8 mars 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-20.652

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00225

Texte de la décision

SOC.

HA



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 mars 2023




Rejet


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 225 F-D

Pourvoi n° H 21-20.652



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 MARS 2023

La société Métiers du bois réunis 35, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-20.652 contre l'arrêt rendu le 3 juin 2021 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à Mme [P] [E], épouse [T], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Douxami, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de la société Métiers du bois réunis 35, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Douxami, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 3 juin 2021), Mme [E] a été engagée par la société Métiers du bois réunis 35 (la société), le 14 mars 2005 en qualité de comptable.

2. Licenciée le 27 juillet 2016 pour faute grave, elle a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de juger le licenciement pour faute grave de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse, de la condamner en conséquence à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts ainsi qu'à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage qu'elle lui a versées dans la limite de trois mois, alors :

« 1°/ que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en se bornant à énoncer, pour juger le licenciement de Madame [E] dépourvu de cause réelle et sérieuse, que s'il était établi qu'elle avait eu à plusieurs reprises un comportement dévalorisant et agressif à l'endroit de plusieurs salariées de l'entreprise, ces faits devaient être relativisés au regard de l'ancienneté de la salariée et de leur contexte, tenant au faible nombre d'incidents, à l'altercation physique qu'elle avait eue avec le fils de la directrice générale de l'entreprise, à sa découverte d'une facture de complaisance et au fait que ses éclats s'adressaient essentiellement à une responsable et à ses propres supérieurs hiérarchiques, sans indiquer en quoi les faits reprochés à la salariée, dont elle a constaté l'exactitude, ne rendaient pas impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, du code du travail ;

2°/ que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que nonobstant son ancienneté, commet une faute grave, le salarié qui porte délibérément atteinte à l'autorité de l'employeur en refusant de se conformer à la mise à pied conservatoire dont il fait l'objet ; qu'en jugeant néanmoins le licenciement de Madame [E] dépourvu de cause réelle et sérieuse, motif pris que compte tenu de son ancienneté, le fait d'avoir exigé des explications sur le motif de sa mise à pied conservatoire avant d'accepter de quitter les lieux ne constituait pas un grief de nature à justifier son licenciement, bien que le refus de la salariée de se conformer à cette mise à pied conservatoire ait constitué un acte d'insubordination qui
rendait impossible son maintien dans l'entreprise, peu important son ancienneté, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, du code du travail ;

3°/ que dans ses conclusions d'appel, la société faisait valoir que l'un des griefs, qui étaient énoncés dans la lettre de licenciement pour faute grave de la salariée, tenait au fait qu'elle avait violé l'obligation de confidentialité à laquelle elle était astreinte en vertu de son contrat de travail ; qu'en s'abstenant néanmoins d'examiner ce grief, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en se bornant à énoncer, pour juger le licenciement de Madame [E] dépourvu de cause réelle et sérieuse, que cette sanction n'était justifiée ni par le grief tenant à son comportement dévalorisant et agressif à l'endroit de plusieurs salariées, ni par le fait d'avoir exigé d'avoir des explications sur le motif de sa mise pied à titre conservatoire pour accepter de quitter l'entreprise ou d'avoir déclaré une créance à un mandataire judiciaire hors délai, ni par le fait de ne pas avoir correctement exécuté ses obligations contractuelles, sans rechercher si ces différents manquements, pris dans leur ensemble, rendaient impossible le maintien de Madame [E] dans l'entreprise, de sorte qu'ils caractérisaient une faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, du code du travail ;

5°/ que, subsidiairement, en se bornant à énoncer, pour juger le licenciement de Mme [E] dépourvu de case réelle et sérieuse, que cette sanction n'était justifiée ni par le grief tenant à son comportement dévalorisant et agressif à l'endroit de plusieurs salariées, ni par le fait d'avoir exigé d'avoir des explications sur le motif de sa mise à pied conservatoire pour accepter de quitter l'entreprise ou d'avoir déclaré une créance à un mandataire judiciaire hors délai, ni par le fait de ne pas avoir correctement exécuté ses obligations contractuelles, sans rechercher si ces différents manquements, pris dans leur ensemble, caractérisaient une cause réelle et sérieuse de rupture du contrat de travail de Mme [E], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1235-5 et L. 1234-9, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel, qui a analysé l'ensemble des griefs contenus dans la lettre de licenciement en se livrant à la recherche prétendument omise, a retenu que le comportement colérique de la salariée devait être relativisé au regard du contexte, que le grief de dénigrement de la société n'était pas caractérisé, qu'il n'était pas établi, eu égard à la multiplicité des tâches et au vu des pièces produites, que les faits reprochés sous la qualification de mauvaise exécution de ses obligations contractuelles aient procédé d'une mauvaise volonté de sa part, que le seul fait d'avoir exigé des explications sur le motif de la mise à pied n'était pas un motif justifiant le licenciement et que la faute isolée relative à la créance Alix ne pouvait justifier la sanction.

5. Elle a décidé, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, que les griefs établis ne pouvaient constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Métiers du bois réunis 35 aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Métiers du bois réunis 35 ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour la société Métiers du bois réunis 35

La Société METIERS DU BOIS REUNIS DU 35 FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir jugé le licenciement pour faute grave de Madame [P] [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse, puis de l'avoir en conséquence condamnée à lui payer les sommes de 9.675 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 967,50 euros au titre des congés-payés afférents, 10.498,23 euros à titre d'indemnité de licenciement et 30.000 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi qu'à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Madame [T] dans la limite de trois mois ;

1°) ALORS QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en se bornant à énoncer, pour juger le licenciement de Madame [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse, que s'il était établi qu'elle avait eu à plusieurs reprises un comportement dévalorisant et agressif à l'endroit de plusieurs salariées de l'entreprise, ces faits devaient être relativisés au regard de l'ancienneté de la salariée et de leur contexte, tenant au faible nombre d'incidents, à l'altercation physique qu'elle avait eue avec le fils de la directrice générale de l'entreprise, à sa découverte d'une facture de complaisance et au fait que ses éclats s'adressaient essentiellement à une responsable et à ses propres supérieurs hiérarchiques, sans indiquer en quoi les faits reprochés à la salariée, dont elle a constaté l'exactitude, ne rendaient pas impossible son maintien dans l'entreprise, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, du Code du travail ;

2°) ALORS QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que nonobstant son ancienneté, commet une faute grave, le salarié qui porte délibérément atteinte à l'autorité de l'employeur en refusant de se conformer à la mise à pied conservatoire dont il fait l'objet ; qu'en jugeant néanmoins le licenciement de Madame [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse, motif pris que compte tenu de son ancienneté, le fait d'avoir exigé des explications sur le motif de sa mise à pied conservatoire avant d'accepter de quitter les lieux ne constituait pas un grief de nature à justifier son licenciement, bien que le refus de la salariée de se conformer à cette mise à pied conservatoire ait constitué un acte d'insubordination qui rendait impossible son maintien dans l'entreprise, peu important son ancienneté, la Cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a violé les articles L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, du Code du travail ;

3°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la Société METIERS DU BOIS REUNIS DU 35 faisait valoir que l'un des griefs, qui étaient énoncés dans la lettre de licenciement pour faute grave de Madame [T], tenait au fait qu'elle avait violé l'obligation de confidentialité à laquelle elle était astreinte en vertu de son contrat de travail ; qu'en s'abstenant néanmoins d'examiner ce grief, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en se bornant à énoncer, pour juger le licenciement de Madame [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse, que cette sanction n'était justifiée ni par le grief tenant à son comportement dévalorisant et agressif à l'endroit de plusieurs salariées, ni par le fait d'avoir exigé d'avoir des explications sur le motif de sa mise pied à titre conservatoire pour accepter de quitter l'entreprise ou d'avoir déclaré une créance à un mandataire judiciaire hors délai, ni par le fait de ne pas avoir correctement exécuté ses obligations contractuelles, sans rechercher si ces différents manquements, pris dans leur ensemble, rendaient impossible le maintien de Madame [T] dans l'entreprise, de sorte qu'ils caractérisaient une faute grave, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, du Code du travail ;

5°) ALORS QUE, subsidiairement, en se bornant à énoncer, pour juger le licenciement de Madame [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse, que cette sanction n'était justifiée ni par le grief tenant à son comportement dévalorisant et agressif à l'endroit de plusieurs salariées, ni par le fait d'avoir exigé d'avoir des explications sur le motif de sa mise pied à titre conservatoire pour accepter de quitter l'entreprise ou d'avoir déclaré une créance à un mandataire judiciaire hors délai, ni par le fait de ne pas avoir correctement exécuté ses obligations contractuelles, sans rechercher si ces différents manquements, pris dans leur ensemble, caractérisaient une cause réelle et sérieuse de rupture du contrat de travail de Madame [T], la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, du Code du travail.

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