29 mars 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-14.389

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C100298

Titres et sommaires

AVOCAT - Barreau - Inscription au tableau - Conditions particulières - Fonctionnaires de catégorie A - Exercice d'activités juridiques - Caractérisation - Ancienneté - Détermination

Pour le calcul de l'ancienneté requise afin de bénéficier de la dispense prévue à l'article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, les périodes de temps partiel dans l'exercice de fonctions juridiques doivent être prises en compte prorata temporis

AVOCAT - Barreau - Inscription au tableau - Conditions particulières - Article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 - Fonctionnaires de catégorie A - Exercice d'activités juridiques - Caractérisation - Ancienneté - Détermination


AVOCAT - Barreau - Inscription au tableau - Décision du conseil de l'ordre - Recours devant la cour d'appel - Annulation - Portée - Décision ordonnant l'inscription au tableau - Possibilité - Office du juge

Il résulte de l'article 20 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que la cour d'appel qui annule la décision d'un conseil de l'ordre peut, sans s'immiscer dans son fonctionnement, ordonner elle-même l'inscription d'un candidat au tableau de l'ordre

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 mars 2023




Rejet


Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 298 F-B

Pourvoi n° V 22-14.389




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 MARS 2023

Le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Bordeaux, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 22-14.389 contre l'arrêt rendu le 4 février 2022 par la cour d'appel de Bordeaux, dans le litige l'opposant à Mme [L] [M], épouse [B], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Bordeaux, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [B], et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, M. Jessel, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 4 février 2022), Mme [B], fonctionnaire de catégorie A, a sollicité son inscription au tableau de l'ordre des avocats au barreau de Bordeaux sur le fondement des dispositions de l'article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat.

2. Le 9 février 2021, le conseil de l'ordre a rejeté sa demande.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le conseil de l'ordre fait grief à l'arrêt d'infirmer sa décision et de lui enjoindre de procéder à l'inscription de Mme [B] au tableau de l'ordre des avocats de Bordeaux sous conditions de réussite à l'examen prévu à l'article 98-1 du décret du 27 novembre 1991, alors :

« 1°/ que l'article 98, 4° du décret du 27 novembre 1991 dispose que sont dispensés des conditions de formation théorique et pratique « les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale » ; que le dernier alinéa de l'article 98 précise que « les personnes mentionnées aux 3°, 4°, 5°, 6° et 7° peuvent avoir exercé leurs activités dans plusieurs des fonctions visées dans ces dispositions dès lors que la durée totale de ces activités est au moins égale à huit ans » ; que pour justifier la prise en compte du temps partiel effectué par Mme [B], ce qu'avait refusé le conseil de l'ordre, la Cour d'appel s'est exclusivement fondée sur les dispositions de l'article L. 3123-5 du code du travail consacrant l'égalité entre le travail à temps plein et le travail à temps partiel et sur l'article 6 de l'ordonnance du 31 mars 1982 définissant pour la fonction publique les conditions d'exercice des fonctions à temps partiel, rappelant le même principe d'égalité et proportionnalité entre temps plein et temps partiel avec pour corollaire celui de la non discrimination ; que cependant la circonstance qu'en droit du travail et en droit de la fonction publique, les salariés ou les fonctionnaires employés à temps partiel bénéficient des droits reconnus aux salariés et aux fonctionnaires à temps complet est totalement indifférente, l'objectif du législateur n'ayant pas été de créer un droit de protection mais de prévoir, pour l'entrée dans la profession d'avocat, une dérogation qui oblige de ce fait à une interprétation stricte, tenant à une expérience pratique réelle et effective pour la durée requise de huit ans au moins à temps plein ; qu'en décidant dès lors par des motifs inopérants tirés du principe d'égalité et de proportionnalité entre le temps plein et le temps partiel avec pour corollaire celui de la non discrimination qui n'étaient pas de nature à justifier la prise en compte du temps partiel effectué par Mme [B] que cette dernière pouvait bénéficier de ladite dispense dès lors qu'elle justifiait, outre d'avoir travaillé 83 mois à temps plein, d'avoir également travaillé à temps partiel à 80 % de temps sur deux périodes ayant correspondu à la naissance de ses enfants, la première de 6 mois du 1er septembre 2010 au 31 mars 2011 et la seconde de 34 mois du 1er septembre 2012 au 30 juin 2015, soit 40 mois proratisé à 80 % correspondant à 32 mois d'exercice à temps plein, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 98-4 et 98-6 du décret 27 novembre 1991 ;

2°/ que et en tout état de cause si l'article 98-6 du décret du 27 novembre 1991 ne précise pas expressément que la pratique professionnelle du candidat doit avoir été exercée à temps complet, il ne peut cependant s'agir que d'une durée effective à temps plein dès lors que l'article 98 dudit décret a pour dessein, en considération de son expérience professionnelle, de dispenser le candidat de diverses épreuves imposées aux autres et qu'il fixe la durée de cette expérience à 8 ans ; qu'il s'en évince que le candidat demandant à bénéficier de la dérogation de l'article 98-4 dudit décret, d'interprétation stricte, doit justifier d'une activité juridique d'au moins huit ans à temps plein, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale ; qu'en décidant néanmoins que Mme [B], dont il n'était pas contesté qu'elle avait exercé 83 mois une activité juridique à temps plein pouvait bénéficier de ladite dispense dès lors qu'elle justifiait avoir également travaillé à temps partiel à 80 % de temps sur deux périodes ayant correspondu à la naissance de ses enfants, la première de 6 mois du 1er septembre 2010 au 31 mars 2011 et la seconde de 34 mois du 1er septembre 2012 au 30 juin 2015, soit 40 mois proratisé à 80 % correspondant à 32 mois d'exercice à temps plein, soit au total 115 mois (83 mois + 32 mois), ce qui ne correspondait pas aux exigences du législateur et du pouvoir réglementaire, la cour d'appel a violé les articles 98-4 et 98-6 du décret 27 novembre 1991 ;

3°/ que la cour n'ayant pas à s'immiscer dans le fonctionnement du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Bordeaux , elle ne pouvait lui faire injonction de procéder à l'inscription de Mme [L] [B] au tableau de l'ordre des avocats de Bordeaux sous condition de réussite à l'examen prévu à l'article 98-1 du décret du 27 novembre 1991 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour a violé l'article 17 de la loi du 31 décembre 1971. »

Réponse de la Cour

4. En premier lieu, après avoir constaté que Mme [B] avait exercé des fonctions juridiques du 1er septembre 2008 au 31 décembre 2018, avec deux périodes de temps partiel à 80 %, du 1er septembre 2010 au 31 mars 2011, et du 1er septembre 2012 au 30 juin 2015, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que ces périodes devaient être prises en compte, prorata temporis, pour le calcul de l'ancienneté requise afin de bénéficier de la dispense prévue à l'article 98, 4° du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, soit à hauteur de 40 mois proratisés correspondant à 32 mois d'exercice à temps plein et que Mme [B], justifiant ainsi d'une activité juridique durant neuf années et demi, était en droit de bénéficier de cette dispense.

5. En second lieu, il résulte de l'article 20 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que la cour d'appel qui annule la décision d'un conseil de l'ordre, peut, sans s'immiscer dans son fonctionnement, ordonner elle-même l'inscription d'un candidat au tableau de l'ordre.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Bordeaux aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Bordeaux et le condamne à payer à Mme [B] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille vingt-trois.

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