4 avril 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-83.735

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00415

Texte de la décision

N° W 22-83.735 F-D

N° 00415


ECF
4 AVRIL 2023


REJET


M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 AVRIL 2023


[V] [Z], Mmes [O] [I], [A] [Y], épouse [Z], [R] [Z], [G] [Z], MM. [B] [Z], [D] [Z], Mme [L] [S], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 13 mai 2022, qui, dans la procédure suivie contre Mme [K] [C], des chefs d'homicide et blessures, involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Goanvic, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de [V] [Z], Mmes [O] [I], [A] [Y], épouse [Z], [R] [Z], [G] [Z], MM. [B] [Z], [D] [Z], et de Mme [L] [S], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [K] [C] et de la société [1], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Goanvic, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 21 octobre 2016, [M] [Z] a été victime d'un accident de la circulation occasionné par Mme [K] [C]. Elle est décédée à l'hôpital où elle avait été transportée en arrêt cardio-respiratoire.

3. Statuant sur intérêts civils, les juges du premier degré ont notamment rejeté la demande d'indemnisation du préjudice de mort imminente des ayants droit de [M] [Z].

4. Les consorts [Z] ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, et sur le second moyen


5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement déféré dans l'ensemble de ses dispositions et en particulier en ce qu'il a condamné Mme [C] à payer à Mme [S] la somme de 23 000 euros au titre de son préjudice moral, à M. [D] [Z] la somme de 23 000 euros au titre de son préjudice moral, à Mme [R] [Z] la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice moral, à [V] [Z] prise en la personne de ses représentants légaux la somme de 7 000 euros au titre de son préjudice moral et à [G] [Z] pris en la personne de ses représentants légaux la somme de 7 000 euros au titre de son préjudice moral, à payer à Mme [S], M. [D] [Z], Mme [R] [Z], [V] [Z] et [G] [Z], tous en leur qualité d'héritiers de feue [M] [Z], une somme de 10 000 euros au titre de ses souffrances endurées, en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes de Mme [S], M. [D] [Z], Mme [R] [Z], [V] [Z] et [G] [Z] au titre de leurs préjudices, alors :

« 1°/ que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'il en est particulièrement ainsi du préjudice lié à l'angoisse chez la victime d'une mort imminente que celle-ci transmet à son décès à ses ayants droit ; que le préjudice moral de mort imminente consiste pour la victime décédée à avoir eu conscience, entre la survenance de l'accident et sa mort, de la gravité de son état séquellaire et du caractère inéluctable de sa propre fin ; qu'en l'espèce, il résultait des éléments de preuve aux débats et ainsi que les exposants le faisaient valoir que durant les tous premiers instants ayant suivi l'accident - « immédiatement après l'accident » – ainsi que l'établissait le témoignage de l'auteur de l'accident – [M], qui s'était trouvée bloquée dans la voiture, avait ressenti la souffrance due aux différentes blessures qu'elle avait subies et avait en ce sens émis des gémissements de douleurs, ce qui démontrait inéluctablement qu'elle avait nécessairement aussi conscience de sa situation et du fait que sa mort était imminente, et que ces moments se distinguaient de ceux qui avaient suivi et au cours desquels les secours étaient arrivés et avaient pu constater un arrêt cardiaque ; qu'en ne tenant aucun compte de cette distinction déterminante et en refusant d'allouer aux ayants droit de la victime, une somme au titre du préjudice d'angoisse de mort imminente subi par celle-ci, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard du principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, ensemble les articles 1240 du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

7. Pour confirmer le jugement et rejeter la demande de réparation du préjudice de mort imminente, l'arrêt attaqué énonce que l'accident est survenu vers 1 heure 40, que [M] [Z] se trouvait en arrêt cardio-respiratoire, avec mydriase bilatérale, lors de l'arrivée du service médical d'urgence à 2 heures 03 sur les lieux de l'accident.

8. Le juge relève que, suite à la réanimation, l'activité cardiaque a repris à 2 heures 40, avec toutefois une tension imprenable, et qu'un nouvel arrêt cardiaque est survenu à 6 heures.

9. Il ajoute que le premier témoin sur les lieux a indiqué que la victime, coincée sous la voiture, était inconsciente et que, selon la conductrice du véhicule, [M] [Z], inconsciente, ne bougeait plus du tout, mais qu'elle avait gémi, lorsqu'elle l'avait tapée au niveau de la joue.

10. Il relève encore que le fait que la victime endurait des souffrances s'est manifesté par des gémissements et un râle agonique, en lien avec les multiples lésions médicalement constatées.

11. Il retient que, contrairement à ce que soutiennent les parties civiles, il n'est pas contradictoire de considérer que [M] [Z] était manifestement en souffrance suite aux graves blessures subies et de relever qu'il est impossible d'affirmer que ses facultés intellectuelles lui permettaient encore d'analyser et de comprendre la situation dans laquelle elle se trouvait et d'avoir conscience du caractère inéluctable de son décès.

12. Il en déduit que la conscience de mort imminente ne résulte pas des éléments concordants du dossier, en l'absence de toute manifestation de lucidité et d'indice laissant penser que la victime se rendait compte de la gravité de son état.

13. En se déterminant ainsi, dès lors que le préjudice d'angoisse de mort imminente ne peut exister que si la victime est consciente de son état, la cour d'appel a justifié sa décision.
14. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.

15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que les parties représentées par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et [H] devront payer à Mme [C] et à la société [1] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille vingt-trois.

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