28 mars 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-84.387

Chambre criminelle - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00289

Texte de la décision

N° E 22-84.387 FS-D

N° 00289


ODVS
28 MARS 2023


REJET


M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 28 MARS 2023


Le procureur général près la cour d'appel de Paris a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, 5e section, en date du 29 juin 2022, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre Mme [I] [Y] à la demande du gouvernement italien, a émis un avis défavorable.

Des mémoires, en demande et en défense, et des observations de l'Etat italien ont été produits.

Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [I] [Y], et de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de l'Etat italien, et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 7 février 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, M. Maziau, Seys, Dary, Hill, conseillers de la chambre, M. Violeau, Michon, conseillers référendaires, M. Tarabeux, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 28 janvier 2020, les autorités italiennes ont transmis au ministère de la justice une demande d'arrestation provisoire et d'extradition de Mme [I] [Y], ressortissante italienne, aux fins d'exécution d'une peine d'emprisonnement à perpétuité prononcée par jugement du 12 décembre 1988, confirmé par arrêt du 6 mars 1992 de la cour d'assises d'appel de Rome, passé en force de chose jugée le 10 mai 1993, pour des faits qualifiés de crimes d'attentat terroriste, commis les 19 juin 1981 et 6 janvier 1982.

3. Mme [Y] a déclaré ne pas consentir à sa remise aux autorités requérantes.

4. Par arrêt avant dire droit du 29 septembre 2021, la chambre de l'instruction a ordonné un complément d'information.

Examen de la recevabilité des observations produites au nom de l'Etat italien


5. N'étant pas partie à la procédure, l'Etat requérant à l'extradition ne tire d'aucune disposition légale la faculté de déposer un mémoire ou des observations devant la Cour de cassation.

6. Dès lors, les observations produites en son nom doivent être déclarées irrecevables.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a émis un avis défavorable à l'extradition, alors que la Cour européenne des droits de l'homme se limite à contrôler si les conditions du paragraphe 2 de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme sont remplies, c'est-à-dire si l'ingérence, par l'autorité publique, est prévue par la loi et constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire notamment à la poursuite d'un but légitime (défense de l'ordre public et prévention des infractions pénales), que, si des circonstances peuvent faire prévaloir le droit au respect de la vie privée et familiale sur le but légitime poursuivi par l'extradition, ce n'est que dans le cas où ces circonstances présentent un caractère exceptionnel au regard des faits reprochés et de leur gravité et que la chambre de l'instruction, qui n'a pas motivé sa décision dans le cadre ainsi fixé, a méconnu l'article 8 susvisé.

Réponse de la Cour

8. La présente demande d'extradition, régie par la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, la Convention de Dublin du 27 septembre 1996 relative à l'extradition entre les Etats membres de l'Union européenne et, à défaut, par les articles 696-1 et suivants du code de procédure pénale, s'inscrit dans les règles et principes conventionnels suivants.

9. Il résulte de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale et qu'il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire, notamment, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales.

10. Il appartient à la chambre de l'instruction, saisie d'un grief pris d'une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale résultant de l'extradition, d'exercer un contrôle de proportionnalité au regard des buts légitimes poursuivis par cette mesure (Crim., 15 novembre 2016, pourvoi n°16-85.335, Bull. crim. 2016, n° 293).

11. L'avis de la chambre de l'instruction qui respecte cette exigence, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction et répondant aux articulations essentielles des mémoires, satisfait aux conditions essentielles de son existence légale, ce qu'il appartient à la Cour de cassation de contrôler en application de l'article 696-15 du code de procédure pénale. La Cour de cassation ne peut substituer son appréciation à celle des juges.

12. Pour conclure que l'extradition de Mme [Y], quoique demandée pour des faits d'une gravité exceptionnelle, porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et émettre un avis défavorable à l'extradition, l'arrêt attaqué constate que celle-ci démontre être présente sur le sol français de manière continue depuis vingt-neuf ans et avoir rompu tout lien avec l'Italie.

13. Les juges ajoutent que l'intéressée a une fille née en France ainsi qu'un petit-fils, qu'elle justifie d'un statut actuel d'auto-entrepreneure ainsi que de droits à la retraite à la suite d'emplois occupés en France, qu'elle démontre une insertion sociale, professionnelle et familiale sur le territoire national.



14. En l'état de ces seuls motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction, la chambre de l'instruction a pu souverainement conclure que l'extradition porterait une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de la personne réclamée.

15. Dès lors, le moyen doit être écarté.

16. Il s'ensuit que l'arrêt répond, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale.

17. Il a par ailleurs été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi, et la procédure est régulière.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille vingt-trois.

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