5 avril 2023
Cour d'appel de Lyon
RG n° 22/04866

8ème chambre

Texte de la décision

N° RG 22/04866 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OMX7









Décision du Tribunal de Commerce de LYON en référé

du 08 juin 2022



RG : 2022r00447





S.A.S. LES PETITS CUISTOTS



C/



S.A.S.U. ADECCO FRANCE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



8ème chambre



ARRÊT DU 05 Avril 2023







APPELANTE :



La société LES PETITS CUISTOTS, SAS inscrite au RCS de Paris sous le numéro 823 743 935 ayant son siège social sis [Adresse 1], représentée par son représentant légal



Représentée par Me Audrey-elise MICHEL, avocat au barreau de LYON, toque : 1531

Ayant pour avocat plaidant Me Ludivine VERWEYEN, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉE :



La société ADECCO FRANCE, société par actions simplifiée unipersonnelle, ayant son siège social sis [Adresse 2], immatriculée au RCS de LYON, sous le numéro 998 823 504 RCS LYON,



Représentée par Me Laurent BANBANASTE, avocat au barreau de LYON, toque : 937





* * * * * *



Date de clôture de l'instruction : 15 Février 2023



Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Février 2023



Date de mise à disposition : 05 Avril 2023





Audience tenue par Bénédicte BOISSELET, président, et Véronique MASSON-BESSOU, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,



assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier



A l'audience, un membre de la Cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Bénédicte BOISSELET, président

- Karen STELLA, conseiller

- Véronique MASSON-BESSOU, conseiller







Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,



Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.




* * * *



Exposé du litige



Par contrat du 24 novembre 2021, la société Adecco France a mis un comptable à la disposition de la société Les petits Cuistots, entreprise utilisatrice, dont l'activité est l'événementiel et la restauration.



Un avenant de renouvellement a été signé le 31 décembre 2021 et le contrat devait prendre fin au 31 mars 2022.



La société Adecco France a adressé à la société Les Petits Cuistots plusieurs factures, pour un montant global de 42 846 € TTC.



Aux motifs que ces factures n'étaient pas réglées, la société Adecco France, par exploit du 1er juin 2022, a assigné la société Les Petits Cuistots devant le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon aux fins, à titre principal, d'obtenir la condamnation provisionnelle de la société Les Petits Cuistots à lui régler la somme de 35 576, 96 € lui restant due au titre des factures impayées, outre le montant de la clause pénale à titre de dommages et intérêts.



La société Les petits Cuistots n'a pas comparu.



Par ordonnance du 8 juin 2022, réputée contradictoire, le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon a condamné la société Les Petits Cuistots à payer à la société Adecco les sommes de :




35 576,96 € à titre provisionnel outre les intérêt au taux prévu à l'article L441.10.II du code de commerce à compter du 6 mai 2022 ;





5 336,54 € au titre de la clause pénale conformément aux conditions générales de vente prévues dans le contrat ;





160 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;





1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;





outre aux dépens de l'instance.




Le juge des référés a retenu que les demandes en paiement apparaissaient régulières recevables et fondées, étant conformes aux obligations souscrites par le défendeur.



Par acte régularisé par RPVA le 30 juin 2022, la société Les Petits Cuistots a interjeté appel de l'intégralité des chefs de décision figurant au dispositif de l'ordonnance de référé du 8 juin 2022, dont elle a repris les termes dans sa déclaration d'appel.



Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 29 septembre 2022, la société Les Petits Cuistots demande à la Cour de :



Vu les article 856, 857, 858 et suivants du Code de procédure civile,

Vu les articles 872 et 873 du Code de procédure civile,




La déclarer recevable et bien fondée en ses demandes.






A titre principal :




Annuler l'assignation délivrée à la requête de la société Adecco, le 1er juin 2022, à la société Les Petits Cuistots ;





Ordonner la caducité de l'assignation délivrée à la requête de la société Adecco, le 1er juin 2022, à la société Les Petits Cuistots.




Par conséquent




Annuler l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal de commerce de Lyon le 8 juin 2022 à l'encontre de la société Les Petits Cuistots.




A titre subsidiaire :




Infirmer l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal de commerce de Lyon le 8 juin 2022 et statuant à nouveau ;





Déclarer n'y avoir lieu à référé ;

Débouter la société Adecco de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Les Petits Cuistots ;





Débouter la société Adecco de ses demandes de clause pénale et d'indemnité de procédure.




En tout état de cause :




Condamner la société Adecco à lui payer la somme de 3 000 € au titre de participation aux frais irrépétibles de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens.




La société Les Petits Cuistots expose :




qu'elle a commencé à régler les factures dues à la société Adecco dès le 11 mars 2022 et qu'en parallèle, une discussion a été engagée avec la société Adecco concernant la possibilité de mettre en place un échéancier ;





que nonobstant ces discussions, la société Adecco lui a fait délivrer une assignation en référé pour une audience du 8 juin 2022, soit 7 jours plus tard, devant le tribunal de commerce de Lyon sans pourtant l'en informer ;





qu'après avoir obtenu une décision en sa faveur, la société Adecco a immédiatement poursuivi l'exécution forcée de l'ordonnance déférée et fait procéder à une saisie sur ses comptes.




A titre principal, la société Les Petits Cuistots soulève la nullité et la caducité de l'assignation délivrée le 1er juin 2022 et des actes subséquents, notamment l'ordonnance déférée, aux motifs :




qu'en vertu de l'article 856 du Code de procédure civile, l'assignation doit être délivrée quinze jours au moins avant la date d'audience et que la jurisprudence reconnaît que cet article s'applique à la procédure de référé, annulant les assignations délivrées moins de 15 jours avant l'audience ;





qu'en l'espèce, l'assignation lui a été délivrée à Paris, le 1er juin 2022 pour une audience du 8 juin 2022 devant le tribunal de commerce de Lyon, que le délai de 15 jours n'a donc manifestement pas été respecté de telle sorte que l'assignation devra être annulée ainsi que l'ordonnance de référé déférée puisque la juridiction n'a pas été valablement saisie ;











que par ailleurs, en vertu de l'article 857 du Code de procédure civile, le tribunal est saisi par la remise au greffe d'une copie de l'assignation, qui doit avoir lieu au plus tard huit jours avant la date de l'audience, sous peine de caducité de l'assignation constatée d'office, article qui s'applique à la procédure de référé devant le Président du tribunal de commerce ;





qu'en l'espèce, l'assignation ayant été délivrée le 1er juin 2022 pour une audience du 8 juin 2022, la société Adecco n'a pu, matériellement, placer son assignation dans les délais imposés par l'article précité, puisqu'il y a sept jours entre le 1er juin et le 8 juin, que l'assignation du 1er juin 2022 encourt donc la caducité, l'ordonnance querellée devant au plus fort être annulée.




A titre subsidiaire, la société Les Petits Cuistots fait valoir qu'il n'y a lieu à référé sur les demandes de la société Adecco, en ce que :




aucune urgence n'était caractérisée ;





l'article 1152 du Code civil rappelle les pouvoirs modérateurs du juge en matière de clause pénale quand celle-ci est excessive ou disproportionnée outre le fait que la clause pénale doit être mise en 'uvre de bonne foi, pouvoir modérateur qui n'est pas de la compétence du juge des référés, outre qu'en l'espèce, la clause pénale est insérée dans des conditions générales particulièrement denses qui n'ont pas été signées par la société Les Petits Cuistots de sorte qu'elles ne peuvent lui être opposables ;





le juge des référés n'a pas compétence pour accorder des dommages et intérêt ;





le juge des référés n'a pas plus compétence pour prononcer une condamnation au titre du règlement de factures, si ce n'est pour accorder une provision à la condition que l'obligation ne soit pas sérieusement contestable et qu'à ce titre, la société Adecco ne pouvait prétendre à l'intégralité de ses demandes et qu'elle devait pour cela engager une procédure au fond.






Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 31 août 2022, la société Adecco demande à la Cour de :



Vu les articles 1101 et suivants du Code civil, les articles 872 et 873 alinéa 2 du Code de procédure civile, les dispositions des articles 484, 485 et 486 du Code de procédure civile,




Confirmer l'ordonnance du 8 juin 2022 dans l'ensemble de ses dispositions ;





Condamner la société Les Petits Cuistots à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.




La société Adecco soutient en premier lieu que la demande de nullité et de caducité de l'assignation délivrée le 1er juin 2022 présentée par la société Les Petits Cuistots n'est aucunement fondée.



Elle fait valoir à ce titre :




que les dispositions de l'article 856 du Code de procédure civile qui imposent une délivrance de l'assignation 15 jours au moins avant la date d'audience concernent le tribunal de commerce et non le juge des référés ;





que l'article 486 du Code de procédure civile fait obligation au juge des référés de s'assurer de l'écoulement d'un temps suffisant entre l'assignation et l'audience et qu'en l'espèce, le Président du tribunal de commerce s'en est assuré.




La société Adecco soutient en second lieu que la décision déférée doit être confirmée, en ce que :






il y avait bien urgence, alors que le débiteur n'a donné aucune suite à la sommation de payer qui lui a été délivrée le 6 mai 2022, et n'a procédé à aucun règlement avant l'audience de référé ;





que s'agissant de la clause pénale, était prévu expressément aux conditions générales du contrat liant les parties, dont la société Les Petits Cuistots a déclaré avoir pris connaissance en apposant son cachet commercial, qu'en cas de non respect des conditions de paiement, il serait appliqué à titre de dommages et intérêts une indemnité égale à 15 % de la somme impayée, outre les frais judiciaires, intérêts légaux et frais de contentieux et recouvrements ;





qu'il est donc justifié contractuellement de l'exigibilité de la clause pénale.




Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.








MOTIFS DE LA DÉCISION



1) Sur la demandes de nullité de l'ordonnance de référé du 8 juin 2022



L'article 857 du Code de procédure civile, applicable à la procédure de référé diligentée devant le tribunal de commerce, dispose :



'Le Tribunal est saisi, à la diligence de l'une ou l'autre partie, par la remise au greffe d'une copie de l'assignation.

Cette remise doit avoir lieu au plus tard huit jours avant la date d'audience, sous peine de caducité de l'assignation constatée d'office par ordonnance, selon le cas, du président ou du juge chargé d'instruire l'affaire, ou, à défaut, à la requête d'une partie'.



En l'espèce, la société Adecco France a délivré son assignation en référé le 1er juin 2022 pour l'audience du 8 juin 2022 et la Cour ne peut que constater que le délai de huit jours énoncé à l'article 857 précité n'a pas été respecté, dès lors qu'il y a sept jours entre le 1er juin et le 8 juin 2022.



Il s'ensuit que l'assignation délivrée par la société Adecco France est caduque, que la juridiction des référés n'était donc pas valablement saisie et qu'il y a donc nullité de la décision entreprise.



Dès lors, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur l'autre moyen de nullité soulevé par la société Les petits Cuistots, la Cour :




constate la caducité de l'assignation délivrée le 1er juin 2022 par la société Adecco France,





annule en toutes ses dispositions l'ordonnance de référés rendue le 8 juin 2022 par le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon.




2) Sur les demandes accessoires



La caducité de l'assignation délivrée en première instance étant constatée, la Cour, par voie de conséquence, condamne la société Adecco France aux dépens de la procédure de première instance.



Pour la même raison, la Cour condamne la société Adecco France aux dépens à hauteur d'appel et à payer à la société Les petits Cuistots la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel, justifiée en équité.

















PAR CES MOTIFS



La Cour,



Constate la caducité de l'assignation délivrée le 1er juin 2022 par la société Adecco France et en conséquence :



Annule en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 8 juin 2022 par le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon ;



Condamne la société Adecco France aux dépens de la procédure de première instance ;



Condamne la société Adecco France aux dépens à hauteur d'appel ;



Condamne la société Adecco France à payer à la société Les petits Cuistots la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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