Bordeaux) et au moins une cour administrative d'appel (Douai) avaient déjà admis à cette époque l'application de l'article L. 64 du LPF au sursis d'imposition de l'article 150-0 B du CGI, ce dont il n'a pas fait état, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges.



Il a ainsi manqué à son obligation de conseil mais également de prudence en affirmant qu'il n'existait aucun risque de remise en cause du schéma fiscal proposé et ce même si le prix de cession des actions n'était pas remployé dans une activité économique, la consultation ne faisant d'ailleurs aucune allusion à la volonté de M. [P] de racheter des actions de la société Sungard Investment Ventures LLC pour un montant de 5 000 000 euros, contrairement aux allégations des intimés.



M. [X] ne peut s'exonérer de sa faute au motif que son client aurait été averti des risques fiscaux encourus puisqu'il avait bénéficié d'un report d'imposition lors d'une précédente opération financière en 1998 ou au motif allégué par la société Axa France Iard selon lequel il serait un professionnel du droit fiscal.





Il ne peut arguer d'une éventuelle conformité de son avis aux articles 8 et 11 de la directive européenne 90/434/CEE 'Régime fiscal des fusions' du 23 juillet 1990 alors qu'il n'a pas invoqué ces articles dans sa consultation pour appuyer sa position et il n'y a pas lieu de saisir la CJUE de la question préjudicielle telle que sollicitée par M. [X], sa société d'avocats et les sociétés MMA.



Après cette consultation, le conseil d'Etat dans un de ses arrêts du 8 octobre 2010 a jugé :

'Considérant que, lorsque l'administration entend remettre en cause les conséquences fiscales d'une opération qui s'est traduite par un report d'imposition au motif que les actes passés par le contribuable ne lui sont pas opposables, elle est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; qu'en effet, une telle opération, dont l'intérêt fiscal est de différer l'imposition, entre dans le champ d'application de cet article dès lors qu'elle a nécessairement pour effet de minorer l'assiette de l'année au titre de laquelle l'impôt est normalement dû à raison de la situation et des activités réelles du contribuable ;

(...)

Considérant que le placement en report d'imposition d'une plus-value réalisée par un contribuable lors de l'apport de titres à une société qu'il contrôle et qui a été suivi de leur cession par cette société est constitutif d'un abus de droit s'il s'agit d'un montage ayant pour seule finalité de permettre au contribuable, en interposant une société, de disposer effectivement des liquidités obtenues lors de la cession de ces titres tout en restant détenteur des titres de la société reçus en échange lors de l'apport ; qu'il n'a en revanche pas ce caractère s'il ressort de l'ensemble de l'opération que cette société a, conformément à son objet, effectivement réinvesti le produit de ces cessions dans une activité économique.'



Cet arrêt pris au titre d'un report d'imposition pouvait s'appliquer à un sursis d'imposition puisqu'il y était énoncé que l'article L. 64 du LPF était applicable dès lors qu'il s'agissait d'un 'différé d'imposition' qui a nécessairement pour effet de minorer l'assiette de l'année au titre de laquelle l'impôt est normalement dû.



M. [X] qui était toujours chargé d'effectuer les déclarations d'impôt de M. [P] aurait dû l'avertir, avant décembre 2011, de la nécessité impérieuse d'investir le prix de cession de ses actions pour une large part dans une activité économique s'il ne voulait pas risquer d'être passible d'un abus de droit, ce qu'il n'a pas fait, manquant là encore à son obligation de conseil.



Les intimés invoquent inutilement le fait que les deux associés de M. [P] ayant bénéficié des mêmes conseils par M. [X] n'ont finalement pas été inquiétés par l'administration fiscale qui a renoncé au redressement envisagé, puisque ceux-ci attestent qu'ils n'avaient aucunement été conseillés par ce dernier sur la nécessité de procéder à des réinvestissements de nature économique mais qu'ils l'avaient fait à leur initiative personnelle de manière importante.



Le jugement est confirmé en ce qu'il a retenu un manquement de l'avocat à son obligation de conseil et son devoir de prudence.



Sur le lien de causalité et le préjudice



Le tribunal a considéré que :



- les conseils de M. [X] n'ont pas induit en erreur M. [P], ses investissements et tentatives d'investissements montrant qu'il ne les a pas suivis et qu'il avait compris et tiré les conséquences du risque fiscal,

- la considération du caractère non significatif des investissements de M. [P] par l'administration fiscale est indépendante de l'intervention de M. [X] et relevait de la juridiction administrative,

- M. [P] avait de réelles chances de voir son redressement fiscal remis en cause s'il avait poursuivi la contestation de celui-ci,

- l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 8 octobre 2010 n'est pas applicable au cas d'espèce,

- en l'absence de lien de causalité entre le manquement de l'avocat et le redressement opéré, M. [P] doit être débouté de ses demandes.



M. [P] fait valoir que :

1- il est fondé à obtenir une indemnisation intégrale du montant du redressement payé à l'administration fiscale soit 11 517 875 euros puisque :



- il a subi un préjudice certain et résultant du redressement fiscal,

- le principe de rétroactivité in mitius invoqué ne peut s'appliquer à la majoration de 80% pour abus de droit retenue à son encontre puisque le nouveau régime de report prévu à l'article 150-0 B ter du CGI qui n'a pas exclu la possibilité de mettre en oeuvre la procédure de l'abus de droit ne porte que sur l'assiette de l'impôt et ne concerne que les opérations d'apport réalisées à compter du 12 novembre 2012, de sorte qu'il ne peut modifier le régime des pénalités applicables à une opération antérieure et n'est pas assimilable à une loi pénale plus douce puisqu'il constitue en réalité un durcissement de la loi fiscale,

- les mécanismes du report et du sursis d'imposition n'étant pas des mesures ayant le caractère d'une peine, la majoration de 80% est un préjudice indemnisable,

- les intimés invoquent vainement que ce préjudice ne pourrait être analysé que comme une perte de chance puisque le sursis d'imposition dépendait de la réalisation d'investissement futurs et incertains alors que l'avocat lui a conseillé de ne pas y procéder,

- en tout état de cause, il est fondé à réclamer le remboursement de l'intégralité de l'impôt car s'il avait été informé, il aurait eu 100 % de chance de bénéficier du sursis d'imposition et d'éviter le redressement fiscal, puisque il aurait effectué les investissements économiques dans les délai et proportion nécessaires,

2- il est fondé à solliciter la réparation de la perte de chance liée à la double imposition appliquée à la donation effectuée au profit de son épouse et de ses enfants pour un montant de 4 998 470 euros et au paiement injustifié de l'impôt sur la plus-value sur la partie du prix de cession des titres de la société Financière Montmartre réinvestie dans des projets économiques et qui aurait dû bénéficier du sursis d'imposition pour un montant de 3 730 000 euros, le paiement de ces deux impôts lui ayant fait perdre des opportunités de placements et investissements qu'il aurait pu réaliser s'il avait disposé des sommes consacrées audit paiement, laquelle perte de chance doit être indemnisée par l'octroi d'une somme forfaitaire de 200 000 euros.



Il soutient que ses préjudices sont en lien de causalité avec les manquements de l'avocat aux motifs que :



- s'il avait été informé de la nécessité de remployer les sommes issues de la cession dans des biens professionnels et des proportions et délais dans lesquels ces investissements de nature professionnelle devaient être faits pour éviter tout risque de redressement, il aurait procédé aux investissements nécessaires,

- l'opération a été remise en cause en raison d'un réinvestissement dans une activité économique ne pouvant être regardé comme significatif de sorte que le redressement est en lien de causalité direct avec les mauvais conseils donnés par l'avocat et son défaut d'alerte sur une évolution doctrinale et jurisprudentielle,

- ni le fait qu'il n'ait atteint qu'un ratio de 27,94% du prix de la cession ni le fait qu'il ait abandonné plusieurs projets de réinvestissement ni le contexte économique peu propice de l'époque ne sont révélateurs de son incapacité alléguée à remployer les fonds dans les conditions requises par l'administration fiscale, à savoir dans un délai de trois ans et à proportion de 30 %,

- il n'a pas réalisé plus d'investissements dans des biens professionnels pour la seule raison que l'avocat lui avait affirmé qu'il n'était pas nécessaire de le faire alors qu'il avait des capacités de réinvestir certaines,

- les chances de voir son redressement remis en cause par les juridictions administratives étaient plus qu'incertaines et aléatoires car toutes les démarches réalisées en amont de son redressement sont restées vaines, y compris la demande de renvoi au Conseil d'Etat pour transmission au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité déposée par M. [X], que sa situation financière lui imposait d'accepter la proposition transactionnelle de l'administration fiscale, au risque de devoir utiliser la totalité de la trésorerie de la société Global Link, de finir en état de cessation des paiements et de causer la disparition de 445 emplois.

Il ajoute pour répondre à la demande de sursis à statuer formulée à titre subsidiaire par les intimés principaux que le Conseil d'Etat a refusé le 22 septembre 2017 de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au sujet de la contrariété à la directive Régime fiscal des fusions à la combinaison des articles 150-0 B du CGI et L. 64 du LPF, considérant que ni cette directive ni la jurisprudence de la CJUE n'interdisent à la France, en cas d'apport-cession de titres sans réinvestissement du produit de la cession, de refuser d'appliquer la directive en considérant que cette opération n'a pas de substance économique, de sorte que l'argumentation de l'avocat à ce titre n'avait aucune chance d'aboutir.

En réponse au moyen soulevé d'office par la cour relatif au caractère non subsidiaire de la responsabilité de l'avocat, il fait valoir que principe de non-subsidiarité est applicable aux actions fondées sur un manquement par un professionnel du droit à son obligation de conseil, n'est pas limité aux recours dont pourrait disposer la victime contre d'autres débiteurs et s'applique également dès lors que la victime disposerait, le cas échéant, d'un moyen de défense de nature à limiter les effets préjudiciables d'une situation dommageable, ce qui était l'objectif de la saisine du tribunal administratif.



M. [X], sa société d'exercice et les sociétés MMA répliquent que :



- le lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice invoqué n'est pas établi,

- le préjudice découlant d'un manquement de l'avocat à son obligation de conseil ne peut être qu'une perte d'une chance de bénéficier du sursis à imposition,

- le redressement fiscal est lié au comportement de la société Global Link qui n'a pas remployé une proportion suffisante du prix de cession dans des investissements à caractère économique dans le délai de trois ans jugé raisonnable par l'administration des impôts et le comité de l'abus de droit fiscal,

- M. [P] n'établit pas ni n'allègue avoir eu la volonté ou la possibilité concrète de réinvestir les sommes suffisantes entre fin 2008 et 2011,

- il est au contraire resté prudent dans tous les montants qu'il a investis, en raison de la crise de 2008 et s'est efforcé d'atteindre le seuil requis par la pratique administrative sans y parvenir, alors qu'il était conscient des exigences du schéma fiscal adopté,

- il n'a pas pu réaliser à temps l'investissement projeté dans des actions de sociétés mères de la société Sungard, a étudié d'autres projets et soumissionné mais ceux-ci n'ont pas abouti,

- il n'est donc pas prouvé qu'il a voulu ou trouvé à temps suffisamment d'opportunités de réinvestissement et qu'il voulait prendre le risque d'entreprendre,

- les chances de succès de M. [P] de voir remettre en cause le bien fondé du redressement fiscal devant le tribunal administratif étaient sérieuses,

- l'opération entrait dans le champ d'application de la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 dont l'article 8 impose un principe de neutralité fiscale pour les opérations d'échange de titres et l'article 11 admet qu'une règle nationale écarte le bénéfice du différé d'imposition dans les conditions qu'il énonce et, telle qu'interprétée par la jurisprudence de la CJUE, la clause anti-abus de l'article 11 impose que ne soit écarté le bénéfice de la neutralité fiscale qu'en cas de montage purement artificiel, dépourvu de réalité économique,

- la pratique administrative fondée sur l'abus de droit et des critères généraux non établis par une norme écrite suffisamment prévisible ne satisfait pas aux exigences de l'article 11 de la directive tel qu'interprété par la CJUE de sorte que le redressement notifié aurait été annulé si M. [P] avait poursuivi son recours en contestation devant le tribunal administratif de Paris, les moyens présentés afin de démontrer que la fraude ou l'évasion fiscale n'étaient pas le principal objectif de cette opération étant pertinents et sérieux et l'administration n'apportant aucune preuve autre qu'une présomption d'évasion fiscale tirée de l'insuffisance de remploi,

- la perspective d'un assouplissement du critère économique des réinvestissements s'est réalisée dans un arrêt du Conseil d'Etat du 10 juillet 2019,

- M. [P] aurait pu faire valoir au titre de la majoration de 80 % pour abus de droit l'application de la loi répressive plus douce de 2012,

- la loi de finances du 20 décembre 2011 ayant introduit un article 150-0 B ter régissant les opérations du même type que celle litigieuse indique expressément qu'à défaut de réinvestissement dans la proportion et le délai requis, l'impôt de plus-value est établi avec le seul intérêt de retard,

- en application du principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce, qui s'applique notamment aux sanctions fiscales telles que la majoration de 40% ou 80% pour abus de droit, cette dernière disposition a vocation à bénéficier à toutes les opérations antérieures critiquées sur le fondement de l'abus de droit, en application de l'article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui énonce que ' si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit une peine plus légère, celle-ci doit être appliquée',

- la seule pénalité encourue est alors la majoration de 10 % pour défaut de déclaration,

- la décision de renoncer à la contestation a fait perdre à M. [P] la chance non négligeable d'obtenir gain de cause sur une interprétation différente de la loi,

- la cour doit apprécier ces chances après avoir reconstitué fictivement les débats qui se seraient déroulés devant le juge de l'impôt et au vu des moyens sérieux présentés comme la jurisprudence bien établie de la CJCE/CJUE, la perte de chance alléguée est d'une proportion minime, vraisemblablement inférieure à 5%,



- s'agissant du préjudice résultant du redressement fiscal :

- M. [P] ne peut réclamer qu'une perte de chance dont l'assiette ne peut être que le surplus de l'imposition mise à sa charge du fait du manquement de l'avocat à son obligation de conseil,

- le projet de cession était antérieur aux opérations d'apports engagées par M. [P] et ses co-associés pour optimiser les conséquences fiscales, la réalisation de la plus-value de cession étant indépendante de la construction mise en place et les droits en principal auraient été dus en l'absence du montage juridique critiqué,

- l'opération permettait d'obtenir un sursis et non pas une exonération pure et simple et l'appelant ne prouve pas que les droits en principal auraient pu être évités en l'absence de mise en place d'un apport cession,

- s'agissant des droits en principal, le préjudice est constitué au maximum de la perte de chance d'en éviter le paiement immédiat,

- il en est de même pour la majoration pour abus de droit,

- la seule pénalité encourue est celle de 10% et non pas celle de 80%,

- les intérêts de retard et les intérêts moratoires sont la contrepartie du crédit dont le contribuable a bénéficié et ne donnent pas lieu à réparation selon une jurisprudence constante,



- s'agissant de la perte de chance tirée du paiement d'une partie de l'impôt :

- la prétendue double imposition de la donation est fondée sur une méconnaissance de la nature des impositions en cause, l'imposition à l'impôt sur le revenu au titre des plus-values d'apport et l'imposition au titre de l'impôt sur les donations étant distinctes et indépendantes,

- la demande au titre du paiement injustifié de l'impôt sur la plus-value sur la partie du prix de cession des titres de la société Financière Montmartre réinvestie dans des projets économiques et qui aurait dû bénéficier du sursis d'imposition est redondante avec la demande d'indemnisation du montant du redressement qui inclut les droits en principal.



A titre subsidiaire, ils demandent à la cour de surseoir à statuer et d'interroger la CJUE sur l'interprétation des articles 49 à 51 de la charte des droits fondamentaux de l'UE en cas de modification de la législation nationale mis en oeuvre dans la directive "Régime fiscal des fusions" telle que celle intervenue en France par la loi de finances 2012.

En réponse au moyen soulevé d'office par la cour, ils font valoir que le principe du caractère non subsidiaire de la responsabilité de l'avocat concerne essentiellement, voire exclusivement, l'obligation de résultat d'assurer l'efficacité juridique de l'acte reçu ou rédigé par ce professionnel du droit et ne vaut pas s'agissant du devoir d'information et de conseil en matière fiscale où la responsabilité des professionnels du droit ne s'étend pas à la garantie d' impositions ou pénalités fiscales entachées d'illégalité, le principe essentiel de légalité de l'impôt et des pénalités y afférentes excluant toute obligation - que ce soit du contribuable à titre principal, d'un coobligé solidaire ou non, ou d'un tiers recherché en responsabilité - à raison d'un impôt ou de pénalités qui ne seraient pas légalement établies.



La société Axa France Iard fait siens les moyens de défense de M. [X] et des autres assureurs mais ajoute que :



- le paiement de l'impôt est en réalité dû à la conclusion d'une transaction avec l'administration fiscale alors que la requête devant le tribunal administratif avait toutes les chances d'aboutir à une annulation du redressement,

- contrairement au CCRAD qui considère qu'il est nécessaire de réinvestir la majorité des fonds, le Conseil d'Etat retient le critère d'un investissement significatif en faisant une appréciation objective du réinvestissement et de la volonté de réinvestissement,

- M. [P] ne souffre d'aucun préjudice puisque :

- le paiement de l'impôt à la suite d'un redressement comme les intérêts de retard ne constituent pas un préjudice indemnisable,

- l'opération envisagée ne constituait qu'un sursis à imposition et non une exonération pure et simple,

- la pénalité de 80 % était illégale et n'aurait pas été retenue par le tribunal administratif, la déchéance du sursis étant une sanction plus douce que la majoration de 80 %, M. [P] confondant les critères nécessaires pour échapper à l'abus de droit et la sanction en cas de non-respect de ces critères,

- le paiement des pénalités et des intérêts de retard est contrebalancé par les intérêts perçus pendant 7 ans sur les droits principaux dont le paiement a été différé.

En réponse au moyen soulevé d'office par la cour, elle soutient que pour que le principe d'absence de subsidiarité de la responsabilité de l'avocat puisse trouver à s'appliquer, il est nécessaire que d'une part, il existe un dommage certain directement consécutif à la faute du professionnel du droit et que d'autre part, la victime dispose d'un recours contre un tiers débiteur qui pourrait permettre d' assurer la réparation du préjudice, conditions qui, en l'espèce, ne sont pas remplies.



La société Allianz Iard fait de même, ajoutant que :



au titre de l'absence de lien de causalité entre le manquement et le préjudice allégué,

- M. [P] reconnaît que l'opération d'apport-cession avait pour objectif dès l'origine de lui permettre de réaliser de nouveaux investissements sur le long terme dans diverses activités économiques et qu'il avait lancé de nouveaux projets dès 2009, de sorte que les termes de la consultation litigieuse n'ont eu aucune incidence sur la réalisation de l'opération,

- le redressement litigieux aurait nécessairement été annulé par le tribunal administratif puisque la jurisprudence applicable à l'époque retenait qu'un taux de réinvestissement de 31 % suffisait à caractériser un remploi significatif, lequel était proche de celui de 27,95 % retenu par le CCRAD et que M. [P] produisait de nouvelles pièces justifiant qu'au moins deux investissements ou tentatives d'investissements avaient été indûment écartés, à savoir l'acquisition de l'usufruit temporaire d'une résidence de tourisme par une filiale de la société Global Link alors qu'il s'agissait d'une activité de location meublée pouvant être considérée comme une activité économique selon la jurisprudence du Conseil d'Etat et la tentative d'investissement, projetée dès le 31 juin 2008, dans la société Sungard à hauteur de 3 500 000 euros qui aurait porté le taux de réinvestissement à 46,94 %, laquelle a avorté pour des motifs totalement indépendants de sa volonté, sachant que tant le comité d'abus de droit que la jurisprudence retiennent l'absence d'abus de droit sur justification de tentatives d'investissement.



En réponse au moyen soulevé d'office par la cour relatif au caractère non subsidiaire de la responsabilité de l'avocat, elle soutient que ce moyen n'est pas applicable à l'espèce, au motif que le contentieux fiscal ayant fait l'objet de la transaction litigieuse n'est absolument pas consécutif à la situation dommageable née de la faute imputée à l'avocat mais visait, au contraire, à contester la situation dommageable qui n'était alors qu'en germe tant que le redressement litigieux n'était pas irrévocable, celle-ci n'étant établie qu'en cas d'échec définitif de ce recours, introduit en amont de l'action en responsabilité civile.



L'avocat ayant commis des manquements à son obligation de conseil et à son devoir de prudence est tenu de réparer le préjudice direct, certain et actuel en relation de causalité avec les manquements commis.



Le préjudice dont se prévaut une partie en raison du manquement par son avocat à son obligation de conseil ne peut consister qu'en une perte de chance. Ce préjudice doit être réel et certain.

Il incombe à celui qui entend obtenir réparation d'une perte de chance de démontrer la réalité et le sérieux de la chance perdue en établissant que la survenance de l'événement dont il a été privé était certaine avant la survenance du fait dommageable, le caractère hypothétique d'une telle perte de chance excluant toute indemnisation.

La réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.



En raison des manquements de son avocat à son obligation de conseil et à son devoir de prudence, M. [P] a perdu une chance de bénéficier du sursis d'imposition et surtout d'éviter le redressement fiscal s'il avait procédé aux investissements de nature économique 'dans une proportion significative et dans un délai raisonnable à compter de la réalisation de l'échange de titres' tel que retenu par le Conseil d'Etat.



Il ressort de la proposition de rectification notifiée par l'administration fiscale le 19 décembre 2011 que :

- la plus-value réalisée lors de l'apport des actions de la société Financière Montmartre à la société belge Global Link créée spécialement à cet effet par M. et Mme [P] et ayant fait l'objet d'un sursis d'imposition est de 17 645 969 euros,

- la société belge Global Link a cédé le 1er octobre 2008 ses actions de la société Financière Montmartre apportées par M. [P] pour un montant net de frais de cession de 25 561 823 euros,

- la réduction du capital de la société Global Link après rachat de ses titres auprès de la SCI Vince s'est élevée à la somme de 4 998 470 euros,

- l'administration fiscale a retenu des réinvestissements économiques effectués pour une somme de 3 111 747 euros après avoir exclu certains investissements et retenu un taux d'investissement de 14,87 % par rapport au prix de cession sous déduction de la réduction de capital,

- les comptes annuels de la société au 31 décembre 2010 faisaient apparaître des placements de trésorerie d'un montant de 12 887 571 euros et des valeurs disponibles sur des comptes bancaires de 5 115 321 euros.



L'administration fiscale a retenu un abus de droit en considérant que le montage avait été effectué dans un but exclusivement fiscal, le fonctionnement de la société étant la parfaite démonstration de l'exercice d'une gestion patrimoniale, celle-ci n'ayant aucun moyen d'exploitation qui pourrait caractériser une activité économique.



Les intimés soutiennent vainement que cette société n'avait pas la possibilité concrète de réinvestir les sommes suffisantes entre fin 2008 et 2011 alors qu'elle disposait de près de 18 000 000 euros sur ses comptes fin 2010.



Par ailleurs, le comité de l'abus de droit fiscal dans son avis du 16 octobre 2014 a relevé à la somme de 5 217 336 euros le montant des investissements dans une activité économique et diminué le prix de cession pour retenir un ratio de 27,94 % qu'il a considéré comme trop faible pour atteindre le taux qui lui permettrait d'être regardé comme caractérisant un investissement significatif dans une activité économique.

Le comité a notamment retenu des projets relatifs à trois sociétés qui, bien qu'ayant échoué, constituaient le prolongement d'une activité de reprise d'hôtels et de résidences hôtelières développée dès 2010 à travers la capitalisation d'une société SEML dans laquelle la société GFE, filiale à 100 % de la société Global Link a réalisé des investissements importants.

La cour relève que l'administration fiscale n'a pas retenu l'apport en compte courant de 1 700 000 euros effectué à ce titre à la société SEML car il ne lui apparaissait pas justifié.



Par ailleurs, dans sa déclaration de sinistre à son courtier d'assurance, M. [X] a indiqué que la faillite de la banque Lehman Brothers avait conduit la société Sungard à ne pas exécuter son engagement de permettre à la société Global Link de réinvestir immédiatement la somme de 5 millions de dollars dans son capital.



Ces éléments et les investissements réalisés ultérieurement par la société Global Link dans un groupe hôtelier, un groupe d'infogérance informatique et une société industrielle spécialisée en mécanique industrielle outre plusieurs start-up ainsi qu'il ressort de sa demande de remise gracieuse adressée à l'administration fiscale en 2015, démontrent que M. [P] avait la volonté, par le biais de la holding Global Link, d'effectuer des investissement dans des activités économiques, contrairement aux allégations des intimés.



Il s'en déduit que la société Global Link avait non seulement l'intention mais également les moyens d'effectuer un investissement professionnel suffisamment significatif dans le délai de trois ans à compter de l'échange des titres pour lui permettre d'éviter un redressement fiscal s'il avait été correctement informé à la date de l'opération d'apport cession mais également à compter des arrêts du Conseil d'Etat du 8 octobre 2010 de sorte qu'il justifie d'une perte de chance d'éviter le redressement fiscal réelle et sérieuse à ce titre que la cour fixe à 80 % compte-tenu des moyens dont disposait la société Global Link et de la crise économique de 2008.



Les intimés considèrent que M. [P] ne justifie pas d'un lien de causalité entre les fautes alléguées à l'encontre de l'avocat et le préjudice subi au motif que le paiement de l'impôt est dû à la conclusion d'une transaction avec l'administration fiscale alors que la requête devant le tribunal administratif avait toutes les chances d'aboutir à une annulation du redressement.



La responsabilité de l'avocat, quelque soit le manquement reproché, qu'il s'agisse d'un défaut de diligence ou d'un manquement à son obligation de conseil, ne présente pas de caractère subsidiaire et le dommage subi par l'effet de sa faute, à savoir, la perte de chance d'éviter le paiement des sommes réclamées dans le cadre du redressement fiscal est certain quand bien même M. [P] disposait, contre un tiers, d'une action consécutive à la situation dommageable née de cette faute, telle celle qu'il avait engagée devant le tribunal administratif avant de transiger avec l'administration fiscale, et propre à assurer la réparation du préjudice.



Dès lors, les intimés reprochent vainement à M. [P] d'avoir transigé au bout de sept ans de procédure à l'encontre de l'administration fiscale et de s'être désisté de sa requête devant le tribunal administratif de Paris et invoquent inutilement le caractère infondé du redressement fiscal au regard des exigences de l'article 11 de la directive 90/434/CEE tel qu'interprété par la CJUE, de l'application du principe de la rétroactivité in mitius à l'article 150-0 B ter du code général des impôts et le fait que le tribunal administratif aurait retenu d'autres investissements dans des activités économiques pour dire qu'ils présentaient un caractère significatif.



Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande présentée à titre subsidiaire par M. [X], sa société d'exercice et ses assureurs tendant à interroger la CJUE sur l'interprétation des articles 49 à 51 de la charte des droits fondamentaux de l'UE en cas de modification de la législation nationale mis en oeuvre dans la directive "Régime fiscal des fusions" telle que celle intervenue en France par loi de finances 2012.



Le préjudice lié à la perte de chance d'éviter le paiement des sommes réclamées dans le cadre du redressement fiscal est en lien de causalité directe avec les manquements reprochés.



Les droits en principal et les pénalités y afférentes sont un préjudice réparable si le manquement reproché à l'auteur du dommage a provoqué le fait générateur de l'impôt ou fait perdre le bénéfice d'un régime fiscal favorable.

Tel est le cas en l'espèce, y compris en ce qui concerne les intérêts de retard réclamés du 1er juillet 2009 au 16 décembre 2011, date de la notification de l'avis de rectification.



Au total et après la réduction accordée par l'administration fiscale aux termes de la transaction conclue le 1er février 2018, M. [P] a réglé la somme de 11 517 875 euros se décomposant ainsi :



- principal de l'impôt sur l'année d'imposition 2008 : 4 334 074 euros

- cotisations sociales : 2 913 460 euros

- intérêts de retard : 869 704 euros

- majoration de 80 % pour abus de droit : 2 899 013 euros

- majoration de 10 % pour paiement tardif :501 624 euros.



Le préjudice indemnisable au titre de la perte de chance de 80 % est donc de 9 214 300 euros.

M. [X] et la société Cabinet [X] sont condamnés solidairement entre eux et in solidum avec les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles à payer cette somme à M. [P] à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de ce jour.



En revanche, M. [P] ne justifie d'aucun préjudice au titre de la perte de chance liée à la double imposition appliquée à la donation effectuée au profit de son épouse et de ses enfants puisque comme le soutiennent à juste titre les intimés, l'imposition à l'impôt sur le revenu au titre des plus-values d'apport et l'imposition au titre de l'impôt diffèrent en ce que la première porte sur la plus-value réalisée par le propriétaire des actions (le donateur) alors que la seconde est un droit d'enregistrement dont le débiteur légal est le donataire (article 1712 du CGI) qui est dû quelle que soit la plus-value et quelle que soit l'imposition de cette plus-value.



Il en est de même s'agissant de la perte de chance liée au paiement injustifié de l'impôt sur la plus-value sur la partie du prix de cession des titres de la société Financière Montmartre réinvestie dans des projets économiques et qui aurait dû bénéficier du sursis d'imposition laquelle est incluse dans la perte de chance octroyée au titre du redressement fiscal qui porte sur l'intégralité des droits en principal.



M. [P] est donc débouté de sa demande à ce titre.



Sur la condamnation des autres assureurs



M. [P] fait valoir que :



- l'exclusion de garantie pour faute dolosive soulevée par la société Axa France Iard vise l'article L. 113-1 alinéa 2 du code des assurances dont il ressort que la faute dolosive doit être celle de l'assuré garanti,

- elle est irrecevable puisqu'il est tiers au contrat d'assurance souscrit par M. [X] et la société d'assurance Axa France Iard et en tout état de cause infondée,

- la souscription à une assurance complémentaire n'a jamais été sollicitée par lui, l'avocat l'ayant proposée de sa propre initiative et en ayant fait la condition sine qua non de sa rémunération.



La société Allianz réplique que :



- elle a été assignée au titre de sa qualité d'apériteur de la police de troisième ligne dans les conditions et limitations de la police de base Zurich alors que sa garantie éventuelle ne peut être recherchée qu'en sa qualité d'assureur de seconde ligne dans les conditions et limites de la police de base MMA ayant pris effet au 1er janvier 2007 et après épuisement du plafond des sociétés MMA,

- dès lors, les demandes présentées contre elle comme appariteur de troisième ligne sont irrecevables et doivent être rejetées,

subsidiairement,

- la demande de remboursement des honoraires d'avocat n'est pas de la compétence du tribunal de céans (sic) mais du bâtonnier de l'ordre des avocats et en tout état de cause, ce remboursement est exclu de la police MMA à laquelle est adossée sa garantie,

- elle ne peut être tenue que si la condamnation de l'avocat excède le montant garanti par les sociétés MMA soit la somme de 3 850 000 euros et pour la portion excédant ce montant, et pour un montant maximal de 3 850 000 euros, correspondant à son plafond de garantie.



La société Axa France Iard réplique que :



- elle a été assignée en qualité d'assureur de deuxième ligne des avocats inscrits au barreau de Paris pour l'année 2014 alors que le sinistre est antérieur au 1er janvier 2012, de sorte que sa garantie à ce titre n'est pas mobilisable,

- elle est assureur de troisième ligne des avocats inscrits au barreau de Paris pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011, M. [X] ayant effectivement souscrit à la demande de M. [P] une ligne complémentaire à ce titre avec un plafond de garantie par sinistre et par année d'assurance de 11 500 000 euros, après épuisement des première et deuxième lignes,

- M. [P] demande désormais sa condamnation en qualité d'assureur de troisième ligne,

- la souscription d'une ligne de police supplémentaire par l'avocat auprès d'elle ayant été faite à la demande expresse de M. [P], comme condition sine qua non de l'opération, plus aucun risque ne pèse sur le bénéficiaire de la police d'assurance souscrite à sa demande expresse,

- M. [P], tiers bénéficiaire, a par son comportement, commis une faute dolosive faisant disparaître l'aléa inhérent au contrat, rendant irrecevables et en tout cas mal fondées ses demandes.



M. [P] sollicite dans ses dernières conclusions la condamnation solidaire outre des sociétés MMA Iard en leur qualité d'assureurs de première ligne, de la société Allianz Iard en qualité d'assureur de deuxième ligne et de la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de troisième ligne, lesquelles ne contestent pas leur garantie à ces titres.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur l'irrecevabilité ou le mal fondé des demandes fondées intialement sur les garanties souscrites au titre de l'année 2011 et abandonnées par M. [P].



L'article L.113-1 du code des assurances dispose que :



Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.



La faute dolosive au sens de cet article est celle qui fausse ou exclut l'aléa, même si son auteur n'a pas recherché les conséquences dommageables qui en sont résultées.



M. [P] fait valoir à bon droit qu'il est tiers bénéficiaire du contrat d'assurance alors que la faute dolosive doit émaner de l'assuré qui était M. [X]. Dès lors, la société Axa France Iard doit être déboutée de sa demande d'exclusion de garantie.



En conséquence, la société Allianz Iard, assureur de deuxième ligne et la société Axa France Iard, assureur de troisième ligne sont condamnées in solidum avec M. [X], la société Cabinet [X] et les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles à payer à M. [P] la somme de 9 214 300 euros à titre de dommages et intérêts, dans le respect des conditions et plafonds de leurs garanties respectives.



Sur les dépens et les frais irrépétibles



Les dépens de première instance et d'appel doivent incomber à M. [X] et la société Cabinet [X] solidairement entre eux et in solidum avec les sociétés MMA Iard, MMA Iard assurances mutuelles, Allianz Iard et Axa France Iard, lesquels sont également condamnés à payer à M. [P] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



La cour



Infirme, dans les limites de l'appel, le jugement en toutes ses dispositions,



Statuant à nouveau,



Déboute M. [G] [X], la SELARL Cabinet [X], la SA MMA Iard et la société d'assurances mutuelles MMA Iard assurances mutuelles de leur demande de saisine de la Cour de Justice de l'Union européenne de questions préjudicielles,



Dit n'y avoir lieu à statuer sur l'irrecevabilité ou le mal fondé des demandes fondées initialement sur les garanties souscrites au titre de l'année 2011,



Déboute la SA Axa France Iard de sa demande d'exclusion de garantie à l'encontre de M. [J] [P],



Condamne M. [G] [X] et la SELARL Cabinet [X] solidairement entre eux et in solidum avec la SA MMA Iard, la société d'assurances mutuelles MMA Iard assurances mutuelles, la SA Allianz Iard et la SA Axa France Iard à payer à M. [J] [P] la somme de 9 214 300 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour et dans le respect des conditions et plafonds des garanties respectives des assureurs de première, deuxième et troisième ligne,



Dit que la SA Allianz Iard est tenue à garantie après épuisement de la première ligne d'assurance souscrite auprès des sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles , à hauteur de 3 850 euros et dans la limite de 3 850 000 euros,



Dit que la SA Axa France Iard est tenue à garantie après épuisement des deux premières lignes de garantie souscrites auprès des sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles et de la SA Allianz Iard et à hauteur de 11 500 000 euros par sinistre et par année de garantie,



Déboute M. [J] [P] de sa demande en paiement de la somme de 200 000 euros,



Condamne M. [G] [X] et la SELARL Cabinet [X] solidairement entre eux et in solidum avec la SA MMA Iard, la société d'assurances mutuelles MMA Iard assurances mutuelles, la SA Allianz Iard et la SA Axa France Iard aux dépens, dont distraction au profit de la SELAS Cabinet Ginestié Magellan Paley-Vincent,



Condamne M. [G] [X] et la SELARL Cabinet [X] solidairement entre eux et in solidum avec la SA MMA Iard, la société d'assurances mutuelles MMA Iard assurances mutuelles, la SA Allianz Iard et la SA Axa France Iard à payer à M. [J] [P] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.







La greffière, La présidente,

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