9 mars 2023
Cour d'appel d'Amiens
RG n° 21/01953

2EME PROTECTION SOCIALE

Texte de la décision

ARRET

N° 245





URSSAF DU NORD-PAS-DE-CALAIS





C/



[D]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 09 MARS 2023



*************************************************************



N° RG 21/01953 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IB76 - N° registre 1ère instance : 18/00040



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOULOGNE SUR MER (Pôle Social) EN DATE DU 19 mars 2021





PARTIES EN CAUSE :





APPELANT





L'URSSAF DU NORD-PAS-DE-CALAIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]





Représentée par Me Gaëlle DEFER avocat au barreau de BEAUVAIS substituant Me Charlotte HERBAUT de la SELARL OSMOZ'AVOCATS, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 425









ET :





INTIME





Monsieur [W] [D]

[Adresse 4]

[Localité 3]





Représenté par Me Jérôme AUDEMAR de l'ASSOCIATION AUDEMAR & REMBOTTE & PERARD, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER











DEBATS :



A l'audience publique du 12 Décembre 2022 devant Mme Véronique CORNILLE, Conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023.



GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Isabelle LEROY





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :



Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:



Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,

Mme Chantal MANTION, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,



qui en ont délibéré conformément à la loi.





PRONONCE :



Le 09 Mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.



*

* *



DECISION



M. [W] [D] a formé opposition à la contrainte émise à son encontre le 7 décembre 2017 par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Nord Pas-de-Calais qui lui a été signifiée le 28 décembre 2017 pour avoir paiement de la somme totale de 27 955 euros correspondant à des cotisations et majorations de retard impayées au titre de la régularisation 2015, des 1er, 2ème, 3ème et 4ème trimestres 2016.



Par un jugement rendu le 19 mars 2021, le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer, pôle social, a :



- déclaré l'opposition à la contrainte de M. [W] [D] recevable et bien fondée,

- annulé la contrainte émise par l'URSSAF Nord Pas-de-Calais le 7 décembre 2017 et signifiée le 28 décembre 2017 pour un montant total de 27 955 euros,

- débouté l'URSSAF Nord Pas-de-Calais de sa demande de condamnation au paiement des frais de signification de la contrainte,

- condamné l'URSSAF au paiement des dépens de l'instance.



Par courrier recommandé avec avis de réception expédié le 12 avril 2021, l'URSSAF a interjeté appel du jugement.



Les parties ont été convoquées à l'audience du 12 mai 2022, lors de laquelle l'affaire a été renvoyée à l'audience du 12 décembre 2022.



Par conclusions visées par le greffe le 29 avril 2022 soutenues oralement à l'audience, l'URSSAF demande à la cour de :




- infirmer le jugement,

- déclarer l'opposition recevable mais non fondée,

- débouter M. [W] [D] de ses demandes, fins et conclusions,

- valider la contrainte pour la somme de 27 955 euros sans préjudices de majorations de retard complémentaires à suivre,

- condamner M. [W] [D] à lui payer la somme de 27 955 euros, se détaillant comme suit :

- principal : 26 002 euros

- majorations de retard : 1 953 euros,

Outre les frais de signification par exploit d'huissier.




Par conclusions réceptionnées le 8 décembre 2022 soutenues oralement, M. [W] [D] demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel,

- confirmer en conséquence l'annulation de la contrainte émise le 7 décembre 2017 signifiée le 28 décembre 2017 à son encontre,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'URSSAF Nord Pas-de-Calais de sa demande en condamnation au paiement des frais de signification de la contrainte,

- condamner l'URSSAF Nord Pas-de-Calais au paiement des dépens de l'instance,

- condamner l'URSSAF Nord Pas-de-Calais au paiement d'une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700.



Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé des moyens.




MOTIFS



La contrainte litigieuse émise pour la somme totale de 27 955 euros vise d'une part des cotisations et majorations de retard impayées au titre de la régularisation 2015, des 1er, 2ème, 3ème trimestres 2016 correspondant à la mise en demeure du 8 septembre 2016 et d'autre part des cotisations et majorations de retard au titre du 4ème trimestres 2016 correspondant à la mise en demeure du 19 juin 2017.



Dans son jugement du 19 mars 2021, le tribunal a annulé la contrainte au motif qu'elle comportait les irrégularités suivantes :

- le montant réclamé dans les actes de recouvrement au titre de la régularisation de 2015 (18 831 euros) inclut la somme de 8 820 euros au titre de la régularisation 2014 qui n'est pas justifiée ;

- le montant réclamé au titre des cotisations et contributions définitives de 2016 est erroné car il ne prend pas en compte la radiation au 20 octobre 2016.



Il a également relevé que le libellé '4ème trimestre 2016" prêtait à confusion, le montant réclamé au titre de cette période correspondant à la régularisation des cotisations 2015 sur la base des revenus et cotisations de 2015 exigible au 5 novembre 2016 soit au 4ème trimestre 2016 et non à une cotisation 2016.



L'URSSAF soutient à l'appui de son appel, qu'elle a calculé les cotisations conformément aux règles applicables prévues par les articles L. 131-6, L. 131-6-1, L. 131-6-2 et R.131-5 du code de la sécurité sociale et que les cotisations sont justifiées. Enfin, elle fait valoir sur l'ambiguïté prétendue de la rédaction des actes, que la rédaction découle des textes qui lui font obligation d'appeler des cotisations d'abord provisionnelles puis ajustées puis définitives et que la cotisation définitive ne peut être appelée qu'à la fin de l'année suivante, une fois les revenus réellement connus. Elle ajoute que conformément à l'article R. 133-27 du code précité, le complément de cotisations et contributions sociales résultant de la régularisation de celles de l'année précédente est exigible le 5 novembre (de l'année en cours).



Il résulte des articles L. 131-6, L. 131-6-1 du code de la sécurité sociale que jusqu'en 2014, les cotisations étaient calculées en deux temps : à titre provisionnel sur la base des revenus N-2 puis régularisées en N+1 à titre définitif lors de la connaissance des revenus perçus au titre de l'années correspondante (N). Depuis le 1er janvier 2015, en application des articles L. 131-6-2 et R. 131-5 du code précité, les cotisations des travailleurs indépendants non agricoles sont calculées en trois temps : à titre provisoire sur les revenus N-2, à titre provisionnel sur le revenu de l'année N-1 dès qu'il est connu, puis à titre définitif en année N+1 lorsque le revenu d'activité de l'année concernée N est définitivement connu.



- sur la régularisation 2015



Il ressort de la mise en demeure du 8 septembre 2016 qu'il est réclamé à M. [D] la somme de 19 847 euros au titre de la régularisation 2015 (18 831 euros en cotisations et 1 016 euros en majorations de retard)

La somme de 18 831 euros est composée au vu des explications de l'URSSAF, des cotisations 2015 pour un montant de 10 011 euros et de la régularisation 2014 pour un montant de 8 820 euros dont il fait grief à l'URSSAF de ne pas justifier.



L'URSSAF expose dans ses écritures en cause d'appel que la somme de 8 820 euros correspond à la différence entre le montant des cotisations provisionnelles 2014 appelées à hauteur de 1 604 euros et le montant des cotisations définitives (10 424 euros) calculé à réception des revenus définitifs 2014 en novembre 2015 représentant 21 304 euros. Elle précise le calcul des cotisations définitives.



Il est ainsi justifié du montant de 8 820 euros au titre de la régularisation 2014 de sorte que les cotisations réclamées dans la contrainte à hauteur de 18 831 euros au titre d'une régularisation représentant les cotisations 2015 (10 011 euros) et la régularisation 2014 (8 820 euros) outre les majorations de retard (1 016 euros) soit 19 847 euros au total sont bien-fondées.



- sur les cotisations 2016



Pour l'année 2016, les cotisations réclamées s'élèvent à 7 171 euros se décomposant ainsi :

- 1er trimestre 2016 : 655 euros

- 2ème trimestre 2016 : 3 107 euros

- 3ème trimestre 2016 : 1 553 euros

- 4ème trimestre 2016 : 1 856 euros



M. [D] invoquant sa qualité de demandeur d'emploi à compter de juillet 2016 et la liquidation de sa société le 20 octobre 2016, avait soutenu qu'il ne pouvait être débiteur de cotisations pour des périodes postérieures à la cessation de son activité.



Le tribunal a justement retenu que M. [D] avait été affilié au régime social des travailleurs indépendants non agricoles jusqu'au 20 octobre 2016 correspondant à la liquidation judiciaire entraînant la dissolution de la société dont il était le gérant, à défaut d'autres éléments tels que la demande de radiation adressée à l'URSSAF, et ce conformément aux dispositions de l'article L. 237-15 du code de commerce et de celles de R. 131-6 du code de la sécurité sociale visant la cessation d'activité du travailleur indépendant.



L'URSSAF ayant pris en compte la radiation de M. [D] au 20 octobre 2016, a expliqué que les cotisations pour l'exercice 2016 ne concernaient que les 3 premiers trimestres, le 4ème trimestre correspondant à la régularisation des cotisations 2015 sur la base des revenus et cotisations 2015 exigible au 5 novembre 2016 soit au 4ème trimestre 2016.



Si les premiers juges ont relevé que le libellé '4ème trimestre 2016" prêtait à confusion, cette imprécision n'est pas suffisante pour caractériser un défaut de motivation de la contrainte. La cour relève en effet que dans la mise en demeure, il est mentionné 'Regul N-1" pour chaque type de cotisation dans la première colonne 'Nature des sommes dues' de sorte que le cotisant pouvait en déduire que le 4ème trimestre visait une régularisation.



Par ailleurs, les premiers juges ont reproché à l'URSSAF de ne pas avoir appliqué la proratisation des revenus à la date de radiation au calcul des cotisations définitives de 2016 (basées sur les revenus connus de 2016), ce qui rendait le montant réclamé erroné.

Il n'est pas contesté que compte tenu de la radiation au 20 octobre 2016, les cotisations provisoires (basées sur les revenus 2014, soit 21 304 euros) puis les cotisations ajustées (basées sur les revenus 2015, soit 25 752 euros) ont été calculées sur la base de ces revenus proratisées à la date de radiation soit sur la base de 294 jours sur 366 jours.



S'agissant des cotisations définitives, l'URSSAF oppose que la proratisation ne s'applique pas au calcul des cotisations définitives dès lors qu'elles sont basées sur les revenus déclarés de 2016 (12 000 euros en l'espèce) qui sont les revenus réels tenant nécessairement compte de la durée d'activité du cotisant au cours de l'année concernée.



Aucune cotisation pour l'année 2016 n'étant réclamée au delà du 3ème trimestre 2016, la proratisation sur le calcul des cotisations définitives basées sur les revenus réels 2016 n'a pas à s'appliquer.



En conséquence, il n'est pas démontré d'erreur de calcul des cotisations 2016.



Le jugement qui a retenu cette irrégularité sera donc infirmé.



La contrainte est validée et l'opposition jugée infondée.



Les frais de signification sont à la charge du débiteur en vertu de l'article R. 133-6 du code de la sécurité sociale.



Enfin, l'équité n'impose pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile.



Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, M. [D], partie perdante, est condamné aux dépens.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe,



Infirme le jugement rendu le 19 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer, pôle social,



Statuant à nouveau,



Déclare l'opposition à la contrainte de M. [D] recevable mais non fondée,



Valide la contrainte émise par l'URSSAF Nord Pas-de-Calais à son encontre le 7 décembre 2017 signifiée le 28 décembre 2017 pour un montant de 27 955 euros,



Condamne M. [D] à payer à l'URSSAF Nord Pas-de-Calais la somme de 27 955 euros, soit 27 679 euros en principal et 1 953 euros en majorations de retard après déduction de 1 677 euros, ainsi que les frais de signification de la contrainte,



Déboute M. [D] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne M. [D] aux entiers dépens de l'instance.





Le Greffier, Le Président,

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