9 mars 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-20.358

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C300179

Texte de la décision

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 mars 2023




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 179 F-D

Pourvoi n° N 21-20.358




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 MARS 2023

La société Sainte-Marie, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 21-20.358 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-8), dans le litige l'opposant à la Société industrielle du littoral méditerranéen pour l'environnement (SILIM environnement), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société civile immobilière Sainte-Marie, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la Société industrielle du littoral méditerranéen pour l'environnement, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 mai 2021), le 23 avril 2007, la société civile immobilière Sainte-Marie (la bailleresse) a donné à bail commercial des locaux à la Société industrielle du littoral méditerranéen pour l'environnement (la locataire).

2. Le 23 novembre 2012, la locataire a donné son congé à la bailleresse pour le 31 mai 2013, puis l'a assignée en restitution des loyers postérieurs à son départ des lieux et en restitution du dépôt de garantie.

3. La bailleresse a demandé, reconventionnellement, le paiement de réparations locatives et de l'indemnité de rupture anticipée stipulée au bail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La bailleresse fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite sa demande en paiement d'une certaine somme à titre de dédit, alors « que l'action en paiement de l'indemnité de rupture anticipée du bail commercial, qui n'a pas son fondement dans les dispositions légales applicables aux baux commerciaux, mais dans la clause de dédit insérée au contrat, est soumise à la prescription quinquennale de droit commun ; qu'en retenant, pour décider que la prescription biennale s'appliquait à l'action en paiement de l'indemnité de rupture anticipée du contrat, que « le fait de conditionner le paiement d'un dédit à une durée immédiatement liée à la durée du bail commercial, qui est statutaire, abouti(ssait) à rattacher ladite clause au statut des baux commerciaux », lorsque l'action poursuivait l'exécution d'une clause contractuelle dans laquelle elle trouvait sa seule source, la cour d'appel a violé les articles L. 110-4 et L. 145-60 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 110-4 et L. 145-60 du code de commerce :

5. Selon le premier de ces textes, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes

6. Selon le second, toutes les actions exercées en vertu du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans.

7. Pour dire prescrite en application de l'article L. 145-60 du code de commerce la demande de la bailleresse en paiement de l'indemnité de résiliation anticipée, l'arrêt relève que la clause de dédit n'existe pas dans le statut des baux commerciaux, puis retient que le fait de conditionner le paiement d'un dédit à une durée immédiatement liée à la durée du bail commercial, qui est statutaire, aboutit à rattacher ladite clause au statut des baux commerciaux.

8. En statuant ainsi, alors que l'action en paiement d'une indemnité de rupture stipulée à un bail commercial en cas de résiliation anticipée n'a pas son fondement dans les dispositions du statut des baux commerciaux, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le second moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

9. La bailleresse fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement au titre du coût de la remise en état des locaux, alors :

« 1°/ que la bailleresse versait, à l'appui de son allégation de dégradations des locaux imputables au preneur, l'état des lieux établi lors de l'entrée du preneur dans les locaux, daté du 1er août 2007, outre deux bons de livraison du 5 septembre 2007 aux fins d'établir les réparations auxquelles elle avait fait procéder ; qu'en jugeant que la preuve des dégradations imputées au preneur n'était pas rapportée, sans avoir analysé, même sommairement, ces éléments de preuve qui avaient été régulièrement versés aux débats par la SCI Sainte-Marie à l'appui de ses allégations, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que la société Sainte-Marie faisait valoir dans ses écritures, d'une part, que le cabinet Durbec avait rendu, le 17 octobre 2013, un rapport constatant l'état déplorable des bâtiments, « après s'être rendu à plusieurs reprises dans les locaux » et, d'autre part, que « les locaux n'(avaient) pas été utilisés entre le départ du locataire (…) et le rapport établi par le cabinet Durbec le 17 octobre 2013, comme en attest(ait) la comptabilité de la société » ; qu'en retenant, pour juger que le constat du 17 octobre 2013 n'était pas de nature à établir les dégradations alléguées et leur imputabilité au preneur, qu'il était « largement postérieur au départ du locataire le 31 mai 2013 », sans répondre aux conclusions du bailleur sur les deux points susvisés, qui étaient pourtant propres à justifier le temps qu'avait pris l'élaboration des trois rapports et à démontrer que les dégradations ne pouvaient être imputables à nul autre que le preneur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

10. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

11. Pour rejeter la demande indemnitaire formée par la bailleresse au titre des réparations locatives, l'arrêt énonce, par motifs adoptés, qu'il n'y a pas eu d'état des lieux d'entrée, et par motifs propres, qu'il n'y a pas eu d'état des lieux de sortie contradictoire et que le constat établi le 17 octobre 2013, non contradictoire et largement postérieur au départ du locataire le 31 mai 2013, n'est pas de nature à rapporter la preuve des dégradations alléguées.

12. En se déterminant ainsi, par une simple affirmation, sans analyser, même de façon sommaire, les éléments de preuve produits par la bailleresse pour justifier de l'état des locaux à l'entrée de la locataire et à sa sortie, ni répondre à ses conclusions faisant valoir que les locaux n'avaient pas été utilisés entre le départ de la locataire et l'établissement des rapports amiables, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite la demande reconventionnelle de la société civile immobilière Sainte-Marie relative à l'application de la clause de dédit stipulée au contrat de bail et qu'il rejette la demande reconventionnelle de la société civile immobilière Sainte-Marie au titre des coûts de remise en état des locaux, l'arrêt rendu le 27 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne la Société industrielle du littoral méditerranéen pour l'environnement aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société industrielle du littoral méditerranéen pour l'environnement et la condamne à payer à la société civile immobilière Sainte-Marie la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Alain Bénabent , avocat aux Conseils, pour la société Sainte-Marie

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La SCI Sainte-Marie reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir jugé irrecevable sa demande aux fins de paiement de la somme de 180 000 euros à titre de dédit ;

ALORS QUE l'action en paiement de l'indemnité de rupture anticipée du bail commercial, qui n'a pas son fondement dans les dispositions légales applicables aux baux commerciaux, mais dans la clause de dédit insérée au contrat, est soumise à la prescription quinquennale de droit commun ; qu'en retenant, pour décider que la prescription biennale s'appliquait à l'action en paiement de l'indemnité de rupture anticipée du contrat, que « le fait de conditionner le paiement d'un dédit à une durée immédiatement liée à la durée du bail commercial, qui est statutaire, abouti(ssait) à rattacher ladite clause au statut des baux commerciaux », lorsque l'action poursuivait l'exécution d'une clause contractuelle dans laquelle elle trouvait sa seule source, la cour d'appel a violé les articles L. 110-4 et L. 145-60 du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La SCI Sainte-Marie fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté sa demande en paiement de la somme de 108 054 euros TTC au titre du coût de la remise en état des locaux ;

1°/ ALORS QUE la bailleresse versait, à l'appui de son allégation de dégradations des locaux imputables au preneur, l'état des lieux établi lors de l'entrée du preneur dans les locaux, daté du 1er août 2007, outre deux bons de livraison du 5 septembre 2007 aux fins d'établir les réparations auxquelles elle avait fait procéder ; qu'en jugeant que la preuve des dégradations imputées au preneur n'était pas rapportée, sans avoir analysé, même sommairement, ces éléments de preuve qui avaient été régulièrement versés aux débats par la SCI Sainte-Marie à l'appui de ses allégations, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE le juge ne peut pas refuser d'examiner un rapport établi unilatéralement à la demande d'une partie, dès lors qu'il est régulièrement versé aux débats, soumis à la discussion contradictoire et corroboré par d'autres éléments de preuve ; que la bailleresse versait, à l'appui de son allégation de dégradations des locaux imputables au preneur, trois rapports du cabinet d'expertise Durbec, datés du 17 octobre 2013, concernant chacun l'état de l'un des trois bâtiments loués après le départ du preneur ; qu'en retenant, pour juger que « le constat établi le 17 octobre 2013 (…) n'était pas de nature à rapporter la preuve des dégradations alléguées », qu'il était « non contradictoire », lorsque les rapports en cause avaient été régulièrement versés aux débats, qu'ils étaient soumis à la discussion des parties et corroborés par d'autres éléments de preuve, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°/ ALORS QUE la société SCI Sainte-Marie faisait valoir dans ses écritures, d'une part, que le cabinet Durbec avait rendu, le 17 octobre 2013, un rapport constatant l'état déplorable des bâtiments, « après s'être rendu à plusieurs reprises dans les locaux » et, d'autre part, que « les locaux n'(avaient) pas été utilisés entre le départ du locataire (…) et le rapport établi par le cabinet Durbec le 17 octobre 2013, comme en attest(ait) la comptabilité de la société » ; qu'en retenant, pour juger que le constat du 17 octobre 2013 n'était pas de nature à établir les dégradations alléguées et leur imputabilité au preneur, qu'il était « largement postérieur au départ du locataire le 31 mai 2013 », sans répondre aux conclusions du bailleur sur les deux points susvisés, qui étaient pourtant propres à justifier le temps qu'avait pris l'élaboration des trois rapports et à démontrer que les dégradations ne pouvaient être imputables à nul autre que le preneur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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