9 mars 2023
Cour d'appel de Bourges
RG n° 22/00238

1ère Chambre

Texte de la décision

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- SCP AVOCATS CENTRE

- SELAS ELEXIA ASSOCIES





LE : 09 MARS 2023

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 09 MARS 2023



N° - Pages







N° RG 22/00238 - N° Portalis DBVD-V-B7G-DN2B



Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal de Commerce de NEVERS en date du 19 Janvier 2022



PARTIES EN CAUSE :



I - S.A.S. [O] TRAVAUX PUBLICS agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:

Moulin-Neuf

[Localité 1]

N° SIRET : 776 724 486



Représentée et plaidant par la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES



timbre fiscal acquitté



APPELANTE suivant déclaration du 24/02/2022



II - S.A.S. CENTRE DE MATERIEL GENERAL (CMG) agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:

[Adresse 3]

[Localité 2]

N° SIRET : 778 492 009



Représentée et plaidant par la SELARL TOURNAIRE - MEUNIER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND



timbre fiscal acquitté



INTIMÉE





















COMPOSITION DE LA COUR :





En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. PERINETTI,Président chargé du rapport.





Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



M. WAGUETTE Président de Chambre

M. PERINETTI Conseiller

Mme CIABRINI Conseillère







***************





GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme JARSAILLON







***************





ARRÊT : CONTRADICTOIRE





prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.








**************

EXPOSE



La SAS [O] travaux publics est une entreprise spécialisée dans tous les métiers des travaux publics et d'exploitation des carrières.

Selon bon de commande n° 0420, elle a commandé une chargeuse neuve de marque Case à la SAS CMG, au prix de 180.000 euros HT. Il a été convenu entre les parties que cette chargeuse ferait l'objet d'une location longue durée, sans entretien, pour une durée fixée à 62 mois commençant de courir le 30 janvier 2020.



Suivant acte d'huissier en date du 25 novembre 2020, la SAS [O] travaux publics a fait assigner la SAS CMG devant le Tribunal de commerce de Nevers aux fins de voir, rejetant toutes conclusions contraires,

' débouter la SAS CMG de toutes ses demandes, fins et conclusions,

' prononcer la résiliation du contrat de location longue durée conclu le 13 janvier 2020 entre la SAS CMG et la SAS [O] travaux publics aux torts exclusifs de la première,

' condamner en conséquence la SAS CMG à payer à la SAS [O] travaux publics la somme de 30.000 euros, intérêts au taux légal en sus à compter de la délivrance de l'acte introductif d'instance,

' condamner la SAS CMG à payer à la SAS [O] travaux publics une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

' dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

' condamner la SAS CMG à payer à la SAS [O] travaux publics la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamner la même aux entiers dépens.



En réplique, la SAS CMG a demandé au Tribunal de

à titre principal :

' débouter la SAS [O] travaux publics de toutes ses demandes, fins et conclusions,

' écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

à titre reconventionnel :

' condamner la SAS [O] travaux publics à porter et payer à la SAS CMG la somme de 5.960 euros HT au titre des échéances impayées,

' ordonner que la mise en demeure du 15 mai 2020 fasse courir l'intérêt moratoire au taux légal,

' ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la première année suivant la mise en demeure du 15 mai 2020,

' condamner la SAS [O] travaux publics à payer et porter à la SAS CMG la somme de 101.916 euros HT au titre de l'indemnité forfaitaire,

' ordonner que la mise en demeure du 22 juin 2020 fasse courir l'intérêt moratoire au taux légal,

' ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la première année suivant la mise en demeure du 22 juin 2020,

' prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

' condamner la SAS [O] travaux publics à payer et porter à la SAS CMG la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.



Par jugement contradictoire du 19 janvier 2022, le Tribunal de commerce de Nevers a :

' débouté la SAS [O] travaux publics de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la SAS CMG,

' condamné la SAS [O] travaux publics à payer à la SAS CMG la somme de 5.960 euros HT au titre des loyers d'avril et mai 2020,

' ordonné que la mise en demeure du 15 mai 2020 fasse courir l'intérêt moratoire au taux légal, ordonné la capitalisation des intérêts à compter de la première année suivant la mise en demeure du 15 mai 2020,

' condamné la SAS [O] travaux publics à payer à la SAS CMG la somme de 101.916 euros HT au titre de l'indemnité forfaitaire,

' ordonné que la mise en demeure du 22 juin 2020 fasse courir l'intérêt moratoire au taux légal, ordonné la capitalisation des intérêts à compter de la première année suivant la mise en demeure du 22 juin 2020,

' condamné la SAS [O] travaux publics à payer la somme de 1.500 euros à la SAS CMG au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné la SAS [O] travaux publics aux entiers dépens de la procédure, dont frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 63,36 euros TTC,

' prononcé l'exécution provisoire du jugement nonobstant appel et sans caution,

' rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions.



Le Tribunal a notamment retenu que les parties présentaient le même contrat intitulé « contrat de location longue durée sans entretien », signé par la seule SAS [O] travaux publics le 13 janvier 2020, que la SAS [O] travaux publics avait invoqué une non-conformité du matériel livré et décidé de ne plus régler les mensualités jusqu'à élaboration d'une solution équitable, qu'aucun défaut de conformité n'était pour autant caractérisé au vu des pièces produites, qu'il n'appartenait pas à la SAS [O] travaux publics de bloquer les paiements en guise de moyen de contestation de la chose vendue et que la SAS CMG avait prononcé la résiliation du contrat de location conformément aux stipulations de celui-ci.



La SAS [O] travaux publics a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 24 février 2022.



Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 13 octobre 2022, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'elle développe, la SAS [O] travaux publics demande à la Cour de :

' infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Nevers le 19 janvier 2020 dans toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau :

Au principal,

' juger que le contrat de location conclu le 13 janvier 2020 entre la SAS CMG et la SAS [O] travaux publics doit être résolu aux torts exclusifs de la société CMG ;

' condamner en conséquence la SAS CMG à payer à la SAS [O] travaux publics la somme de 30.000 euros, cette somme portant intérêts au taux légal en sus à compter de la délivrance de l'acte introductif d'instance ;

' condamner la SAS CMG à payer à la SAS [O] travaux publics la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

' débouter la SAS CMG de l'intégralité de ses demandes.

A titre subsidiaire, et si par impossible la Cour estimait devoir en juger différemment,

' réduire à de plus justes proportions l'indemnité allouée au titre de la clause pénale, qui ne saurait excéder la somme de 5.960 euros ;

En tout état de cause,

' condamner la SAS CMG à payer à la SAS [O] travaux publics la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

' condamner la SAS CMG aux entiers dépens de première instance et d'appel et allouer

à la SCP Avocats Centre le bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile.



Dans ses dernières conclusions notifiées le 8 décembre 2022, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'elle développe, la SAS CMG demande à la Cour de

' confirmer le jugement du Tribunal de commerce de NEVERS rendu le 19 janvier 2022.

En conséquence,

' condamner la SAS [O] travaux publics à porter et payer à la société CMG la somme de 5.960 € HT au titre des échéances impayées.

' Ordonner que la mise en demeure du 15 mai 2020 fasse courir l'intérêt moratoire au taux légal.

' Ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la première année suivant la mise en demeure du 15 mai 2020.

' Condamner la SAS [O] travaux publics à porter et payer à la société CMG la somme de 101.916 € HT au titre de l'indemnité forfaitaire.

' Ordonner que la mise en demeure du 22 juin 2020 fasse courir l'intérêt moratoire au taux légal.

' Ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la première année suivant la mise en demeure du 22 juin 2020.

' Condamner la SAS [O] travaux publics à porter et payer à la société CMG la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.

Et statuant à nouveau,

' débouter la SAS [O] travaux publics de toutes ses demandes, fins et conclusions.

' Condamner la SAS [O] travaux publics à porter et payer à la société CMG la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2023.




MOTIFS



A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant simplement à voir « dire et juger », « rappeler » ou « constater » ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu'il soit tranché un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n'y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt. Il en va de même de la demande de « donner acte », qui est dépourvue de toute portée juridique et ne constitue pas une demande en justice.



Sur la demande de résolution du contrat :



Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.



L'article 1225 du même code dispose que la clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat.

La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.

L'article 1226 du même code énonce que le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat. Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent. Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution.

L'article 1231-1 du même code prévoit que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Enfin, les articles 1103 et 1104 du même code posent pour principe que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.





Sur le défaut de conformité de la chose livrée



En l'espèce, la SAS [O] travaux publics sollicite la résolution du contrat qui la lie à la SAS CMG aux torts exclusifs de celle-ci au motif de non-conformités de la chargeuse livrée aux stipulations contractuelles, à savoir la capacité du godet, l'état neuf ou non de la chargeuse et le défaut d'étalonnage de l'engin.

Pour sa part, la SAS CMG fonde sa propre action sur le jeu de la clause résolutoire portée au contrat et l'inexécution par la SAS [O] travaux publics de son obligation de règlement des échéances mensuelles convenues.

Le bon de commande signé par les parties à une date partiellement illisible en octobre 2019 mentionne un engin comportant un godet d'une capacité d'environ 3.600 litres. Il s'agit toutefois là d'un bon de commande en vue d'une vente qui ne s'est finalement pas réalisée, la SAS CMG précisant en ses écritures qu'il a été ultérieurement annulé sans pour autant hésiter à développer une partie de son argumentation sur la base de ce document et d'une proposition commerciale datée du 10 octobre 2019 dont il ne peut être estimé qu'elle soit entrée dans le champ contractuel pour ne porter aucune trace d'approbation par la SAS [O] travaux publics.

Le contrat de location longue durée signé le 13 janvier 2020 par le représentant de la SAS [O] travaux publics décrit en revanche un godet de 3.600 litres avec dents à RAS, cette formulation ne traduisant aucune imprécision quant à la contenance attendue de cet équipement.

La SAS CMG admet que la chargeuse qu'elle a livrée à sa cocontractante disposait d'un godet de 3.400 litres, dont elle affirme qu'il présente une capacité maximale de remplissage de 3.800 litres en dôme.

Pour autant, la notice de cette chargeuse communiquée par la SAS CMG elle-même indique expressément que le volume du godet en dôme est de 3,4 m³, soit 3.400 litres, et qu'une contenance de 3,8 m³, soit 3.800 litres, correspond à un volume du godet à 110 % de remplissage.

Il s'en déduit que la chargeuse litigieuse est équipée d'un godet dont la capacité en dôme est de 3.400 litres, ce qui représente une différence de 200 litres par rapport aux stipulations contractuelles.

Cette différence constitue de ce fait un défaut de conformité de la chose livrée aux spécifications prévues par les parties au contrat. Toutefois, ce défaut de conformité n'est pas d'une gravité suffisant à justifier la résolution dudit contrat, la SAS [O] travaux publics ne s'en étant pas trouvée privée de l'usage de cet engin, et ne peut ouvrir droit qu'à indemnisation à proportion du préjudice subi.

Par ailleurs, la chargeuse litigieuse a été livrée à la SAS [O] travaux publics munie d'un compteur affichant 87 heures d'utilisation, dont la SAS CMG affirme qu'elles correspondent au temps nécessaire aux essais pratiqués en usine par le fabricant.

La SAS [O] travaux publics assure en outre que le godet de l'engin présentait des traces visibles d'usure dès sa livraison, produisant au soutien de cette affirmation des photographies dont, d'une part, la datation ne peut être jugée certaine eu égard aux possibilités de modification informatique des documents supposés mentionner les métadonnées de ces images et, d'autre part, laissent voir une chargeuse dont les pneus et le godet comportent des traces d'utilisation, notion qui diffère de l'usure, alors que la photographie de l'engin pris en charge par le transporteur communiquée par la SAS CMG, dont la SAS [O] travaux publics ne conteste pas qu'elle représente bien la chargeuse litigieuse, ne fait pas apparaître de telles traces d'usage sur les pneus de la machine.

Le seul élément devant être retenu pour estimer l'état de la machine livrée doit ainsi être le nombre d'heures d'utilisation affiché au compteur, qui n'est pas contesté par la SAS CMG. Ce nombre apparaît trop élevé pour correspondre au seul temps nécessaire à la réalisation des essais en usine, et constitue ainsi un défaut de conformité aux stipulations contractuelles qu'il y a lieu néanmoins de juger mineur au regard de la durée prévisible de vie de l'engin et insuffisant à justifier la résolution du contrat.

Concernant l'étalonnage de la chargeuse livrée le 12 mars 2020, la SAS CMG verse aux débats un compte rendu d'intervention établi par la société Ascorel, le 14 mars 2020 à 23h36, sur le site de l'entreprise PBM Carbonne, cliente de la SAS [O] travaux publics. Ce document mentionne que la mise en service de l'appareil n'a pu avoir lieu pour les raisons suivantes : « pas de bascule, pas de produits, personne sur site, pose du 3e DP test OK ». Il s'en déduit que la société Ascorel, société tierce aux parties, s'attendait à disposer d'équipements et de l'assistance d'une personne sur site pour exercer ses opérations d'étalonnage, et non, ainsi que l'interprète l'appelante, que cette société missionnée pour procéder à l'étalonnage d'un engin de chantier ait pu juger utile de se déplacer et de dresser un compte rendu d'intervention sans s'être munie du matériel indispensable à la réalisation de cette mission.

Si l'horaire d'intervention peut apparaître tardif, il ne peut suffire à établir l'hypothétique volonté imputée par la SAS [O] travaux publics au préposé de la société Ascorel d'intervenir délibérément à une heure à laquelle il ne pourrait trouver personne sur site. La mention d'un test effectué correctement implique au demeurant soit que la société Ascorel ait pu pénétrer sur le site et accéder à l'engin, ce qui caractériserait l'absence d'anormalité de ce créneau horaire au regard des habitudes de travail des entreprises concernées, soit que l'horaire porté sur le compte rendu d'intervention soit erroné.

Il peut en outre être observé que cette absence d'étalonnage supposée n'a manifestement pas empêché l'appelante de faire usage de l'engin litigieux plusieurs semaines durant.

Cet élément, dont l'imputabilité à l'une ou l'autre société en la cause est impossible à établir, ne peut en conséquence être jugé constitutif d'un défaut de conformité de la chose livrée.

L'examen de l'ensemble de ces éléments caractérise ainsi l'existence de deux défauts de conformité mineurs ne pouvant suffire à justifier la résolution du contrat aux torts de la SAS CMG, mais ouvrant droit à indemnisation à proportion du préjudice subi par sa cocontractante.

Au vu des pièces produites aux débats, il convient d'évaluer à hauteur de 6.000 euros le montant des dommages-intérêts qui seront octroyés à la SAS [O] travaux publics en indemnisation de son préjudice.



Sur l'exception d'inexécution invoquée par la SAS CMG

La SAS CMG indique avoir mis en 'uvre la clause résolutoire insérée à l'article 12 du contrat de location longue durée, qui prévoit la possibilité pour la société bailleresse de mettre fin de façon immédiate et de plein droit au contrat en cas de défaut de paiement d'une redevance échue ou de toute somme due par le preneur dans un délai de 15 jours suivant l'arrivée d'une lettre recommandée avec accusé de réception.

Par courrier daté du 21 mars 2020, la SAS [O] travaux publics a fait part à la SAS CMG de la non-conformité du godet de l'engin livré et des 87 heures d'utilisation d'ores et déjà affichées par le compteur à la réception de la machine, ainsi que de l'impossibilité pour la société Groeneveld, intervenue au lendemain de la livraison, d'effectuer le réglage du pesage embarqué. Elle a indiqué à sa cocontractante solliciter de ce fait une remise sur le tarif de cette machine et bloquer les mensualités « le temps de trouver une solution équitable ».

La SAS CMG affirme avoir adressé à la SAS [O] travaux publics une mise en demeure de régler la somme de 3.576 euros par courrier recommandé daté du 4 mai 2020, cette somme correspondant aux échéances des mois d'avril et mai 2020. Bien qu'il ne soit pas versé aux débats de justificatif de l'expédition de cette mise en demeure, la SAS [O] travaux publics ne conteste nullement en avoir été destinataire et y a répondu par courrier du 19 mai suivant, aux termes duquel elle rappelait et maintenait les réserves qu'elle avait déjà signifiées dès la mise en route de l'engin quant à la capacité du godet et au nombre d'heures d'utilisation déjà affiché au compteur, précisant que ces réserves avaient motivé son défaut de signature du procès-verbal de réception, et indiquait qu'un représentant de la SAS CMG s'était engagé à lui procurer un godet de 3.600 litres et à lui fournir un ou deux jeux complets de filtres pour la chargeuse en compensation des 87 heures d'utilisation déjà enregistrées.

La SAS [O] travaux publics ne soutient nullement avoir repris le paiement des échéances mensuelles dues postérieurement à la réception de cette mise en demeure.

La SAS CMG a ainsi pu valablement mettre en 'uvre la clause résolutoire contractuellement stipulée, par courrier daté du 22 juin 2020. Bien qu'il ne soit là encore communiqué aucun justificatif d'expédition de ce courrier, la lettre officielle, datée du 2 juillet 2020, adressée par le conseil de la SAS [O] travaux publics à celui de la SAS CMG mentionne clairement avoir eu connaissance du contenu du courrier de résiliation du contrat de location et de la récupération de la chargeuse par l'intimée.

Il doit être précisé, concernant cette reprise de possession de la chargeuse par la SAS CMG, que le procès-verbal établi le 29 juin 2020 par Maître [H], huissier de justice, ne peut suffire à établir que la SAS CMG ait récupéré l'engin litigieux « environ un mois » avant cette date, les indications fournies en ce sens par un individu non identifié sur interpellation de l'huissier sur le site appartenant à l'entreprise PBM Carbonne manquant singulièrement de valeur probante. Il peut au surplus être observé sur ce point qu'il paraîtrait particulièrement surprenant que la SAS [O] travaux publics, qui travaillait sur ce site, ait attendu un mois pour faire constater la disparition d'un engin de chantier dont elle avait l'utilité dans le cadre de son activité professionnelle et qui faisait par surcroît l'objet d'un litige avec le bailleur concerné.



Sur la clause pénale

Aux termes de l'article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.

En l'espèce, le contrat de location longue durée mentionne en son article 12 que « dans le cas de résiliation anticipée du fait du preneur ou motivée par sa carence, faute de pouvoir évaluer le préjudice de CMG, le bailleur aura droit à une indemnité fixée forfaitairement à 60 % des dépôts mensuels de la période restant à courir ».

Cette clause visant à contraindre le débiteur à l'exécution du contrat et à sanctionner les conséquences de son inexécution par une évaluation forfaitaire et anticipée du préjudice s'analyse en une clause pénale, réductible à ce titre par le juge si elle se révèle manifestement excessive ou dérisoire en son montant.

Eu égard aux réserves exprimées dès la livraison de l'engin par la SAS [O] travaux publics, à l'entrée en possession par la SAS CMG d'une chargeuse d'une valeur de 30.000 euros à titre de règlement de la première échéance, à la récupération rapide dès le mois de juin 2020 de la chargeuse litigieuse livrée au mois de mars précédent sans qu'il soit fait état de quelque dégradation que ce soit qu'aurait pu subir l'engin durant la période où la SAS [O] travaux publics en avait la libre disposition, il sera estimé que la condamnation de celle-ci au paiement d'une indemnité fixée à hauteur de 60 % des dépôts mensuels de la période restant à courir, soit 57 mois, constituerait une pénalité manifestement excessive.

Il y a lieu de prendre en considération, d'une part, la prise de possession par la SAS CMG de la chargeuse d'une valeur de 30.000 euros ci-dessus évoquée et, d'autre part, la stipulation contractuelle elle-même indiquant que l'indemnité forfaitaire de 60 % des sommes restant dues n'aurait lieu d'être que faute de pouvoir évaluer le préjudice réellement subi par la société CMG.

Ce préjudice peut, en l'occurrence, être évalué à hauteur des trois échéances mensuelles dues par la SAS [O] travaux publics pour les mois d'avril à juin 2020, soit un montant global de 8.940 euros venant s'ajouter au premier loyer de 30.000 euros ci-dessus rappelé. Cette indemnité est de nature à réparer intégralement le préjudice subi du fait du défaut de règlement des mensualités convenues tant échues qu'à échoir par la SAS [O] travaux publics.

La SAS [O] travaux publics sera en conséquence condamnée à verser à la SAS CMG la somme de 8.940 euros venant s'ajouter au paiement déjà effectué de 30.000 euros, à titre d'indemnité consécutive à la résolution du contrat à ses torts exclusifs, outre intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2020, date à laquelle le courrier de résiliation avait nécessairement été reçu.

La capitalisation des intérêts dès lors qu'ils seront dus pour une année entière sera également ordonnée, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

La compensation entre les sommes respectivement dues par les parties au titre des condamnations prononcées par la présente décision sera ordonnée, conformément aux dispositions des articles 1347 et suivants du code civil.



Sur l'article 700 et les dépens :



L'équité et la prise en considération de l'issue du litige déterminée par la présente décision ne commandent pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Chacune des parties, succombant partiellement en ses prétentions, conservera ainsi la charge des frais exposés par elle en première instance et cause d'appel qui ne seraient pas compris dans les dépens.



Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. La SAS [O] travaux publics et la SAS CMG, toutes deux parties succombantes, devront supporter chacune la charge de la moitié des dépens de première instance et d'appel.



Le jugement entrepris sera enfin infirmé de ces chefs.

















PAR CES MOTIFS



La Cour,



INFIRME le jugement rendu le 19 janvier 2022 par le Tribunal de commerce de Nevers en l'intégralité de ses dispositions ;



et statuant de nouveau,



DEBOUTE la SAS [O] travaux publics de sa demande de résolution du contrat aux torts exclusifs de la SAS CMG ;



CONDAMNE la SAS [O] travaux publics à payer à la SAS CMG la somme de 8.940 euros venant s'ajouter au paiement déjà effectué de 30.000 euros, à titre d'indemnité consécutive à la résolution du contrat à ses torts exclusifs par le jeu de la clause résolutoire, outre intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2020 ;



CONDAMNE la SAS CMG à verser à la SAS [O] travaux publics la somme de 6.000 euros à titre de dommages-intérêts ;



ORDONNE la compensation des sommes respectivement dues par les parties ;



ORDONNE la capitalisation des intérêts dès lors qu'ils seront dus pour une année entière ;



DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



REJETTE toutes autres demandes, plus amples ou contraires ;



CONDAMNE la SAS [O] travaux publics, d'une part, et la SAS CMG, d'autre part, à supporter chacune la charge de la moitié des dépens de première instance et d'appel.





En l'absence du Président, l'arrêt a été signé par R.PERINETTI, Conseiller la plus ancien ayant participé au délibéré et par Mme MAGIS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





Le Greffier, Le Conseiller,



S.MAGIS R.PERINETTI

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