9 mars 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-21.698

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C300184

Titres et sommaires

BAIL (RèGLES GéNéRALES) - Bailleur - Société civile - Obligations - Garantie - Trouble de jouissance - Voie de fait causée par les ayants droit d'un associé décédé de la société civile - Portée

D'une part, il résulte de l'article 1725 du code civil que le bailleur, constitué en société civile, est tenu de garantir le locataire des troubles que ses associés, qui ne sont pas des tiers à son égard au sens de ce texte, ont apporté à sa jouissance par voie de fait. D'autre part, il résulte des articles 1315, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1870, alinéas 1 et 2, du code civil, qu'une société civile étant présumée continuer avec les héritiers d'un associé décédé, il incombe à celui qui dénie la qualité d'associé à l'héritier d'un associé d'établir l'existence d'une stipulation contraire des statuts. Dès lors, viole ces textes, la cour d'appel qui rejette l'action en garantie intentée par un locataire à l'encontre de la bailleresse, constituée en société civile, pour des troubles apportés à sa jouissance par voie de fait par les ayants droit d'un associé décédé de cette société au motif qu'il n'est pas justifié qu'ils en seraient devenus automatiquement associés et qu'au surplus les associés, qui ne peuvent être assimilés à la société civile, sont des tiers au contrat de bail au sens de l'article 1725 du code civil

Texte de la décision

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 mars 2023




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 184 FS-B

Pourvoi n° U 21-21.698




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 MARS 2023

La société Tahiti valeurs, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° U 21-21.698 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2021 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Apatae, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 8],

2°/ à Mme [K] [D], veuve [F], domiciliée [Adresse 2],

3°/ à Mme [T] [F], domiciliée [Adresse 4],

4°/ à M. [U] [F],

5°/ à M. [O] [F],

domiciliés tous deux [Adresse 3],

6°/ à M. [J] [F], domicilié [Localité 1],

7°/ à M. [S] [Z],

8°/ à Mme [Y] [Z],

domiciliés tous deux [Adresse 6],

9°/ à M. [W] [P], domicilié [Adresse 7],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de Me Bertrand, avocat de la société Tahiti valeurs, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Apatae, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de Mmes [K] et [T] [F], de MM. [U], [O] et [J] [F], M. et Mme [Z] et de M. [P], et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, Mme Andrich, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Tahiti valeurs du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mmes [K] et [T] [F], MM. [U], [O] et [J] [F], M. et Mme [Z] et M. [P].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué et les productions (Papeete, 27 mai 2021), le 1er septembre 2001, la société civile immobilière Apatae (la société bailleresse), qui avait été constituée par [O] [F], MM. [O] et [N] [I] et [E] [A], a donné à bail commercial à la société Tahiti valeurs (la locataire) un local commercial et un parking.

3. Le 23 septembre 2002, un huissier de justice a constaté par procès-verbal que l'accès au parking avait été cadenassé.

4. La locataire a assigné, en référé, la société bailleresse en cessation d'un trouble manifestement illicite.

5. La société bailleresse, soutenant que le trouble était causé par les ayants droit d'[O] [F], a appelé en la cause MM. [U], [O] et [J] [F], Mmes [K] et [T] [F] et [V] [F] (les consorts [F]) afin que l'injonction de libérer les lieux leur soit adressée personnellement.

6. Le juge des référés a ordonné, d'une part, aux consorts [F], de rétablir le libre accès au parking, d'autre part, une expertise comptable afin d'évaluer le préjudice de la locataire.

7. A la suite du dépôt du rapport d'expertise, la locataire a assigné la société bailleresse en indemnisation de son préjudice de jouissance.

8. La société bailleresse a appelé en garantie les consorts [F] ainsi que M. et Mme [Z] et M. [P] venant aux droits de [V] [F], décédée.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

9. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en condamnation de la société bailleresse à réparer son trouble de jouissance, alors :

« 1°/ que si le bailleur n'est pas tenu de garantir le preneur des troubles de fait causés à ce dernier par des tiers, il répond en revanche des troubles subis par le preneur du fait de tiers contestant le droit du bailleur de louer les lieux ; que la cour d'appel a constaté qu'il était établi que l'accès au parking de l'immeuble donné à bail à la société Tahiti Valeurs par la SCI Apatae avait été bloqué par les consorts [F] et que l'activité de la société Tahiti Valeurs supposait l'utilisation du parking et le défaut d'accès à celui-ci caractérisait un trouble de jouissance ; que, pour rejeter les demandes de la société Tahiti Valeurs tendant à la condamnation de la bailleresse à l'indemniser des préjudices résultant de ce trouble, la cour d'appel a estimé que les consorts [F], héritiers de M. [O] [F] père, associé de la SCI Apaate, étaient des tiers au contrat de bail litigieux et que le trouble de jouissance subi par la société locataire était non un trouble de droit, mais la conséquence d'une voie de fait de la part des consorts [F] qui avaient bloqué l'accès physique au parking objet du bail ; qu'en statuant de la sorte, quand il résultait de ses propres constatations que « le parking a été bloqué à l'initiative d'autres personnes qui contestaient ainsi le droit de la SCI Apatae à le louer », et en particulier, que Mme [V] [F] veuve [Z] avait dans ses conclusions lors de l'instance en référé fait valoir que « les consorts [F] peuvent se réserver le droit de laisser les occupants du second étage accéder au parking », et quand il résultait de l'ordonnance de référé du 24 mai 2004 que M. [J] [F] avait expliqué qu'il avait placé des cadenas et des chaînes sur le portail accédant à la cour intérieure des lieux en cause à la suite d'un manquement contractuel de la SCI, ce dont il résultait que le trouble de jouissance subi par la société Tahiti Valeurs avait pour origine la contestation par les consorts [F] du droit de la SCI Apatae de donner le parking à bail à la société Tahiti Valeurs, de sorte que ce trouble s'analysait en un trouble de droit et non seulement en un trouble de fait, la cour d'appel a violé les articles 1725 et 1726 du code civil, ensemble l'article 1147 (ancien) du code civil ;

2°/ que la circonstance que le trouble de jouissance subi par le locataire résulte d'une voie de fait d'un tiers qui se serait approprié les lieux loués ou en aurait bloqué l'accès n'est pas de nature à exonérer le bailleur de son obligation de garantie, dès lors que le tiers en cause conteste le droit du locataire à occuper les lieux loués ; qu'en retenant, pour qualifier le trouble de jouissance subi par la société Tahiti Valeurs de trouble de fait, que le moyen tiré de ce que les consorts [F] auraient agi en prétendant à un droit sur la chose louée ne résistait pas à l'examen dans la mesure où le trouble de jouissance « résult[ait] d'une pure voie de fait, fait ayant consisté à bloquer physiquement l'accès à la chose louée, et non (de) l'exercice d'un droit qui, suite à la mise en oeuvre d'un contrat, d'une décision administrative ou judiciaire, aurait eu pour effet de troubler la jouissance de la chose louée du locataire », la cour d'appel a violé les articles 1725 et 1726 du code civil, ensemble l'article 1147 (ancien) du code civil. »

Réponse de la Cour

10. Aux termes de l'article 1725 du code civil, le bailleur n'est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance, sans prétendre d'ailleurs aucun droit sur la chose louée ; sauf au preneur à les poursuivre en son nom personnel.

11. Selon l'article 1726 de ce code, si le locataire a été troublé dans sa jouissance par suite d'une action concernant la propriété du fonds, il a droit à une diminution proportionnée sur le prix du bail à loyer, pourvu que le trouble et l'empêchement aient été dénoncés au propriétaire.

12. Aux termes de l'article 1727 du même code, si ceux qui ont commis les voies de fait, prétendent avoir quelque droit sur la chose louée, ou si le preneur est lui-même cité en justice pour se voir condamner au délaissement de la totalité ou de partie de cette chose, ou à souffrir l'exercice de quelque servitude, il doit appeler le bailleur en garantie, et doit être mis hors d'instance, s'il l'exige, en nommant le bailleur pour lequel il possède.

13. Il résulte de ces textes que le bailleur doit garantir son locataire du risque d'éviction c'est-à-dire du trouble apporté à sa jouissance par l'exercice d'une action concernant la propriété du fonds ou le risque d'une telle action par ceux qui disposent de droits incontestables de nature à contredire ceux conférés par le bailleur au locataire (3e Civ., 2 mars 2017, pourvoi n° 15-25.136, 15-11.419, Bull. 2017, III, n° 29).

14. La cour d'appel, analysant les pièces soumises à son examen, a relevé que les consorts [F], qui contestaient le droit de la bailleresse à louer le parking, avaient bloqué physiquement l'accès à la chose louée sans exercer de voie de droit.

15. Elle a pu retenir que le trouble de jouissance subi par la locataire résultait exclusivement d'une voie de fait et non d'un risque d'éviction actuel, lequel ne saurait être caractérisé du seul fait que l'auteur d'une voie de fait conteste le droit du locataire à louer les lieux sans prétendre à un droit sur la chose louée.

16. Elle en a déduit, à bon droit, que la bailleresse n'était pas tenue de garantir la locataire sur le fondement de l'article 1726 du code civil.

17. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

18. La locataire fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 4°/ que la société n'est pas dissoute par le décès d'un associé, mais continue avec ses héritiers ou légataires, sauf à prévoir dans les statuts qu'ils doivent être agréés par les associés ; qu'en retenant, pour dire que les consorts [F], héritiers de M. [O] [F] père, associé de la SCI Apatae, étaient des tiers au contrat de bail conclu entre la SCI Apatae et la société Tahiti Valeurs, qu'il n'était pas établi que les ayants droits de M. [O] [F], associé de la SCI Apatae, étaient automatiquement devenus associés de la SCI Apatae à son décès, dans la mesure où il n'était pas démontré que les statuts le prévoyaient ou que leur application avait conduit à une telle décision, quand il incombait aux consorts [F], ayants droit de feu [O] [F], associé de la SCI Apatae, de rapporter la preuve qu'ils n'étaient pas devenus associés de la SCI, la cour d'appel a violé l'article 1315 (désormais 1353) du code civil, ensemble l'article 1870 du même code ;

5°/ que le bailleur est tenu de garantir le locataire du trouble de jouissance causé par les personnes dont il doit répondre ; qu'une société de personnes doit répondre à l'égard de son locataire du conflit interne entre ses associés ; qu'en se bornant à énoncer que l'analyse du premier juge, qui avait considéré que les consorts [F], ayants droit de M. [O] [F] père, associé de la SCI Apatae n'étaient pas des tiers, se heurtait à l'autonomie de la personnalité juridique de la SCI, à laquelle ne pouvaient être assimilés les associés, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée si le trouble de jouissance dont avait été victime la société Tahiti Valeurs ne résultait pas d'un conflit interne entre les associés de la SCI, des conséquences duquel cette dernière devait répondre à l'égard de sa locataire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1725 et 1726 du code civil, ensemble l'article 1147 (ancien) de ce code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1315, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et les articles 1725 et 1870, alinéas 1 et 2, du code civil applicables en Polynésie française :

19. Aux termes du deuxième de ces textes, le bailleur n'est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance, sans prétendre d'ailleurs aucun droit sur la chose louée ; sauf au preneur à les poursuivre en son nom personnel.

20. Aux termes du troisième, la société n'est pas dissoute par le décès d'un associé, mais continue avec ses héritiers ou légataires, sauf à prévoir dans les statuts qu'ils doivent être agréés par les associés. Il peut, toutefois, être convenu que ce décès entraînera la dissolution de la société ou que celle-ci continuera avec les seuls associés survivants.

21. Aux termes du premier, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

22. D'une part, il résulte du deuxième de ces textes que le bailleur, constitué en société civile, est tenu de garantir le locataire des troubles que ses associés, qui ne sont pas des tiers à son égard au sens de l'article 1725 du code civil, ont apporté à sa jouissance par voie de fait.

23. D'autre part, il résulte des autres textes qu'une société civile étant présumée continuer avec les héritiers d'un associé décédé, il incombe à celui qui dénie la qualité d'associé à l'héritier d'un associé d'établir l'existence d'une stipulation contraire des statuts.

24. Pour rejeter la demande en condamnation de la société bailleresse, l'arrêt constate que l'accès au parking de l'immeuble loué a été bloqué par les agissements d'ayants droit d'[O] [F], associé décédé de la société bailleresse.

25. Puis, il énonce que l'analyse selon laquelle les ayants droit d'un associé ne sont pas des tiers se heurte, d'une part, à l'absence de justification de ce qu'ils seraient automatiquement devenus associés de la société bailleresse à son décès, sans démontrer que les statuts le prévoyaient ou que leur application avait conduit à une telle décision, d'autre part, à l'autonomie de la personnalité juridique de celle-ci, propriétaire et bailleresse, à laquelle ni le gérant ni les associés ne peuvent être assimilés.

26. Il en déduit que les responsables du trouble de jouissance sont des tiers au contrat de bail entre la société bailleresse et la locataire au sens de l'article 1725 du code civil.

27. En statuant ainsi, alors qu'une société civile est présumée continuer avec les héritiers d'un associé décédé, et que la société bailleresse, qui n'établissait pas l'existence d'une stipulation contraire des statuts, devait garantir la locataire du trouble causé à sa jouissance, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

28. En application de l'article 624 du code de procédure civile, applicable en Polynésie française, la cassation des dispositions de l'arrêt rejetant la demande de la locataire entraîne la cassation du chef de dispositif disant que la demande de la société bailleresse d'être relevée et garantie par Mmes [K] et [T] [F], MM. [U], [O] et [J] [F], M. et Mme [Z] et M. [P] est devenue sans objet, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société Tahiti valeurs en condamnation de la société civile immobilière Apatae et dit que la demande de la société civile immobilière Apatae d'être relevée et garantie par Mmes [K] et [T] [F], MM. [U], [O] et [J] [F], M. et Mme [Z] et M. [P] est devenue sans objet, l'arrêt rendu le 27 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete autrement composée ;

Condamne la société civile immobilière Apatae aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière Apatae et la condamne à payer à la société Tahiti valeurs la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-trois.








MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour la société Tahiti valeurs

La société Tahiti Valeurs fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de condamnation de la SCI Apatae,

ALORS d'une part QUE si le bailleur n'est pas tenu de garantir le preneur des troubles de fait causés à ce dernier par des tiers, il répond en revanche des troubles subis par le preneur du fait de tiers contestant le droit du bailleur de louer les lieux ; que la cour d'appel a constaté (arrêt, p. 13, 1er et 2ème §) qu'il était établi que l'accès au parking de l'immeuble donné à bail à la société Tahiti Valeurs par la SCI Apatae avait été bloqué par les consorts [F] et que l'activité de la société Tahiti Valeurs supposait l'utilisation du parking et le défaut d'accès à celui-ci caractérisait un trouble de jouissance ; que, pour rejeter les demandes de la société Tahiti Valeurs tendant à la condamnation de la bailleresse à l'indemniser des préjudices résultant de ce trouble, la cour d'appel a estimé que les consorts [F], héritiers de M. [O] [F] père, associé de la SCI Apaate, étaient des tiers au contrat de bail litigieux et que le trouble de jouissance subi par la société locataire était non un trouble de droit, mais la conséquence d'une voie de fait de la part des consorts [F] qui avaient bloqué l'accès physique au parking objet du bail ; qu'en statuant de la sorte, quand il résultait de ses propres constatations que « le parking a été bloqué à l'initiative d'autres personnes qui contestaient ainsi le droit de la SCI Apatae à le louer », et en particulier, que Mme [V] [F] veuve [Z] avait dans ses conclusions lors de l'instance en référé fait valoir que « les consorts [F] peuvent se réserver le droit de laisser les occupants du second étage accéder au parking », et quand il résultait de l'ordonnance de référé du 24 mai 2004 que M. [J] [F] avait expliqué qu'il avait placé des cadenas et des chaînes sur le portail accédant à la cour intérieure des lieux en cause à la suite d'un manquement contractuel de la SCI, ce dont il résultait que le trouble de jouissance subi par la société Tahiti Valeurs avait pour origine la contestation par les consorts [F] du droit de la SCI Apatae de donner le parking à bail à la société Tahiti Valeurs, de sorte que ce trouble s'analysait en un trouble de droit et non seulement en un trouble de fait, la cour d'appel a violé les articles 1725 et 1726 du code civil, ensemble l'article 1147 (ancien) du code civil ;

ALORS d'autre part QUE la circonstance que le trouble de jouissance subi par le locataire résulte d'une voie de fait d'un tiers qui se serait approprié les lieux loués ou en aurait bloqué l'accès n'est pas de nature à exonérer le bailleur de son obligation de garantie, dès lors que le tiers en cause conteste le droit du locataire à occuper les lieux loués ; qu'en retenant, pour qualifier le trouble de jouissance subi par la société Tahiti Valeurs de trouble de fait, que le moyen tiré de ce que les consorts [F] auraient agi en prétendant à un droit sur la chose louée ne résistait pas à l'examen dans la mesure où le trouble de jouissance « résult[ait] d'une pure voie de fait, fait ayant consisté à bloquer physiquement l'accès à la chose louée, et non (de) l'exercice d'un droit qui, suite à la mise en oeuvre d'un contrat, d'une décision administrative ou judiciaire, aurait eu pour effet de troubler la jouissance de la chose louée du locataire », la cour d'appel a violé les articles 1725 et 1726 du code civil, ensemble l'article 1147 (ancien) du code civil ;

ALORS de troisième part QUE l'objet du litige est déterminé par les conclusions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'appel, M. [O] [F] avait prétendu que le bail consenti à la SCI Apatae par M. [O] [F] père ne portait pas sur le parking litigieux de sorte que la SCI n'avait pu le donner en location à la société Tahiti Valeurs ; que la cour d'appel a par ailleurs constaté que « le parking a été bloqué à l'initiative d'autres personnes qui contestaient ainsi le droit de la SCI Apatae à le louer », et en particulier, que Mme [V] [F] veuve [Z] avait dans ses conclusions lors de l'instance en référé fait valoir que « les consorts [F] peuvent se réserver le droit de laisser les occupants du second étage accéder au parking », et qu'il résultait de l'ordonnance de référé du 24 mai 2004 que M. [J] [F] avait expliqué qu'il avait placé des cadenas et des chaînes sur le portail accédant à la cour intérieure des lieux en cause à la suite d'un manquement contractuel de la SCI ; qu'en énonçant que le trouble de jouissance subi par la société Tahiti résultait non d'un trouble de droit mais d'une simple voie de fait, la cour d'appel a méconnu les termes du litige dont elle était saisie, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS de quatrième part et en tout état de cause QUE la société n'est pas dissoute par le décès d'un associé, mais continue avec ses héritiers ou légataires, sauf à prévoir dans les statuts qu'ils doivent être agréés par les associés ; qu'en retenant, pour dire que les consorts [F], héritiers de M. [O] [F] père, associé de la SCI Apatae, étaient des tiers au contrat de bail conclu entre la SCI Apatae et la société Tahiti Valeurs, qu'il n'était pas établi que les ayants droits de M. [O] [F], associé de la SCI Apatae, étaient automatiquement devenus associés de la SCI Apatae à son décès, dans la mesure où il n'était pas démontré que les statuts le prévoyaient ou que leur application avait conduit à une telle décision, quand il incombait aux consorts [F], ayants droit de feu [O] [F], associé de la SCI Apatae, de rapporter la preuve qu'ils n'étaient pas devenus associés de la SCI, la cour d'appel a violé l'article 1315 (désormais 1353) du code civil, ensemble l'article 1870 du même code ;

ALORS enfin QUE le bailleur est tenu de garantir le locataire du trouble de jouissance causé par les personnes dont il doit répondre ; qu'une société de personnes doit répondre à l'égard de son locataire du conflit interne entre ses associés ; qu'en se bornant à énoncer que l'analyse du premier juge, qui avait considéré que les consorts [F], ayants droit de M. [O] [F] père, associé de la SCI Apatae n'étaient pas des tiers, se heurtait à l'autonomie de la personnalité juridique de la SCI, à laquelle ne pouvaient être assimilés les associés, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions d'appel de la société Tahiti Valeurs, not. p. 17) si le trouble de jouissance dont avait été victime la société Tahiti Valeurs ne résultait pas d'un conflit interne entre les associés de la SCI, des conséquences duquel cette dernière devait répondre à l'égard de sa locataire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1725 et 1726 du code civil, ensemble l'article 1147 (ancien) de ce code.

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