9 mars 2023
Cour d'appel de Rouen
RG n° 22/01897

Ch. civile et commerciale

Texte de la décision

N° RG 22/01897 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JDCU







COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE



ARRET DU 09 MARS 2023









DÉCISION DÉFÉRÉE :



22/00236

ORDONNANCE DE REFERE DU PRESIDENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ROUEN du 10 Mai 2022





APPELANTE :



S.C.I. KARMA

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée et assistée de Me Guillaume BESTAUX de la SELARL BESTAUX BONVOISIN MATRAY, avocat au barreau de ROUEN







INTIMES :



Monsieur [E] [Z]

né le 23 Mai 1978 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]



non constitué bien que régulièrement assigné par acte d'huissier de justice le 6 septembre 2022 à étude.





S.A.R.L. MULTICOLOR NORMANDIE

[Adresse 2]

[Localité 4]



non constituée bien que régulièrement assignée par acte d'huissier de justice le 6 septembre 2022 à étude.







COMPOSITION DE LA COUR  :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débatue à l'audience du 14 décembre 2022 sans opposition des avocats devant M. URBANO, Conseiller, rapporteur,





Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :



Mme FOUCHER-GROS, Présidente

M. URBANO, Conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, Conseillère





GREFFIER LORS DES DEBATS :



Mme DEVELET, Greffière





DEBATS :



A l'audience publique du 14 Décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 9 mars 2023





ARRET :



PAR DEFAUT



Rendu publiquement le 9 mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,



signé par Mme Foucher-Gros, Présidente et par Mme Riffault, Greffière lors de la mise à disposition








*

* *











EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE



Par acte sous seing privé du 7 octobre 2020, la SCI Karma a consenti à la SARL Multicolor Normandie un bail commercial portant sur des locaux à usage de bureaux situés [Adresse 1] à [Localité 3] moyennant un loyer trimestriel de 495, 60 euros, une provision sur charge de 105 euros par trimestre, des charges d'utilisation des parties communes de 204,96 euros par trimestre ainsi que la taxe foncière de 84,94 euros le tout hors taxes.



Le bail prévoit la possibilité pour le locataire de payer mensuellement.



Par ailleurs, l'acte a été signé le 12 octobre 2020 par M. [Z], gérant de la SARL Multicolor Normandie, en qualité de caution solidaire de sa société à l'égard du bailleur, du 7 octobre 2020 au 6 octobre 2029 pour toutes les sommes dues au titre du bail.



Déclarant que le preneur était défaillant, la SCI Karma :



- lui a adressé une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er octobre 2021 ;



- lui a adressé une seconde mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 octobre 2021 ;



- lui a fait délivrer un commandement visant la clause résolutoire du bail les liant par acte d'huissier du 11 février 2022 pour la somme principale de 3321 euros au titre des loyers et charges arrêtés au 1er février 2022 ;



- a dénoncé le commandement à M. [Z] par acte d'huissier du 14 février 2022.



Déclarant que la SARL Multicolor Normandie et M. [Z] n'avaient pas réglé les causes du commandement dans le mois de sa délivrance, la SCI Karma a fait assigner en référé la SARL Multicolor Normandie et M. [Z] devant la présidente du tribunal judiciaire de Rouen qui, par ordonnance réputée contradictoire du 10 mai 2022, a rejeté l'intégralité des demandes présentées par la SCI Karma et l'a condamnée aux dépens.



La SCI Karma a interjeté appel de cette décision par déclaration du 8 juin 2022 qui a été signifiée le 6 septembre 2022 tant à la SARL Multicolor Normandie (en l'étude de l'huissier instrumentaire après refus de l'acte par l'épouse de M. [Z]) qu'à M. [Z] (en l'étude de l'huissier instrumentaire dans les mêmes circonstances).



Aucun des intimés n'a constitué avocat.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 décembre 2022.



La cour envisageant de soulever d'office le moyen tiré de l'absence de toute mention manuscrite émanant de la caution, la SCI Karma a été invitée à émettre toutes observations sur ce point par note en délibéré avant le 9 février 2023.



Au 10 février 2023 aucune note n'était parvenue à la cour.





EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS



Vu les conclusions du 31 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments de la SCI Karma qui demande à la cour de :



Vu l'article 16 du code de procédure civile



Vu l'article 1353 du code civile,



Vu l'article L. 145-41 du code de commerce,



Vu les articles 834 et 835 du code de procédure civile,



Il est demandé à la cour d'appel d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté toutes les demandes de la SCI Karma et l'a condamnée aux dépens.



Statuant à nouveau, il est demandé à la cour d'appel :



' constater la résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire par l'effet du commandement signifié le 11 février 2022



' en tant que de besoin, prononcer la résiliation du bail à compter du 14 mars 2022



' ordonner en conséquence l'expulsion de la SARL Multicolor Normandie ainsi que celle de tous occupants de son chef des locaux situés [Adresse 1] appartenant à la SCI Karma, avec au besoin, l'assistance de la force publique et d'un serrurier ;



' ordonner l'enlèvement des biens et facultés mobilières se trouvant dans les lieux en un lieu approprié aux frais, risques et périls du défendeur qui disposera d'un délai d'un mois pour les retirer à compter de la sommation qui sera délivrée par l'huissier chargé de l'exécution ;



' assortir l'obligation de quitter les lieux d'une astreinte d'un montant de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir et ce jusqu'au jour de complète libération des lieux et de remise des clés ;



' condamner la société Multicolor Normandie et Monsieur [E] [Z] à payer au demandeur à titre provisionnel la somme de 3977,28 euros au titre du loyer et des charges impayées à la date de résiliation du bail.



- condamner la société Multicolor Normandie et Monsieur [E] [Z] à payer à titre provisionnel une indemnité d'occupation d'un montant de 369 euros par mois à compter de la résiliation du bail jusqu'à la libération effective des locaux et la restitution des clés,



À titre subsidiaire :



Dans l'hypothèse où le preneur formerait une demande de délais, avec suspension des effets de la clause résolutoire concernant le défaut de paiement des loyers et accessoires, qui serait accueillie, dire et juger en toute hypothèse que, faute de paiement en son entier et à bonne date, d'une seule des échéances prévues à l'ordonnance à intervenir, ainsi que des loyers et accessoires courants à leur échéance contractuelle :



' la déchéance du terme sera encourue, la totalité de la dette devenant immédiatement exigible,



' la clause résolutoire sera acquise par les bailleurs, autorisés à poursuivre l'expulsion du preneur, ainsi que celle de tous occupants de son chef dans les conditions visées ci-dessus.



' condamner le défendeur à payer au demandeur une indemnité d'occupation d'un montant de 369 euros par mois du jour de la résiliation à celui de la libération des locaux et de la restitution des clés ;



' condamner les intimés aux dépens qui comprendront notamment le coût du commandement de payer délivré le 11 février 2022 ainsi que sa notification du 14 février 2022



' condamner les intimés au paiement de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





La SCI Karma soutient que :



- le premier juge a rejeté ses demandes en soulevant un point, l'absence de preuve de ce que le preneur avait été défaillant, qui n'avait pas été discuté à l'audience ;



- il a inversé la charge de la preuve du paiement qui pèse sur le preneur ;



- la SCI Karma a, postérieurement à l'ordonnance, adressé une nouvelle mise en demeure le 18 mai 2022 à la SARL Multicolor Normandie reprenant tout l'arriéré dû par le preneur et ce toujours en vain ;



- le bail est résilié de plein droit par application de l'article L145-41 du code de commerce.








MOTIFS DE LA DECISION



Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.



Il résulte des dispositions de l'article 834 du code de procédure civile que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sétieuse ou que justifie l'existence d'un différend.



Il résulte des dispositions de l'article 835 du même code que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remises en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier.



En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de bail.



Sur les demandes formées contre la SARL Multicolor Normandie :



Aux termes de l'article L145-41 du code de commerce : « Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.



Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge. »



Selon l'article 1353 du code civil : « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.



Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »





Par acte sous seing privé du 7 octobre 2020, la SCI Karma a consenti à la SARL Multicolor Normandie un bail commercial portant sur des locaux à usage de bureaux situés [Adresse 1] à [Localité 3] moyennant un loyer trimestriel de 495,60 euros, une provision sur charge de 105 euros par trimestre et diverses autres charges. Ce bail comprend une clause résolutoire de plein droit à défaut de paiement d'un terme ou fraction de terme de loyer ou accessoire de loyer à son échéance.



Par acte d'huissier du 11 février 2022, la SCI Karma a fait délivrer à la SARL Multicolor Normandie un commandement visant la clause résolutoire du bail pour la somme principale de 3321 euros au titre des loyers et charges arrêtés au 1er février 2022.



La SCI Karma verse aux débats un avis d'échéance du 8 juin 2022 indiquant que les loyers et charges de juin 2021 à juin 2022 inclus sont demeurés totalement impayés à hauteur de 4797 euros.



Devant le juge des référés, juge de l'évidence, il n'est pas sérieusement contestable que les causes du commandement n'ont pas été réglées dans le mois de sa date.



L'ordonnance entreprise qui a rejetée toutes les demandes formées par la SCI Karma contre la SARL Multicolor Normandie sera infirmée et :



- la résiliation du bail sera constatée ;



- l'expulsion de la SARL Multicolor Normandie sera ordonnée sous astreinte ;



- la SARL Multicolor Normandie sera condamnée par provision au paiement de :



* 3690 euros au titre des loyers et charges impayés de juin 2021 à mars 2022 inclus outre un rappel de charges de 287,28 euros ;



* une indemnité d'occupation de 369 euros par mois à compter du mois d'avril 2022 inclus.





Sur la demande formée contre M. [Z] :



Aux termes de l'article L331-1 du code de la consommation dans sa version applicable au jour de l'acte de caution du 12 octobre 2020, « Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :

" En me portant caution de X...................., dans la limite de la somme de.................... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de...................., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X.................... n'y satisfait pas lui-même. " ».



Constitue une activité professionnelle celle d'une personne morale qui, en vertu de son objet social, procure, sous quelque forme que ce soit, des revenus s'agissant d'immeubles en propriété ou en jouissance. Le cautionnement de M. [Z] se trouve en rapport direct avec l'activité dans la mesure où il a pour objet la garantie du paiement des loyers, contrepartie du bail concédé de sorte. Il apparait ainsi au stade du référé que la SCI Karma a la qualité de créancier professionnel.





L'acte de cautionnement souscrit par M. [Z] ne comportant aucune mention manuscrite, la demande est sérieusement contestable.



L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes formées par la SCI Karma contre M. [Z].









PAR CES MOTIFS



La cour statuant par arrêt rendu par défaut ;



Infirme l'ordonnance du 10 mai 2022 de la juge des référés du tribunal judiciaire de Rouen en ce qu'elle a rejeté les demandes formées par la SCI Karma contre la SARL Multicolor Normandie et qu'elle a condamné la SCI Karma aux dépens ;



Statuant à nouveau :



Constate la résiliation du bail commercial en date du 7 octobre 2020 conclu entre la SCI Karma et la SARL Multicolor Normandie et portant sur des locaux à usage de bureaux situés [Adresse 1] à [Localité 3] par l'effet de la clause résolutoire et du commandement du 11 février 2022 ;



Dit que faute de meilleur accord la SARL Multicolor Normandie devra quitter les lieux après le commandement qui lui aura été signifié ;



Ordonne en tant que de besoin l'expulsion de la SARL Multicolor Normandie et de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique si nécessaire et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification du commandement d'avoir à quitter les lieux et dit que l'astreinte sera due pendant soixante jours et qu'au-delà de ce délai il sera à nouveau fait droit ;



Autorise l'enlèvement des biens et facultés mobilières se trouvant dans les lieux en un lieu approprié aux frais, risques et périls du défendeur qui disposera d'un délai de deux mois pour les retirer à compter de la sommation qui sera délivrée par l'huissier chargé de l'exécution dans les termes de l'article R433-1 du code des procédures civiles d'exécution ;



Condamne par provision la SARL Multicolor Normandie à payer à la SCI Karma :



- 3690 euros au titre des loyers et charges impayés de juin 2021 à mars 2022 inclus outre un rappel de charges de 287,28 euros ;



- Une indemnité d'occupation de 369 euros à compter du mois d'avril 2022 inclus jusqu'à la libération totale des lieux et la restitution de toutes les clés ;



Confirme l'ordonnance entreprise pour le surplus ;



Y ajoutant :



Condamne la SARL Multicolor Normandie aux dépens de première instance et d'appel comprenant les frais du seul commandement de payer du 11 février 2022 ;



Condamne la SARL Multicolor Normandie à payer à la SCI Karma la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.







La greffière, La présidente,

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