14 mars 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-87.286

Chambre criminelle - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00444

Titres et sommaires

INSTRUCTION - Appel - Appel de la personne mise en examen - Ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel - Contestation de la nature correctionnelle des faits poursuivis - Recevabilité - Conditions - Détermination

Est recevable, en application de l'article 186-3 du code de procédure pénale, l'appel formé par une personne mise en examen pour crime de l'ordonnance la renvoyant, après requalification, devant le tribunal correctionnel, s'il résulte d'une articulation essentielle de son mémoire devant la chambre de l'instruction qu'elle sollicite, de façon non équivoque, sa mise en accusation devant la juridiction criminelle, et ce, pour des chefs précisément identifiés. Cette exigence demeure, même lorsque la déclaration d'appel est faite au visa de l'article 186-3 précité. Justifie sa décision la chambre de l'instruction qui déclare irrecevable l'appel d'une telle ordonnance dès lors que le mémoire de l'appelant, s'il fait valoir, au visa du texte précité, qu'une partie des faits pour lesquels il est renvoyé devant le tribunal correctionnel constituent un crime, ne précise néanmoins ni les chefs concernés ni ne sollicite sa mise en accusation devant une juridiction criminelle

Texte de la décision

N° F 22-87.286 FS-B

N° 00444


SL2
14 MARS 2023


REJET


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 MARS 2023



M. [K] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1re section, en date du 7 décembre 2022, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 25 octobre 2022, pourvoi n° 22-82.333), dans la procédure suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants, infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, blanchiment et infractions à la législation sur les armes, a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance du juge d'instruction le renvoyant devant le tribunal correctionnel.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [K] [Z], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, MM. Maziau, Dary, Mme Thomas, M. Hill, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Michon, conseillers référendaires, M. Aubert, avocat général référendaire, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [K] [Z] a été mis en examen le 9 décembre 2019 des chefs susvisés et placé sous mandat de dépôt criminel.

3. Par ordonnance du 28 février 2022, le juge d'instruction, disant n'y avoir lieu de suivre contre M. [Z] du chef de blanchiment et requalifiant les faits de nature criminelle, a ordonné le renvoi de l'intéressé devant le tribunal correctionnel pour importation de stupéfiants, infractions aux législations sur les stupéfiants et sur les armes, et association de malfaiteurs.

4. M. [Z] a relevé appel de cette décision.

5. Par ordonnance en date du 21 mars 2022, le président de la chambre de l'instruction a dit cet appel non admis.

6. Un pourvoi a été formé contre cette décision.

7. La Cour de cassation, par l'arrêt précité du 25 octobre 2022, a annulé cette ordonnance et constaté que la chambre de l'instruction, autrement présidée, était saisie de l'appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré l'appel formé par le conseil de M. [Z] irrecevable au visa de l'article 186-3 du code de procédure pénale et du mémoire déposé, alors « que selon l'article 186-3 du code de procédure pénale, la personne mise en examen peut interjeter appel des ordonnances prévues par le premier alinéa de l'article 179 du code de procédure pénale dans le cas où elle estime que les faits renvoyés devant le tribunal correctionnel constituent un crime qui aurait dû faire l'objet d'une ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises ; qu'en l'espèce, contrairement à ce qu'affirme la chambre de l'instruction, M. [Z] a, dans son mémoire régulièrement déposé devant la chambre de l'instruction, fait valoir qu'il avait été mis en examen initialement pour des faits de nature criminelle et qu'il estimait que les faits renvoyés devant le tribunal correctionnel constituent un crime au sens des dispositions de l'article 186-3 du code de procédure pénale, et il demandait clairement au visa de ce texte que son appel soit déclaré recevable ; qu'en affirmant que la défense d'[K] [Z] n'estime nullement que les faits renvoyés devant le tribunal correctionnel constituent un crime qui aurait dû faire l'objet d'une ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises, la chambre de l'instruction qui s'est mise en contradiction avec les pièces de la procédure, a violé l'article 186-3 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

9. Selon l'article 186-3 du code de procédure pénale, la personne mise en examen peut interjeter appel de l'ordonnance la renvoyant devant le tribunal correctionnel dans le cas où elle estime que les faits renvoyés devant celui-ci constituent un crime qui aurait dû faire l'objet d'une ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises ou devant la cour criminelle départementale.

10. L'objet de cette disposition est de permettre aux parties de contester une correctionnalisation opérée par le juge d'instruction et qui ne pourra l'être devant la juridiction de jugement que dans les conditions limitatives prévues à l'article 469 du code de procédure pénale.

11. La Cour de cassation juge que la déclaration d'appel, pour échapper à l'irrecevabilité de principe édictée par l'article 186 du code de procédure pénale, doit faire apparaître de manière non équivoque que ce recours est exercé en application de l'article 186-3 dudit code (Crim., 15 mars 2006, pourvoi n° 05-87.299, Bull. crim. 2006, n° 79).

12. La Cour de cassation juge également que la recevabilité, au regard des dispositions de l'article 186-3 du code précité, de l'appel d'une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, portant requalification des faits, peut être appréciée, non seulement au vu des indications figurant dans l'acte d'appel, mais aussi en fonction des motifs de ce recours exposés par mémoire devant la chambre de l'instruction (Crim., 29 novembre 2017, pourvoi n° 17-84.566, Bull. crim. 2017, n° 275).

13. Il s'ensuit qu'en l'absence de toute mention dans l'acte d'appel, il appartient à la chambre de l'instruction de rechercher si la personne mise en examen forme une demande tendant, de façon non équivoque, à obtenir sa mise en accusation devant la juridiction criminelle et, ce, pour des chefs précisément identifiés, dans une articulation essentielle de son mémoire.

14. Cette exigence demeure même lorsque la déclaration d'appel est faite au visa de l'article 186-3 précité.

15. Lorsque la chambre de l'instruction conclut que l'appel est recevable, elle doit se borner à examiner si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen, tels qu'ils résultent de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel et qu'elle ne peut apprécier différemment, constituent une infraction qualifiée de crime par la loi et, si tel est le cas, ordonner la mise en accusation de la personne mise en examen devant la juridiction criminelle.

16. En l'espèce, pour déclarer irrecevable l'appel formé par M. [Z] de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, l'arrêt attaqué énonce notamment que l'intéressé n'estime nullement que les faits renvoyés devant le tribunal correctionnel constituent un crime qui aurait dû faire l'objet d'une ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises.

17. En l'état de ces seuls motifs, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

18. En effet, il résulte du mémoire de l'appelant devant elle que s'il faisait valoir, au visa de l'article 186-3 du code de procédure pénale, qu'une partie des faits pour lesquels il était renvoyé devant le tribunal correctionnel constituaient un crime, néanmoins, il ne précisait pas les chefs concernés ni ne sollicitait sa mise en accusation devant une juridiction criminelle.

19. Ainsi, le moyen doit être rejeté.

20. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille vingt-trois.

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