15 mars 2023
Cour d'appel de Rennes
RG n° 21/04551

5ème Chambre

Texte de la décision

5ème Chambre





ARRÊT N°-110



N° RG 21/04551 - N° Portalis DBVL-V-B7F-R3IC













S.A. AXA FRANCE IARD



C/



S.A.S. OPEN BLOC



















Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 MARS 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,





GREFFIER :



Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience publique du 18 Janvier 2023





ARRÊT :



Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats





****





APPELANTE :



S.A. AXA FRANCE IARD

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Emilie BUTTIER de la SELARL RACINE, Postulant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Agathe ROBLES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉE :



S.A.S. OPEN BLOC

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Stéphane FOUCAULT de la SELEURL CABINET FOUCAULT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS



















La société Open Bloc exerce les activités de salle de sport et d'escalade et de restaurant.



Elle est titulaire du contrat d'assurances multirisque auprès d'Axa France Iard constitué des conditions générales (référencées 962149E d'octobre 2016) et conditions particulières (référencées n°7453739404) à effet du 4 janvier 2017.



Ce contrat a pour finalité d'assurer la société Open Bloc contre des risques divers et de la protéger des conséquences financières de l'arrêt d'activité par une prise en charge notamment de la perte d'exploitation consécutive aux événements garantis.



L'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, à savoir notamment en son article 8, vise que ne peuvent plus accueillir du public jusqu'au 15 avril 2020, les établissements au titre de la catégorie N : restaurants et débits de boissons, sauf pour leurs activités de livraison et de vente à emporter, le 'room service' des restaurants et bars d'hôtels et la restauration collective sous contrat.



Cette mesure a été reprise par les dispositions de l'article 8 du décret 2020-293 du 23 mars 2020.



Egalement en application des dispositions du décret n°2020-423 du 14 avril 2020, la date d'expiration des mesures initialement fixée au 15 avril 2020 a été prorogée jusqu'au 11 mai 2020.



La société Open Bloc a déclaré à la société Axa France Iard son sinistre de perte d'exploitation pour la première période (du 15 mars au 2 juin), par une lettre recommandée avec accusé de réception du 24 avril 2020.



En raison du refus de la société Axa France Iard par courrier en date du 12 mai 2020 de mettre en oeuvre la garantie, la société Open Bloc a assigné en référé la société Axa France Iard, par exploit d'huissier du 13 janvier 2021, pour obtenir du président du tribunal de commerce de Nantes l'autorisation d'assignation à bref délai.



Par jugement en date du 21 juin 2021, le tribunal de commerce de Nantes a :

- constaté que la clause d'exclusion concernant la garantie Pertes d'exploitation prévue aux conditions particulières du contrat 7453739404 signé entre la société Axa France Iard et la société Open Bloc, contrevient aux dispositions de l'article L.113-1 alinéa 1er du code des assurances pour n'être pas formelle et limitée,

- constaté que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions des articles 1170 et 1171 du code civil et qu'elle doit être réputée non écrite,

- dit que la garantie perte d'exploitation souscrite par la concluante doit trouver pleine et entière application,

- ordonné le versement par la société Axa France Iard, à titre de provision, de la somme de 10 000 euros à la société Open Bloc,

- sursis à statuer pour la fixation du montant définitif de l'indemnité due par Axa France Iard à la Société Open Bloc dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert judiciaire,

- désigné comme expert judiciaire, Mme [Y] [B], avec pour mission de :

* se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années, le contrat d'assurances multirisque signé par la société Axa France Iard et la société Open Bloc constitué des conditions particulières (référence n°7453739404),

* entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations,

* examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur une période maximum de trois mois,

* donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité,

* donner son avis sur le montant de la marge brute (chiffre d'affaires - charges variables) incluant les charges salariales en charge au titre du 'chômage partiel indemnisé' et les économies réalisées,

* calculer la perte consécutive sur la période de garantie de 3 mois, en appliquant la franchise prévue au contrat de 3 jours ouvrés,

- dit que l'expert pourra se faire assister de tout sapiteur de son choix,

- dit que le présent jugement sera transmis par l'un des greffiers associés à l'expert qui devra faire connaître sans délai au tribunal son acceptation,

- fixé à la somme de 2 000 euros la provision à valoir sur les frais et honoraires de l'expert que la société Axa France Iard devra consigner au greffe, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement par l'un des greffiers associés, faute de quoi, la désignation de l'expert sera caduque conformément aux dispositions de l'article 271 du code de procédure civile modifié par le décret du 20 juillet 1989,

- dit que l'expert prendra contact avec le juge en charge du contrôle des mesures d'instruction dès le démarrage de sa mission pour exposer sa méthodologie,

- dit que l'expert devra commencer ses opérations dès qu'il aura reçu avis de la consignation, de la provision et qu'il devra déposer son rapport dans le délai de quatre mois après réception de cet avis,

- nommé le juge chargé du contrôle des expertises, ou à défaut le président de ce tribunal, afin de suivre les opérations de la présente mesure d'instruction,

- dit que lors de sa première réunion, laquelle devra se dérouler dans un délai maximum de deux mois à compter de l'avis donné par le greffe de la consignation de la provision, l'expert devra en concertation avec les parties dresser un programme de ses investigations et proposer d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires, frais et débours ainsi que la date de dépôt du rapport et adressera ces informations au juge de l'espèce, ou au juge chargé du contrôle de l'expertise, lequel rendra une ordonnance complémentaire fixant le montant de la provision complémentaire ainsi que le délai prévu pour le dépôt du rapport,

- dit qu'en cas de difficultés dans l'accomplissement de sa mission, l'empêchant notamment de respecter le délai prescrit, l'expert en fera rapport au juge,

- dit que l'expert devra dans le même temps informer immédiatement le tribunal au cas ou, les parties venant à se concilier, sa mission deviendrait sans objet,

- dit qu'en cas d'empêchement de l'expert ou de refus de sa part, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du président de ce tribunal ou du juge a qui est confié le contrôle de l'exécution de la mesure d'instruction,

- dit que l'affaire sera rappelée, en application de l'article 153 du code de procédure civile, à l'audience du 11 Octobre 2021 à 14 heures pour un nouvel examen,

- dit qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de rappeler l'affaire après dépôt du rapport par l'expert,

- ordonné l'exécution provisoire pour l'expertise,

- condamné la société Axa France Iard à payer à la société Open Bloc la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes, fins et conclusions,

- réservé les dépens dont frais de greffe liquidés à 80,26 euros toutes taxes comprises.




Le 20 juillet 2021, la société Axa France Iard a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 17 janvier 2023, elle demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien-fondée en son appel et, y faisant droit :

A titre principal,

- infirmer le jugement du 21 juin 2021 du tribunal de commerce de Nantes en ce qu'il a :

* constaté que la clause d'exclusion de la garantie perte d'exploitation prévue aux conditions particulières du contrat 7453739404 signé entre la société Axa France Iard et la société Open Bloc, contrevient aux dispositions de l'article L.113-1 alinéa 1 du code des assurances pour n'être pas formelle et limitée,

* dit que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions des articles 1170 et 1171 du code civil et qu'elle doit être réputée non écrite,

* dit que la garantie perte d'exploitation souscrite par la concluante doit trouver pleine et entière application,

* ordonné le versement par elle à titre de provision, de la somme de 10 000 euros à la société Open Bloc,

* sursis à statuer pour la fixation du montant définitif de l'indemnité due par elle à la société Open Bloc dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert judiciaire,

* désigné comme expert judiciaire, Mme [Y] [B] avec la mission définie aux termes du jugement,

* l'a condamnée à payer à la société Open Bloc la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement du 21 juin 2021 du tribunal de commerce de Nantes en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion,

Statuant à nouveau,

- juger que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est applicable en l'espèce,

- juger que cette clause d'exclusion respecte le caractère formel exigé par l'article L.113-1 du code des assurances,

- juger que cette clause d'exclusion ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et respecte le caractère limité de l'article L.113-1 du code des assurances et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle de la société Axa France Iard de sa substance au sens de l'article 1170 du code civil,

En conséquence :

- juger applicable en l'espèce la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie,

- débouter l'assurée de l'intégralité de ses demandes formées à son encontre et la condamner à lui restituer les sommes perçues au titre de l'exécution du jugement du 21 juin 2021,

- annuler la mesure d'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de commerce de Nantes,

A titre subsidiaire,

- ordonner la fixation de la mission de l'expert désigné par le tribunal de commerce de Nantes comme suit :

* se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par l'assurée et/ou son expert comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années,

* entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations,

* examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur une période maximum de trois mois et en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable,

* donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, comprenant le calcul de la perte de marge brute et déterminer le montant des charges salariales et des économies réalisées,

* donner son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'assurée,

* donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars et le 29 octobre 2020,

En tout état de cause,

- débouter l'assurée de toutes demandes, fins ou conclusions contraires au présent dispositif,

- condamner l'assurée à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.



Par dernières conclusions notifiées le 12 janvier 2023, la société Open Bloc demande à la cour de :

- déclarer recevable mais non fondé l'appel interjeté par la société Axa France Iard,

- débouter la société Axa France Iard de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer les dispositions du jugement en ce qu'il a écarté la clause d'exclusion pour n'être pas formelle et limitée et au motif qu'elle doit être réputée non écrite,

Subsidiairement,

- débouter la société Axa France Iard de ses demandes au motif que la clause d'exclusion n'est pas applicable en l'espèce et qu'elle ne respecte pas les exigences de l'article L.112-4 du code des assurances,

Faisant droit à l'appel incident de la société Open Bloc,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de Commerce de Nantes le 21 juin 2021 en ce qu'il a :

* ordonné le versement par la société Axa France Iard, à titre de provision, de la somme de 10 000 euros à la société Open Bloc,

* condamné la société Axa France Iard à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau

- dire que le contexte épidémique est une composante du sinistre et non un

facteur externe,

- condamner la société Axa France Iard à lui payer à titre provisionnel la somme de 69 000 euros,

- condamner la société Axa France Iard à lui payer à titre provisionnel la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de 1ère instance,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,

En tout état de cause,

- condamner la société Axa France Iard à lui verser la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles devant la cour conformément à l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel conformément à l'article 699 du code de procédure civile,



L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 janvier 2023.






MOTIFS DE LA DÉCISION



La société Axa France Iard demande à la cour de valider la clause d'exclusion mentionnée au contrat qui ne permet pas à l'assurée d'être garantie en l'espèce, s'agissant d'une fermeture collective d'établissements ordonnée par l'arrêté du 14 mars 2020 et le décret du 29 octobre 2020 pour lutter contre l'épidémie de Covid-19.

Elle affirme tout d'abord que l'assurée a parfaitement compris la portée de cette clause, l'exclusion étant claire et ne nécessitant aucune interprétation.

Elle fait valoir que les critères d'application de la clause au nombre de trois sont très précis :

- critère de nombre (s'applique si plus d'un établissement fait l'objet d'une fermeture),

- critère territorial (le nombre d'établissements s'apprécie à l'échelle départementale),

- critère causal (la fermeture des établissements doit avoir une cause identique).

Elle soutient que l'absence de définition du terme 'épidémie' n'affecte pas la validité de la clause d'exclusion, cette notion étant sans pertinence pour apprécier le caractère formel de cette clause.

Rappelant que le caractère limité d'une clause d'exclusion s'apprécie non pas en considération de ce qu'elle exclut mais de ce qu'elle garantit après sa mise en oeuvre, elle soutient ensuite que cette clause est limitée au sens de l'article L.113-1 du code des assurances et ne vide pas de sa substance l'obligation essentielle souscrite par l'assurée, car une épidémie peut être la cause de la fermeture administrative d'un unique établissement, que la commune intention des parties lors de la souscription du contrat n'était pas de couvrir le risque d'une fermeture généralisée à l'ensemble du territoire, risque totalement imprévisible à l'époque, mais de couvrir les aléas inhérents à l'exploitation d'un restaurant exposés à des risques biologiques.

Enfin, elle fait valoir que cette clause répond au formalisme exigé par l'article L 112-4 du code des assurances, étant rédigée en lettres majuscules, en grand format et détachée des paragraphes précédents.



La société Open Bloc soutient, à titre préliminaire, que la clause n'est pas applicable en l'espèce au motif qu'à la date de l'arrêté de fermeture administrative soit le 14 mars 2020, aucun autre établissement ne faisait l'objet d'une mesure de fermeture pour une cause identique, la fermeture effective des établissements n'ayant eu lieu que le 16 mars 2020.

Elle prétend que la clause d'exclusion qui lui est opposée n'est pas valable, étant contraire aux dispositions de l'article L.112-4 du code des assurances, et inopposable au regard des dispositions de l'article L.113-1 du même code.

Elle relève que la clause n'est pas soulignée ou en caractères gras, et observe que la nouvelle clause proposée par l'assureur dans ses nouvelles conditions générales est désormais écrite en gras et encadrée en couleurs.

Elle soutient ensuite que la clause n'est pas claire à la souscription, qu'elle n'est pas un professionnel de la restauration et que la clause nécessite une interprétation, étant imprécise, concernant notamment :

- la notion de ' cause identique' qui renvoie, selon elle, à la clause principale d'où il s'ensuit que la clause d'exclusion doit être analysée au regard de l'extension de garantie, ce qui nécessite de définir les causes mentionnées dans l'extension de garantie afin de pouvoir apprécier l'identité de cause,

- la notion 'd'épidémie' qui n'est pas définie et dont il convient de savoir s'il s'agit d'une même épidémie.

Elle ajoute que la société Axa France Iard procède à une interprétation en distinguant les fermetures collectives qui sont exclues par la clause litigieuse des fermetures individuelles alors que cette précision ne figure pas dans les polices d'assurances.

La société Open Bloc fait également valoir que la clause d'exclusion n'est pas limitée. Elle indique que l'exclusion doit avoir un contenu parfaitement déterminé et soutient que le terme d' 'épidémie' doit être défini afin de connaître le champ de la garantie avant et après la mise en oeuvre de la clause d'exclusion. Elle demande que la cour fasse application des dispositions de l'article 1188 alinéa 2 du code civil et l'application d'une lecture du terme 'épidémie' selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.

Elle considère que la clause d'exclusion litigieuse revient à vider de sa substance la garantie 'pertes d'exploitation' et demande de confirmer le jugement entrepris qui a considéré que cette clause devait être réputée comme non écrite au visa de l'article 1170 du code civil.



Il est rappelé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de 'constater', 'donner acte', 'dire et juger' qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d'entraîner des conséquences juridiques au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise de moyens développés dans le corps des conclusions qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.



Au visa de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige, devenu l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.



Les conditions particulières du contrat conclu entre la société Axa France Iard et la société Open Bloc prévoient, en pages 5 et 6, la protection financière intitulée : 'PERTE D'EXPLOITATION SUITE À FERMETURE ADMINISTRATIVE '

Cette garantie est rédigée comme suit :

La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même,

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.

Durée et limite de la garantie :...

SONT EXCLUES :

LES PERTES D'EXPLOITATION LORSQUE, À LA DATE DE LA DÉCISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ÉTABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT LA NATURE ET SON ACTIVITÉ, FAIT L'OBJET, SUR LE MÊME TERRITOIRE DÉPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ÉTABLISSEMENT ASSURÉ, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE.



A titre préliminaire, il convient de relever que l'arrêté du 14 mars 2020 a prévu expressément la date d'entrée en vigueur de la fermeture des établissements le 16 mars 2020 de sorte que ce moyen n'est pas justifié.



* Sur le formalisme de la clause



Aux termes des dispositions de l'article L.112-4 du code des assurances, les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.



Cet article n'impose aucune forme d'impression particulière.



En l'espèce, la clause d'exclusion litigieuse est mentionnée dans les seules conditions particulières dans le paragraphe ' perte d'exploitation suite à fermeture administrative', immédiatement après la définition de cette garantie et de sa durée.

Elle est rédigée en majuscules, précédée des termes 'SONT EXCLUS' également en majuscules, alors que le reste de la clause est rédigé en minuscules. Si la clause n'est pas rédigée en caractère gras ni encadré de couleur, elle est toutefois nettement visible puisqu'elle est dans une typographie différente du reste du contrat.



De part son caractère très apparent, cette clause d'exclusion ne peut échapper à la lecture de l'assuré.



La cour considère qu'elle respecte le formalisme légal de l'article L.112-4 du code des assurances.



* Sur la clause d'exclusion



Il résulte de l'article L.113-1 alinéa 1 du code des assurances que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.



Il convient de rappeler que les clauses d'exclusion de garantie doivent être

formelles et limitées, de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie. Pour être formelle et limitée, la clause doit se référer à des faits, circonstances ou obligations définies avec précision et ne doit pas avoir à être interprétée.



En l'espèce, la garantie couvre le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.



La circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'étant pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement fait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, l'ambiguïté alléguée du terme 'épidémie' est sans incidence sur la compréhension, par l'assurée, des cas dans lesquels l'exclusion s'applique.



Ce qui provoque l'exclusion, en application de la clause, est la fermeture d'un autre 'établissement', au sein d'un 'même département' pour une 'cause identique' de sorte que la définition du mot 'épidémie' ou son interprétation au sens d'une personne raisonnable placée dans la même situation au visa de l'article 1188 alinéa 2 du code civil est sans incidence.



S'agissant de la notion de cause identique, ce critère renvoie aux causes de fermeture administrative précisément énumérées dans les conditions de garanties et qui sont 'une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication', termes employés au singulier, et donc à un événement précis et identifiable.



En l'espèce, même si l'activité principale de la société Open Bloc est l'escalade en salle, il n'en demeure pas moins qu'elle exerce également une activité de restauration, tel que cela figure sur l'extrait Kbis, et est donc également un professionnel de la restauration qui est soumis à de nombreuses règles d'hygiène et à des périls sanitaires susceptibles d'entraîner la fermeture administrative individuelle de l'établissement de sorte qu'elle n'a pu se méprendre sur la portée de la clause d'exclusion lors de la souscription de son contrat.



Le moyen selon lequel, au regard de la notion d'épidémie, la clause d'exclusion, telle que rédigée, vide de sa substance la garantie accordée, n'emporte pas conviction.



En effet, la cour rappelle tout d'abord que la garantie couvre le risque de pertes d'exploitation consécutives, à la fermeture administrative en raison non seulement d'une épidémie, mais aussi d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide ou d'une intoxication. Ainsi, l'exclusion considérée, laisse dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion.



S'agissant de la cause de fermeture tenant à une épidémie, la définition de l'épidémie invoquée par l'intimée est celle donnée par Le Littré qu'elle ne produit pas.

Le Larousse la définit comme le développement et la propagation rapide d'une maladie contagieuse, le plus souvent d'origine infectieuse, dans une population.

Le Robert indique qu'il s'agit de l'apparition et de la propagation d'une maladie infectieuse qui frappe en même temps et en un même endroit un grand nombre de personnes, d'animaux (épizootie) ou de plantes(épiphytie).

L'Académie française la définit comme l'apparition et la propagation d'une maladie contagieuse qui atteint en même temps, dans une région donnée, un grand nombre d'individus, par la métonymie, cette maladie elle-même.



La société Axa France Iard justifie qu'une épidémie peut ne toucher qu'un seul établissement notamment en cas de salmonellose, légionellose, listériose. A ce titre, elle produit aux débats le rapport de Santé Publique France qui rapporte plusieurs centaines de TIAC déclarées par des restaurateurs mais également le cas d'un traiteur parisien fermé pour cause d'épidémie de salmonellose, d'un boucher-traiteur à [Localité 5] fermé pour cause d'épidémie de listériose, d'un établissement franc-comtois fermé pour cause d'épidémie de listériose et d'un restaurant parisien fermé pour cause de fièvre typhoïde.



De plus, les dispositions de l'article L.3131-1 du code de la santé publique permettent à l'autorité administrative de prendre des mesures individuelles en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, ce qui justifie également qu'une fermeture administrative individuelle peut être ordonnée si les autorités de l'Etat estiment qu'elle est suffisante pour enrayer la propagation d'une épidémie.



L'intimée ne peut ainsi soutenir qu'une fermeture administrative individuelle causée par une épidémie est impossible.



Dès lors, la clause d'exclusion, telle que rédigée ne vide pas la garantie de sa substance.



En conséquence, la cour considère que cette clause présente un caractère formel et limité et répond parfaitement aux exigences de l'article L.113-1 du code des assurances.



La société Axa France Iard est fondée à s'en prévaloir pour refuser la garantie perte exploitation suite à une fermeture administrative, dans la mesure où la fermeture dont a fait l'objet la société Open Bloc, résultant de l'arrêté ministériel du 14 mars 2020 et du décret du 29 octobre 2020 a affecté d'autres établissements dans le département de Loire-Atlantique.



Le jugement déféré est infirmé et la société Open Bloc est déboutée de ses demandes d'indemnisation de provisions et d'expertise. Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société Axa France Iard de voir annuler la mesure d'expertise, le jugement, qui a notamment ordonné cette mesure, étant intégralement réformé.



De même, un arrêt infirmatif constituant le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution d'un jugement infirmé, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de restitution des sommes perçues au titre de l'exécution du jugement du 21 juin 2021.



L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les dispositions de ce chef du jugement sont infirmées, la société Open Bloc déboutée de ses demandes formées de ce chef en première instance et en appel, comme la société Axa France Iard, et l'intimée est condamnée aux entiers dépens.















PAR CES MOTIFS



La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :



Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;



Statuant à nouveau,



Déboute la société Open Bloc de l'intégralité de ses demandes ;



Y ajoutant,



Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré à la cour.



Déboute les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Déboute la société Axa France Iard de sa demande de voir condamner la société Open Bloc à lui restituer les sommes perçues au titre de l'exécution du jugement déféré et de voir annuler la demande d'expertise judiciaire ordonnée par le jugement déféré ;



Condamne la société Open Bloc aux dépens de première instance et d'appel.



Le Greffier La Présidente

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