9 mars 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-15.821

Deuxième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C200253

Titres et sommaires

AVOCAT - Honoraires - Contestation - Absence de convention d'honoraires - Critères de fixation - Taux de rémunération moyen pratiqué dans le ressort - Absence d'influence

Aux termes de l'article 10, alinéa 2, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. Encourt la cassation la décision d'un premier président d'une cour d'appel qui s'est référé à un critère pris du taux de rémunération moyen qui serait pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel, étranger à ceux énumérés à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971

AVOCAT - Honoraires - Montant - Fixation - Fixation selon un barème - Détermination au regard d'un taux horaire moyen

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 mars 2023




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 253 FS-B

Pourvoi n° F 21-15.821




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 MARS 2023

M. [X] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 21-15.821 contre l'ordonnance n° RG : 20/04593 rendue le 2 mars 2021 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-11 OP), dans le litige l'opposant à Mme [K] [Z], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [Y], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mmes Chauve, Isola, M. Pedron, conseillers, M. Ittah, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 2 mars 2021) sur renvoi après cassation (2e Civ., 12 décembre 2019, pourvoi n° 18-24.258), Mme [Z] a confié la défense de ses intérêts à M. [Y], avocat, dans des procédures en annulation de procès-verbaux d'assemblées générales de copropriété.

2. Mme [Z] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nice d'une demande de restitution des honoraires qu'elle avait versés.

3. Par décision du 28 juin 2017, le bâtonnier a rejeté cette demande aux motifs qu'elle était prescrite, qu'il n'était pas justifié des sommes réellement versées et que l'avocat établissait la réalité de son travail. Mme [Z] a formé un recours contre cette décision.

4. L'ordonnance du 11 septembre 2018, par laquelle le premier président de la cour d'appel a infirmé la décision du bâtonnier et fixé les honoraires de l'avocat, a été cassée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. L'avocat fait grief à l'ordonnance de constater qu'il a renoncé au moyen de prescription, de dire recevable le recours de Mme [Z], de fixer les honoraires à la seule somme de 700 euros TTC et de le condamner à rembourser à Mme [Z] la somme de 2 100 euros TTC, alors « que la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en retenant que l'avocat renonçait au moyen de prescription, pour en déduire que l'action de Mme [Z] était recevable, quand il ressortait de ses propres constatations que l'avocat avait à l'audience oralement sollicité la confirmation de la décision du bâtonnier, décision qui avait retenu que l'action de Mme [Z] était prescrite, ce dont il résultait que la renonciation à se prévaloir de la fin de non-recevoir tirée de la prescription n'était pas claire et non équivoque, le délégué du premier président a violé le principe susvisé, ensemble l'article 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 457 du code de procédure civile, le jugement a la force probante d'un acte authentique. Il en résulte que les mentions correspondant à des faits que le juge énonce comme ayant eu lieu en sa présence font foi jusqu'à inscription de faux.

7. En conséquence, les mentions de l'ordonnance, selon lesquelles l'avocat a oralement précisé qu'il renonçait à la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en remboursement de Mme [Z], ne peuvent être critiquées que par la voie d'une inscription de faux.

8. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. L'avocat fait grief à l'ordonnance de fixer les honoraires à la seule somme de 700 euros TTC et de le condamner à rembourser à Mme [Z] la somme de 2 100 euros TTC, alors « qu'à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de la notoriété de l'avocat et des diligences entreprises par celui-ci ; qu'en retenant, pour fixer à la seule somme de 700 euros TTC le montant des honoraires dus à l'avocat par Mme [Z], qu'il convenait de retenir un taux horaire de 200 euros HT dès lors qu'il s'agissait du taux horaire moyen applicable dans la cour d'appel d'Aix-en-Provence, le premier président, qui n'a pas statué au regard des critères légaux de détermination des honoraires, a violé l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction applicable en l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 10, alinéa 2, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-690 du 6 août 2015 :

10. Aux termes de ce texte, à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.

11. Pour fixer les honoraires dus à l'avocat à une certaine somme, l'ordonnance retient qu'il résulte de la procédure qu'il a effectué des diligences pouvant être évaluées à trois heures de travail et qu'à défaut pour l'avocat d'avoir fait connaître son taux horaire, il y a lieu d'appliquer le taux horaire moyen de 200 euros pratiqué dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

12. En statuant ainsi, le premier président, qui s'est référé à un critère pris du taux de rémunération moyen qui serait pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel, étranger à ceux énumérés à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, a violé ce texte.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle dit recevable le recours de Mme [Z], l'ordonnance rendue le 2 mars 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Lyon ;

Condamne Mme [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé en l'audience publique du neuf mars deux mille vingt-trois par Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour M. [Y]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée d'AVOIR constaté que Me [Y] renonce au moyen de prescription, d'AVOIR dit recevable le recours de Mme [Z], d'AVOIR fixé les honoraires de Me [Y] à la seule somme de 700 euros TTC et d'AVOIR condamné Me [Y] à rembourser à Mme [Z] la somme de 2 100 euros TTC ;

AUX ENONCIATIONS QUE Me [X] [Y] a oralement précisé qu'il renonçait au moyen de prescription de l'action en remboursement de Mme [K] [Z] et a sollicité la confirmation de la décision du bâtonnier eu égard aux nombreuses diligences accomplies par lui dans l'intérêt de Mme [K] [Z] ;

ET AUX MOTIFS QU'il sera constaté que Me [X] [Y] renonce au moyen de prescription soulevé par lui devant le bâtonnier ; l'action de Mme [K] [Z] est donc recevable ;

ALORS QUE la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en retenant que Me [X] [Y] renonçait au moyen de prescription, pour en déduire que l'action de Mme [Z] était recevable, quand il ressortait de ses propres constatations que Me [Y] avait à l'audience oralement sollicité la confirmation de la décision du bâtonnier, décision qui avait retenu que l'action de Mme [Z] était prescrite, ce dont il résultait que la renonciation à se prévaloir de la fin de non-recevoir tirée de la prescription n'était pas claire et non équivoque, le délégué du premier président a violé le principe susvisé, ensemble l'article 122 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée d'AVOIR fixé les honoraires de Me [Y] à la seule somme de 700 euros TTC et d'AVOIR condamné Me [Y] à rembourser à Mme [Z] la somme de 2 100 euros TTC ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; il est établi que Mme [K] [Z] a saisi maître [X] [Y] afin d'être assistée dans des procédures relatives à des contestations de procès-verbaux d'assemblées générales ; il n'est pas contesté qu'elle a réglé à Me [X] [Y] une somme totale de 2 800 euros à titre de provision ; Mme [K] [Z] affirme au soutien de sa demande que Me [X] [Y] ne justifie pas du travail accompli et a même 'baclé' le peu de diligences effectuées ; des pièces produites dans la procédure, il résulte que Me [X] [Y] a rédigé un jeu de conclusions dans une procédure d'appel relative à un premier procès-verbal d'assemblée générale de 2007 ; il résulte de la comparaison entre ces conclusions et des écritures rédigées par l'avocat précédemment désigné par Mme [K] [Z] que Me [X] [Y] a opéré par 'copier-coller' en supprimant quelques paragraphes et en procédant à quelques ajouts ; au taux horaire moyen de 200 euros tel que pratiqué dans la cour d'appel d'Aix-en-Provence, le taux horaire pratiqué par Me [X] [Y] n'étant pas renseigné, il doit être considéré que l'avocat a fait des diligences sur un 2 heures de temps, ce qui porte les honoraires dus à 200 euros X 2 = 400 euros HT soit 480 euros TTC ; il est également établi que maître [X] [Y], au sujet d'une seconde procédure relative à un procès-verbal d'assemblée générale de 2009, a écrit à l'avocat de la partie adverse pour confirmer le désistement de Mme [K] [Z], déjà notifié par l'avocat précédemment désigné par cette dernière, et proposé de déposer son dossier à l'audience fixée le 22 mars 2012 ; une somme de 200 euros HT, soit 220 euros TTC, pour une heure de travail correspond à ces diligences ; les honoraires de Me [X] [Y] doivent donc être fixés au égard à ces diligences à la somme totale de 480 euros + 220 euros = 700 euros TTC ; eu égard à la provision versée de 2 800 euros, maître [X] [Y] aura donc à reverser à sa cliente la somme de 2 100 euros TTC ; la décision du bâtonnier sera donc infirmée ;

1) ALORS QU'à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de la notoriété de l'avocat et des diligences entreprises par celui-ci ; qu'en retenant, pour fixer à la seule somme de 700 euros TTC le montant des honoraires dus à Me [Y] par Mme [Z], qu'il convenait de retenir un taux horaire de 200 euros HT dès lors qu'il s'agissait du taux horaire moyen applicable dans la cour d'appel d'Aix-en-Provence, le premier président, qui n'a pas statué au regard des critères légaux de détermination des honoraires, a violé l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

2) ALORS, en toute hypothèse, QU'à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de la notoriété de l'avocat et des diligences entreprises par celui-ci ; qu'en l'espèce, pour fixer à la seule somme de 700 euros TTC le montant des honoraires dus à Me [Y] par Mme [Z], le premier président a d'abord retenu que l'avocat avait, dans la procédure relative à l'assemblée générale de 2007, établi des conclusions qui ne comportaient que quelques ajouts aux écritures du précédent conseil de Mme [Z], pour en déduire qu'il avait fait des diligences pour deux heures de temps ; qu'il a ensuite relevé que les diligences correspondant à la seconde procédure relative à la contestation de l'assemblée générale de 2009 correspondaient à une heure de travail ; qu'en statuant ainsi, sans faire état des critères déterminants de son évaluation, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction applicable en l'espèce.

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