23 mars 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-19.730

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C200314

Titres et sommaires

CASSATION - Juridiction de renvoi - Saisine - Effet - Arrêt de cassation - Acte de notification - Mentions des voies de recours - Nécessité (non)

Il résulte de la combinaison des articles 625, 631, 634 et 638 du code de procédure civile que la saisine de la juridiction de renvoi ayant pour objet de poursuivre la procédure antérieure ne constitue pas un recours au sens de l'article 680 du code de procédure civile qui, dès lors, n'est pas applicable à l'acte de notification de l'arrêt de cassation

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 mars 2023




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 314 F-B

Pourvoi n° E 21-19.730




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 MARS 2023

M. [E] [J], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 21-19.730 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société Duff & Phelps, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [J], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Duff & Phelps, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 février 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 décembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 5 décembre 2018, pourvoi n° 17-21.881) et les productions, M. [J] a été engagé le 19 février 2009 par la société Duff et Phelps (la société) en qualité de directeur.

2. Il a été licencié pour motif économique le 22 mai 2012.

3. Estimant ce licenciement infondé, il a saisi un conseil de prud'hommes qui, par jugement du 12 novembre 2013, a rejeté toutes ses demandes, sauf à lui accorder des dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement.

4. Par arrêt du 24 mai 2017, une cour d'appel a confirmé partiellement ce jugement, a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société au paiement de diverses sommes en conséquence.

5. Par arrêt du 5 décembre 2018 (Soc., 5 décembre 2018, pourvoi n° 17-21.881), la Cour de cassation a partiellement cassé et annulé l'arrêt rendu le 24 mai 2017.

6. Cet arrêt a été signifié, par acte du 14 mars 2019, à M. [J] qui a saisi la cour d'appel de renvoi par déclaration reçue le 29 juillet 2019.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, quatrième, cinquième, sixième et septième branches

Enoncé du moyen

7. M. [J] fait grief à l'arrêt de dire que la déclaration de saisine du 29 juillet 2019 est irrecevable, de rappeler que cette irrecevabilité confère force de chose jugée au jugement du 12 novembre 2013, en tenant compte du dispositif de l'arrêt du 24 mai 2017, non atteint par la cassation partielle du 5 décembre 2018, alors :

« 1°/ que l'acte de notification de l'arrêt de cassation doit, à peine de nullité, indiquer de manière très apparente le délai mentionné au premier alinéa de l'article 1034 ainsi que les modalités selon lesquelles la juridiction de renvoi peut être saisie ; que si la signification de l'arrêt de cassation comporte les modalités de saisine de la cour d'appel de renvoi selon la procédure avec représentation obligatoire alors qu'elle aurait dû mentionner les modalités de saisine de la cour d'appel de renvoi selon la procédure sans représentation obligatoire, cette signification ne fait pas courir le délai de saisine de la cour d'appel de renvoi ; qu'en l'espèce, M. [J] ayant interjeté appel du jugement prud'homal devant la cour d'appel de Paris le 16 décembre 2013, soit avant le 1er août 2016, l'acte de notification de l'arrêt de la Cour de cassation aurait dû indiquer les modalités de saisine de la cour d'appel de renvoi selon la procédure sans représentation obligatoire ; qu'en constatant que la procédure sans représentation obligatoire s'appliquait et régissait le mode de saisine de la cour d'appel de renvoi et que l'acte de signification de l'arrêt de cassation partielle ne comportait pas les articles 1032, 1036, 1037-1 et 1034 du code de procédure civile dans leur rédaction alors applicable, « soit antérieure au décret n°2017-892 du 6 mai 2017 », et en déduisant néanmoins que la cour d'appel de renvoi n'ayant pas été saisie dans le délai de l'article 1034 du code de procédure civile, cette saisine était irrecevable, la cour d'appel a violé l'article 1035 du code de procédure civile, ensemble l'article 1034 du même code, dans sa rédaction applicable, antérieure au décret n°2017-891 du 6 mai 2017 ;

4°/ que plus subsidiairement, la mention erronée dans l'acte de signification d'un arrêt de cassation du délai de la voie de recours ouverte ou de ses modalités, cause nécessairement un grief à l'auteur de l'acte de saisine de la cour d'appel de renvoi ; qu'en jugeant que si l'acte de signification de l'arrêt de cassation partielle ne visait pas les articles 1032 et suivants du code de procédure civile dans leur rédaction alors applicable, cette « irrégularité » n'avait pas causé de grief au sens des articles 114 et 649 du code de procédure civile, au salarié, lequel avait saisi le greffe par déclaration puis avait conclu sans être soumis au délai de la procédure avec représentation obligatoire, de sorte que dès lors que la cour d'appel n'avait pas été saisie dans le délai de l'article 1034 du code de procédure civile, il n'y avait pas lieu à examen des demandes, la cour d'appel a violé les articles 114, 649, 680 et 1035 du code de procédure civile et l'article 1034 du même code dans sa rédaction antérieure au décret n°2017-891 du 6 mai 2017 ;

5°/ que les juges ne peuvent appliquer immédiatement à l'instance en cours une règle nouvelle de procédure qui aurait pour effet de priver l'une des parties au procès de son droit d'accès au juge ; qu'en décidant, en l'absence de tout précédent, que la saisine par M. [J] de la cour de renvoi était irrecevable après avoir constaté que l'acte de signification de l'arrêt de cassation ne visait pas les articles 1032 et suivants du code de procédure civile dans leur rédaction alors applicable, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6°/ que la notion de procès équitable, laquelle suppose l'égalité des armes, doit offrir à chaque partie à un procès une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que l'acte de signification ne comportait pas les articles 1032 et suivants dans leur rédaction applicable, antérieure au décret du n°2017-892 du 6 mai 2017, motif pris que cette irrégularité n'avait pas causé de grief au sens des articles 114 et 469 du code de procédure civile au salarié, et en constatant que la cour de renvoi, n'ayant pas été saisie dans le délai de l'article 1034 du code de procédure civile, il n'y avait pas lieu à examen des demandes de sorte que l'irrecevabilité de la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi avait pour effet de conférer force de chose jugée au jugement du 12 mai 2013, la cour d'appel a méconnu le principe d'égalité des armes et a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7°/ que les droits d'accès à un tribunal et à un procès équitable se trouvent atteints dans leur substance lorsque la réglementation cesse de servir le principe du contradictoire et de la bonne administration de la justice et constitue une barrière qui empêche le justiciable de voir son litige tranché au fond, de manière équitable, par la juridiction compétente ; que la cour d'appel, ne pouvait, sans porter atteinte aux substances même du droit à un procès équitable et à l'accès à un tribunal, déclarer irrecevable la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi et, partant, conférer au jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris du 12 novembre 2013 force de chose jugée quand elle avait elle-même constaté que l'acte de signification visait les articles requis mais dans leur version issue du décret n°2017-892 du 6 mai 2017 non applicable en l'espèce ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

8. Les dispositions des articles 1034 et 1035 du code de procédure civile poursuivent le but légitime d'assurer la célérité et l'efficacité de la procédure, dans le respect des droits de la défense. Elles ne constituent, par conséquent, pas, par elles-mêmes, une entrave au droit d'accès au juge, garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, elles ne sont pas de nature, dès lors que le délai court même à l'encontre de celui qui notifie, à placer l'une des parties dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire.

9. Selon l'article 114, alinéa 2, du code de procédure civile, la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

10. Ayant retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que l'irrégularité n'avait pas causé de grief au salarié, lequel a saisi le greffe par déclaration puis a conclu sans être soumis au délai de la procédure avec représentation obligatoire, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

12. M. [J] fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'acte de notification de l'arrêt de cassation doit, à peine de nullité, indiquer de manière très apparente le délai mentionné au premier alinéa de l'article 1034 ainsi que les modalités selon lesquelles la juridiction de renvoi peut être saisie ; qu'en déclarant l'acte de saisine irrecevable aux motifs que l'article 1034 du code de procédure civile n'aurait été modifié que pour la durée du délai de saisine par le décret n°2017-892 du 6 mai 2017, bien que cet article a été modifié par un décret n°2017-891 du 6 mai 2017, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un texte erroné, a violé l'article 1034 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n°2017-891 du 6 mai 2017. »

Réponse de la Cour

13. Le moyen critique une erreur matérielle qui peut être réparée selon la procédure prévue à l'article 462 du code de procédure civile et ne donne pas lieu à ouverture à cassation.

14. Il est, dès lors, irrecevable.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

15. M. [J] fait le même grief à l'arrêt, alors « que le délai de recours ne court pas en l'absence de mention ou de mention erronée dans l'acte de notification d'un jugement de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités ; qu'en jugeant que si l'acte de signification de l'arrêt de cassation partielle ne visait pas les articles 1032 et suivants du code de procédure civile dans leur rédaction alors applicable, cette « irrégularité » n'avait pas causé de grief au sens des articles 114 et 649 du code de procédure civile, au salarié, lequel avait saisi le greffe par déclaration puis avait conclu sans être soumis au délai de la procédure avec représentation obligatoire, de sorte que dès lors que la cour d'appel n'avait pas été saisie dans le délai de l'article 1034 du code de procédure civile, il n'y avait pas lieu à examen des demandes, la cour d'appel a violé l'article 680 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

16. Selon l'article 625 du code de procédure civile, sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé. Aux termes de l'article 631 du même code, devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation. Aux termes de l'article 634 du même code, les parties qui ne formulent pas de moyens nouveaux ou de nouvelles prétentions sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la juridiction dont la décision a été cassée. Il en est de même de celles qui ne comparaissent pas. Suivant l'article 638 du même code, l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.

17. Il résulte de la combinaison de ces textes que la saisine de la juridiction de renvoi ayant pour objet de poursuivre la procédure antérieure ne constitue pas un recours au sens de l'article 680 du code de procédure civile qui, dès lors, n'est pas applicable à l'acte de notification de l'arrêt de cassation.

18. Le moyen, qui est inopérant, ne peut être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [J] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé en l'audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-trois par Mme Martinel, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

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