27 février 2023
Cour d'appel de Nancy
RG n° 22/00470

1ère Chambre

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile



ARRÊT N° /2023 DU 27 FEVRIER 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00470 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E5YW



Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire d'EPINAL,

R.G.n° 19/01846, en date du 21 décembre 2021



APPELANTE :

Madame [N] [R], épouse [E]

domiciliée [Adresse 1] - [Localité 6]

Représentée par Me Laure DESFORGES, avocat au barreau d'EPINAL



INTIMÉ :

Monsieur [V] [K]

domicilié [Adresse 5] - [Localité 3] (ALLEMAGNE)

Représenté par Me Cécile GEORGEON-ROOS, avocat au barreau de NANCY





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Présidente et Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, chargée du rapport,

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie CUNIN -WEBER, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,



A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 27 Février 2023, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,



ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 27 Février 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame BUQUANT, Conseiller, en remplacement de Madame CUNIN-WEBER, Présidente, régulièrement empêchée, et par Madame PERRIN, Greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à


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EXPOSÉ DU LITIGE



[V] [I] [F] [K], né le 26 septembre 1920 à [Localité 7] (Allemagne), et dont le dernier domicile connu se trouvait à [Localité 6] (Vosges), est décédé le 9 novembre 2014 à [Localité 6] laissant pour lui succéder Monsieur [V] [T] [K], son fils, suivant l'attestation de dévolution de succession établie le 15 février 2018 par Maître [Y] [S], notaire à [Localité 4] (Moselle).



Par acte authentique reçu par Maître [U] le 17 décembre 2009, [V] [I] [K] a vendu la nue-propriété de son immeuble situé à [Adresse 2] à [Localité 6] à Monsieur [J] [E] et Madame [N] [R] épouse [E], pour le prix de 68000 euros (sur la base de la valeur de la pleine propriété estimée à 85000 euros).



Par ordonnance du 20 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Strasbourg a ordonné à la société ACM Vie SA à communiquer à Monsieur [V] [T] [K] la clause bénéficiaire du contrat souscrit en 2002 par Monsieur [K], père, avec les noms et coordonnées des bénéficiaires du contrat d'assurance vie n°4G91071192, ainsi que tout avenant modifiant cette clause bénéficiaire.





Par actes des 19 avril et 12 juin 2019, Monsieur [V] [T] [K] a fait assigner Madame [N] [R] épouse [E] et Madame [H] [A] aux fins de restitution de diverses sommes dépassant la quotité disponible ou au titre de donations indirectes.



Par jugement contradictoire du 21 décembre 2021, le tribunal judiciaire d'Epinal a :

- rejeté l'exception de nullité soulevée par Madame [H] [A] et Madame [N] [R] épouse [E],

- condamné Madame [N] [R] épouse [E] à payer à Monsieur [V] [T] [K] les sommes suivantes :

*16300,76 euros correspondant à une indemnité de réduction au titre de primes d'assurances versées dans le cadre de la police d'assurances n° 4G 91071192,

*29500,52 euros d'indemnité de réduction au titre de travaux et d'un versement effectué sur un compte bancaire joint entre Monsieur [V] [I] [F] [K] et Madame [N] [R] épouse [E],

*1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Monsieur [V] [T] [K] de ses demandes dirigées contre Madame [H] [A],

- condamné Madame [N] [R] épouse [E] aux dépens,

- rejeté la demande de Madame [H] [A] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire.



Pour statuer ainsi, le tribunal a jugé que la mention selon laquelle Maître [P], avocate postulante de Monsieur [K], était inscrite au barreau de Sarreguemines et non à celui d'Epinal n'était qu'une erreur matérielle et qu'il y avait lieu en conséquence de rejeter l'exception de nullité soulevée par Madame [A] et Madame [E].

S'agissant du contrat d'assurance vie, le tribunal a considéré que les primes d'assurances souscrites au bénéfice de Madame [A] ne devaient pas être considérées comme exagérées de sorte qu'il n'y avait pas lieu à réduction sur cette part au profit de l'héritier réservataire, Monsieur [K] fils.

En revanche, concernant Madame [R] épouse [E], le tribunal a relevé qu'elle avait été désignée bénéficiaire de l'assurance-vie le 1er avril 2009, alors que l'état de santé du de cujus était dégradé et qu'ainsi l'aléa faisait défaut et que la faculté de rachat était illusoire. Il était également rappelé qu'il avait cédé à celle-ci la nue-propriété de sa maison, puis qu'il avait ouvert avec elle un compte-joint qu'il avait alimenté avec 30000 euros provenant de cette vente, ayant dissipé le surplus de 36000 euros par deux retraits et un chèque. Dans ces conditions, le tribunal estimait exagérée les primes versées au profit de celle-ci et considérait que la situation s'analysait en une donation indirecte, qu'il y avait lieu de prendre en compte pour calculer l'atteinte à la réserve héréditaire.

Le tribunal a retenu que l'actif successoral s'élevait à 92610 euros (78906,63 euros au titre du contrat d'assurance vie et 12203,50 euros d'actif subsistant), que la quotité disponible s'élevait donc à 46305,10 euros, mais qu'elle devait être réduite à hauteur de la moitié de la somme de 32601,53 euros, soit 16300,76 euros, somme que Madame [R] épouse [E] était condamné à payer à Monsieur [K] à titre d'indemnité de réduction.

S'agissant du compte-joint entre celle-ci et le défunt, alimenté lors de son ouverture par le seul versement de 30000 euros de celui-ci, le tribunal a retenu qu'il n'avait pas servi au règlement de frais du défunt et que Madame [R] épouse [E] ne justifiait pas des factures financées. Il en a déduit qu'il s'agissait d'une donation indirecte de 30000 euros que Madame [E] devait rapporter pour 29666,78 euros.

Le tribunal a ensuit observé qu'après avoir vendu en 2009 la nue-propriété de sa maison à Madame [E], [V] [K] avait fait procéder au changement des ouvrants pour 15630,70 euros. S'il avait profité des améliorations jusqu'à son décès, le tribunal a rappelé que l'usufruitier pouvait opérer des travaux excédents son obligation d'entretien, mais qu'en l'espèce, la situation devait être appréciée au regard de l'état de santé dégradé de celui-ci, de telle sorte que l'investissement constituait une donation indirecte. Le tribunal a en conséquence condamné Madame [E] selon la formule suivante : 29666,78 + 15630,70 +13703,57 = 59001,05/2 = 29500,52 euros.





Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 24 février 2022, Madame [R] a relevé appel de ce jugement.



Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 10 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [N] [R] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à Monsieur [V] [K] :

*16300,76 euros correspondant à une indemnité de réduction au titre de prime d'assurance,

*29500,52 euros correspondant à une indemnité de réduction au titre de travaux et d'un versement effectué sur un compte bancaire joint,

*1500 euros d'article 700 outre les dépens,

- débouter Monsieur [V] [K] de toutes ses demandes,

- condamner Monsieur [V] [K] à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 10 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [V] [K] demande à la cour, au visa des articles 913, 918 et suivants du code civil, des articles 920 et 924 du code civil et de l'article 894 du code civil, de :

- rejeter l'appel de Madame [N] [R],

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Epinal du 21 décembre 2021 en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- condamner Madame [N] [R] à lui payer les sommes suivantes :

*16300,76 euros correspondant à une indemnité de réduction au titre de primes d'assurances versées dans le cadre de la police d'assurances n° 4G 91071192,

*29500,52 euros d'indemnité de réduction au titre de travaux et d'un versement effectué sur un compte bancaire joint entre Monsieur [V] [I] [F] [K] et Madame [N] [R],

*1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter Madame [N] [R] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Madame [N] [R] à verser 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Madame [N] [R] aux dépens.



La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 15 novembre 2022.



L'audience de plaidoirie a été fixée le 5 décembre 2022 et le délibéré au 27 février 2023.






MOTIFS DE LA DÉCISION



Vu les dernières conclusions déposées par Madame [R] épouse [E] le 10 octobre 2022 et par Monsieur [V] [K] le 10 août 2022, et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;



Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 15 novembre 2022 ;





* Sur les primes d'assurance vie



Aux termes de l'article L. 132-13 du code des assurances, 'le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés'.



En l'espèce, le défunt a souscrit le 5 mars 2002 un unique contrat d'assurance-vie Leridys Pep auprès de l'organisme bancaire CIC-SNVB sous le numéro d'adhésion 4G 91071192 ; après avoir relevé que plusieurs changements de la clause bénéficiaire étaient intervenus aux termes desquels la soeur de celui-ci, Madame [A] avait été désignée le 12 mars 2008 - et avait été maintenue lors des changements postérieurs - et que Madame [R] épouse [E] avait été désignée le 1er avril 2009, le tribunal, sans procéder à l'analyse des versements opérés, a considéré que les primes n'étaient pas excessives en ce qu'elles concernaient la moitié de l'assurance attribuée à Madame [A] mais l'étaient en ce qu'elles étaient relatives à la moitié reçue par Madame [E] en relevant notamment qu'à la suite de la vente de la nue-propriété de son bien immobilier aux époux [E] en fin d'année 2009 et à divers retraits et chèques, le de cujus s'était dépouillé de manière irrévocable de la quasi-totalité de ses biens, qu'il avait gratifié par d'autres biais Madame [E] et que sa santé était précaire.



Une telle analyse ne peut être retenue par la cour, dans la mesure où le caractère exagéré des primes versées ne peut pas faire l'objet de deux analyses différentes selon la personne désignée comme bénéficiaire de l'assurance-vie et où aucun examen des primes au regard de la situation du de cujus n'a été réalisé par le tribunal.



Il convient de relever que la validité des changements de la clause bénéficiaire n'est pas remise en cause par l'intimé.



Il ressort des pièces que [V] [I] [F] [K] était propriétaire de son bien immobilier depuis le 31 août 1993 (prix d'achat de 85371,45 euros) jusqu'au 17 décembre 2009, date à laquelle il en a cédé la nue-propriété aux époux [E] pour un montant de 68000 euros. Il en est resté usufruitier jusqu'à son décès.

Selon le relevé de compte produit (pièce 13 intimé), le produit de la vente a fait l'objet :

- d'un transfert en date du 23 décembre 2009 à hauteur de 30000 euros sur un compte joint avec Madame [E] et le montant a été intégralement dépensé en octobre 2012, date à laquelle il apparaît que les époux [E] ont fait des virements pour couvrir les nouvelles dépenses (pièce 12 intimé),

- d'un virement à hauteur de 18000 euros en date du 23 décembre 2010, le bénéficiaire n'étant pas identifié en procédure,

- d'un retrait de 20000 euros le 16 janvier 2010, le devenir des sommes n'étant pas connu.



Il ressort du compte du défunt (pièce 11 appelant) qu'il percevait des pensions de retraite pour un montant mensuel de 2100 euros environ en janvier 2009, montant porté à 2500 euros, par mois en juillet 2014, outre des versements mensuels de la société Malakoff Mederic débutés entre temps pour 283 euros par mois.

L'analyse de ses relevés de compte fait apparaître qu'il réglait :

- 108 euros mensuels de mutuelle en 2009, montant porté à 135 euros en 2014,

- 80 euros par mois environ annualisé à GDF en 2009,

- 25 euros par mois environ annualisé à EDT en 2009,

- 50 à 60 euros à l'ADMR (aide à la personne) en 2009, diminué à 22 euros en 2014,

- frais de téléphonie de 6 euros par mois en 2009, porté à 20 à 40 euros par mois en 2014,

- virement sur l'assurance vie (Lerydis) de 200 euros par mois en 2009, portés à 234 euros par mois en 2014.

En outre, il effectuait des achats par chèque et disposait d'une carte bancaire, pour plusieurs centaines d'euros chaque mois.



Les primes ont été versées sur le contrat selon les modalités suivantes (pièce 1 appelante) :

- 15000 euros à l'ouverture du compte,

- versement mensuel de 50 euros entre avril 2002 et juin 2014, montant augmenté jusqu'à 57,96 euros entre juillet et novembre 2008, puis porté à 200 euros par mois à compter de décembre 2008, augmenté jusqu'à 234,16 euros par mois en 2014.

- versements exceptionnels de 15000 euros le 3 avril 2003, de 9156,79 euros le 28 février 2008 et de 20000 euros le 11 décembre 2008.



Les versements mensuels étaient parfaitement proportionnés aux revenus de [V] [I] [F] [K], représentant toujours une somme inférieure à 10 % de ses revenus et lui laissant un revenu disponible d'environ 1900 euros par mois en 2009 et de 2500 euros par mois en 2010. Il n'avait pas de charge de logement, étant propriétaire, puis usufruitier de sa maison, son budget n'était en aucun cas déficitaire. Malgré une dépense importante dans son logement de 15934,83 euros réglés en 2011, [V] [I] [F] [K] a laissé un solde créditeur sur son compte en banque de plus de 12000 euros à son décès.

S'agissant des versements exceptionnels, [V] [I] [F] [K] était alors propriétaire de son logement d'une valeur de 85000 euros environ et ses besoins quotidiens étaient largement couverts par ses revenus.

Dès lors, aucune des primes versées ne présente un caractère manifestement exagéré, [V] [I] [F] [K] étant libre du choix d'orientation de son épargne, pouvant opérer à tout moment des rachats de son contrat d'assurance vie et les versements présentaient une utilité dans le cadre d'une gestion avisée de son patrimoine.



Il convient dès lors d'infirmer le jugement qui a retenu le caractère disproportionné des versements de primes sur l'assurance-vie dont Madame [R] épouse [E] a été désignée bénéficiaire et l'a condamnée au paiement d'une 'indemnité de réduction' de 16300,76 euros au profit de Monsieur [V] [K] fils.





** Sur les donations et leur rapport au titre de l'excès à la réserve héréditaire



[V] [I] [F] [K] étant décédé alors que son dernier domicile se trouvait en France, sa succession (hors éventuel bien immobilier situé à l'étranger) est régie par la loi française.



En application de l'article 912 du code civil, la réserve héréditaire est la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s'ils sont appelés à la succession et qu'ils l'acceptent ; la quotité disponible est la part des biens et droits successoraux qui n'est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités.

L'article 913 précise que les libéralités, soit par acte entre vifs, soit par testament, ne pourront excéder la moitié des biens du disposant s'il ne laisse à son décès qu'un enfant.



L'article 920 du code civil dispose que 'les libéralités, directes ou indirectes, qui portent atteinte à la réserve d'un ou plusieurs héritiers, sont réductibles à la quotité disponible lors de l'ouverture de la succession.'



En application de l'article 922 du code civil, il convient, pour le calcul de la réserve héréditaire, de prendre en compte tous les biens existants au jour du défunt et d'y réunir fictivement les biens dont il a été disposés par donation entre vifs, dans l'état au jour de la donation et à leur valeur au jour de l'ouverture de la succession.



Comme rappelé ci-dessus, l'article L132-13 du code des assurances, les assurances vie sont hors succession.



Il convient donc d'analyser les opérations réalisées par le défunt, pour apprécier si elles constituent ou non des libéralités directes ou indirectes au profit de Madame [R] épouse [E] ; si tel est le cas, il conviendra de reconstituer le patrimoine de [V] [I] [F] [K] à son décès en tenant compte de ces libéralités, ce qui permettra de déterminer le montant de la quotité disponible qui s'élève en l'occurrence à la moitié des biens du défunt puisqu'il ressort de l'attestation de dévolution successorale que le défunt a laissé comme unique héritier son fils Monsieur [V] [K] lequel a accepté sous réserve d'inventaire la succession (pièce 2 et 6 intimé).





- Sur les opérations litigieuses



a) Sur les sommes placées sur le compte joint ouvert avec Madame [R] épouse [E]



Il ressort des éléments déjà analysés que suite à l'acquisition de la nue-propriété de la maison du défunt par les époux [E], [V] [I] [F] [K] a immédiatement ouvert un compte-joint avec Madame [R] épouse [E] qu'il a seul alimenté par un versement de 30000 euros, représentant près de la moitié du prix de vente, qui ont été intégralement dépensés sur une période de près de 3 ans.

Or, l'analyse du compte ouvert au seul nom du défunt permet de constater aucune modification dans son fonctionnement, avant l'ouverture du compte-joint, pendant les 3 ans où seul son versement initial a été porté au crédit du compte et postérieurement à cette période, il a continué à percevoir l'intégralité de ses revenus et à payer la totalité de ses charges habituelles sur le compte ouvert à son seul nom.

Madame [R] épouse [E] indique que ce compte joint servait à des dépenses communes. Elle ne verse aucun justificatif à l'appui de ses explications, qui sont démenties par l'analyse du compte de [V] [I] [F] [K] qui continuait à assumer toutes ses charges par des virements, des paiements par chèques, des retraits d'argent liquide et des paiements par carte s'élevant entre 600 et 1000 euros par mois.

Dans ces conditions, l'ouverture de ce compte-joint a permis de transférer près de la moitié du prix de vente à Madame [R] épouse [E].





b) Sur les sommes réglées pour le changement des ouvrants du bien dont [V] [I] [F] [K] était usufruitier et Madame [R] époux [E] nue-propriétaire.



[V] [I] [F] [K] a cédé la nue-propriété de sa maison par acte authentique du 17 décembre 2009. Il a fait procéder au remplacement de l'ensemble des menuiseries extérieures en 2010, pour un coût total de 15630,70 euros (pièce 10 et 11 intimé).

La réalisation de ces importants travaux d'amélioration du bien dans l'année qui a suivi la vente de sa nue-propriété a fait échapper la valorisation qui en est résultée dans le calcul du prix d'acquisition. Ajouté à l'âge de l'usufruitier (89-90 ans) dont l'état de santé était précaire au vu des pièces versées, ces circonstances démontrent qu'en prenant à sa charge cette importante dépense (coût représentant 20 % de la valeur totale de la maison) pour des travaux dont la nécessité n'est pas établie et alors qu'elle ne constitue pas une dépense d'entretien courant imputable à l'usufruitier, [V] [I] [F] [K] a réalisé une opération par laquelle il s'est appauvri au profit de la nue-propriétaire qui a réalisé corrélativement un enrichissement.





La volonté d'[V] [I] [F] [K] de gratifier Madame [R] épouse [E] est établie par sa désignation, antérieure, comme bénéficiaire de la moitié de l'assurance vie sur laquelle se trouvait la majeure partie de ses économies à son décès et par le caractère ingénieux de ces deux montages qui permettaient, dans un cas comme dans l'autre, de la favoriser sous couvert d'opérations régulières, en se dépossédant en réalité définitivement d'une partie de son patrimoine au profit de Madame [R] épouse [E].



Ces deux opérations constituent donc des donations indirectes qu'il convient de rapporter fictivement pour reconstituer le patrimoine du défunt, soit :

- la somme de 30000 euros, correspondant au montant de la première donation en argent,

- la somme de 15630,70 euros correspondant au montant dont a bénéficié Madame [R] épouse [E] à la fin de l'usufruit, survenue 3 ans après la dépense.





- Sur la reconstitution fictive du patrimoine de [V] [I] [F] [K] à son décès et le rapport à la succession



Le patrimoine d'[V] [I] [F] [K] pour le calcul de la réserve héréditaire s'établit en conséquence à :

-13051,02 euros (montant figurant à la déclaration de succession hors forfait mobilier déterminé par le fisc de 5 %),

- 30000 euros,

- 15630,70 euros,

soit un total de 58681,72 euros.



Le montant de la réserve héréditaire et de la quotité disponible s'élèvent donc à 29340,86 euros chacun.



Madame [R] épouse [E] ayant bénéficié de libéralités d'un montant de 45630,70 euros qui excèdent de 16289,84 euros le montant de la quotité disponible, il convient de la condamner à rapporter ce montant à la succession.





*** Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile



Si le jugement est infirmé au bénéfice de Madame [R] épouse [E], il n'en reste pas moins qu'elle reste redevable de sommes à la succession de [V] [I] [F] [K] et que c'est donc à juste titre de Monsieur [V] [K] fils a intenté son action.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Madame [R] épouse [E] aux dépens de première instance et à régler 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à Monsieur [V] [K] fils.



Bien que Madame [R] épouse [E] soit partiellement reçue en son appel, elle reste redevable de somme à l'intimé, de telle sorte qu'il convient de laisser à sa charge les dépens d'appel.



Pour l'ensemble de ces raisons, il convient de débouter chacune des parties de ses demandes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS,



LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,



Infirme le jugement en ce qu'il a condamné Madame [N] [R] épouse [E] à payer à Monsieur [V] [T] [K] les sommes suivantes :

*16300,76 euros correspondant à une indemnité de réduction au titre de primes d'assurances versées dans le cadre de la police d'assurances n° 4G 91071192,

*29500,52 euros d'indemnité de réduction au titre de travaux et d'un versement effectué sur un compte bancaire joint entre Monsieur [V] [I] [F] [K] et Madame [N] [R] épouse [E],



Le confirme en ses dispositions au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile,



Statuant à nouveau sur ces points infirmés et y ajoutant,



Déboute Monsieur [V] [T] [K] de sa demande à l'encontre de Madame [N] [R] épouse [E] tendant au rapport des primes versées sur le contrat d'assurance vie Leridys Pep ouvert auprès de l'organisme bancaire CIC-SNVB sous le numéro d'adhésion 4G 91071192,



Condamne Madame [N] [R] épouse [E] à rapporter à la succession de [V] [I] [F] [K] dont Monsieur [V] [T] [K] est l'héritier unique la somme de 16289,84 euros (SEIZE MILLE DEUX CENT QUATRE-VINGT-NEUF EUROS ET QUATRE-VINGT-QUATRE CENTIMES),



Condamne Madame [N] [R] épouse [E] aux dépens d'appel,



Déboute chaque partie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Le présent arrêt a été signé par Madame BUQUANT, Conseiller, en remplacement de Madame CUNIN-WEBER, Présidente de chambre, régulièrement empêchée, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Signé : C. PERRIN.- Signé : M. BUQUANT.-









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