28 mars 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-84.395

Chambre criminelle - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00295

Texte de la décision

N° P 22-84.395 FS-D

N° 00295


ODVS
28 MARS 2023


REJET


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 28 MARS 2023


Le procureur général près la cour d'appel de Paris a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, 5e section, en date du 29 juin 2022, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre M. [I] [V] à la demande du gouvernement italien, a émis un avis défavorable.

Des mémoires, en demande et en défense, et des observations de l'Etat italien ont été produits.

Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [I] [V], et de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de l'Etat italien et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 7 février 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, MM. Maziau, Seys, Dary, Hill, conseillers de la chambre, MM. Violeau, Michon, conseillers référendaires, M. Tarabeux, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 28 janvier 2020, les autorités italiennes ont transmis au ministère de la justice une demande d'arrestation provisoire et d'extradition de M. [I] [V], ressortissant italien, aux fins d'exécution d'une peine de vingt années, onze mois et vingt-cinq jours de réclusion criminelle, prononcée par arrêt de la cour d'assises d'appel de Rome du 6 mars 1992, devenu définitif le 19 septembre 1992, pour des faits qualifiés d'attentat à des fins terroristes ou de subversion, commis le 6 janvier 1982. Le reliquat de peine à exécuter est de dix-huit années, sept mois et vingt-cinq jours.

3. M. [V] a déclaré ne pas consentir à sa remise aux autorités requérantes.

4. Par arrêt avant dire droit du 29 septembre 2021, la chambre de l'instruction a ordonné un complément d'information.

Examen de la recevabilité des observations produites au nom de l'Etat italien


5. N'étant pas partie à la procédure, l'Etat requérant à l'extradition ne tire d'aucune disposition légale la faculté de déposer un mémoire ou des observations devant la Cour de cassation.

6. Dès lors, les observations produites en son nom doivent être déclarées irrecevables.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a émis un avis défavorable à l'extradition, alors que la chambre de l'instruction se fonde sur la réponse au complément d'information qu'elle a ordonné et sur les pièces qui l'accompagnaient sans avoir sollicité, par un nouveau complément d'information pourtant requis par le parquet général, les observations des autorités italiennes sur les contradictions relevées ainsi que les éléments d'information et d'analyse complémentaires utiles, les réponses à celui-ci paraissant essentielles au fondement de sa décision, qu'elle a ainsi méconnu l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Réponse de la Cour

8. La présente demande d'extradition, régie par la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 et son deuxième protocole, la Convention de Dublin du 27 septembre 1996 relative à l'extradition entre les Etats membres de l'Union européenne et, à défaut, par les articles 696-1 et suivants du code de procédure pénale, s'inscrit dans les règles et principes conventionnels suivants.

9. L'article 3 du deuxième protocole à la Convention européenne d'extradition stipule que, dans le cas où l'extradition est demandée aux fins d'exécution d'une peine résultant d'une décision rendue par défaut, la partie requise peut refuser d'extrader si, à son avis, la procédure de jugement n'a pas satisfait aux droits minimaux de la défense reconnus à toute personne accusée d'une infraction.

10. Il se déduit de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme relatif au droit à un procès équitable qu'un Etat partie à la Convention, requis aux fins d'extradition d'une personne, a l'obligation de s'assurer que celle-ci ne sera pas exposée, dans l'Etat requérant, à un déni de justice flagrant pouvant résulter, notamment, de l'impossibilité d'obtenir qu'une juridiction statue à nouveau sur le bien-fondé de l'accusation, alors qu'elle a fait l'objet d'une condamnation in abstentia au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

11. Aux fins de mise en oeuvre de ces normes, il appartient à la chambre de l'instruction, saisie d'un grief pris d'un déni de justice flagrant, de vérifier si la personne réclamée qui a été jugée en son absence, alors qu'il n'est pas établi qu'elle a renoncé à son droit de comparaître et de se défendre ou qu'elle a eu l'intention de se soustraire à la justice, aura la possibilité, si elle le souhaite, d'obtenir qu'une juridiction statue à nouveau, après l'avoir entendue, sur le bien-fondé de l'accusation en fait comme en droit. Si, à son avis, la procédure de l'Etat requérant ne satisfait pas à ces exigences, la chambre de l'instruction rend un avis défavorable à l'extradition.

12. L'avis de la chambre de l'instruction qui respecte ces exigences, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction et répondant aux articulations essentielles des mémoires, satisfait aux conditions essentielles de son existence légale, ce qu'il appartient à la Cour de cassation de contrôler en application de l'article 696-15 du code de procédure pénale. La Cour de cassation ne peut substituer son appréciation à celle des juges.

13. Par ailleurs, saisie d'un grief reprochant à la chambre de l'instruction d'avoir rejeté une demande de complément d'information, la Cour de cassation juge que la nécessité d'ordonner une telle mesure relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, sous réserve, en cas de refus, d'une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction (Crim., 4 mars 2015, pourvoi n° 14-87.380, Bull. crim. 2015, n° 46).

14. Pour constater que M. [V] a fait l'objet d'une condamnation par contumace exécutoire et définitive en violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, dire n'y avoir lieu en conséquence à nouveau complément d'information et émettre un avis défavorable à l'extradition, l'arrêt attaqué, après avoir analysé les dispositions applicables telles qu'elles résultent des explications des autorités requérantes fournies en réponse au complément d'information précédemment ordonné, conclut, par des motifs non critiqués par le moyen et retenant qu'il ne demeure plus d'incertitude ou de contradiction sur les points relevés par le procureur général, que la loi italienne ne garantit pas au condamné par défaut le droit qu'une juridiction statue à nouveau, après l'avoir entendu, sur le bien-fondé de l'accusation en fait comme en droit.

15. C'est, dès lors, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction et relevant de son appréciation souveraine que la chambre de l'instruction a refusé d'ordonner le complément d'information sollicité.

16. Le moyen doit en conséquence être écarté.

17. Il s'ensuit que l'arrêt répond, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale.

18. Il a par ailleurs été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi, et la procédure est régulière.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille vingt-trois.

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