15 mars 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-18.219

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C100255

Texte de la décision

CIV. 1

COUR DE CASSATION



CF


______________________

QUESTIONS PRIORITAIRES
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 15 mars 2023




NON-LIEU A RENVOI


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 255 F-D

Pourvoi n° G 22-18.219




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 MARS 2023

Par mémoire spécial présenté le 19 décembre 2022, M. [Y] [R] [X], domicilié [Adresse 4]), a formulé des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° G 22-18.219 qu'il a formé contre l'arrêt rendu le 5 avril 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 5), dans une instance l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 1]

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de Me Isabelle Galy, avocat de M. [R] [X], et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. M. [Y] [G] [R] [X], se disant né le 4 juin 1964 à [Localité 2], revendique la nationalité française en tant que fils de [N] [R] [X], né à [Localité 2] en 1935, de nationalité française et de Mme [D] [L] [U] [H], veuve [R] [X], se disant née en 1937 à [Localité 3] (Ethiopie), ayant acquis la nationalité française du fait de son mariage avec celui-ci dans le territoire français des Afars et des Issas.

2. Un certificat de nationalité française lui ayant été refusé, il a engagé une action déclaratoire de nationalité.

Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

3. A l'occasion du pourvoi qu'il a formé contre l'arrêt rendu le 05 avril 2022 par la cour d'appel de Paris, M. [Y] [G] [R] [X] a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :

« 1°) La loi n° 77-625 du 20 juin 1977 relative à l'indépendance du territoire français des Afars et des Issas, en ses articles 3, 4 et 5, prévoyant que les personnes originaires du territoire français des Afars et des Issas pourront se voir reconnaître la nationalité française par déclaration à la condition d'avoir établi leur domicile à la date du 8 mai 1977 dans le territoire de la République française à l'exception du territoire français des Afars et des Issas et de l'y avoir conservé, en ce qu'elle soumet la faculté de déposer une déclaration de nationalité à une exigence de domiciliation rétroactive, sans motif d'intérêt général suffisant, porte-t-elle atteinte au principe de la garantie des droits, au principe de la proportionnalité et à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 ?

2°) La loi n° 77-625 du 20 juin 1977 relative à l'indépendance du territoire français des Afars et des Issas, en ses articles 3, 4 et 5, prévoyant que les personnes originaires du territoire français des Afars et des Issas pourront se voir reconnaître la nationalité française par déclaration à la condition d'avoir établi leur domicile à la date du 8 mai 1977 dans le territoire de la République française à l'exception du territoire français des Afars et des Issas et de l'y avoir conservé, en ce qu'elle établit une différence de traitement au regard de la reconnaissance de la nationalité française entre les personnes originaires de ce territoire selon le lieu de leur domicile à la date du 8 mai 1977, porte-t-elle atteinte au principe d'égalité et aux articles 1er, 8 et 13 de la Déclaration de 1789 et à l'article 1er de la Constitution de 1958, garantissant le principe d'égalité devant la loi ?

3°) La loi n° 77-625 du 20 juin 1977 relative à l'indépendance du territoire français des Afars et des Issas, en ses articles 3, 4 et 5, prévoyant que "les Français originaires du territoire de la République française tel qu'il sera constitué le 28 juin 1977" conservent de plein droit cette nationalité, tandis que "les personnes originaires du territoire des Afars et des Issas" ne pourront se faire reconnaître cette nationalité que par déclaration, à la condition d'avoir établi leur domicile à la date du 8 mai 1977 dans le territoire de la République française à l'exception du territoire des Afars et des Issas, en distinguant entre deux catégories de Français selon des critères ethniques et religieux, porte-t-elle atteinte au principe d'égalité et aux articles 1er, 8 et 13 de la Déclaration de 1789 et à l'article 1er de la Constitution de 1958, garantissant le principe d'égalité devant la loi ? ».

Examen des questions prioritaires de constitutionnalité

4. Les dispositions contestées sont applicables au litige, qui concerne le refus de reconnaissance de la nationalité française à défaut de satisfaire aux conditions prévues par les articles 3, 4 et 5 de la loi n° 77-625 du 20 juin 1977 relative à l'indépendance du territoire français des Afars et des Issas.

5. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

6. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

7. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.

8. En effet, le fait pour la loi du 20 juin 1977 d'avoir subordonné la faculté de souscrire une déclaration de nationalité à l'existence d'un domicile fixé sur le territoire de la République française à la date du 8 mai 1977 ne caractérise pas une application rétroactive de la loi.

9. Ensuite, la différence de traitement au regard de la reconnaissance de la nationalité française entre les personnes originaires du territoire français des Afars et des Issas selon le lieu de leur domicile à la date du 8 mai 1977, repose sur un critère objectif caractérisant une différence de situation entre les personnes ayant entendu fixer leur résidence effective présentant un caractère stable et permanent et coïncidant avec le centre de leurs attaches familiales et de leurs occupations professionnelles sur le territoire de la République française et les autres.

10. Enfin, les dispositions légales critiquées, fussent-elles fondées sur l'origine, découlent nécessairement de l'accession à l'indépendance du territoire des Afars et des Issas, laquelle ne pouvait que conduire, dans un but d'intérêt général, à distinguer la population restant de plein droit celle de la République française de celle du nouvel Etat indépendant, et n'ont pas pour effet de soumettre à un traitement différent des personnes placées dans une situation identique.

11. Il résulte de ce qui précède que les articles 3, 4 et 5 de la loi n° 77-625 du 20 juin 1977 ne méconnaissent ni le principe de la garantie des droits, le principe de la proportionnalité, l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, ni le principe d'égalité, les articles 1er, 8 et 13 de la Déclaration de 1789 et l'article 1er de la Constitution de 1958.

12. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer les questions au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille vingt-trois.

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