27 mars 2023
Cour d'appel de Nancy
RG n° 22/00275

1ère Chambre

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile



ARRÊT N° /2023 DU 27 MARS 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00275 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E5MH



Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de BAR LE DUC,

R.G.n° 20/00274, en date du 20 janvier 2022,



APPELANTES :

E.U.R.L. FEDELI DIAGNOSTIC IMMOBILIER, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 2]

Représentée par Me Aline FAUCHEUR-SCHIOCHET de la SELARL FILOR AVOCATS, avocat au barreau de NANCY



MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1]

Représentée par Me Jean Louis FORGET de la SELARL SELARL CONSEIL ET DEFENSE DU BARROIS, avocat au barreau de la MEUSE



INTIMÉE :

ASSOCIATION DEPARTEMENTALE DES AMIS ET PARENTS D'ENFANTS INADAPTES MEUSE (ADAPEI de la MEUSE), prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié [Adresse 3]

Représentée par Me Diane COISSARD de la SCP LEBON & ASSOCIÉS, avocat au barreau de NANCY





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, Présidente d'audience,

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 13 Mars 2023, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Puis, à cette date, le délibéré a été prorogé au 27 Mars 2023.



ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 27 Mars 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur HENON, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;






































































































EXPOSÉ DU LITIGE



L'Association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés de la Meuse (ci-après 'l'ADAPEI de la Meuse') a souhaité effectuer des travaux dans un immeuble dont elle est propriétaire. Avant la réalisation de ces travaux, elle a confié à l'EURL Fedeli diagnostic immobilier la réalisation d'un repérage des matériaux susceptibles de contenir de l'amiante.



L'EURL Fedeli diagnostic immobilier a réalisé cette mission le 24 juillet 2017 et elle a rendu son rapport de diagnostic révélant la présence d'amiante le 3 août 2017.



Au cours de la réalisation ultérieure des travaux, il a été découvert la présence d'autres matériaux susceptibles de contenir de l'amiante, qui n'avaient pas été signalés par l'EURL Fedeli diagnostic immobilier. Les travaux ont alors été arrêtés et des analyses complémentaires ont été réalisées, révélant que des fibres d'amiante étaient présentes sur des colles et revêtements de sol.



Par courrier en date du 9 novembre 2018, l'ADAPEI de la Meuse en a informé l'EURL Fedeli diagnostic immobilier et l'a invitée à saisir son assurance professionnelle.



Par courriers du 17 septembre 2019, se prévalant d'un manquement contractuel de l'EURL Fedeli diagnostic immobilier, 1'ADAPEI de la Meuse a mis en demeure cette dernière ainsi que son assureur, la société MMA, d'indemniser son préjudice.



Par actes en date des 24 et 31 mars 2020, l'ADAPEI de la Meuse a fait assigner l'EURL Fedeli diagnostic immobilier et son assureur, la société MMA Iard assurances mutuelles, devant le tribunal judiciaire de Bar-le-Duc aux fins d'indemnisation de son préjudice.



Par jugement contradictoire du 20 janvier 2022, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Bar-le-duc a :

- déclaré 1'ADAPEI de la Meuse recevable en ses demandes,

- condamné in solidum la société Fedeli diagnostic immobilier et la société MMA Iard assurances mutuelles à payer à l'ADAPEI de la Meuse la somme de 197765,60 euros,

- rejeté la demande de l'ADAPEI de la Meuse de condamnation in solidum de l'EURL Fedeli diagnostic immobilier et de la société MMA Iard assurances mutuelles à lui payer la somme de 2000 euros au titre du préjudice du fait d'une atteinte à sa réputation,

- condamné in solidum l'EURL Fedeli diagnostic immobilier et la société MMA Iard assurances mutuelles aux dépens de l'instance,

- rejeté les demandes d'indemnité formulées par l'EURL Fedeli diagnostic immobilier et la société MMA Iard assurances mutuelles au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum l'EURL Fedeli diagnostic immobilier et la société MMA Iard assurances mutuelles à verser à l'ADAPEI de la Meuse une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Dans ses motifs, le tribunal a relevé que l'EURL Fedeli diagnostic immobilier avait manqué à ses obligations contractuelles, dès lors que, tenue à une obligation de contrôle renforcée, elle n'avait pas mené les investigations approfondies nécessaires puisque des fibres d'amiante sur des colles et revêtements de sol avaient été découvertes au moment de la réalisation des travaux. Il a considéré que la non détection de ces fibres d'amiante constituait un manquement contractuel puisque l'ADAPEI de la Meuse avait pu légitimement croire que le rapport du diagnostiqueur était exhaustif concernant le repérage de l'amiante. Il a ajouté que l'obligation contractuelle de l'EURL Fedeli diagnostic immobilier ne se limitait pas à l'appréciation de la norme AFNOR NFX 46-020 et que, dans l'hypothèse de la présence d'enfants dans l'immeuble au moment de la réalisation de la mission, présence au demeurant non démontrée, il incombait à l'EURL Fedeli diagnostic immobilier d'exiger leur évacuation si elle était nécessaire à la bonne réalisation de sa mission.

Le tribunal a estimé que les travaux de désamiantage constituaient un préjudice indemnisable puisqu'il existait un lien de causalité entre l'insuffisance du repérage d'amiante par le diagnostiqueur et le surcoût des travaux de désamiantage. Il a considéré que le préjudice de l'ADAPEI de la Meuse concernait non pas l'ensemble des coûts de désamiantage, mais uniquement les travaux consécutifs à la découverte d'amiante non détectée initialement par le diagnostiqueur. Considérant que le devis produit par l'ADAPEI de la Meuse était suffisamment détaillé et proportionné, il a fait droit à la demande d'indemnisation de l'ADAPEI de la Meuse à hauteur de 197765,70 euros.

S'agissant du préjudice d'atteinte à la réputation, il a considéré qu'il n'était pas démontré en l'absence de tout justificatif produit par l'ADAPEI de la Meuse.

Enfin, le tribunal a condamné la société MMA Iard assurances mutuelles, garantissant l'EURL Fedeli diagnostic immobilier concernant son activité relative au diagnostic de l'amiante, au paiement in solidum avec son assurée de la somme de 197765,70 euros.





Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 4 février 2022, l'EURL Fedeli diagnostic immobilier a relevé appel de ce jugement. La procédure a été enregistrée sous le numéro RG 22/00275.



Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 11 février 2022, la société MMA Iard assurances mutuelles a relevé appel de ce jugement. La procédure a été enregistrée sous le numéro RG 22/00362.



Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour sous la forme électronique le 6 mai 2022 (22/00362) et le 6 octobre 2022 (22/00275), auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, l'EURL Fedeli diagnostic immobilier demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

- infirmer en toutes ses dispositions la décision dont appel,

- débouter l'ADAPEI de la Meuse de ses demandes en indemnisation,

- condamner l'ADAPEI de la Meuse au paiement d'une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

- condamner l'ADAPEI de la Meuse à lui verser la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour sous la forme électronique le 14 novembre 2022 (22/00275 et 22/00362), auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, l'ADAPEI de la Meuse demande à la cour de :

Sur l'appel présenté par l'EURL Fedeli diagnostic immobilier,

- rejeter la requête d'appel présentée par l'EURL Fedeli diagnostic immobilier le 4 février 2022,

- débouter l'EURL Fedeli diagnostic immobilier des demandes de condamnations présentées à son encontre au titre d'une prétendue procédure abusive, au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d'appel ainsi qu'au titre des dépens de première instance et d'appel,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum l'EURL Fedeli diagnostic immobilier et la société MMA Iard assurances mutuelles à lui payer une somme de 197765,60 euros et a rejeté les demandes présentées par l'EURL Fedeli diagnostic immobilier et la société MMA Iard assurances mutuelles au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les a au contraire condamnées à lui verser une somme de 1500 euros au titre du même article,

Sur l'appel formé par MMA Iard assurances mutuelles,

- rejeter l'appel incident formé par la société MMA Iard assurances mutuelles,

- débouter la société MMA Iard assurances mutuelles de ses demandes de condamnations présentées à son encontre au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d'appel ainsi qu'au titre des dépens de première instance et d'appel,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum l'EURL Fedeli diagnostic immobilier et la société MMA Iard assurances mutuelles à lui payer une somme de 197765,60 euros et a rejeté les demandes présentées par l'EURL Fedeli diagnostic immobilier et la société MMA Iard assurances mutuelles au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les a au contraire condamnées à lui verser une somme de 1500 euros au titre du même article,

Sur son appel incident,

- déclarer son appel incident recevable et bien-fondé,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement en date du 20 janvier 2022 du tribunal judiciaire de Bar-le-Duc en ce qu'il a rejeté ses demandes indemnitaires au titre du préjudice d'atteinte à sa réputation,

- condamner l'EURL Fedeli diagnostic immobilier ainsi que la société MMA Iard in solidum à lui verser la somme de 2000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte à sa réputation,

En toutes hypothèses,

- condamner l'EURL Fedeli diagnostic immobilier ainsi que la société MMA Iard à lui verser une somme de 5000 euros au titre de la procédure d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour sous la forme électronique le 7 avril 2022 (22/00362) et le 5 juillet 2022 (22/00275), auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société MMA Iard assurances mutuelles demande à la cour de :

- déclarer son appel incident recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Fedeli et considéré que la somme de 197765,60 euros constituait pour l'ADAPEI de la Meuse un préjudice indemnisable,

- infirmer en conséquence le jugement en ce qu'il a condamné in solidum l'EURL Fedeli diagnostic immobilier et elle-même à payer à l'ADAPEI de la Meuse la somme de 197765,60 euros,

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

- condamner l'ADAPEI de la Meuse à lui payer la somme de 3000 euros pour la procédure de première instance, outre la même somme de 3000 euros en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'ADAPEI de la Meuse aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Très subsidiairement,

- confirmer la décision en ce qu'elle a rejeté la demande de l'ADAPEI de 2000 euros à titre de dommages et intérêts 'au titre de l'atteinte à sa réputation'.



Par ordonnance du 15 novembre 2022, la jonction des procédures N°RG 22/00362 et 22/00275 a été prononcée.



La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 décembre 2022.



L'audience de plaidoirie a été fixée au 16 janvier 2023 et le délibéré au 13 mars 2023, prorogé au 27 mars 2023.






MOTIFS DE LA DÉCISION





SUR LES DEMANDES PRINCIPALES



Sur la responsabilité de l'EURL Fedeli diagnostic immobilier



Sur la faute



Le tribunal a jugé que l'EURL Fedeli diagnostic immobilier avait manqué à ses obligations dès lors que, tenue à une obligation de contrôle renforcée, elle n'avait pas mené les investigations approfondies nécessaires puisque des fibres d'amiante avaient été découvertes sur des colles et revêtements de sol au moment de la réalisation des travaux. Il a considéré que la non détection de ces fibres d'amiante constituait un manquement contractuel puisque l'ADAPEI de la Meuse avait pu légitimement croire que le rapport du diagnostiqueur était exhaustif concernant le repérage de l'amiante.



L'EURL Fedeli diagnostic immobilier critique le jugement en faisant valoir qu'elle n'était tenue que d'une obligation de moyens et non de résultat, et que même si le tribunal la considérait comme renforcée, il était tenu de caractériser une faute, ce qu'il n'a pas fait. Elle soutient que le débiteur d'une obligation de moyens renforcée peut s'exonérer de sa responsabilité en démontrant qu'il a parfaitement exécuté son obligation sans commettre aucune faute. Elle affirme avoir strictement respecté la règlementation et les normes applicables en matière de diagnostic amiante avant travaux et démolition et qu'il ne rentrait pas dans le cadre de sa mission de procéder à des sondages destructifs. Elle précise que sa mission ne s'inscrivait pas dans le cadre d'un diagnostic rendu obligatoire par la loi dans l'objectif de sa remise à un tiers, mais uniquement dans le cadre d'un diagnostic avant travaux et avant démolition ayant pour seul but de protéger les travailleurs devant intervenir sur le chantier. Elle expose avoir réalisé trois prélèvements à des endroits différents s'agissant du revêtement des sols et que seul l'un d'entre eux est revenu positif après analyse dans un laboratoire certifié, qu'il appartenait dès lors au maître d''uvre, au maître de l'ouvrage et à l'entreprise de désamiantage de prendre leurs responsabilités quant aux précautions à prendre pour la réalisation des travaux de démolition.



La société MMA Iard assurances mutuelles fait valoir que le diagnostic amiante avant travaux ou avant démolition a pour objectif premier de permettre aux entreprises intervenant sur le chantier de prendre les mesures nécessaires à la protection des travailleurs, qu'il est un outil à la décision, mais que son objectif premier n'est pas de permettre l'établissement des devis et des marchés par les entreprises. Elle soutient donc que dans le cadre de l'évaluation des risques, il appartenait au maître d''uvre lors de l'élaboration de son CCTP et à l'entreprise de désamiantage de décider s'il convenait de ne considérer comme amiantée que la seule zone où les prélèvements et analyses ont révélé la présence d'amiante ou s'il était prudent de considérer comme amiantés tous les revêtements de sol de même type. La société MMA fait valoir que son assurée, tenue d'une obligation de moyens, a respecté ses obligations réglementaires, telles que définies par la norme AFNOR NFX46-020, en matière de diagnostic amiante avant travaux ou démolition, en réalisant trois prélèvements aux fins d'analyse. Elle reproche au tribunal, sous couvert d'une obligation de moyens renforcée, de mettre à la charge du diagnostiqueur une obligation de résultat, car il n'a pas caractérisé de faute de l'EURL Fedeli diagnostic immobilier.



Selon l'article 1217 du code civil, 'La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut : [...] demander réparation des conséquences de l'inexécution [...]'.



Le diagnostiqueur étant tenu d'une obligation de moyens, la mise en 'uvre de sa responsabilité suppose la démonstration d'une faute dans l'exécution de sa prestation.



L'article R. 1334-22 du code de la santé publique dispose : 'I.-On entend par " repérage des matériaux et produits de la liste C contenant de l'amiante " la mission qui consiste à :

1° Rechercher la présence des matériaux et produits de la liste C ;

2° Rechercher la présence de tout autre matériau et produit réputé contenir de l'amiante dont la personne qui effectue le repérage aurait connaissance ;

3° Identifier et localiser les matériaux et produits qui contiennent de l'amiante.

II.-Lorsque la recherche révèle la présence de matériaux ou produits de la liste C ou de tout autre matériau et produit réputé contenir de l'amiante et si un doute persiste sur la présence d'amiante dans ces matériaux ou produits, un ou plusieurs prélèvements de matériaux ou produits sont effectués par la personne réalisant la recherche. Ces prélèvements font l'objet d'analyses selon les modalités définies à l'article R. 1334-24.

III.-A l'issue du repérage, la personne qui l'a réalisé établit un rapport de repérage qu'elle remet au propriétaire contre accusé de réception [...]'.



Selon la norme AFNOR NF X46-020, l'opérateur de repérage identifie les composants de la construction, puis inspecte les matériaux et produits susceptibles de contenir de l'amiante constitutifs de ces composants (article 4.4.3.3). Il réalise les investigations approfondies non destructives nécessaires et définit le nombre et l'emplacement des investigations approfondies destructives qui permettent de rendre accessibles les parties de composants de la construction à inspecter (article 4.4.4.3). Il définit sous sa seule responsabilité, parmi les matériaux ou produits repérés, ceux qui doivent donner lieu à plusieurs prélèvements ; ce nombre de prélèvements est représentatif des surfaces considérées et doit, sauf motifs dûment justifiés, être conforme aux prescriptions de l'annexe A.

Selon l'annexe A, concernant le 'descriptif des sondages et prélèvements à effectuer pour les composants', la colonne III 'caractéristiques des sondages' prescrit un nombre minimal prévisionnel de sondages. En cas de constats hétérogènes, il appartient à l'opérateur de déterminer le nombre supplémentaire de sondages à effectuer pour déterminer la limite des zones de repérage concernées.

Le tableau A.1 prévoit, notamment pour les revêtements de sol, un sondage par 500 m² jusqu'à 1000 m², puis un sondage par 1000 m² au-delà.

Et selon l'annexe C, le 'rapport de mission de repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante' contient 'la liste actualisée (par le dernier rapport émis) des locaux et parties de l'immeuble bâti, affectés par les travaux prévus, visités et non visités'.





En l'espèce, le rapport établi par l'EURL Fedeli diagnostic immobilier en date du 3 août 2017 fait état de la présence d'amiante dans des gaines de ventilation, dans des poteaux de coffrage, ainsi que sur la dalle de sol et la colle du plancher d'une zone de transfert au premier étage. Deux autres planchers, l'un d'une salle de réunion au rez-de-chaussée et l'autre d'une chambre au premier étage, ont donné lieu à analyses révélant qu'ils ne contenaient pas d'amiante.



Selon le rapport établi par Monsieur [O] en date du 29 octobre 2018, de l'amiante était également présente dans les revêtements de sol, au rez-de-chaussée, d'un vestiaire et d'une chambre.



Le repérage réalisé pour un diagnostic avant travaux doit permettre au propriétaire d'avoir connaissance de l'ensemble des matériaux ou produits susceptibles de contenir de l'amiante afin de garantir la sécurité des intervenants sur le chantier. Le diagnostiqueur est donc également tenu de réaliser des investigations approfondies destructives. Il ressort des textes rappelés ci-dessus que le nombre de prélèvements mentionnés au tableau A.1 n'est qu'un minimum et le diagnostiqueur doit réaliser des sondages supplémentaires notamment dans l'hypothèse de constats hétérogènes.



En l'espèce, l'EURL Fedeli diagnostic immobilier n'a pas mentionné dans son rapport comme susceptibles de contenir de l'amiante des sols qui en contenaient et elle n'a pas réalisé de sondages concernant ces sols. Il est dès lors indifférent qu'elle ait respecté le nombre minimal de sondages, puisque sa mission consiste à indiquer dans son rapport tous les matériaux et produits contenant de l'amiante. Dès lors, en présence de sols de même nature que ceux où elle a découvert de l'amiante, elle devait les désigner comme susceptibles d'en contenir également. Et en présence de sols de natures différentes de ceux où de l'amiante avait été découverte, elle devait procéder à des investigations supplémentaires.



L'argument de l'EURL Fedeli diagnostic immobilier selon lequel les locaux étaient occupés par des enfants lors de son intervention est inopérant.

Tout d'abord, elle ne démontre pas cet état de fait qu'elle allègue. Ensuite, dans cette hypothèse, il lui incombait de demander la libération des lieux si l'exécution de ses obligations contractuelles l'exigeait. Enfin, à tout le moins, elle devait signaler dans son rapport cette difficulté et ses conséquences concernant la réalisation de sa mission. Or, elle a indiqué 'Aucun' dans les deux rubriques 'Liste des locaux non visités concernés par les travaux et justification' et 'Liste des éléments non inspectés et justification'.



Il résulte des développements qui précèdent que le caractère incomplet du rapport établi par l'EURL Fedeli diagnostic immobilier quant à la présence d'amiante dans l'immeuble de l'ADAPEI résulte de manquements du diagnostiqueur dans l'exécution de sa prestation. Sa responsabilité est donc engagée à ce titre.





Sur les préjudices et le lien de causalité



Afin d'obtenir l'indemnisation des préjudices qu'elle a subis, l'ADAPEI de la Meuse doit non seulement rapporter la preuve de leur existence et de leur importance, mais également celle d'un lien de causalité entre chacun de ces différents préjudices et la faute retenue à l'encontre de l'EURL Fedeli diagnostic immobilier.





Sur le préjudice financier



Pour faire droit à la demande d'indemnisation de l'ADAPEI de la Meuse à hauteur de 197765,70 euros, le tribunal a considéré que les travaux de désamiantage constituaient un préjudice indemnisable puisqu'il existait un lien de causalité entre l'insuffisance du repérage d'amiante par le diagnostiqueur et le surcoût des travaux de désamiantage. Il a estimé que le préjudice de l'ADAPEI de la Meuse concernait non pas l'ensemble des coûts de désamiantage, mais uniquement les travaux consécutifs à la découverte d'amiante non détectée initialement par le diagnostiqueur.



L'ADAPEI de la Meuse sollicite la confirmation du jugement et affirme que l'insuffisance d'un diagnostic amiante est considérée comme présentant un lien de causalité avec le préjudice du maître de l'ouvrage correspondant au surcoût des travaux de désamiantage. Elle prétend avoir droit à cette indemnisation intégrale par analogie avec ce qui est pratiqué dans le cadre des litiges portant sur les diagnostics avant vente.



Ce raisonnement ne peut être adopté. Dans le cas d'un diagnostic avant vente, l'erreur du diagnostiqueur n'ayant pas mentionné dans son rapport la totalité de l'amiante détectable dans le bien présente un rapport direct avec la valeur de ce bien et le prix convenu entre les parties en fonction notamment du coût d'un éventuel désamiantage. Dès lors, l'acquéreur découvrant cette erreur subit un préjudice tenant au fait qu'il a accepté de payer un prix supérieur à celui qu'il aurait réglé s'il avait eu connaissance de la véritable situation. L'indemnisation de son préjudice consiste à lui permettre de mettre le bien en conformité avec l'état qu'il envisageait en l'acquérant.



En revanche, dans un diagnostic avant travaux, le maître de l'ouvrage était et demeure propriétaire de son bien et la valeur de celui-ci est indifférente. Dès lors qu'il envisage de réaliser des travaux, il doit en tout état de cause supporter l'intégralité du coût du désamiantage. Si d'autres conséquences de l'erreur du diagnostiqueur, comme par exemple le retard pris dans les travaux à cause de la découverte tardive d'amiante, présentent un lien de causalité direct avec ce manquement, il n'en va pas de même du surcoût du désamiantage qui doit de ce fait rester à la charge du propriétaire.



Il est en outre relevé que l'ADAPEI de la Meuse ne rapporte nullement la preuve de ce qu'elle n'aurait pas entrepris les travaux si le rapport de l'EURL Fedeli diagnostic immobilier avait été complet concernant la présence d'amiante et si elle avait donc pu dès le départ connaître le coût réel du désamiantage.



En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné in solidum l'EURL Fedeli diagnostic immobilier et la société MMA Iard assurances mutuelles à payer à l'ADAPEI de la Meuse la somme de 197765,60 euros.

Statuant à nouveau, l'ADAPEI de la Meuse sera déboutée de sa demande présentée à ce titre.





Sur le préjudice d'atteinte à la réputation



L'ADAPEI de la Meuse affirme que ce préjudice résulte de l'interruption soudaine du chantier en raison de la présence inattendue de matériaux d'amiante mettant en danger les ouvriers y participant. Elle indique que la durée totale des travaux a été allongée de plus de deux mois. Elle fait valoir que le retard pris dans la réalisation du chantier a eu des répercussions directes sur les modalités de prise en charge du public dès lors que les enfants ont dû être déplacés de façon temporaire dans des locaux transformés pour la circonstance, cette solution de fortune n'étant pas satisfaisante pour ce public vulnérable, d'autant moins durant les fêtes de fin d'année. Elle soutient que cette découverte inattendue d'amiante en cours de chantier a pu semer un doute quant au fait qu'elle ait fait réaliser le diagnostic nécessaire, ce qui l'a discréditée aux yeux de ses usagers.



Cependant, comme l'avait déjà relevé le tribunal, et en l'absence de pièces supplémentaires produites à ce sujet devant la cour, il ne peut qu'être constaté que ce préjudice allégué n'est pas démontré en l'absence de tout justificatif produit par l'ADAPEI de la Meuse. En particulier, elle ne communique pas de pièces relatives au déplacement des enfants. Surtout, elle ne produit ni courriers, ni attestations émanant des familles des enfants faisant état d'un mécontentement.



En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande d'indemnisation.





Sur la demande d'indemnisation de l'EURL Fedeli diagnostic immobilier



L'EURL Fedeli diagnostic immobilier dénonce les conditions dans lesquelles l'exécution forcée de la décision de première instance a été poursuivie par l'ADAPEI de la Meuse, la plaçant dans une situation financière délicate et lui occasionnant un important préjudice moral et financier.



Cependant, comme le fait valoir l'ADAPEI de la Meuse, l'EURL Fedeli diagnostic immobilier n'a pas contesté cette mesure d'exécution devant le juge compétent pour juger de sa régularité, à savoir le juge de l'exécution. Elle n'est dès lors pas fondée à solliciter une indemnisation devant la cour de céans et elle sera déboutée de cette demande, qu'elle qualifie à tort dans son dispositif de demande de dommages et intérêts 'pour procédure abusive et injustifiée'.





SUR LES DÉPENS ET L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE



L'ADAPEI étant déboutée de toutes ses demandes d'indemnisation, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné in solidum l'EURL Fedeli diagnostic immobilier et la société MMA aux dépens et à verser à l'ADAPEI une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Statuant à nouveau et y ajoutant, l'ADAPEI de la Meuse sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et elle sera déboutée de ses demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.



Néanmoins, l'existence d'un manquement de l'EURL Fedeli diagnostic immobilier dans l'exécution de sa prestation a été établie et cette dernière, ainsi que son assureur, la société MMA, seront donc également déboutées de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance que devant la cour.











PAR CES MOTIFS,



LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,



Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bar-le-duc le 20 janvier 2022 en ce qu'il a condamné in solidum l'EURL Fedeli diagnostic immobilier et la société MMA Iard assurances mutuelles :

- à payer à l'ADAPEI de la Meuse la somme de 197765,60 euros,

- aux dépens de l'instance,

- à verser à l'ADAPEI de la Meuse une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



Statuant à nouveau sur ces chefs de décision infirmés et y ajoutant,



Déboute l'ADAPEI de la Meuse de sa demande d'indemnisation relative au coût du désamiantage ;



Déboute l'EURL Fedeli diagnostic immobilier de sa demande d'indemnisation ;



Déboute toutes les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en appel ;



Condamne l'ADAPEI de la Meuse aux dépens de première instance et d'appel.



Le présent arrêt a été signé par Monsieur HENON, Président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Signé : C. PERRIN.- Signé : G. HENON.-









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