9 mars 2023
Cour d'appel de Grenoble
RG n° 21/05334

Chambre Commerciale

Texte de la décision

N° RG 21/05334 - N° Portalis DBVM-V-B7F-LFJW





C4



Minute N°





































































Copie exécutoire

délivrée le :







la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY



la SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 09 MARS 2023





Appel d'un jugement (N° RG 2020J346)

rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 17 décembre 2021

suivant déclaration d'appel du 23 décembre 2021



APPELANTE :

S.A. AXA FRANCE IARD immatriculée sous le numéro 722 057 460 au

Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre, agissant poursuite et diligences de son Président-Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me KAPITAN de la SELARL ORMEN PASSEMARD, avocat au barreau de PARIS



INTIMÉE :

S.A.R.L. LGR immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le numéro 793 591 298, prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me David ROGUET de la SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me MOLLARD, avocat au barreau de GRENOBLE





COMPOSITION DE LA COUR :



LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,



Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière





DÉBATS :



A l'audience publique du 14 décembre 2022, M. BRUNO conseiller, a été entendu en son rapport,




Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et Me KAPITAN en sa plaidoirie,



Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,













Faits et procédure:



1. La société LGR exploite un fonds de commerce de restauration-pizzeria, sous l'enseigne Pizzeria des [Adresse 5] à [Localité 3]. Elle a souscrit, le 2 octobre 2014, un contrat d'assurance multirisque professionnelle auprès de la compagnie d'assurance Axa France Iard afin de couvrir ses activités. Ce contrat comporte une clause de garantie «pertes d'exploitation» suite à une fermeture administrative, nécessitant, pour sa mise en 'uvre, la réunion de deux conditions':



- une décision de fermeture prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à l'assuré';

- cette décision devant être conséquence d'une maladie contagieuse. d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.



2. A compter du 15 mars 2020, en application de l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, l'accueil du public a été interdit dans les restaurants. La société LGR a ainsi été contrainte de fermer au public le restaurant qu'elle exploite jusqu'au 2 juin 2020.



3. Le 27 mai 2020, la société LGR a déclaré à son assureur son sinistre de perte d'exploitation pour la période du 15 mars au 2 juin 2020. La perte de marge brute a été évaluée par son expert-comptable à 76.871 euros.



4. Le 23 avril 2020, la société Axa France Iard a opposé un refus de garantie, et a refusé de prendre en charge les pertes d'exploitation, en raison de la clause d'exclusion figurant dans les conditions particulières, précisant que "sont exclues les pertes d'exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement de l'assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique".



5. La société LGR a en conséquence saisi le tribunal de commerce de Grenoble par assignation du 17 septembre 2020, afin d'obtenir, notamment, le paiement de 76.871 euros à titre de provision, outre 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.



6. Par jugement du 17 décembre 2021, le tribunal de commerce de Grenoble a':



- accepté les pièces et les dossiers de plaidoiries déposés tardivement';

- accepté «'la pièce et conclusions n°2'» déposées par la société LGR à l'audience';

- constaté que l'exclusion de garantie visée par la société Axa France Iard est nulle';

- condamné la société Axa France Iard au versement d'une somme provisionnelle de 79.275 euros à la société LGR, à titre de provision à valoir sur les pertes d'exploitation qu'elle a subies du fait de la fermeture de son établissement, majorée des intérêts au taux légal courant à compter de la délivrance de l'assignation';

- fait droit à la demande d'expertise judiciaire';

- désigné comme expert madame [L], avec pour mission :

* d'évaluer la perte de marge subie par la société LGR pour les périodes des 14 mars au 2 juin 2020, et du 29 octobre 2020 au 19 juin 2021, en fonction de la définition donnée par les conditions générales d'assurance';

* de se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par la demanderesse et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années';

* d'entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties, le calendrier possible de la suite de ses opérations';

* d'examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur une période maximum de trois mois;

* de donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires - charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées';

- débouté la société LGR de sa demande de condamnation d'astreinte pour mise en oeuvre de la procédure d'expertise';

- fixé à 4.000 euros le montant de la provision à consigner par la société Axa France Iard avant le 17 janvier 2022 au greffe de ce tribunal, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile';

- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera considéré que la désignation de l'expert sera caduque (article 271 du code de procédure civile)';

- dit que lors de sa première réunion laquelle devra se dérouler dans un délai maximum de 2 mois à compter de la consignation de la provision, l'expert devra après débat contradictoire avec les parties, soumettre au juge chargé du dossier ce qu'il aura retenu pour ce qui concerne la méthodologie qu'il compte mettre en oeuvre, le calendrier détaillé de ses investigations, d'où il découlera la date de dépôt de son rapport et le montant prévisible de ses honoraires, de ses frais et débours, lequel juge rendra, s'il y a lieu, une ordonnance complémentaire fixant le montant de la provision complémentaire dans les conditions de l'article 280 du code de procédure civile, et s'il y a lieu accordera une prorogation du délai pour le dépôt du dossier';

- dit que lors de cette première réunion, l'expert fixera un délai pour les appels éventuels en intervention forcée de toutes les parties dans la cause';

- dit que si les parties ne parviennent pas à composition entre elles, et sauf contrariété avec le paragraphe précédent, le rapport de l'expert devra être déposé au greffe de ce tribunal, dans le délai de 6 mois à compter de la consignation de la provision fixée ci-dessus';

- sursis à statuer sur le montant définitif de l'indemnisation pour perte d'exploitation dans l'attente du rapport de l'expert';

- débouté la société LGR de sa demande de condamnation pour résistance abusive';

- condamné la société Axa France lard au versement de la somme de 1.500 euros au profit de la société LGR au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

- ordonné l'exécution provisoire';

- débouté les parties de leurs autres demandes';

- condamner la société Axa France Iard aux dépens.



7. La société Axa France Iard a interjeté appel de cette décision le 23 décembre 2021, en ce qu'elle a':



- constaté que l'exclusion de garantie visée par la société Axa France Iard est nulle';

- condamné la société Axa France Iard au versement d'une somme provisionnelle de 79.275 euros à la société LGR, à titre de provision à valoir sur les pertes d'exploitation qu'elle a subies du fait de la fermeture de son établissement, majorée des intérêts au taux légal courant à compter de la délivrance de l'assignation';

- fait droit à la demande d'expertise judiciaire';

- désigné comme expert madame [L], avec pour mission :

* d'évaluer la perte de marge subie par la société LGR pour les périodes des 14 mars au 2 juin 2020, et du 29 octobre 2020 au 19 juin 2021, en fonction de la définition donnée par les conditions générales d'assurance';

* de se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par la demanderesse et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années';

* d'entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties, le calendrier possible de la suite de ses opérations';

* d'examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur une période maximum de trois mois;

* de donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires - charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées';

- débouté la société LGR de sa demande de condamnation d'astreinte pour mise en oeuvre de la procédure d'expertise';

- fixé à 4.000 euros le montant de la provision à consigner par la société Axa France Iard avant le 17 janvier 2022 au greffe de ce tribunal, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile';

- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera considéré que la désignation de l'expert sera caduque (article 271 du code de procédure civile)';

- dit que lors de sa première réunion laquelle devra se dérouler dans un délai maximum de 2 mois à compter de la consignation de la provision, l'expert devra après débat contradictoire avec les parties, soumettre au juge chargé du dossier ce qu'il aura retenu pour ce qui concerne la méthodologie qu'il compte mettre en oeuvre, le calendrier détaillé de ses investigations, d'où il découlera la date de dépôt de son rapport et le montant prévisible de ses honoraires, de ses frais et débours, lequel juge rendra, s'il y a lieu, une ordonnance complémentaire fixant le montant de la provision complémentaire dans les conditions de l'article 280 du code de procédure civile, et s'il y a lieu accordera une prorogation du délai pour le dépôt du dossier';

- dit que lors de cette première réunion, l'expert fixera un délai pour les appels éventuels en intervention forcée de toutes les parties dans la cause';

- dit que si les parties ne parviennent pas à composition entre elles, et sauf contrariété avec le paragraphe précédent, le rapport de l'expert devra être déposé au greffe de ce tribunal, dans le délai de 6 mois à compter de la consignation de la provision fixée ci-dessus';

- sursis à statuer sur le montant définitif de l'indemnisation pour perte d'exploitation dans l'attente du rapport de l'expert';

- débouté la société LGR de sa demande de condamnation pour résistance abusive';

- condamné la société Axa France lard au versement de la somme de 1.500 euros au profit de la société LGR au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

- ordonné l'exécution provisoire';

- débouté les parties de leurs autres demandes';

- condamner la société Axa France Iard aux dépens.





L'instruction de cette procédure a été clôturée le 10 novembre 2022.





Prétentions et moyens de la société Axa France Iard':



8. Selon ses conclusions remises le 4 novembre 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 1103, 1170 et 1188 et suivants du code civil, L. 113-1 et L. 121-1 du code des assurances':



- de déclarer son appel recevable et bien-fondé';

- à titre principal, d'infirmer le jugement déféré selon les termes de son acte d'appel';

- de l'infirmer en ce qu'il a débouté la concluante de ses demandes tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion ;





- statuant à nouveau, de juger que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est applicable en l'espèce;

- de juger que la clause d'exclusion est formelle';

- de juger que la clause d'exclusion est limitée, qu'elle ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle de sa substance';

- en conséquence, de déclarer applicable la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie;

- de débouter la société LGR de l'ensemble de ses demandes de condamnation à l'encontre de la concluante, et la condamner à restituer les sommes perçues en vertu du jugement du 17 décembre 2021';

- d'ordonner la restitution par la société LGR de l'intégralité de la provision qui lui a été allouée par le tribunal de commerce de Grenoble;

- d'annuler la mesure d'expertise ordonnée par le tribunal de commerce de Grenoble';

- à titre subsidiaire, de fixer la mission de l'expert désigné par le tribunal de commerce de Grenoble comme suit :

' se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par l'assurée et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années ;

' entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations ;

' examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur les périodes d'indemnisation consécutives aux fermetures de l'établissement et en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable ;

' donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires ' charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées ;

' donner son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'assurée ;

' donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars et le 29 octobre 2020';

- en tout état de cause, de débouter la société LGR de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

- de condamner la société LGR à payer à la concluante la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.



L'appelante expose':



9. - que la déclaration de sinistre a été faite en application d'un contrat d'assurance multirisque professionnelle, se composant de conditions générales et de conditions particulières'; que ces dernières prévoient une extension de la garantie des pertes d'exploitation en présence d'une fermeture administrative (pages 5 et 6), avec une période d'indemnisation limitée à 3 mois maximum, et un plafond d'indemnisation limité à 300 fois l'indice, soit 298.530 euros, avec une franchise de 3 jours ouvrés';



10. - que l'extension de garantie est rédigée de la façon suivante:



- la garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

«'1. la décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même';

«'2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication. ['] »';



11. - que cette extension de garantie est néanmoins assortie de la clause d'exclusion suivante : « sont exclues les pertes d'exploitation, lorsque à la date de décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique';



12. - qu'une clause d'exclusion revêt un caractère formel, en application de l'article L. 113-1 du code des assurances, lorsqu'elle est dépourvue d'ambiguïté'; que ce caractère formel s'apprécie uniquement par rapport à la clarté des termes et des critères d'application que cette clause comprend, ainsi que prévu à l'article L.113-1 du code des assurances'; que ce caractère formel ne doit pas s'apprécier par rapport aux clauses définissant l'objet de la garantie ou encore des conditions de garantie car ce mécanisme d'interprétation relève du droit commun des contrats, qui n'est en l'espèce pas applicable, ainsi qu'énoncé à l'article 1105 alinéa 3 du code civil, selon lequel les règles générales s'appliquent sous réserve des règles particulières';



13. - qu'en conséquence, le tribunal ne pouvait pas faire usage de l'article 1190 du code civil en appréciant le caractère formel de la clause d'exclusion'; que s'il a jugé que l'absence de définition du terme « épidémie », pourtant seulement employé au titre des conditions de garantie, rendrait imprécise la clause d'exclusion de sorte qu'elle ne serait pas formelle, cependant, la clause d'exclusion porte seulement sur le risque de fermeture administrative assuré ' son périmètre notamment ' et en aucun cas sur la notion d'épidémie, ses modalités de survenance ou encore son étendue'; que cette exclusion est claire et n'a pas à faire l'objet d'une interprétation, ne laissant place à aucune incertitude quant à la volonté de l'assureur d'écarter la garantie lorsque la fermeture administrative affecte concomitamment, dans le même département, un autre établissement pour une cause identique, et donc lorsqu'une même épidémie entraîne la fermeture administrative d'un autre établissement'; que la mention « quelle que soit sa nature et son activité» permet ainsi à l'assuré de bien comprendre l'étendue de l'exclusion, à savoir que la fermeture de tout autre établissement quel qu'il soit écartera l'application de la garantie lorsque cette fermeture, dans le même département, résultera d'une cause identique';



14. - que cette exclusion était compréhensible par l'assurée lors de la souscription du contrat, alors qu'en sa qualité de professionnelle de la restauration soumise à de nombreuses règles d'hygiène, l'intimée n'ignorait pas les périls sanitaires susceptibles de se traduire dans le cadre de son activité par des épidémies «localisées», et par la fermeture administrative individuelle de son établissement'; que la couverture de ce risque, notamment concernant la salmonellose, constitue la cause de l'engagement, ce type d'infection étant rencontrée à 41'% par les professionnels de la restauration commerciale, alors que l'épidémie Covid 19 n'était jamais survenue en France, de sorte que le restaurateur n'a pu se préoccuper d'obtenir une couverture pour un risque auquel son secteur d'activité n'avait jamais été exposé';



15. - qu'il ne peut être fait grief à la concluante de ne pas avoir défini le terme «'épidémie'», puisque le critère de l'exclusion réside seulement dans la nature isolée de la fermeture administrative; ainsi, que trois critères sont nécessaires pour l'application de l'exclusion, à savoir plus d'un établissement faisant l'objet d'une fermeture administrative, dans le même département, et pour une cause identique, sans qu'il soit nécessaire d'apprécier le terme d'épidémie, puisque ce n'est pas sa nature, et ainsi sa définition, qui importe; que ces critères ne nécessitent aucune interprétation';



16. - que si la concluante a proposé un avenant ultérieurement, cela ne remet pas en cause la clarté de la clause d'exclusion'; que les assureurs ont été informés par leurs réassureurs que ces derniers n'entendaient plus couvrir à l'avenir le moindre risque lié à une épidémie', même ne concernant qu'un seul établissement, ce qui a imposé une réécriture des contrats, afin d'exclure toute épidémie, pandémie ou maladie contagieuse ;



17. - que si le tribunal de commerce a jugé qu'une épidémie entraînerait nécessairement la fermeture de plusieurs établissements au sein d'un même département, de sorte que la clause d'exclusion viderait de sa substance la garantie donnée par la concluante, cependant, l'objet de l'extension n'est pas la couverture d'une épidémie, mais la conséquence d'une fermeture administrative'; que la survenue d'une épidémie ne crée ainsi aucune obligation à l'égard de l'assureur';



18. - qu'un seul établissement peut faire l'objet d'une fermeture administrative pour cause d'épidémie'; que la loi prévoit ainsi des mesures isolées, comme cela a été le cas lors de la crise sanitaire'; qu'il en est ainsi dans le cas d'une infection alimentaire ne concernant qu'un seul établissement'; que le risque de fermeture administrative isolée n'est pas ainsi illusoire'; qu'au sens usuel, une épidémie est caractérisée par l'apparition d'un grand nombre de cas d'une maladie infectieuse transmissible, ou accroissement considérable des cas dans une région donnée ou au sein d'une collectivité ou par le développement et la propagation rapide d'une maladie contagieuse, le plus souvent d'origine infectieuse, dans une population, selon les définitions données par des dictionnaires d'usage courant; que le terme de «'population'» correspond à l'ensemble des personnes occupant un lieu quelconque'; qu'une épidémie ne se mesure donc pas nécessairement à l'échelle d'un pays, d'une région, d'un département ou d'une localité, mais peut ne concerner qu'un établissement isolé, ainsi en cas de salmonellose ou de légionellose, alors que les autorités ont le pouvoir d'adopter des mesures de fermeture administrative isolée, l'article L. 3131-1 du code de la santé publique obligeant l'autorité publique à prendre des mesures proportionnées, et notamment individuelles;



19. - que l'extension de garantie souscrite a également vocation à être mobilisée lorsque le foyer d'une épidémie se trouve à l'extérieur de l'établissement assuré'; que le critère d'application de la clause d'exclusion tient seulement à la nature isolée de la fermeture administrative, ou encore à l'impossibilité pour la concluante de rapporter la preuve de la fermeture administrative d'un autre établissement dans le département lié à la même épidémie'; que la perception usuelle de la notion d'épidémie n'est pas de nature à remettre en cause le caractère limité de la clause d'exclusion puisqu'une fermeture administrative « individuelle » d'un établissement peut également résulter d'une épidémie généralisée à tout un département, comme par exemple après la découverte d'un « cluster » dans le cadre de la Covid-19';



20. - que la commune intention des parties réside dans leur volonté de couvrir les conséquences de la fermeture administrative isolée de l'établissement assuré et non pas dans la couverture des conséquences d'une fermeture généralisée'; que l'article 1190 du code civil est applicable, si préalablement, le juge n'a pas pu déceler la commune intention des parties, ainsi qu'il est énoncé à l'article 1188';



21. - qu'une mesure de fermeture administrative généralisée constitue un préjudice « anormal et spécial » dont les conséquences ne peuvent incomber à l'assureur, lequel n'a jamais entendu couvrir les conséquences d'un risque systémique, qui concernerait plusieurs établissements en même temps'; qu'un ou plusieurs assureurs ne pourraient assumer la charge de garantir l'ensemble des conséquences des décisions des autorités publiques, en l'occurrence les arrêtés et décrets prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19, afin de ralentir la propagation du virus'; qu'une telle



approche serait contraire avec le principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques'; que c'est à cette fin que l'État a mis en 'uvre un important dispositif d'aides pour juguler les conséquences des mesures de police administratives exceptionnelles imposées par le gouvernement';



22. - subsidiairement, que le jugement doit être infirmé concernant le montant de la provision allouée'; que le calcul des pertes d'exploitation est défini par les conditions générales'; que la mission de l'expert doit être précisée, afin de prendre en compte les facteurs externes, liés au confinement général de la population, de la conjoncture économique dégradée, puisque seules les pertes d'exploitation liées à la fermeture administratives sont couvertes'; qu'il convient ainsi de prendre en compte le contexte épidémique, qui a nécessairement eu pour effet d'entraîner une baisse du chiffre d'affaire de l'assurée indépendamment de toute fermeture administrative de son établissement'; qu'ainsi, une étude réalisée en Suède, pays qui n'a pas fait l'objet de mesure de fermeture, a démontré une baisse de volume des ventes de 40'%; qu'il convient de prendre en compte les chiffres d'affaires réalisés sur les périodes de mars à mai des années 2017 à 2019, afin de déterminer une tendance'; que l'intégralité des charges variables non supportées durant les fermetures ainsi que les aides et subventions perçues par l'assurée n'ont pas été prises en compte alors qu'elles doivent être déduites afin de respecter le principe indemnitaire, position reprise par le médiateur de l'assurance;



23. - concernant le rejet de la demande de l'intimée au titre d'une résistance abusive de la concluante, que de nombreuses juridictions ont statué dans le sens des observations de la concluante, alors qu'il n'est pas justifié d'un préjudice.





Prétentions et moyens de la société LGR':



24. Selon ses conclusions remises le 20 juin 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147, anciens du code civil, 1170 et 1190 du code civil, L.113-1 du code des assurances, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a:



- constaté que la clause d'exclusion soulevée par la société Axa France Iard est nulle';

- condamné la société Axa France Iard à payer à la concluante une somme provisionnelle de 79.257 euros à titre de provision à valoir sur les pertes d'exploitation qu'elle a subies du fait de la fermeture de son établissement, majorée des intérêts au taux légal courant à compter de la délivrance de l'assignation';

- fait droit à la demande d'expertise judiciaire, et désigné madame [L] en cette qualité, avec mission:

* d'évaluer les pertes de marge subies par la société LGR pour les périodes des 14 mars au 2 juin 2020, et 29 octobre 2020 au 19 juin 2021, en fonction de la définition donnée par les conditions générales d'assurance';

* de se faire communiquer tous les documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par la demanderesse et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitations sur les trois dernières années';

* d'entendre les parties ainsi que tout sachant, et évoquer, à l'issue de la dernière réunion, le calendrier possible de la suite des opérations';

* d'examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurances, sur une période maximale de trois mois';

* de donner son avis sur les pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires 'charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées';





- fixé à 4.000 euros le montant de la provision à consigner par la société Axa France Iard avant le 17 janvier 2022 au greffe de ce tribunal, par application des dispositions de l'article 269 du code civil';

- dit qu'à défaut de consignation dans le délai imparti, il sera considéré que la désignation de l'expert sera caduque';

- dit que lors de la première réunion laquelle devra se dérouler dans le délai maximum de deux mois à compter de la consignation, l'expert devra après débat contradictoire avec les parties, soumettre au juge chargé du dossier ce qu'il aura retenu pour ce qui concerne la méthodologie qu'il compte mettre en 'uvre, le calendrier détaillé de ses investigations, d'où il découlera la date de dépôt de son rapport, et le montant prévisible de ses honoraires, de ses frais et débours, lequel juge rendra, s'il y a lieu, une ordonnance complémentaire fixant le montant de la provision complémentaire dans les conditions de l'article 280 du code de procédure civile, et s'il y a lieu, accordera une prorogation du délai pour le dépôt du dossier';

- dit que lors de cette première réunion, l'expert fixera un délai pour les appels éventuels en intervention forcée de toutes les parties dans la cause';

- dit que si les parties ne parviennent pas à composition entre elles, et sauf contrariété avec le paragraphe précédent, le rapport de l'expert devra être déposé au greffe de ce tribunal dans le délai de 6 mois à compter de consignation de la provision fixée ci-dessus';

- sursis à statuer sur le montant définitif de l'indemnisation pour perte d'exploitation dans l'attente du rapport de l'expert';

- condamné la société Axa France Iard à payer à la société LGR une somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

- ordonné l'exécution provisoire du jugement à intervenir';

- condamné la société Axa France Iard aux dépens.



25. La société LGR demande à la cour, statuant à nouveau':



- de dire recevable mais non fondé l'appel relevé par la société Axa France Iard, et, en conséquence':

- de débouter la société Axa France Iard de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions';

- de juger que la clause d'exclusion n'est ni formelle, ni limitée';

- de juger que la clause d'exclusion vide l'extension de garantie souscrite de toute sa substance';

- en conséquence, de déclarer non applicable, non écrite et nulle la clause d'exclusion de garantie';

- de confirmer la mesure d'expertise judiciaire, avec la mission telle que définie par le tribunal';

- de déclarer recevable et bien fondé l'appel incident relevé par la concluante, et, y faisant droit';

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le montant de la provision allouée à la concluante à la somme de 76.871 euros, et de condamner la société Axa France Iard à payer à la concluante une somme de 184.976 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation';

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la concluante de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, et de condamner la société Axa France Iard à payer à la concluante une somme de 50.000 euros à ce titre';

- en tout état de cause, de condamner la SA Axa France Iard à verser à la concluante la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- de condamner l'appelante aux entiers dépens, de première instance et d'appel.



La société LGR soutient':



26. - que la concluante a souscrit une garantie perte d'exploitation précisément pour se prémunir d'une décision de fermeture administrative liée à « une maladie contagieuse, une épidémie ou une intoxication »'; qu'elle était loin de pouvoir imaginer que si survient une épidémie, ou une maladie contagieuse, entraînant la fermeture d'autres établissements dans le même secteur, le risque





ne pourra être couvert, alors même que, par définition, la maladie contagieuse ou l'épidémie nécessitant une fermeture administrative, a vocation à s'appliquer sur un territoire large'; qu'elle n'a pu imaginer qu'il lui sera alors opposé une exclusion de garantie fondée sur le fait que l'épidémie, grave au point qu'elle nécessite une décision de fermeture administrative, ne s'est pas cantonnée aux portes de son établissement';



27. - que par définition, une épidémie ou une maladie contagieuse a vocation à se répandre, d'autant plus qu'elle est grave au point de nécessiter une mesure de fermeture administrative'; qu'exclure la garantie dès lors que la contagion s'est étendue à d'autres établissements revient à vider de tout sens la garantie perte d'exploitation souscrite pour se prémunir contre ce type de risque'; que le caractère extrêmement général de la clause d'exclusion ne permet nullement d'imaginer qu'elle puisse s'appliquer à cette hypothèse';



28. - que contrairement à ce qu'expose l'appelante, pour apprécier le caractère formel de la clause d'exclusion et sa portée, il n'y a pas lieu de faire abstraction de la clause de garantie, les deux clauses étant interdépendantes et ne pouvant s'apprécier l'une sans l'autre'; que si la discussion portant sur la notion d'épidémie n'est effectivement présente dans la clause d'exclusion que par référence à la cause de la décision de fermeture, elle est déterminante pour apprécier la portée de l'exclusion, qui ne saurait être appréciée isolément'; qu'exposer que la garantie ne joue pas quand d'autres établissements sont également fermés en raison d'une épidémie reviendrait à vider de tout sens la clause, la notion d'épidémie impliquant nécessairement une propagation massive, ne se cantonnant pas à un seul établissement';



29. - que la clause d'exclusion manque ainsi de clarté, puisqu'en appréciant uniquement la clause d'exclusion, l'assuré ne peut comprendre que le terme « même cause » vise également le terme d'épidémie, puisque, par définition, et dans son esprit, cette notion implique une propagation, faute d'une définition contractuelle; que lors de la souscription du contrat, l'assuré n'a pas entendu le terme «'épidémie'» comme concernant une maladie bactérienne comme la salmonellose ou la listéria, mais également comme concernant toute infection épidémique virale indépendante des produits alimentaires vendus'; que c'est ainsi à juste titre que le tribunal a retenu que la clause n'est pas formelle car ne contenant pas la définition de la notion d'épidémie';



30. - que la notion de « cause identique » pose également problème, puisque dans l'acception courante du terme « épidémie », il n'est pas possible que ce terme ne vise qu'un seul établissement, dès lors que l'épidémie entraîne nécessairement une propagation généralisée';



31. - que cette clause d'exclusion prive la garantie de sa substance essentielle, une épidémie entraînant nécessairement la fermeture de plusieurs établissements au sein d'un même département'; que l'article 1170 du code civil dispose que toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite, alors qu'en application de l'article L113-1 du code des assurances, une clause est non limitée et donc nulle lorsqu'elle est générale au point de supprimer toute hypothèse de garantie du risque'; qu'en l'espèce, le contrat garantit une épidémie entraînant une fermeture administrative, alors que ce terme implique une propagation, de sorte qu'il est contradictoire de l'associer à la fermeture d'un seul établissement'; qu'en application de l'article 1188 du code civil, le contrat s'interprète selon la commune intention des parties, et, si elle ne peut être décelée, selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation'; que l'appelante ne peut ainsi soutenir qu'il convient d'appliquer non le sens usuel ou scientifique, mais le sens exact du terme d'épidémie'; ainsi, que pour le commun







des mortels, dont font partie les restaurateurs, une épidémie est une affection de

grande ampleur, touchant une majeure partie de la population'; qu'exclure une indemnisation lorsque l'épidémie touche plusieurs établissements sur le même secteur revient à vider de tout contenu la garantie';



32. - concernant la modification de la mission confiée à l'expert judiciaire, que le tribunal a demandé qu'il détermine le montant de l'indemnisation en application des dispositions contractuelles, de sorte que le jugement déféré n'encourt pas de critique'; que c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la prise en compte des facteurs externes, qui ne sont pas définis par les conditions générales ; qu'en raison de l'origine de la mesure de fermeture, il a justement estimé que la baisse de fréquentation liée à l'épidémie n'avait pas à être prise en compte';



33. - concernant la provision allouée par le tribunal, que l'expert-comptable de la concluante a, avant l'audience, établi une perte de marge brute de 184.976 euros'; que la provision allouée doit ainsi être portée à cette hauteur';



34. - que l'appelante résiste bien abusivement, en raison du caractère confus de ses propres clauses, alors que la concluante s'est retrouvée dans une situation obérée, sans pouvoir bénéficier de la garantie qu'elle a souscrite, tout en ayant payé les primes correspondantes.





*****



35. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.






MOTIFS DE LA DECISION':



36. Selon le jugement déféré, les conditions particulières du contrat Multirisque Professionnelle du 3 septembre 2014, dans le chapitre "perte d'exploitation suite à fermeture administrative, prévoient les stipulations suivantes': "la garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

«'1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même';

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication'».



37. Le tribunal a retenu qu'en l'espèce, la fermeture du restaurant de la société LGR a été ordonnée en application de l'arrêté ministériel du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, pris au visa de l'article L3131-1 du code de la santé publique en raison des menaces sanitaires graves et notamment les menaces d'épidémie. Cette fermeture a été confirmée par divers décrets postérieurs. Les deux conditions de la garantie sont donc réunies en l'espèce, dès lors que la fermeture du restaurant de la société LGR a été ordonnée par une autorité administrative en raison d'un risque d'épidémie.



38. Concernant la clause d'exclusion, le tribunal a précisé que selon les conditions particulières, "Sont exclues les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique."







39. Le tribunal a indiqué que selon les dispositions de l'article L113-1 du code des assurances, la clause d'exclusion des garanties doit être écartée si elle annule les effets de la garantie accordée par la police d'assurance et la vide de substance. Il a énoncé qu'il est constant que les clauses d'exclusion doivent être formelles et limitées de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de sa garantie et que pour être formelle et limitée, la clause d'exclusion doit se référer à des faits, des circonstances ou obligations définis avec précision, qu'elle doit être rédigée en des termes clairs et précis qui n'appellent pas l'équivoque et qu'elle ne peut être tenue pour formelle et limitée dès lors qu'elle doit être interprétée et qu'elle ne se réfère pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées.



40. Après avoir dit qu'en application de l'article 1170 du code civil, «'Toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite'», alors que l'article 1190 du même code dispose que dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et les contrats d'adhésion contre celui qui le propose, le tribunal a retenu qu'en l'espèce, le fait qu'un restaurateur ait, par nature, conscience des risques d'une fermeture administrative du fait de la survenance d'un événement lié à son activité comme une infection alimentaire (à type salmonellose ou autres) au sein de son établissement, ne dispense pas l'assureur de donner une définition claire et précise des limites apportées à la garantie souscrite et notamment sur le terme «'épidémie'». Le tribunal a estimé que la police souscrite ne donne aucune définition du terme «'épidémie'» qui pourtant se distingue de la maladie contagieuse ou de l'intoxication, qu'il résulte de ces définitions tant générales que médicales, que l'épidémie est la propagation d'une maladie infectieuse et contagieuse à une population, et qu'ainsi, le sens général du terme étant inconciliable avec la possibilité qu'un seul établissement soit affecté, que le fait que l'assureur soit contraint de faire appel à des consultations de professeurs d'épidémiologie ou spécialistes de maladies infectieuses pour établir que, comme il le prétend, l'épidémie peut ne concerner qu'un petit nombre de personnes dans un espace limité, démontre la nécessité d'interpréter le terme épidémie.



41. En outre, le tribunal de commerce a indiqué que le terme «pour une cause identique» contenu dans la clause d'exclusion précitée renvoie nécessairement aux conséquences de la fermeture administrative garantie, alors qu'en l'espèce, la demanderesse sollicite l'application de la garantie pour indemniser les pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative de son établissement pour cause d'épidémie. Il a dit que le contrat d'assurance liant les parties est un contrat d'adhésion dont le seul rédacteur est la société Axa France Iard, et qu'il doit donc s'interpréter en faveur de l'assuré, que la défenderesse produit aux débats un grand nombre de documents pour étayer sa position, ce qui démontre que la clause n'est pas rédigée de façon claire et précise, que dès lors elle ne peut être comprise par l'assuré qui doit pourtant connaître l'étendue de sa garantie souscrite, laquelle ne doit pas être illusoire. Il en a déduit que du fait de son imprécision, cette clause d'exclusion ne permet pas de circonscrire le risque garanti et qu'elle ne permet pas non plus à l'assuré de connaître exactement l'étendue de sa garantie.



42. Selon le jugement déféré, une clause d'exclusion de garantie ne peut être formelle dès lors qu'elle doit être interprétée, alors que la clause litigieuse nécessite une interprétation concernant les termes «'épidémie'» et «'cause identique'». En conséquence, le tribunal a retenu que la clause excluant la garantie en cas de fermeture d'un autre établissement que celui de l'assuré dans le même département, également pour la même cause d'épidémie, a pour effet de vider l'essentiel de la garantie et donc de la vider de sa substance, que la clause d'exclusion de garantie opposée par la société Axa France Iard ne satisfait pas aux dispositions de l'article L113-1 du code des assurances, et qu'ainsi, l'assureur ne peut se prévaloir de cette clause réputée non écrite pour se soustraire à l'obligation de garantie «'perte d'exploitation suite à la fermeture administrative (...) lorsqu'elle est la conséquence d'une épidémie'».



43. Le tribunal a déclaré cette clause réputée non écrite et a condamné la société Axa France Iard à indemniser la société demanderesse des pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative de son établissement pour cause d'épidémie.



44. La cour relève que la clause d'extension de garantie n'est pas destinée à couvrir les conséquences d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, mais qu'elle vise à garantir l'assuré d'une perte d'exploitation survenue à l'occasion d'une décision de fermeture de l'autorité administrative compétente, et extérieure à l'assuré, en cas de survenance de l'un de ces faits. En l'espèce, ce n'est pas ainsi la survenance de l'épidemie Covid 19 qui a été de nature à générer la garantie de l'assureur, mais c'est la mesure de fermeture administrative, résultant de cette épidémie, qui a été la cause génératrice de la garantie. En conséquence, le fait que le contrat d'assurance n'ait pas défini spécialement le terme «épidémie'» est sans incidence sur la validité de l'extension de la garantie offerte par l'appelante.



45. En outre, ainsi que soutenu par l'assureur, à défaut d'une définition particulière, le terme «'épidémie'» doit s'entendre dans son acception usuelle, à savoir une affection concernant une population quelconque, c'est à dire un ensemble de personnes occupant un lieu déterminé. Une épidémie ne concerne pas ainsi nécessairement un pays, une région ou un département, voire une localité, et peut n'être relative qu'à un établissement particulier, ainsi en cas de salmonellose ou de légionellose. Du reste, le code de la santé publique prévoit que les mesures sanitaires doivent être proportionnées, et elles peuvent être individuelles, ne concerner qu'un établissement, notamment dans le cas de ces deux dernières infections.



46. Cette extension de garantie est cependant accordée sous la réserve de la clause d'exclusion, prévoyant que sont exclues les pertes d'exploitation, lorsqu'à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.



47. Ainsi que soutenu par l'appelante, la validité de cette clause doit être appréciée selon les modalités définies à l'article L113-1 du code des assurances, en raison de son caractère dérogatoire au regard des dispositions de droit commun du code civil. Ainsi, pour être valable, cette clause d'exclusion doit être formelle, c'est à dire claire et sans ambiguïté. En l'espèce, cette clause d'exclusion ne nécessite aucune interprétation particulière': pour qu'elle puisse recevoir application, il suffit que l'autorité administrative ait pris, dans le département, une seconde décision de fermeture d'un établissement, pour la même cause, peu important que les établissements concernés aient, ou non une activité identique.



48. Cette clause d'exclusion n'a pas pour effet de vider l'extension de garantie concernant les pertes d'exploitation de sa substance, puisque seules les conséquences d'une fermeture administrative font l'objet de la garantie, et non le meurtre, le suicide, l'épidémie ou une infection contagieuse. Ainsi que soutenu par l'appelante, l'épidémie en elle-même ne génère aucune garantie, si elle n'a pas fait l'objet d'une mesure de fermeture administrative, mesure entraînant la perte d'exploitation. En outre, une épidémie entendue dans son sens courant, ou une affection contagieuse, peut n'entraîner qu'une mesure isolée de fermeture administrative, notamment en cas de salmonellose ou de légionellose. Comme relevé par l'appelante, le but de l'extension de garantie n'a pas été de couvrir les conséquences d'une fermeture généralisée d'un ensemble d'établissements, comme dans le cas de la pandémie Covid 19, conséquences qui ont ainsi été prises en charge par l'État au travers des diverses mesures de soutien à l'activité économique.







49. La clause d'exclusion étant ainsi formelle et limitée et ne vidant pas l'extension de la garantie de sa substance, il en résulte que l'appel de la société Axa France Iard est bien fondé. En conséquence, le jugement déféré ne peut qu'être réformé en toutes ses dispositions, à l'exception de celles par lesquelles le tribunal a':

- accepté les pièces et les dossiers de plaidoiries déposés tardivement';

- accepté «'la pièce et conclusions n°2'» déposées par la société LGR à l'audience';

- débouté la société LGR de sa demande de condamnation d'astreinte pour mise en oeuvre de la procédure d'expertise';

- débouté la société LGR de sa demande de condamnation de l'appelante pour résistance abusive.



50. Statuant à nouveau, la cour déboutera ainsi la société LGR de l'ensemble de ses prétentions formées à l'encontre de l'appelante. Il n'y a pas lieu d'annuler la mesure d'expertise ordonnée par le tribunal de commerce, puisqu'en raison de l'infirmation du jugement également sur ce point, cette expertise devient caduque.



51. Concernant la demande de l'appelante visant la condamnation de l'intimée à restituer les sommes versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire, avec les intérêts au taux légal, le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et les sommes devant être restituées portent intérêts au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande.



52. Succombant devant l'appel de la société Axa France Iard, la société LGR sera condamnée à payer à l'appelante la somme de 1.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance.







PAR CES MOTIFS



La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,



Vu les articles 1103, 1170 et 1188 et suivants du code civil, l'article L113-1 du code des assurances';



Infirme le jugement déféré en ce qu'il a':



- constaté que l'exclusion de garantie visée par la société Axa France Iard est nulle';

- condamné la société Axa France Iard au versement d'une somme provisionnelle de 79.275 euros à la société LGR, à titre de provision à valoir sur les pertes d'exploitation qu'elle a subies du fait de la fermeture de son établissement, majorée des intérêts au taux légal courant à compter de la délivrance de l'assignation';

- fait droit à la demande d'expertise judiciaire';

- désigné comme expert madame [L], avec pour mission :

* d'évaluer la perte de marge subie par la société LGR pour les périodes des 14 mars au 2 juin 2020, et du 29 octobre 2020 au 19 juin 2021, en fonction de la définition donnée par les conditions générales d'assurance';

* de se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par la demanderesse et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années';

* d'entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties, le calendrier possible de la suite de ses opérations';

* d'examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur une période maximum de trois mois;

* de donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires - charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées';

- fixé à 4.000 euros le montant de la provision à consigner par la société Axa France Iard avant le 17 janvier 2022 au greffe de ce tribunal, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile';

- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera considéré que la désignation de l'expert sera caduque (article 271 du code de procédure civile)';

- dit que lors de sa première réunion laquelle devra se dérouler dans un délai maximum de 2 mois à compter de la consignation de la provision, l'expert devra après débat contradictoire avec les parties, soumettre au juge chargé du dossier ce qu'il aura retenu pour ce qui concerne la méthodologie qu'il compte mettre en oeuvre, le calendrier détaillé de ses investigations, d'où il découlera la date de dépôt de son rapport et le montant prévisible de ses honoraires, de ses frais et débours, lequel juge rendra, s'il y a lieu, une ordonnance complémentaire fixant le montant de la provision complémentaire dans les conditions de l'article 280 du code de procédure civile, et s'il y a lieu accordera une prorogation du délai pour le dépôt du dossier';

- dit que lors de cette première réunion, l'expert fixera un délai pour les appels éventuels en intervention forcée de toutes les parties dans la cause';

- dit que si les parties ne parviennent pas à composition entre elles, et sauf contrariété avec le paragraphe précédent, le rapport de l'expert devra être déposé au greffe de ce tribunal, dans le délai de 6 mois à compter de la consignation de la provision fixée ci-dessus';

- sursis à statuer sur le montant définitif de l'indemnisation pour perte d'exploitation dans l'attente du rapport de l'expert';

- condamné la société Axa France lard au versement de la somme de 1.500 euros au profit de la société LGR au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

- ordonné l'exécution provisoire';

- débouté les parties de leurs autres demandes';

- condamner la société Axa France Iard aux dépens.



Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions soumises à la cour ;



statuant à nouveau';



Déclare applicable la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie ;



Déboute la société LGR de l'ensemble de ses prétentions formées à l'encontre de la société Axa France Iard';



y ajoutant';



Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour';



Dit n'y avoir lieu à annuler la mission d'expertise confiée à madame [L], et déclare cette mission caduque en raison de l'infirmation du jugement l'ayant ordonnée ;











Condamne la société LGR à verser à la société Axa France Iard la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile';



Condamne la société LGR aux dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel';



Signé par Madame FIGUET, Présidente et par Madame RICHET, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





La Greffière La Présidente

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