9 mars 2023
Cour d'appel de Versailles
RG n° 21/03325

12e chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 58Z



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 09 MARS 2023



N° RG 21/03325 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UQWT





AFFAIRE :



SA AXA FRANCE IARD



C/



S.A.R.L. SAINT GERMAIN









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Mai 2021 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° Chambre : 1

N° RG : 2020F00397



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Marion CORDIER



Me Aurélie DEVAUX



TC VERSAILLES









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



SA AXA FRANCE IARD

RCS Nanterre n° 722 057 460

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Marion CORDIER de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 189 et Me Pascal ORMEN et Me Alexandre KAPHAN de la SELARL BOUCKAERT ORMEN PASSEMARD & AUTRES, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0555



APPELANTE

****************



S.A.R.L. SAINT GERMAIN

RCS Versailles n° 828 221 358

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Aurélie DEVAUX, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 417 et Me Eric WEIL et Me François PENILLARD de l'ASSOCIATION WEIL & ASSOCIES, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R002



INTIMEE

****************



Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Novembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,



Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,




















EXPOSE DU LITIGE



Le 22 janvier 2019, la SARL Saint Germain (ci-dessous, la société Saint Germain), exerçant une activité de restauration-café, a conclu avec la société Axa France Iard (ci-après, la société Axa) un contrat d'assurance multirisque professionnelle, prévoyant une garantie perte d'exploitation.

Le contrat, qui a pris effet le 1er janvier 2019, a été conclu pour une durée d'un an et a été reconduit tacitement le 1er janvier 2020 pour la même durée.



A la suite de l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, la société Saint Germain indique avoir suspendu son activité.



Le 27 mai 2020, la société Saint Germain a déclaré son sinistre auprès de son assureur, la société Axa.



Le 8 juillet 2020, la société Axa a refusé de donner suite à sa demande.



Par acte du 4 août 2020, la société Saint Germain a assigné la société Axa devant le tribunal de commerce de Versailles en paiement notamment de la somme de 170.000 € HT.



Le 20 novembre 2020, la société Saint Germain a procédé à une nouvelle déclaration de sinistre auprès de la société Axa.



Par jugement du 12 mai 2021, le tribunal de commerce de Versailles a :

- Dit que la clause d'exclusion de la garantie perte d'exploitation suite à fermeture administrative est inopposable à la société Saint Germain ;

- Ordonné une expertise ;

- Commis pour y procéder M. [L] [W], avec pour mission de :

/ convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise,

/ se faire remettre toutes les pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

/ évaluer la perte d'exploitation subie par la société Saint Germain pour le sinistre déclaré et indemnisable dans le cadre du contrat d'assurance conclu avec la société Axa au titre de la perte d'exploitation subie suite à la fermeture administrative décrétée,

/ donner son avis sur Ie montant des sommes dues par la société Axa à la société Saint Germain,

/ rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties,

/ mettre, en temps utile, au terme des opérations d'expertise, par le dépôt d'un pré-rapport, les parties en mesure de faire valoir, dans le délai qu'il leur fixera, leurs observations qui seront annexées au rapport ;

- Fixé à 3.000 € le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui sera versée par la société Saint Germain, au plus tard le 12 juin 2021, entre les mains du greffe de cette juridiction, sous sanction de caducité prévue à l'article 271 du code civil ;

- Dit que les opérations d'expertise seront suivies par le juge chargé du contrôle des expertises de ce tribunal ;

- Imparti à l'expert, pour le dépôt du rapport d'expertise, un délai de 6 mois à compter de l'avertissement qui lui sera donné par le greffe du versement de la provision ;

- Dit qu'à l'issue de sa première réunion avec les parties, l'expert communiquera aux parties et au juge chargé du contrôle un calendrier de ses opérations, et une estimation de son budget ;

- Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert, il sera procédé à son remplacement par le juge chargé du contrôle des expertises ;

- Condamné la société Axa à payer à titre provisionnel à la société Saint Germain la somme de 114.000 € ;

- Renvoyé la cause et les parties à l'audience du 12 janvier 2022 à 14h00 ;

- Réservé l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire ;

- Réservé les dépens.



Par déclarations des 21 mai et 3 juin 2021, la société Axa a interjeté appel du jugement.



Par ordonnance du 16 juin 2022, il a été procédé à la jonction des deux affaires.



Il sera précisé que l'expert judiciaire a déposé son rapport le 6 octobre 2021 et que, par jugement du 1er juin 2022, le tribunal de commerce de Versailles a :

- Dit n'y avoir lieu à sursoir à statuer ;

- Condamné la société Axa à payer à la société Saint Germain la somme de 43.000 € montant de l'indemnité d'assurance restant due après déduction de la provision de 114.000 € ordonnée par le tribunal et versée par la société Axa à la société Saint Germain ;

- Condamné la société Axa à payer à la société Saint Germain la somme de 1.327,45 € de dommages-intérêts pour retard de paiement ;

- Débouté la société Saint Germain de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

- Condamné la société Axa à payer à la société Saint Germain la somme de 11.400 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société Axa aux dépens, en sus les frais et honoraires d'expertise et dont les frais de greffe s'élèvent à la somme de 199,81 €.





PRÉTENTIONS DES PARTIES



Par dernières conclusions notifiées le 12 septembre 2022, la société Axa demande à la cour de :

- Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société Axa et, y faisant droit ;

A titre principal,

- Réformer le jugement du 12 mai 2021 du tribunal de commerce de Versailles en ce qu'il a :

« - Dit que la clause d'exclusion de la garantie perte d'exploitation suite à fermeture administrative est inopposable à la société Saint Germain ;

- Ordonné une expertise et commis un expert avec pour mission de :

- Convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise,

- Se faire remettre toutes les pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

- Evaluer la perte d'exploitation subie par la société Saint Germain pour le sinistre déclaré et indemnisable dans le cadre du contrat d'assurance conclu avec la société Axa au titre de la perte d'exploitation subie suite à la fermeture administrative décrétée,

- Donner son avis sur Ie montant des sommes dues par la société Axa à la société Saint Germain,

- Rapporter toutes autres constatations utiles à |'examen des prétentions des parties,

- Mettre, en temps utile, au terme des opérations d'expertise, par le dépôt d'un pré-rapport, les parties en mesure de faire valoir, dans le délai qu'il leur fixera, leurs observations qui seront annexées au rapport,

- Condamné la société Axa à payer à titre provisionnel à la société Saint Germain la somme de 114.000 € ;

- Renvoyé la cause et les parties à l'audience du 12 janvier 2022 à 14h00 ;

- Réservé l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire ;

- Réservé les dépens ; »

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Axa de ses demandes tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion ;

Statuant à nouveau,

- Juger que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est applicable en l'espèce ;

- Juger que la clause d'exclusion respecte le caractère formel exigé par l'article L.113-1 du code des assurances ;

- Juger que cette clause d'exclusion ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et respecte le caractère limité de l'article L.113-1 du code des assurances et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle de la société Axa de sa substance au sens de l'article 1170 du code civil ;

En conséquence,

- Juger applicable en l'espèce la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie ;

- Débouter la société Saint Germain de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre de la société Axa et la condamner à lui restituer les sommes perçues au titre de l'exécution du jugement du 12 mai 2021 ;

- Annuler la mesure d'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de commerce de Versailles ;

A titre subsidiaire,

- Réformer le jugement du 12 mai 2021 en ce qu'il a condamné la société Axa à verser 114.000 € à la société Saint Germain à titre de provision ;

Statuant à nouveau,

- Revoir à de plus justes proportions le montant de la provision allouée à la société Saint Germain ;

En tout état de cause,

- Débouter l'assurée de toutes demandes, fins ou conclusions contraires au présent dispositif ;

- Condamner la société Saint Germain à payer à la société Axa la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.



Par dernières conclusions notifiées le 28 septembre 2022, la société Saint Germain demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du 12 mai 2021 du tribunal judiciaire de Versailles en toutes ses dispositions ;

- Débouter la société Axa de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner la société Axa à verser à la société Saint Germain la somme totale de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 octobre 2022.



Les parties ont été autorisées à communiquer, à la suite des arrêts rendus par la Cour de cassation le 1er décembre 2022 relatifs à la mise en 'uvre de la garantie des pertes d'exploitation de la compagnie d'assurance Axa, par note en délibéré, leurs éventuelles observations quant à l'incidence de ces arrêts sur l'affaire en cours.



Le conseil de la société Axa a transmis une note en délibéré à la cour le 3 février 2023.

Le conseil de la société Saint Germain n'a pas transmis de note en délibéré, la date limite pour le faire ayant été fixée au 16 février 2023.



Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.






MOTIVATION



Sur la demande principale



La société Axa soutient que de nombreuses décisions ont validé la clause d'exclusion de la garantie pour pertes d'exploitation figurant dans son contrat, et estimé qu'elle respectait les caractères formel et limité imposés par la loi, ses termes étant apparents et clairs de sorte qu'elle ne souffre d'aucune ambiguïté.

Elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé la clause formelle, avance que le sens de la clause d'exclusion est clair et dépourvu d'ambiguïté, que la mention 'quelle que soit sa nature et son activité' permet à l'assuré de comprendre l'étendue de l'exclusion, et qu'il n'est pas besoin d'être un spécialiste en droit des assurances pour comprendre le cas où la garantie est due (l'établissement subit seul une fermeture administrative) et le cas où elle est exclue (d'autres établissements du même département sont fermés pour la même cause), les mots utilisés ne relevant pas du vocabulaire spécialisé de l'assurance. Elle fait état de décisions judiciaires ayant validé la clause malgré l'absence de définition du terme 'épidémie'.

Elle souligne que la compréhension de la clause par l'assuré s'apprécie à la souscription et que la société Saint Germain, professionnelle de la restauration, ne pouvait ignorer le risque d'épidémies 'localisées' et de fermetures administratives individuelles, ce risque constituant la cause de son engagement, de sorte qu'elle n'a pu se méprendre sur la portée de l'exclusion.

Elle conteste le grief d'absence de définition du terme 'épidémie', les critères d'application de la clause d'exclusion étant clairs, l'exclusion étant provoquée par la fermeture d'un autre établissement, dans le même département, pour la même cause. Elle explique l'avenant proposé à ses assurés par l'appréciation des risques liés aux épidémies par les acteurs du marché du fait de la crise du Covid-19, sans effet sur l'ambiguïté de la clause d'exclusion, et relève dans sa note en délibéré l'appréciation de la Cour de cassation sur ce point.



Elle demande l'infirmation du jugement qui a jugé que la clause d'exclusion vide la garantie de sa substance, le caractère limité d'une clause s'appréciant non en fonction de ce qu'elle exclut, mais de ce qu'elle garantit après sa mise en oeuvre.



Elle relève que le risque qu'une épidémie touche un seul établissement existe et est plus élevé que celui d'une fermeture administrative 'collective', que les idées de propagation et contagion de la maladie ne sont pas nécessairement incluses dans l'épidémie et qu'il arrive souvent qu'une épidémie affecte un seul établissement, les autorités pouvant alors décider une fermeture administrative 'isolée'. Elle affirme qu'elle doit justifier des conditions d'application de l'exclusion mais non établir la validité de la clause d'exclusion, qui doit être appréciée globalement et non au seul vu de la situation créée par le Covid-19. Selon elle, une clause d'exclusion limitant la couverture à un risque improbable ne la prive pas de son caractère limité, et la garantie a vocation à être mobilisée quand le foyer de l'épidémie se trouve hors de l'établissement assuré.

Elle affirme que les parties cherchaient, lorsqu'elles ont contracté, à couvrir le risque d'une fermeture administrative isolée du fait d'une épidémie dans l'établissement, inhérent à l'activité de restauration, et non celui d'une fermeture généralisée. Elle déclare n'avoir pas voulu couvrir les conséquences d'un risque systémique, qui ne relèvent pas d'une garantie individuelle de droit privé. Elle avance que la rédaction de l'extension de garantie est conforme aux intérêts de l'assurée, car elle permet de couvrir tous les risques sanitaires envisageables, et rappelle que la clause d'exclusion ne prive pas l'obligation essentielle de l'assureur de sa substance.



Après avoir fait état de décisions ayant déclaré la clause d'exclusion non valable, la société Saint Germain demande que soit confirmé le jugement en ce qu'il valide le contrat, lequel doit être exécuté par la société Axa en toutes ses obligations.

Elle rappelle les termes de la clause relative aux pertes d'exploitation, et que par l'arrêté du 14 mars 2020 elle s'est vue interdire l'accueil du public jusqu'au 14 juin 2020, interdiction reconduite par le décret du 29 octobre 2020, et ce jusqu'au 18 mai 2021. Elle soutient que la clause d'exclusion n'était pas applicable, car lors de l'interdiction, aucun autre établissement ne faisait déjà l'objet d'une mesure de fermeture administrative. Elle ajoute que cette clause est non écrite et nulle au vu des dispositions du code civil et du code des assurances, prohibant toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur, toute exclusion devant être formelle et limitée. Elle rappelle que la clause d'exclusion, rédigée par la société Axa, n'a pas été négociée, et avance que la clause de garantie et celle d'exclusion doivent s'interpréter l'une par rapport à l'autre. Elle conteste l'indication de la société Axa selon laquelle le risque garanti est la fermeture administrative et non l'épidémie, alors qu'il s'agit d'une fermeture administrative pour épidémie. Elle fait état de la définition d'épidémie, et déduit de la lecture de la clause d'exclusion qu'elle vide la garantie de sa substance, de sorte qu'elle doit être réputée non écrite, comme l'a retenu le jugement. Elle écarte l'hypothèse avancée par la société Axa d'une épidémie touchant un seul établissement, la contagiosité constituant un facteur déterminant de la notion d'épidémie, et avance que la société Axa ne peut soutenir que le terme épidémie est clair alors qu'il est sujet à interprétation, comme le terme de 'cause identique'. Elle indique que la clause d'exclusion doit être interprétée en sa faveur, le contrat d'adhésion s'interprétant contre celui qui l'a proposé, et dénie à la société Axa la possibilité de faire état de sa qualité de restaurateur pour en déduire qu'en tant qu'assurée elle avait davantage le souci de couvrir le risque d'épidémie d'origine alimentaire que celui de fermeture administrative collective du fait d'une épidémie. De même, elle déclare que la société Axa ne peut écarter sa responsabilité au motif qu'une fermeture administrative généralisée constituerait un préjudice anormal, ce alors que la société Axa est la rédactrice de ladite clause.



*****







Présentation de la garantie de perte d'exploitation suite à fermeture administrative et de la clause d'exclusion de garantie





Les conditions particulières du contrat d'assurance Multirisque Professionnelle, conclu par la société Saint Germain, contiennent en page 6 la garantie ainsi rédigée :

'PERTE D'EXPLOITATION SUITE A FERMETURE ADMINISTRATIVE

La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous même

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.

Durée et limite de la garantie

La garantie intervient pendant la période d'indemnisation, c'est-à-dire la période commençant le jour du sinistre et qui dure tant que les résultats de l'établissement sont affectés par ledit sinistre, dans la limite de 3 mois maximum.

Le montant de la garantie est limité à 300 fois l'indice.

L'assuré conservera à sa charge une franchise de 3 jours ouvrés.

SONT EXCLUES

- LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, À LA DATE DE LA DÉCISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ÉTABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITÉ, FAIT L'OBJET, SUR LE MÊME TERRITOIRE DÉPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ÉTABLISSEMENT ASSURÉ, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE'.



Il n'est pas contesté que le ministre des solidarités et de la santé a, par arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, interdit aux restaurants et débits de boissons d'accueillir du public, ces établissements étant autorisés à maintenir leurs activités de vente à emporter et de livraison, et que cette mesure a été reconduite avec certains aménagements par des décrets postérieurs.



L'article L.112-4 du code des assurances dispose en son dernier alinéa que : "Les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents".



Aussi les clauses de nullité, de déchéance ou d'exclusion doivent être rédigées en caractères très apparents, afin d'attirer spécialement l'attention du souscripteur. En l'absence de caractères très apparents, la clause est réputée non écrite et ne peut être opposée à l'assuré.



En l'espèce, et comme relevé par le jugement, l'utilisation de lettres majuscules pour la rédaction de la clause d'exclusion la détache suffisamment des autres termes des conditions particulières, pour attirer spécialement l'attention de l'assuré, et ladite clause répond au formalisme exigé par l'article L.112-4 précité.







Sur l'opposabilité de la clause d'exclusion



Si la société Saint Germain soutient que la clause d'exclusion n'était pas applicable au cas d'espèce car à la date de la décision administrative, soit le 14 mars 2020, aucun autre établissement ne faisait encore l'objet d'une telle fermeture, il ressort des termes mêmes de la clause d'exclusion qu'il convient d'apprécier si, 'à la date de la décision de fermeture', un autre établissement 'fait l'objet' d'une mesure de fermeture administrative.



Il doit être déduit de la rédaction de la clause au présent, et non au passé composé, qu'elle n'impose pas une condition d'antériorité dans la fermeture d'un autre établissement.

Aussi l'arrêté du 14 mars 2020, en ce qu'il a ordonné la fermeture simultanée des établissements, permet l'application de cette clause, puisque à la date de cet arrêté au moins un autre établissement (en fait, tous les autres établissements de restauration) faisait l'objet d'une fermeture administrative pour une cause identique sur le même territoire départemental.



Par conséquent, l'inapplicabilité de la clause d'exclusion ne peut être retenue, et la société Saint Germain ne sera pas suivie sur ce point.





Sur le caractère formel de la clause



L'article L.113-1 du code des assurances prévoit en son 1er alinéa que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.



Il s'en déduit que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. Or, une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.



La clause d'exclusion précédemment présentée ne nécessite pas d'interprétation, sa rédaction ne crée pas un doute sur sa portée : selon cette clause, lorsque à la date de la décision de fermeture administrative de l'établissement assuré, un autre établissement fait l'objet, dans le même département, d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique, la garantie pour perte d'exploitation ne s'applique pas.



Les mots utilisés par cette clause d'exclusion ne relèvent pas du vocabulaire spécialisé de l'assurance, et sont compréhensibles de l'assurée. En sa qualité de professionnelle de la restauration, la société Saint Germain doit respecter de nombreuses règles d'hygiène et connaît les risques sanitaires, telles les épidémies d'origine alimentaire, pouvant entraîner des épidémies 'localisées' et une fermeture administrative 'individuelle' d'établissement. Aussi a-t-elle nécessairement compris la portée de la clause d'exclusion lors de la conclusion de la police.



La société Saint Germain relève que la "cause identique" se réfère aux causes de fermeture administrative listées dans la clause portant extension de la garantie aux pertes d'exploitation, dont l'épidémie, qui n'est pas définie, et en déduit que la clause d'exclusion est ambiguë.

Cependant, cet élément est indifférent, dès lors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'est pas l'épidémie, mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement fait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie. Ainsi, l'ambiguïté alléguée du terme épidémie est sans incidence sur la compréhension par la société Saint Germain des cas dans lesquels l'exclusion s'applique.



Les autres mentions de la clause d'exclusion : 'établissement', 'quelle que soit sa nature ou son activité', 'territoire départemental' sont clairs ; il en est de même de la notion de 'cause identique', et la société Saint Germain ne peut déduire des développements de la société Axa dans ses conclusions qu'il existe un arbitraire du fait de l'existence ou non d'une même source pathogène à la 'cause' épidémie.



La 'mesure de fermeture administrative pour une cause identique' des établissements, indiquée par la clause d'exclusion, vise une fermeture administrative consécutive à une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication.

Si, dans le doute, le contrat d'adhésion s'interprète contre celui qui l'a proposé, la clause d'exclusion est claire, le risque assuré est la fermeture administrative, et le caractère formel de cette clause d'exclusion ne peut ainsi être contesté.



Sur le caractère limité de la clause



Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance. Elle n'est pas limitée lorsque après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.



L'article 1170 du code civil prévoit que toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite.



Sont en l'espèce assurées les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture provisoire administrative, et non le risque de survenance d'une épidémie.



Si la société Saint Germain avance que la notion d'épidémie vise une propagation rapide d'une maladie, plutôt d'origine infectieuse, à un grand nombre de personnes en même temps et dans une zone géographique donnée, et qu'il ne peut être envisagé dans un tel contexte la fermeture d'un seul établissement sur un même département car une telle clause viderait la garantie de sa substance, la garantie discutée ne doit pas seulement être appréciée au vu de la situation sanitaire créée par le Covid-19, mais de celle résultant de l'apparition de n'importe quelle épidémie.

De plus, la compréhension de ladite clause doit s'apprécier lors de la souscription de la police. De même, l'épidémie ne renvoie pas nécessairement aux notions de contagion et de propagation et face à certaines épidémies, l'autorité administrative peut limiter, dans certains départements, les mesures de fermeture à un seul établissement afin d'éviter les contaminations ayant été détectées dans cet établissement.



Enfin, la cour relève que la garantie en cause couvre d'autres causes de fermeture administrative que celle liée à une épidémie, puisqu'elle vise aussi la fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication. Aussi l'exclusion considérée, qui laisse dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance. Il est à rappeler que lesdites exclusions ne peuvent être considérées comme générales au point de vider de son sens le contrat d'assurance, dès lors qu'elles viennent seulement limiter et non supprimer la garantie du risque.

Au seul vu de ce qui précède, et considérant que la clause d'exclusion doit être appréciée non au regard de ce qu'elle exclut mais au vu de ce qui est garanti après sa mise en oeuvre, cette clause d'exclusion ne vide pas la garantie de sa substance, et présente un caractère limité, au sens de l'article L.113-1 du code des assurances.



*****



Les parties ne discutent pas le fait que l'arrêté du 14 mars 2020 a pris des mesures d'interdiction d'accueillir du public qui se sont appliquées sur l'ensemble du territoire, pour une cause identique à savoir l'épidémie de Covid-19, et a concerné d'autres établissements situés dans le même département que celui exploité par la société Saint Germain.

La société Axa est donc fondée à opposer à la société Saint Germain la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative.



Le jugement, qui a dit que ladite clause d'exclusion est inopposable à la société Saint Germain, ordonné une expertise, et condamné la société Axa au paiement d'une provision à la société Saint Germain de 114.000 €, sera infirmé en toutes ses dispositions.



Sur les dépens et les frais irrépétibles



La société Saint Germain sera condamnée au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel.

En revanche, il n'apparaît pas inéquitable de débouter les parties de leur demande au titre des frais irrépétibles.



PAR CES MOTIFS



La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,



Infirme le jugement en toutes ses dispositions,



Statuant à nouveau,



Dit que la société Axa France Iard est fondée à opposer à la société Saint Germain la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative,



Déboute les parties de leurs autres demandes,



Condamne la société Saint Germain aux entiers dépens de première instance et d'appel.



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le greffier, Le président,

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