21 mars 2023
Cour d'appel d'Amiens
RG n° 21/04999

2EME PROTECTION SOCIALE

Texte de la décision

ARRET

N° 318





Société [4]





C/



CPAM DES FLANDRES













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 21 MARS 2023



*************************************************************



N° RG 21/04999 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IH32 - N° registre 1ère instance : 20/00415



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (Pôle Social) EN DATE DU 06 septembre 2021





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





La Société [4] anciennement [5], anciennement [6], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

MP : [T] [R]

[Adresse 7]

[Localité 2]





Représentée par Me CLET, avocat au barraeu de PARIS substituant Me Marie ALBERTINI de la SCP PDGB, avocat au barreau de PARIS











ET :





INTIME





La CPAM DES FLANDRES, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]





Représentée et plaidant par Mme [H] [I] dûment mandatée





DEBATS :



A l'audience publique du 15 Décembre 2022 devant Mme Chantal MANTION, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Mars 2023.



GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Marie-Estelle CHAPON





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :



Mme Chantal MANTION en a rendu compte à la Cour composée en outre de:



Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,

Mme Chantal MANTION, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,



qui en ont délibéré conformément à la loi.





PRONONCE :



Le 21 Mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.




*

* *



DECISION



Le 8 avril 2019, M. [R] [T], opérateur au sein de la société [5], anciennement [6], a établi une déclaration de maladie professionnelle documentée par un certificat médical initial en date du 25 mars 2019, qui mentionne une ' épicondylite gauche maladie professionnelle n° 57".



Le 2 octobre 2019, après avoir diligenté une enquête administrative, la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres (la CPAM) a pris en charge la maladie déclarée par son assuré au titre du tableau n° 57B des maladies professionnelles.



La société [5] a saisi la commission de recours amiable qui a rejeté son recours par décision du 20 décembre 2019, puis le pôle social du tribunal judiciaire de Lille par requête en date du 10 février 2020.



Par jugement du 6 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Lille a :



- débouté la société [5] de l'ensemble de ses demandes d'inopposabilité de la décision du 2 octobre 2019 fondées sur l'absence d'exposition au risque et la violation du principe du contradictoire ;

- condamné la société aux dépens de l'instance.



Cette décision a été notifiée à la société [5] le 20 septembre 2021, qui en a relevé appel le 15 octobre 2021.





Aux termes de ses conclusions visées le 5 décembre 2022 et soutenues oralement à l'audience, la société [4], venant aux droits de la société [5], demande à la cour de :



- la dire recevable et bien fondée en son appel ;

- infirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Lille en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

- à titre principal, dire et juger que M. [T] n'a pas été exposé au risque à l'occasion de l'exercice de son activité professionnelle chez [4] ;

- en conséquence, dire et juger inopposables à son égard la décision de prise en charge de la maladie de M. [T] au titre de la législation AT/MP, ainsi que toute décision subséquente ;

- à titre subsidiaire, dire et juger que la procédure d'instruction de la maladie professionnelle n'a pas été menée de façon régulière à son égard ;

- en conséquence, dire et juger inopposable à son égard la décision de prise en charge de la maladie de M. [T] au titre de la législation AT/MP, ainsi que toute décision subséquente.



Aux termes de ses conclusions visées le 15 décembre 2022 et soutenues oralement à l'audience, la CPAM des Flandres prie la cour de :



- confirmer le jugement rendu le tribunal judiciaire de Lille le 6 septembre 2021 ;

- dire et juger qu'elle a respecté le principe du contradictoire ;

- dire et juger que les conditions de prise en charge du tableau n° 57B sont remplies ;

En conséquence,

- confirmer l'opposabilité de la décision de prise en charge à l'égard de l'employeur ;

- débouter l'employeur de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner l'employeur aux entiers dépens de l'instance.



Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.




SUR CE, LA COUR,



* Sur l'exposition au risque



Aux termes de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau des maladies professionnelles et contractée conformément aux conditions mentionnées à ce tableau.



Dans ses rapports avec l'employeur, il appartient à la caisse, subrogée dans les droits du salarié qu'elle a indemnisé, d'apporter la preuve que la maladie dont elle a admis le caractère professionnel a été contractée dans les conditions du tableau.



Le tableau n° 57 B des maladies professionnelles relatif aux affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail, dans sa version issue du décret du 5 mai 2017, fixe, au titre de la tendinopathie d'insertion des muscles épicondyliens, un délai de prise en charge de 14 jours à condition qu'il soit établi que l'assuré effectuait des travaux comportant habituellement des mouvements répétés de préhension ou d'extension de la main sur l'avant-bras ou des mouvements de pronosupination.



En l'espèce, seule la condition relative à l'exposition au risque telle qu'elle est définie par la liste limitative des travaux est contestée.

Les tâches effectuées par M. [T] sont les suivantes : opération de changement d'anodes au sol et en cabine (102 par poste) ; opération de coulée du métal ; opérations diverses (coulée bain, relevage des cadres anodiques, entretien des cuves, ouverture et fermeture des trous de coulée, remplissage des trémies AIF3).



Ces opérations consistent soit en des manipulations manuelles de charges au sol (changement d'anodes au sol, coulée du métal, opérations diverses) soit à des manipulations ' en cabine ' via l'emploi d'un pont roulant commandé par une paire de joysticks (changement d'anodes en cabine, certaines manutentions dans l'opération coulée du métal).



L'employeur fait valoir que la pathologie déclarée par M. [T] est une pathologie du coude et que le travail en cabine n'implique pas de mouvement sollicitant le coude.



Or, le tableau n° 57 B des maladies professionnelles ne désigne pas comme exposants des travaux sollicitant spécifiquement le coude mais bien les travaux impliquant des mouvements de préhension ou d'extension de la main sur l'avant-bras ou des mouvements de pronosupination, lesquels mobilisent notamment le poignet.



M. [T] impute le développement de sa maladie professionnelle à la manipulation des joysticks du pont roulant.



Le maniement du joystick implique obligatoirement des mouvements d'extension de la main sur l'avant-bras (correspondant aux positions 'avant' et 'arrière') et des mouvements de pronosupination (positions ' gauche' et 'droite'), ce d'autant plus que le système de sécurité du pont roulant impose une tension constante de la main gauche de l'assuré pour assurer l'alimentation électrique, correspondant à un mouvement continu de préhension tel que visé par le tableau.



Au regard du nombre d'opérations réalisées par poste, le caractère répétitif des mouvements de changement d'anodes ne saurait être utilement contesté par l'employeur.



L'employeur conteste par ailleurs la durée d'exposition au risque de l'assuré pour en conclure l'absence de caractère habituel des mouvements exposants en faisant observer que ce dernier n'était affecté au poste de changement d'anodes que 9 fois par mois, dont uniquement 50% en cabine.



Ces indications ne concordent pas avec celles qui figurent sur le compte rendu de l'enquêteur assermenté de la CPAM, dont les observations font foi jusqu'à preuve du contraire et qui a constaté sur pièces que l'assuré était affecté à cette activité 'sur la quasi-totalité des 3 mois précédents l'arrêt de travail'.



Même en retenant une affectation en cabine 50% du temps, l'exposition de M. [T] aux travaux visés par le tableau de manière habituelle est établie.



La cour observe enfin, comme les premiers juges, qu'une majorité des autres tâches réalisées par l'assuré en dehors de son activité en cabine sur pont roulant sont également exposantes en ce qu'elles entraînent la manipulation de charges, cette opération comprenant une préhension et des extensions de la main sur l'avant-bras pour saisir lesdites charges.



Il ressort de ce qui précède que les conditions de la présomption d'imputabilité professionnelle de la maladie déclarée sont satisfaites et que la décision de prise en charge est bien fondée, sauf à ce que l'employeur détruise cette présomption en démontrant que le travail n'a joué aucun rôle dans le développement de la maladie.



L'employeur, qui ne fournit aucun élément à cette fin, sera débouté de sa demande d'inopposabilité sur ce fondement et le jugement entrepris confirmé de ce chef.



* Sur l'irrégularité de la procédure d'instruction



Si l'employeur s'attache, dans ses écritures, à rappeler l'ensemble des obligations qui s'imposent à la caisse lors de la procédure d'instruction et les sanctions attenantes, l'appelante formule une seule critique tenant à l'absence de notification de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle.

Aux termes de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale en sa rédaction applicable en l'espèce, la décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire.



Contrairement à ce que soutient la société, il est constant qu'en application de cet article, l'absence de notification de la décision de la caisse permet seulement à la partie à laquelle cette décision fait grief d'en contester le bien-fondé sans condition de délai. Ainsi, l'absence de notification ne permet pas aux juges de fond d'en déduire directement l'inopposabilité de la prise en charge.



Il s'ensuit que si la caisse ne démontre pas avoir adressé le courrier de notification de prise en charge à l'employeur, cette lacune n'entraîne pas l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie de M. [T] à l'égard de la société [4].



Le jugement dont appel sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande formée sur ce point.



* Sur les dépens



La société [4], qui succombe, sera condamnée aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS,



LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort par mise à disposition au greffe,



CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions ;



Y AJOUTANT,



CONDAMNE la société [4], anciennement dénommée [5] et [6] aux dépens d'appel.







Le Greffier, Le Président,

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