5 avril 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-19.160

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00277

Titres et sommaires

EFFET DE COMMERCE - Aval - Mention portée sur une lettre de change annulée - Acte valant cautionnement - Conditions - Mentions manuscrites prescrites par le code de la consommation

Si l'aval porté sur une lettre de change irrégulière au sens de l'article L. 511-21 du code de commerce peut constituer le commencement de preuve d'un cautionnement solidaire, ce dernier est nul s'il ne répond pas aux prescriptions de l'article L. 341-2 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016

CAUTIONNEMENT - Conditions de validité - Acte de cautionnement - Mention manuscrite prescrite par l'article L. 341-2 du code de la consommation - Domaine d'application - Aval porté sur une lettre de change irrégulière

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 avril 2023




Cassation sans renvoi


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 277 F-B

Pourvoi n° K 21-19.160




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 AVRIL 2023

M. [Z] [L], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 21-19.160 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Brossette, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [L], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Brossette, après débats en l'audience publique du 14 février 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 20 mai 2021), par acte du 19 février 2014, M. [L], gérant de la société [L], s'est porté avaliste d'une chaîne de lettres de change tirées sur cette société au bénéfice de la société Brossette, son fournisseur. Ces lettres de change n'ayant pas été payées et la société [L] ayant été placée en liquidation judiciaire, la société Brossette a déclaré sa créance puis a assigné en paiement M. [L] en qualité d'avaliste et, à titre subsidiaire, de caution.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. M. [L] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société Brossette la somme de 156 708,85 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2017, alors « qu'un aval ne pouvant être donné valablement que pour la garantie d'un engagement cambiaire, l'aval donné par une personne physique au profit d'un créancier professionnel en garantie de lettres de change relevées magnétiques ne peut constituer un cautionnement valable, faute de comporter les mentions manuscrites prévues aux articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ; que la cour d'appel constate que l'aval du 19 février 2014 avait été donné par M. [L] en garantie de lettres de change relevés magnétiques ne constituant pas des lettres de change ; qu'elle constate également que ledit aval, donné au profit de la société Brossette, créancier professionnel, comportait une mention manuscrite ''Bon pour aval pour le compte du tiré Eurl [L] à hauteur de la somme de 311 358,93 euros (trois cent onze mille trois cent cinquante-huit euros quatre-vingt-treize centimes à titre d'engagement cambiaire'', laquelle ne répondait pas aux exigences des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ; d'où il suit que l'aval donné par M. [L] le 19 février 2014 ne pouvait constituer un cautionnement valable et qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles précités du code de la consommation, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

3. La société Brossette conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.

4. Cependant, ce moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt, est de pur droit.

5. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 511-21 du code de commerce et l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 :

6. Aux termes du premier de ces textes, le paiement d'une lettre de change peut être garanti pour tout ou partie de son montant par un aval.

7. Selon le second, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même. ».

8. Si l'aval porté sur une lettre de change irrégulière au sens de l'article L. 511-21 du code de commerce peut constituer le commencement de preuve d'un cautionnement solidaire, ce dernier est nul s'il ne répond pas aux prescriptions de l'article L. 341-2 du code de la consommation.

9. Pour condamner M. [L] à payer à la société Brossette, grossiste fournisseur de la société [L], la somme de 156 708,85 euros, l'arrêt, après avoir exclu que l'acte du 19 février 2014 soit qualifié d'aval, au sens du droit cambiaire, retient que les termes de l'engagement de M. [L] figurant dans cet acte, qu'il reproduit, expriment clairement la volonté de ce dernier, gérant et associé unique de la société [L], de s'engager envers la société Brossette à garantir le paiement de la somme globale de 311 358,93 euros, pour une durée de vingt mois, en cas de défaillance de la société [L], que ces mentions répondent aux prescriptions de l'article 2288 du code civil en matière de cautionnement et que l'acte du 19 février 2014 doit donc s'analyser en un commencement de preuve par écrit de l'existence d'un cautionnement, complété par l'élément extrinsèque découlant de la qualité de gérant de M. [L] prouvant son intention de cautionner la société qu'il dirigeait.

10. En se déterminant ainsi, sans constater que l'acte du 19 février 2014 comportait la mention manuscrite exigée à peine du nullité du cautionnement à l'article L. 341-2 du code de la consommation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

11. Ainsi qu'il est suggéré en demande, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. D'une part, les lettres avalisées sont des lettres de change-relevé magnétique qui ne reposent pas sur un titre soumis aux conditions de validité de l'article L. 511-1 du code de commerce et constituent un simple procédé de recouvrement de créance dont la preuve de l'exécution relève du droit commun. L'engagement souscrit par M. [L] le 19 février 2014 ne peut donc pas constituer un aval au sens du droit cambiaire. D'autre part, il résulte des productions que l'acte du 19 février 2014 ne comporte pas les mentions manuscrites prévues à l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable, cet engagement ne peut être requalifié en cautionnement. Dès lors, la demande en paiement de la société Brossette doit être rejetée.

14. En application de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu de condamner la société Brossette à verser à M. [L] la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés lors de l'instance de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Statuant à nouveau ;

Rejette la demande en paiement de la société Brossette ;

Condamne la société Brossette à verser à M. [L], en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés devant les juges de première instance et d'appel ;

Condamne la société Brossette aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges de première instance et d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Brossette et la condamne à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros au titre de l'instance de cassation ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille vingt-trois.

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