16 mars 2023
Cour d'appel de Bordeaux
RG n° 20/00709

CHAMBRE SOCIALE SECTION B

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 16 MARS 2023







SÉCURITÉ SOCIALE



N° RG 20/00709 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOKI





















Monsieur [D] [I]



c/

URSSAF DU LIMOUSIN







Nature de la décision : AU FOND









Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,





Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 décembre 2019 (R.G. n°18/01244) par le pôle social du tribunal de grande instance de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 06 février 2020.







APPELANT :



Monsieur [D] [I]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Stéphane MESURON de la SELARL CAPLAW, avocat au barreau de BORDEAUX







INTIMÉE :





URSSAF DU LIMOUSIN prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]



représentée par Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 janvier 2023, en audience publique, devant Madame Cybèle Ordoqui, Conseillère chargée d'instruire l'affaire, qui a retenu l'affaire



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Monsieur Eric Veyssière, président

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Cybèle Ordoqui, conseillère



qui en ont délibéré.



Greffière lors des débats : Evelyne GOMBAUD,





ARRÊT :



- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.






Exposé du litige



Le 15 décembre 2017, l'Urssaf du Limousin (la caisse) a adressé à M. [I] un appel de cotisation relatif à la cotisation subsidiaire maladie pour la période de l'année 2016 d'un montant de 22. 680 euros exigible au 19 janvier 2018.



Par courrier du 17 janvier 2018, M. [I] a contesté l'appel de cotisation.



Par décision du 31 janvier 2018, la caisse a confirmé l'assujetissement de M. [I] à la cotisation subsidiaire maladie.



Par courrier du 27 février 2018, M. [I] a maintenu ses observations initiales .



Par décision administrative du 7 mars 2018, la caisse a confirmé la redevabilité de M. [I] de la cotisation subsidiaire maladie.



Le 29 mars 2018, M. [I] a saisi la commission de recours amiable d'une contestation de cette décision.



Le 31 mai 2018, M. [I] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde à l'encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.



Par décision du 23 octobre 2018, notifiée le 7 novembre 2018, la commission de recours amiable a confirmé l'appel de cotisation pour un montant révisé de 21.504 euros.



Le 26 août 2019, une mise en demeure de régler la somme de 21. 504 euros a été adressée à M. [I].



Par courrier du 3 septembre 2019, M. [I] a saisi la commission de recours amiable d'une contestation de la mise en demeure.



Par décision du 26 septembre 2019, notifiée le 1er octobre 2019, la commission de recours amiable a confirmé la redevabilité de la cotisation subsidiaire maladie 2016.



Le 28 novembre 2019, M. [I] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Bordeaux à l'encontre de la décision de rejet de la commission de recours amiable du 26 septembre 2019.



Par jugement du 10 décembre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Bordeaux a statué sur sa saisine du 31 mai 2018 et a :

- déclaré le recours de M. [I] recevable mais mal fondé,

- débouté M. [I],

- dit que M. [I] est redevable envers la caisse de la cotisation subsidiaire maladie 2016 pour la somme recalculée de 21.504 euros,

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [I] aux dépens de l'instance.







Par déclaration du 6 février 2020, M. [I] a relevé appel de ce jugement.



Par jugement du 17 juillet 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a statué sur sa saisine du 28 novembre 2019 et a ordonné un sursis à statuer dans l'attente de la décision d'appel.



Par ses dernières conclusions du 22 septembre 2022, M. [I] demande à la cour de :

- annuler l'appel de cotisations du 15 décembre 2017 et la mise en demeure du 26 août 2019

- condamner l'Urssaf Limousin à lui payer la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile



Aux termes de ses dernières conclusions du 25 mars 2021, la caisse sollicite de la cour qu'elle:

- dise l'appel recevable mais mal fondée,

- confirme le jugement du pôle social du tribunal de grande instance de Bordeaux du 10 décembre 2019,

- déboute M. [I] de toutes ses demandes.



Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.






Motifs de la décision



Sur le caractère rétroactif des dispositions réglementaires



M. [I] soulève la nullité de l'appel de cotisation du 15 décembre 2017 et de la mise en demeure subséquente au motif que les décrets n° 2016-979 du 19 juillet 2016 et n° 2017-736 du 3 mai 2017, pris en application de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale qui a instauré la cotisation subsidiaire maladie à l'article L 380-2 du code de la sécurité sociale, n'ont pas d'effet rétroactif et ne peuvent juridiquement en avoir.



Il fait valoir, à cet égard, que l'article L 380-2 ne pouvait être appliqué qu'à la date d'entrée en vigueur des dispositions réglementaires, soit le 6 mai 2017, date de la publication du dernier décret sus-visé, en raison du caractère essentiel de ces dispositions qui instaurent les conditions d'exigibilité de la cotisation subsidiaire maladie. Dés lors, soutient-il, l'Urssaf ne pouvait appeler une cotisation nouvelle dont les conditions d'exigibilité n'étaient pas conues de sorte qu' en appelant des cotisations sur une assiette constituée de revenus perçus depuis le 1er janvier 2016, elle a fait une application rétroactive des décrets alors qu'aucun texte de valeur supérieure dans la hiérarchie des normes ne prévoit d'effet rétroactif.



L'article L.160-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose: ' toute personne travaillant ou, lorsqu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière bénéficie, en cas de maladie ou de maternité, de la prise en charge de ses frais de santé dans les conditions fixées au présent livre...



Suivant les dispositions de l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2015, les personnes mentionnées à l'article L.160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle dont les conditions d'assujettissement, les modalités de détermination de l'assiette et le taux sont fixés par les articles D. 380-1, D. 380-2 et D. 380-5 dans leur rédaction issue du décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016.



Il en résulte que le décret du 19 juillet 2016 permet aux cotisants d'avoir connaissance, dés le 22 juillet 2016, date de son entrée en vigueur, des modalités de calcul de la cotisation dont ils sont redevables en 2017 au titre de leur revenus 2016, ce avant que leur situation juridique pour 2016 soit définitivement constituée.



Il en est de même du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017, entré en vigueur le 6 mai 2017, dont l'objet est limité aux modalités d'appel de la cotisation, à sa date d'exigibilité et aux modalités de paiement.



En l'espèce, l'Urssaf a adressé à M. [I] un appel de la cotisation subsidiaire maladie le 15 décembre 2017, soit après l'entrée en vigueur des décrets, et alors que sa situation juridique de cotisant était définitivement constituée.



Il s'en déduit que les textes susvisés étaient applicables à la cotisation appelée en décembre 2017 au titre de l'assujettissement du cotisant pour l'année 2016.

Le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de l'application rétroactive des dispositions réglementaires.

Sur la régularité de l'appel de cotisation

L'appelant prétend que la cotisation n'est pas exigible car l'appel qui lui a été adressé le 15 décembre 2017 a méconnu les dispositions de l'article R 380-4 du code de la sécurité sociale aux termes duquel la cotisation est appelée au plus tard le dernier jour du mois de novembre de l'année suivante celle au titre de laquelle elle est due. Il estime, en conséquence, que l'appel de cotisation et la mise en demeure subséquente sont frappés de nullité.

S'il est constant que l'Urssaf a dépassé de 15 jours le délai fixé à l'article R 380-4 du code de la sécurité sociale pour appeler la cotisation, le non respect de la date limite mentionnée par ce texte, qui n'est assorti d'aucune sanction, a pour seul effet de reporter le délai de 30 jours au terme duquel la cotisation devient exigible.

En l'espèce, le délai était reporté au 30 décembre 2017. L'appel de cotisation en date du 15 décembre 2017 n'était donc pas hors délai. D'où il suit que la demande de nullité de l'appel de cotisation et de la mise en demeure n'est pas fondée de ce chef.

En outre, la mise en demeure adressée le 26 août 2019 n'est pas atteinte par le délai de prescription de 3 ans prévu à l'article L 244-3 du code de la sécurité sociale.

Le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a rejeté ce moyen.

Sur la redevabilité de la cotisation subsidiaire maladie et les conditions d'assujetissement

L'appelant conteste être redevable de la cotisation subsidiaire maladie car il ne répond à aucun de ses critères d'affiliation tels que visés aux articles L 380-2 et L 160-1 du code de la sécurité sociale puisqu'il est rattaché au régime social des indépendants, n'était pas affilié au régime général en 2016 et il n'a jamais bénéficié de protection universelle maladie prévue à l'article L 160-1 du code de la sécurité sociale. Il se prévaut,en outre, des dispositions de la circulaire DSS/5B/2017/322 du 15 novembre 2017 aux termes desquelles la cotisation est due à compter de la date d'affiliation au régime général et cesse d'être due le lendemain.

Mais par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ayant vérifié que M. [I] remplissait les trois conditions cumulatives prévues aux articles L 380-2 et D 380-1, pour relever de la cotisation subsidiaire maladie, dés lors d'une part, que n'ayant pas de revenus tirés d'une activité professionnelle en 2016, il percevait, néanmoins, un montant minimal des revenus du capital (586.301.00 euros en l'espèce), et d'autre part, qu'il ne bénéficiait pas d'une pension de retraite, d'une rente ou d'allocations chômage, en a déduit exactement que son affiliation au RSI était sans incidence sur le caractère exigible de la cotisation subsidiaire maladie.

S'agissant de la circulaire DSS/5B/2017/322 du 15 novembre 2017, M. [I] en fait une lecture erronée. Celle-ci précise que l'assujetissement à la cotisation subsidiaire maladie s'applique à toute personne bénéficiaire de la prise en charge des frais de santé lorsqu'elle est inactive ou dont les revenus d'activité sont trop faibles pour que ses cotisations sur ces revenus puissent être considérés comme suffisantes au regard de l'octroi des droits à l'assurance maladie. Elle rappelle les dispositions des articles L 380-2 et R 380-3 à R 380-7, D 380-1 à D 380-5 du code de la sécurité sociale. Or, en l'espèce, il découle de ce qui précède que M. [I] remplit les conditions fixés par ces textes pour être considéré comme assujetti à la cotisation subsidiaire maladie.

Le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a dit que l'assuré était redevable d'une somme de 21.504 euros au titre de la dite cotisation.

M. [I], partie perdante, supportera la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris

y ajoutant

Condamne M. [I] aux dépens.

Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Evelyne Gombaud, greffière, à

laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



E. Gombaud E. Veyssière

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