9 mars 2023
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 22/08919

Chambre 3-1

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT

DU 09 MARS 2023



N° 2023/38













Rôle N° RG 22/08919 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJTN5







Société APOLLO GLOBAL MARINE LLC





C/



[G] [X]

[Y] [J]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Joseph MAGNAN

Me Alexis REYNE















Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 15 Février 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 2020003815.





APPELANTE



Société APOLLO GLOBAL MARINE LLC, dont le siège social est sis [Adresse 2]



représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Jean-philippe MASLIN, avocat au barreau de PARIS, plaidant





INTIMES



Monsieur [G] [X], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Alexis REYNE, avocat au barreau de MARSEILLE, assisté de Me Sabrina ADJAM, avocat au barreau de PARIS, plaidant



Madame [Y] [J], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Alexis REYNE, avocat au barreau de MARSEILLE, assisté de Me Sabrina ADJAM, avocat au barreau de PARIS, plaidant













*-*-*-*-*





COMPOSITION DE LA COUR





L'affaire a été débattue le 23 Janvier 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.



La Cour était composée de :





Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère







qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Madame Marie PARANQUE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023.







ARRÊT



contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023,



Signé par Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre et Madame Laure METGE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






***











































EXPOSE DU LITIGE



Suivant contrats de travail en date des 15 février 2018 et 31 octobre 2019, la société APOLLO GLOBAL MARINE LLC, propriétaire d'un navire de plaisance dénommé « MY CRISTALES », battant pavillon de la République des Iles Marshall, a engagé Monsieur [G] [X] en qualité de capitaine, et Madame [Y] [J], en qualité de chef cuisinier et marin, pour l'exploitation de ce navire.



En janvier 2019, afin de relancer son exploitation commerciale, la société APOLLO GLOBAL MARINE LLC a commencé à préparer le transfert du navire, via cargo, vers les Etats-Unis et les Caraïbes, préparatifs auxquels ont participé Monsieur [G] [X] et Madame [Y] [J].



Avançant être chacun titulaires d'une créance maritime d'un montant de 125 676 euros et 107 448 euros, constituée de salaires non payés, d'indemnités de rupture du contrat de travail (indemnité de préavis, indemnité de congés payés, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse), et d'une indemnité pour travail dissimulé, Monsieur [G] [X] et Madame [Y] [J] ont sollicité du Président du Tribunal de Commerce d'Antibes la saisie-conservatoire du navire. Cette saisie a été autorisée par ordonnances du 4 mai 2020, et réalisées le 5 mai 2020.



Par conventions de séquestre en date du 16 mai 2020, Monsieur [G] [X] et Madame [Y] [J] ont accepté de lever la saisie du navire, moyennant le versement de la somme totale de 233 124 euros, sur le compte séquestre du Bâtonnier de l'Ordre des Avocats du Barreau de PARIS, versement effectif le 3 juin 2020.



Parallèlement, Monsieur [G] [X] et Madame [Y] [J] ont saisi, par requêtes déposées le 2 juin 2020, le Conseil des Prud'hommes de CANNES, aux fins de résiliation judiciaire de leur contrat de travail. Par courriers du 12 juin 2020, Monsieur [G] [X] et Madame [Y] [J] ont pris acte de la rupture de leur contrat de travail aux torts de l'employeur. Suivant jugement en date du 10 mai 2022, la juridiction a notamment débouté les salariés de l'ensemble de leurs demandes, disant que la prise d'acte de la rupture devait s'analyser comme une démission. Monsieur [G] [X] et Madame [Y] [J] ont relevé appel de ces décisions, le litige étant à ce jour pendant devant la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence.



Par acte d'huissier en date du 18 novembre 2020, la société APOLLO GLOBAL MARINE LLC a fait assigner Monsieur [G] [X] et Madame [Y] [J] devant le Tribunal de Commerce d'ANTIBES, en référé, aux fins de rétractation des deux ordonnances sur requête en date du 4 mai 2020 du Président du Tribunal de Commerce d'ANTIBES, et de restitution des sommes de 107 448 euros et 125 676 euros séquestrées.



Par jugement ordonnance en date du 15 février 2021, le Tribunal de Commerce d'ANTIBES a :

- Débouté la société APOLLO GLOBAL MARINE LLC de sa demande de :

- Rétracter l'ordonnance du 4 mai 2020 rendue à la requête de Monsieur [G] [X] par le président du Tribunal de Commerce d'ANTIBES ;

- Rétracter l'ordonnance du 4 mai 2020 rendue à la requête de Madame [Y] [J] par le président du Tribunal de Commerce d'ANTIBES ;

- Débouté la société APOLLO GLOBAL MARINE LLC de sa demande d'ordonner la restitution des sommes de 107 448,00 euros et 125 676,00 euros actuellement séquestrées auprès de Monsieur le bâtonnier du Barreau de Paris ;

- Débouté Monsieur [G] [X] et de Madame [Y] [J] de leur demande de 3000 euros dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- Condamné la société APOLLO GLOBAL MARINE LLC à payer à Monsieur [G] [X] et de Madame [Y] [J] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejeté comme inutile et infondée toute autre demande des parties ;

- Dit que les dépens de la présente instance seront à la charge de la société APOLLO GLOBAL MARINE LLC, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 60,67 euros TTC dont TVA 10,11 euros.



La société APOLLO GLOBAL MARINE LLC a relevé appel de cette décision par déclaration formée au greffe le 21 juin 2022.



Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 9 décembre 2022, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du Code de Procédure Civile, la société APOLLO GLOBAL MARINE LLC demande à la Cour, au visa des articles L5114-22 du Code des transports, L721-7-2° du Code de commerce, L511-3 du Code des Procédures Civiles d'exécution, R1412-1 du Code du travail, et de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer de 1952, de :

In limine litis,

- déclarer irrecevables Madame [Y] [J] et Monsieur [G] [X] en leur demande de sursis à statuer ;

- A titre subsidiaire, débouter Madame [Y] [J] et Monsieur [G] [X] de leur demande de sursis à statuer car infondée ;



Sur le fond, et à titre subsidiaire,

- infirmer partiellement l'ordonnance rendue le 15 février 2021 par le Président du Tribunal de commerce d'Antibes en ce qu'elle a :

- Débouté la société APOLLO GLOBAL MARINE LLC de sa demande de :

- Rétracter l'ordonnance du 4 mai 2020 rendue à la requête de Monsieur [G] [X] par le président du Tribunal de Commerce d'ANTIBES ;

- Rétracter l'ordonnance du 4 mai 2020 rendue à la requête de Madame [Y] [J] par le président du Tribunal de Commerce d'ANTIBES ;

- Débouté la société APOLLO GLOBAL MARINE LLC de sa demande d'ordonner la restitution des sommes de 107 448,00 euros et 125 676,00 euros actuellement séquestrées auprès de Monsieur le bâtonnier du Barreau de Paris ;

- Condamné la société APOLLO GLOBAL MARINE LLC à payer à Monsieur [G] [X] et de Madame [Y] [J] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejeté comme inutile et infondée toute autre demande des parties ;

- Dit que les dépens de la présente instance seront à la charge de la société APOLLO GLOBAL MARINE LLC, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 60,67 euros TTC dont TVA 10,11 euros.



En conséquence, et statuant à nouveau,

o rétracter l'ordonnance du 4 mai 2020 rendue à la requête de Monsieur [G] [X] par le Président du Tribunal de commerce d'Antibes ;

o rétracter l'ordonnance du 4 mai 2020 rendue à la requête de Madame [Y] [J] par le Président du Tribunal de commerce d'Antibes ;

o rétracter la restitution à la société APOLLO GLOBAL MARINE LLC des sommes de 107 448 euros et 125 676 euros actuellement séquestrées auprès de Monsieur le Bâtonnier du Barreau de Paris ;

o condamner in solidum Monsieur [G] [X] et Madame [Y] [J] à verser à la société APOLLO GLOBAL MARINE LLC la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.



En tout état de cause,

- débouter Madame [Y] [J] et Monsieur [G] [X] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

- condamner Madame [Y] [J] et Monsieur [G] [X] à verser à la société APOLLO GLOBAL MARINE LLC la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel.



Elle fait valoir notamment que :

- In limine litis, la demande de sursis à statuer suivant le régime des exceptions de procédure, cette dernière est irrecevable en ce qu'elle a été soulevée pour la première fois en appel. Les causes de la demande de sursis, invoquées par les intimés, résidant en les garanties obtenues avant la saisie prud'homale et la mainlevée du navire contre séquestre, se sont manifestées antérieurement à la saisine en date du 18 novembre 2020 du Président du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en référé-rétractation, de sorte que cette demande devait être formulée dès la première instance. Aucune intention frauduleuse ne saurait leur être reprochée, la mainlevée contre séquestre qu'ils ont acceptée permettant la libre jouissance du bien, en ce compris la mise en vente du navire. Au surplus, cette demande apparaît infondée, en ce que l'impossibilité de contester toute mesure conservatoire jusqu'à ce que le litige principal soit tranché violerait le droit des parties. Enfin, la créance ayant justifié la mesure conservatoire n'était pas fondée en son principe, ainsi que l'a retenu le Conseil des Prud'hommes de Cannes.

- Le Tribunal de Commerce d'ANTIBES n'était pas compétent pour autoriser la saisie conservatoire, la compétence étant attribuée au Président du Tribunal de Commerce non du fait de la nature du bien saisi, mais en raison du caractère commercial de la créance alléguée. Or, en l'espèce, les créances invoquées par Monsieur [G] [X] et Madame [Y] [J] sont de nature salariales, et non commerciales.

- La saisie-conservatoire apparaît mal fondée, en ce que le Président du Tribunal de Commerce d'ANTIBES ne s'est pas assuré de ce que la créance existe et a un caractère vraisemblable, le Conseil des Prud'hommes de CANNES ayant débouté les intimés de leurs demandes indemnitaires, considérant que les griefs allégués n'étaient pas établis.

- La rétractation des ordonnances entraînant leur caducité, elles sont présumées n'avoir jamais existé, de sorte que les conventions de séquestre en date du 26 mai 2020 sont dépourvues de tout fondement, et les sommes consignées devront être restituées.



Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 8 décembre 2022, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du Code de Procédure Civile, Monsieur [G] [X] et Madame [Y] [J] demandent notamment à la Cour, au visa de la Convention internationale unifiant certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer conclue à Bruxelles le 10 mai 1952 intégrée à l'ordre interne français par le décret n°588-14 du 4 janvier 1958, de l'article L.721-7 du Code de commerce, des articles L.5114-20 et L.5114-22 du Code des Transports, des dispositions des articles 32-1 et 700 du Code de Procédure Civile, de :

- in limine litis, déclarer recevable la demande de sursis à statuer de Monsieur [G] [X] et Madame [Y] [J] et de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre sociale 4-5 à intervenir ;

- à titre subsidiaire, de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 15 février 2021 par le Président du Tribunal de commerce d'Antibes,

- débouter la société APOLLO GLOBAL MARINE LLC de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société APOLLO GLOBAL MARINE LLC à verser à Monsieur [X] et Madame [J] la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.



Ils soutiennent notamment que :

- La demande de sursis à statuer ne saurait s'analyser comme une exception de procédure, mais comme un incident d'instance, et peut ainsi être soulevé en tout état de cause, de sorte que les dispositions de l'article 74 du Code de Procédure Civile ne leur sont pas opposables. En tout état de cause, l'obligation imposée par ces dispositions de soulever les exceptions simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir ne pèse, en matière de sursis à statuer, qu'après que ce soit manifestée la cause de la demande en sursis. Il apparaît d'une bonne administration de la justice que le litige en matière sociale soit tranché avant le présent litige ;

- Le Président du Tribunal de Commerce d'ANTIBES se trouvait compétent pour connaître de la demande de rétractation, étant le juge ayant autorisé la mesure, conformément aux dispositions de l'article 496 du Code de Procédure Civile ;

- Il découle de la lecture combinée des articles L721-7 du Code de commerce, L5114-20 et L5114-22 du Code des Transports une primauté du droit maritime sur le droit commun, l'article 211 alinéa 2 du décret du 31 juillet 1992 prévoyant au surplus qu'une mesure conservatoire tendant à la conservation d'une créance relevant de la juridiction commerciale, peut être autorisée, avant tout procès, par le président du Tribunal de commerce, cette compétence étant fondée non sur la nature de la créance, mais sur l'objet de la saisie, en l'espèce le navire. Au demeurant, la créance apparaissant comme une créance maritime au sens de l'article 1er de la convention de 1952, il n'apparaît pas possible d'immobiliser un navire pour une procédure tirée du droit commun.

- L'article 1er 1° m) de la convention de BRUXELLES du 10 mai 1952 précise que constituent des « créances maritimes », les salaires de capitaines, officiers ou hommes d'équipage », et le seul fait d'alléguer une créance maritime suffit pour fonder l'autorisation de saisie, sans qu'il n'y ait lieu d'apprécier la certitude ou l'apparence de certitude de droit du créancier. Tandis que la convention ne permet de saisir un navire que sur le fondement d'une créance « maritime », le droit français l'autorise pour tout type de créance. Ainsi, la seule et unique condition pour être autorisé à saisir un navire consiste à alléguer une créance, que cette créance soit une créance maritime et enfin qu'elle se rapporte au navire saisi, ce qui est le cas en l'espèce ;

- En tout état de cause, le Président du Tribunal de Commerce d'ANTIBES et la présente juridiction apparaissent incompétents pour connaître tant du bien-fondé de la créance, que de la rupture du contrat de travail ;



Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 12 décembre 2022 et a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 23 janvier 2023.



A cette date, l'affaire a été retenue et mise en délibéré au 9 mars 2023.




MOTIFS



- Sur la demande de sursis à statuer



Aux termes de l'article 73 du code de procédure civile, constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.



L'article 74 du code de procédure civile prévoit que les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.



L'article 378 de ce même code définit le sursis à statuer comme la décision qui suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'évènement qu'elle détermine.



En l'espèce, Monsieur [G] [X] et Madame [Y] [J] soutiennent que leur demande de sursis à statuer sur l'appel formé à l'encontre de l'ordonnance du 15 février 2021 s'analyse comme un incident d'instance susceptible d'être soulevé en tout état de cause, de sorte que les dispositions de l'article 74 du code de procédure civile ne leur sont pas opposables.



Toutefois, il résulte de la lecture combinée des textes sus-visés que la demande de sursis, laquelle suit le régime des exceptions de procédure, doit être formée avant toute défense au fond ou fin de non'recevoir. Une exception de procédure est ainsi par nature irrecevable lorsqu'elle est demandée pour la première fois en appel. Toutefois, le sursis ne doit être soulevé qu'après que se soit manifestée la cause de la demande en sursis.



Il est à constater qu'aucune demande de sursis à statuer n'avait été formée en première instance alors que l'instance prud'homale, destinée à établir la réalité des créances fondant les mesures conservatoires, avait été introduite dès le 2 juin 2020, que la mainlevée de la saisie du navire avait été donnée contre séquestre le 16 mai 2020, et que la prise d'acte par Monsieur [G] [X] et Madame [Y] [J] de la rupture de leurs contrats de travail est intervenue le 12 juin 2020, soit bien avant l'assignation aux fins de rétractation de l'ordonnance sur requête délivrée le 18 novembre 2020. Ainsi, la cause de la demande en sursis résidant dans l'attente d'une décision au fond tendant à constater la réalité des créances fondant la saisie, il apparaît que celle-ci était manifeste dès la première instance.



Dès lors, la demande de sursis à statuer formée par Monsieur [G] [X] et Madame [Y] [J] sera déclarée irrecevable.



Au surplus, s'agissant de la contestation d'une mesure conservatoire, fondée sur le caractère vraisemblable d'une créance ou sur sa simple allégation, un sursis à statuer dans l'attente d'une décision au fond venant consacrer le principe de cette créance n'apparaît pas nécessaire.



- Sur la compétence d'attribution pour autoriser la saisie-conservatoire



Il est constant que la saisie des navires est, en droit français, soumise à un double régime : un régime international exprimé par les conventions internationales, et notamment la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer, et un régime propre au droit français, issu des articles L5114-22 et R5114-15 et suivants du Code des transports.



A cet égard, la saisie litigieuse a été pratiquée tant sur le fondement de la Convention internationale de Bruxelles en date du 10 mai 1952 que sur les textes issus du droit français.



Si la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 s'applique à « tout navire de mer », elle précise en son article 6 alinéa 2 que les règles de procédure relatives à la saisie d'un navire, à l'obtention de l'autorisation visée à l'article 4 et à tous autres incidents de procédure qu'une saisie peut soulever, sont régies par la loi de l'Etat Contractant dans lequel la saisie a été pratiquée ou demandée. Il appartient dès lors à la loi française de déterminer la compétence du juge dès lors que la saisie a lieu en France.



L'article L.5114-20 du Code des Transports dispose que la saisie du navire est régie par les dispositions de la présente section et l'article L.5114-22 du Code des Transports, prévoit que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire du navire, sans toutefois spécifier le juge compétent.



Or, il résulte de la lecture combinée de l'article L511-3 du code des procédures civiles d'exécution désignant le juge compétent en matière de saisie-conservatoire, et de l'article L721-7-2° du code de commerce, que le juge compétent est par principe le juge de l'exécution, le président du tribunal de commerce ne disposant que d'une compétence résiduelle en la matière, lorsque celle-ci tend à la conservation d'une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale.



Il importe de déterminer dès lors la nature de la créance, pour déterminer la compétence d'attribution. La société APOLLO GLOBAL MARINE LLC soutient que les créances alléguées sont de nature salariales, tandis que Monsieur [G] [X] et Madame [Y] [J] soutiennent qu'il s'agit de créances maritimes, telles que définie par l'article 1er de la convention de Bruxelles du 10 mai 1952.



Pour satisfaire à la qualification de « créance maritime » au sens de la Convention internationale de Bruxelles, la créance alléguée doit simplement avoir l'une des causes dont l'article 1 de ladite convention dresse une liste limitative, et notamment correspondre à des « Salaires des Capitaine, Officiers ou hommes d'équipage ».



Monsieur [G] [X] et Madame [Y] [J] font état à ce titre d'une créance correspondant à des salaires impayés, des congés payés restant dus, à une indemnité compensatrice de préavis, à une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, à une indemnité forfaitaire de travail dissimulé, et à la réparation d'un préjudice, correspondant ainsi à la définition d'une créance maritime.



Toutefois, la notion de créance maritime n'emporte pas de conséquence s'agissant de la compétence d'attribution, celle-ci conditionnant uniquement le régime d'application une fois cette compétence déterminée, de sorte qu'une créance maritime peut également revêtir le caractère de créance commerciale, sociale ou civile, seul à même de définir la compétence d'attribution.



En l'espèce, les créances alléguées étant de nature salariales, dont seule la juridiction prud'homale peut connaître, et non commerciales, le Président du tribunal de commerce d'ANTIBES n'était pas compétent pour ordonner la saisie-conservatoire du navire, de sorte que l'ordonnance de référé du 15 février 2021 sera infirmée en toutes ses dispositions soumises à l'appréciation de la cour. Les deux ordonnances du 4 mai 2020 rendues à la requête de Monsieur [G] [X] et de Madame [Y] [J] par le Président du tribunal de commerce d'ANTIBES seront dès lors rétractées.



Le séquestre des deux sommes de 125.676 € et de 107.448 € a été constitué suivant deux conventions en date du 16 mai 2020, mentionnant expressément les ordonnances sur requête du 4 mai 2020 rendues par le président du tribunal de commerce d'ANTIBES, et indiquant que la société APOLLO GLOBAL MARINE LLC « s'engage à consigner sur le compte séquestre du Bâtonnier de l'Ordre des Avocats du Barreau de Paris les deux sommes, afin d'en obtenir immédiatement la mainlevée ». Les ordonnances litigieuses précisaient à ce titre que « la mainlevée de la saisie pourra être ordonnée contre paiement ou consignation de la somme objet de la saisie ».



Il s'en infère que la saisie-conservatoire pratiquée est la cause directe et exclusive du séquestre, de sorte que la rétractation des ordonnances prive de tout fondement le séquestre, la saisie conservatoire n'ayant en elle-même pas disparu mais ayant été substituée par le séquestre.



La rétractation des ordonnances du 4 mai 2020 privant de tout fondement les conventions de séquestre en date du 26 mai 2020, la restitution des sommes consignées sera ainsi ordonnée.



- Sur les demandes accessoires



Monsieur [G] [X] et de Madame [Y] [J], succombant, seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.



Ils seront également tenus de payer in solidum à la société APOLLO GLOBAL MARINE LLC la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



La Cour,



Déclare irrecevable la demande de sursis à statuer de Monsieur [G] [X] et de Madame [Y] [J],



Infirme l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce d'ANTIBES le 15 février 2021 en toutes ses dispositions soumises à l'appréciation de la cour,



Statuant à nouveau,



Rétracte l'ordonnance du 4 mai 2020 rendue à la requête de Monsieur [G] [X] par le président du tribunal de commerce d'ANTIBES,



Rétracte l'ordonnance du 4 mai 2020 rendue à la requête de Madame [Y] [J] par le président du tribunal de commerce d'ANTIBES,



Ordonne la restitution à la société APOLLO GLOBAL MARINE LLC des sommes de 107.448 euros et 125.676 euros séquestrées auprès de Monsieur le Bâtonnier du Barreau de Paris en application des conventions de séquestre en date du 16 mai 2020,



Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples,



Condamne in solidum Monsieur [G] [X] et Madame [Y] [J] à payer à la société APOLLO GLOBAL MARINE LLC la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne in solidum Monsieur [G] [X] et Madame [Y] [J] aux dépens de première instance et d'appel.



LE GREFFIER LE PRESIDENT

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