23 mars 2023
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 19/17233

Chambre 3-1

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 23 mars 2023



N°2023/40













Rôle N° RG 19/17233 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFELF







SA CATAFRUIT





C/



Société CMA CGM IBERICA S.A.U

SA CMA - CGM





































Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Julia BRAUNSTEIN

Me Roselyne SIMON-THIBAUD







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de marseille en date du 10 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2015F00070.





APPELANTE



La société CATAFRUIT, SA UNIPERSONAL prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège social est sis [Adresse 3] ESPAGNE



représentée par Me Julia BRAUNSTEIN de la SCP SCP BRAUNSTEIN & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, assistée de Me Caroline COURBRON TCHOULEV, avocat au barreau de PARIS, plaidant





INTIMEES



Société CMA CGM IBERICA S.A.U, prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège social est sis [Adresse 2] - ESPAGNE



représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Morgane ROUSSEL, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant



SA CMA - CGM, prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège social est sis [Adresse 4]



représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Morgane ROUSSEL, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant















*-*-*-*-*















COMPOSITION DE LA COUR



En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre, et Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère.



Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.









Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère









Greffière lors des débats : Madame Marie PARANQUE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023, après prorogation du délibéré.







ARRÊT



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023.





Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et MadameValérie VIOLET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.












EXPOSÉ DU LITIGE





La société de droit espagnol Catafruit SA Unipersonal (la SAU Catafruit) a acquis auprès de la société argentine Mario Cervi e Hijos, des poires williams pour 23 040 kg en poids net, 25 252 kg en poids brut et un prix de 20 275,20 euros.











Cette marchandise a été empotée dans un conteneur frigorifique CGMU 450477-7 fourni par la SA CMA CGM et le conteneur a été entreposé à compter du 8 février 2013 dans l'entrepôt de la SA CMA CGM sur le port de [Localité 1]. Le conteneur a ensuite été placé sur le navire MSC Carolina le 1er mars 2013 à destination du port de [Localité 5] (Espagne) suivant connaissement AR 1321808 émis à Buenos Aires précisant que la marchandise devait être conservée à une température de -1,6°C.



Le déchargement a été effectué le 25 mars 2013 et, le 3 avril 2013, les autorités sanitaires espagnoles ont émis un certificat de non-conformité pour cause d'avarie.



Une expertise amiable contradictoire a été conduite le 10 avril 2013, laquelle relevait des variations de température anormales ayant conduit à la perte des fruits.

La cargaison a été totalement détruite.



La SAU Catafruit a fait assigner la SAU CMA CGM Iberica devant le tribunal de commerce à Valence lequel, par jugement du 13 octobre 2014, s'est déclaré incompétent en application de la clause attributive de juridiction figurant dans le connaissement dont l'application était revendiquée par la SAU CMA CGM Iberica.



La SAU Catafruit a fait assigner les sociétés SA CMA CGM et SAU CMA CGM Iberica devant le tribunal de commerce de Marseille.



Par jugement du 10 mai 2019, ce tribunal a :

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action de la société Catafruit à l'encontre du transporteur CMA CGM SA ;

- débouté la société Catafruit de ses demandes à l'encontre de la société CMA CGM Iberica ;

- condamné la société Catafruit à payer aux sociétés CMA CGM Iberica et CMA CGM SA la somme de 2.500 € chacune, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la société Catafruit aux dépens.





La société de droit espagnol SA Unipersonal Catafruit a interjeté appel par déclaration du 8 novembre 2019.



Par conclusions du 29 décembre 2022, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société de droit espagnol SA Unipersonal Catafruit demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré que la société Catafruit SA Unipersonal avait qualité et intérêt à agir,

- débouter les sociétés CMA-CGM et CMA-CGM Iberica SAU de leurs contestations et fins de non-recevoir pour cause d'irrecevabilité,

subsidiairement, les en débouter pour absence de fondement,

- réformer le jugement pour le surplus, à savoir :

- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action de la société Catafruit à l'encontre du transporteur CMA CGM SA ;

- réformer le jugement en ce qu'il a débouté la société Catafruit de ses demandes à l'encontre de la société CMA CGM Iberica ;

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Catafruit à payer aux sociétés CMA CGM Iberica et CMA CGM SA la somme de 2.500 € chacune, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Catafruit aux dépens,



et, statuant à nouveau :

- débouter les sociétés CMA CGM et CMA CGM Iberica de leur fin de non-recevoir tirée de la prescription,

- déclarer les demandes de la société Catafruit SA Unipersonal à l'encontre de la société CMA-CGM non prescrites et recevables,

- condamner solidairement les sociétés CMA-CGM et CMA-CGM Iberica SAU à payer à la société Catafruit SA Unipersonal la somme principale de 36.420 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2014 ;

- ordonner la capitalisation desdits intérêts année par année jusqu'à parfait paiement en application de l'article 1343-2 du Code civil ;

- débouter les sociétés CMA-CGM et CMA-CGM Iberica SAU de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner solidairement les sociétés CMA-CGM et CMA-CGM Iberica SAU à payer à la société Catafruit SA unipersonal la somme de 7.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner solidairement les sociétés CMA-CGM et CMA-CGM Iberica SAU à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel, incluant les frais de traduction.





Par conclusions du 9 décembre 2022, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SA CMA CGM et la société de droit espagnol CMA CGM Iberica SAU demandent à la cour de :

- constater que l'action de la société Catafruit S.A.U. à l'encontre de la société CMA CGM S.A. est prescrite ;

- en conséquence, confirmer le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 10 mai 2019 en ce qu'il a jugé irrecevable l'action de la société Catafruit S.A.U. à l'encontre de la société CMA CGM S.A.

- constater que la responsabilité de la société CMA CGM Iberica S.A.U., en sa qualité d'agent de la société CMA CGM S.A., ne saurait être engagée au titre des dommages allégués ;

- en conséquence, confirmer le jugement du tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il a débouté la société Catafruit S.A.U. de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société CMA CGM Iberica S.A.U

à titre subsidiaire :

- constater que la société Catafruit S.A.U. ne rapporte pas la preuve de son intérêt à agir ;

- en conséquence, infirmer le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 10 mai 2019 en ce qu'il a jugé que la société Catafruit S.A.U disposait d'un intérêt à agir, et, statuant à nouveau, dire et juger irrecevable l'action de la société Catafruit S.A.U. à l'encontre de la société CMA CGM S.A. et de la société CMA CGM Iberica S.A.U. pour absence d'intérêt à agir ;

à titre plus subsidiaire :

- constater que la société CMA CGM S.A. n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat de transport ;

- constater que les dommages allégués résultent de la faute du chargeur et exonèrent la société CMA CGM S.A. de toute responsabilité pour les dommages allégués ;

- en conséquence, débouter la société Catafruit S.A. de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société CMA CGM S.A. ;

à titre très subsidiaire :

- constater que la société Catafruit S.A.U. ne rapporte pas la preuve de l'étendue des dommages allégués ;





En conséquence, débouter la société Catafruit S.A.U. de l'ensemble de ses demandes à l'encontre des sociétés CMA CGM S.A. et CMA CGM Iberica S.A.U. ;

- en tout état de cause, condamner la société Catafruit S.A.U. à payer à chacune des sociétés CMA CGM S.A. et CMA CGM Iberica S.A.U. la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.








MOTIFS





1. Sur l'intérêt et la qualité à agir de la SAU Catafruit :



C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal de commerce de Marseille a énoncé que la SA Catafruit pouvait se prévaloir d'un préjudice compte tenu des dommages à la marchandise et qu'elle disposait d'un droit d'action.

La cour observe en tout état de cause que la démonstration du bienfondé de l'action et de l'existence d'un préjudice subi par la SAU Catafruit dans le cadre de cette action en responsabilité contre le transporteur, n'est pas une condition de recevabilité de l'action, mais de son succès.



2. Sur la prescription de l'action de la SAU Catafruit :



L'appelante soutient que la prescription annale édictée par l'article 3-6 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée a été interrompue par la saisine du tribunal de Valence (Espagne), lequel s'est déclaré incompétent au vu des clauses du connaissement désignant la juridiction française et que le tribunal de commerce de Marseille aurait dû examiner le régime de la prescription au regard des dispositions du droit français et non du droit espagnol. Subsidiairement, elle se prévaut de la prescription quinquennale applicable à son action à l'encontre de la SA CMA CGM, tant en sa qualité de propriétaire loueur du conteneur qui s'est avéré inapte à assurer la conservation de la marchandise, qu'en sa qualité d'entrepositaire.



La SA CMA CGM réplique que la prescription quinquennale est inapplicable à l'espèce, la mise à disposition d'un conteneur par le transporteur étant un accessoire du contrat de transport et que la prescription anale issue de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée est acquise tant au regard du droit espagnol que du droit français puisque l'action dirigée contre la SA CMA CGM Iberica n'a pas interrompu la prescription à son égard.



Sur ce, il n'existe pas de contrats distincts conclus entre les parties quant à la mise à disposition du conteneur, l'entreposage de la marchandise et le contrat de transport en lui-même, de sorte que les parties ne sont liées que par le contrat de transport maritime qui inclut les opérations accessoires de mise en conteneur et d'entreposage avant embarquement comme le fait valoir à juste titre la SA CMA CGM et comme l'a exactement retenu le tribunal de commerce de Marseille.



La prescription applicable à l'action de la SAU Catafruit est celle de l'article 3-6 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924, soit un an à compter de la date de livraison des marchandises.











La SA CME CGM dénie tout caractère interruptif de cette prescription à l'assignation délivrée à l'encontre de la SAU CMA CGM Iberica devant le tribunal de Valence en soutenant, comme le tribunal de commerce de Marseille l'a retenu, qu'en droit espagnol l'assignation délivrée devant un tribunal incompétent n'est pas interruptive de prescription.



Toutefois, les parties au connaissement ont expressément désigné la loi française comme étant applicable et la compétence des juridictions françaises, C'est par conséquent la loi française de fond et les règles de procédure françaises qui doivent être appliquées au régime de la prescription annale éditée par l'article 3 6° de la Convention de Bruxelles amendée de 1924 et à l'article L. 5422-18 du Code des transports, ce qui inclut les règles relatives à la suspension ou l'interruption de ladite prescription.

C'est donc à tort que le tribunal de commerce de Marseille s'est prévalu de la loi espagnole pour dire que la prescription n'avait pas valablement été interrompue.



En application de l'article 2241 du Code civil, la demande en justice, même portée devant une juridiction incompétente interrompt la prescription, à condition que la demande en justice soit adressée à celui qu'on veut empêcher de prescrire.

Le connaissement vise exclusivement la SA CMA CGM en qualité de transporteur.



Les relations entre la SAU CMA CGM Iberica et la SA CMA CGM ne sont autrement explicitées que par les conclusions des intimées qui indiquent que la SA CMA CGM Iberica est l'agent espagnol de la SA CMA CGM.

Il n'en demeure pas moins qu'elles sont des personnes morales distinctes, qu'il n'est pas démontré par l'appelante qu'elles ont les même dirigeant, des activités identiques ou aient entretenu une confusion sur leurs activités respectives.



Il importe peu en l'espèce que dans ses motifs le juge espagnol ait considéré que la SAU CMA CGM Iberica pouvait se prévaloir des dispositions du connaissement quand le dispositif de la décision ne contient qu'une déclaration d'incompétence au profit des juridictions françaises.



Il en résulte que cette action, qui n'a pas été dirigée contre la CMA CGM n'a pas pu interrompre le délai d'un an qui courait à son encontre depuis le 25 mars 2013 et que l'action engagée par assignations des 12 et 13 novembre 2014 est prescrite.





3. Sur les demandes accessoires :





La SAU Catafruit, qui succombe est condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS





La cour statuant par arrêt contradictoire,



Confirme en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 10 mai 2019,







Condamne la société de droit espagnol SAU Catafruit aux dépens,





Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société de droit espagnol SAU Catafruit à payer à la SAU CMA CGM Iberica et à la SA CMA CGM, ensemble, la somme de trois mille euros.





LE GREFFIER LE PRESIDENT

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.