7 mars 2023
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 21/05329

Chambre commerciale

Texte de la décision

AFFAIRE :



Société ALLIANZ VERSICHERUNGS AG

Société ASCO NV

Société AXA BELGIUM

Société ITALIANA ASSICURAZIONI TRASPORTI S.I.A.T

Société KRAVAG LOGISTIC VERSICHERUNG

Société MARHABA MTA GENERAL TRADING LLC

Société ZURICH INSURANCE PLC



C/



Société CMA CGM









































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



Chambre commerciale



ARRET DU 07 MARS 2023





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/05329 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PEEK



Décisions déférées à la Cour;



Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS, en date du 30 Juin 2021, enregistrée sous le n° 570 F-D qui casse et annule partiellement l'arrêt de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE du 02 Mai 2019, enregistrée sous le n° 16/13185 statuant sur appel du jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE du 17 Juin 2016, enregistrée sous le n° 2014F01417



Vu l'article 1037-1 du code de procédure civile ;



DEMANDERESSES A LA SAISINE:



Société ALLIANZ VERSICHERUNGS AG, Société de droit étranger, représentée par ESA CARGO & LOGISTICS, ayant pour agent la société de droit belge BRACHT, DECKERS & MACKELBERT SA-BDM dont le siège social est sis [Adresse 12] (BELGIQUE) prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 10]

[Localité 13] (ALLEMAGNE)

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Giulia MERENDA, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me Guillaume TARIN, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

Autre qualité : Appelant devant la première cour d'appel



Société ASCO NV, Société de droit étranger, ayant pour agent la société de droit belge BRACHT, DECKERS & MACKELBERT SA-BDM dont le siège social est sis [Adresse 12] (BELGIQUE) prise en la personne de son représentant légal en exercice

Entrepotkaai 5

B-200 ANTWERPEN (BELGIQUE)

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Giulia MERENDA, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me Guillaume TARIN, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

Autre qualité : Appelant devant la première cour d'appel



Société AXA BELGIUM, Société de droit étranger, ayant pour agent la société de droit belge BRACHT, DECKERS & MACKELBERT SA-BDM dont le siège social est sis [Adresse 12] (BELGIQUE) prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 4]

[Localité 8] (BELGIQUE)

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Giulia MERENDA, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me Guillaume TARIN, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

Autre qualité : Appelant devant la première cour d'appel





Société ITALIANA ASSICURAZIONI TRASPORTI - S.I.A.T Société de droit étranger, ayant pour agent la société de droit belge BRACHT, DECKERS & MACKELBERT SA-BDM dont le siège social est sis [Adresse 12] (BELGIQUE) prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 16]

[Localité 2] (ITALIE)

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Giulia MERENDA, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me Guillaume TARIN, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

Autre qualité : Appelant devant la première cour d'appel



Société KRAVAG LOGISTIC VERSICHERUNG société de droit étranger, ayant pour agent la société de droit belge BRACHT, DECKERS & MACKELBERT SA-BDM dont le siège social est sis [Adresse 12] (BELGIQUE) prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 14]

[Localité 3] (ALLEMAGNE)

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Giulia MERENDA, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me Guillaume TARIN, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

Autre qualité : Appelant devant la première cour d'appel



Société MARHABA MTA GENERAL TRADING LLC société de droit étranger, prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 7]

[Adresse 7]

DUBAI (EMIRATS ARABES UNIS)

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Giulia MERENDA, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me Guillaume TARIN, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

Autre qualité : Appelant devant la première cour d'appel



Société ZURICH INSURANCE PLC société de droit étranger, ayant pour agent la société de droit belge BRACHT, DECKERS & MACKELBERT SA-BDM dont le siège social est sis [Adresse 12] (BELGIQUE), prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 6]

[Localité 8] (BELGIQUE)

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Giulia MERENDA, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me Guillaume TARIN, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

Autre qualité : Appelant devant la première cour d'appel





DEFENDERESSE A LA SAISINE



Société CMA CGM

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Mikaël D'ALIMONTE de la SELARL BCA - AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Arthur GIBON, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

Autre qualité : Intimée devant la première cour d'appel





Ordonnance de clôture du 03 janvier 2023





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 10 JANVIER 2023,en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 805 du code de procédure civile, devant la cour composée de :



Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller

M. Thibault GRAFFIN, Conseiller

qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Madame Audrey VALERO



ARRET :



- Contradictoire ;



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;



- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et par Madame Audrey VALERO, Greffière.




*

* *



FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:



Par un connaissement n° ZA1264936 émis le 2 mars 2013 à [Localité 11] (Afrique du Sud), mentionnant comme shipper la société sud-africaine FVC International et comme consignee et notify party la société Emirati Marhaba MTA General Trading LLC (la société Marhaba), la SA CMA CGM a transporté du port du [Localité 9] (Afrique du Sud) à celui de [Localité 15] (émirats arabes unis) trois conteneurs TRLU 162586-0, AMCU 92 1395-1 et CRLU 140990-4 renfermant des cartons de prunes fraîches, le connaissement précisant que la marchandise devait voyager à une température de - 0,5 °C.



À l'arrivée du navire Flora Delmas, le 20 mars 2013, des dommages ont été constatés à la marchandise (prunes molles et mûries) ; le cabinet d'expertise DPS, désigné à la requête des intérêts facultés, après une réunion d'expertise s'étant tenue le 23 mars 2013 en présence de l'expert de la compagnie maritime, a indiqué, dans un rapport établi le 31 mai 2013, que les températures durant le voyage avaient été comprises entre + 1,2 et 8,7 °C et qu'il en était résulté une perte de 54,70 % des prunes pour un préjudice évalué à 48 265,30 USD.



Le 31 juillet 2013, la société Marhaba a signé une « quittance et lettre de subrogation » pour la somme de 43 947,24 USD reçue de ses assureurs, les sociétés Asco NV, Zurich Insurance PLC, AXA Belgium, Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, Allianz Versicherungs AG et Kravag Logistic Versichrungs AG, par l'intermédiaire de leur agent, la société Bracht, Deckers & Mackelbert SA, au titre du dommage et des frais d'expertise, la société Marhaba conservant à sa charge la franchise de 4414,75 USD.



La société Marhaba et ses assureurs ont assigné la société CMA CGM en indemnisation devant le tribunal de commerce de Marseille lequel, par jugement du 17 juin 2016, a notamment :



- dit recevable l'action de la société Marhaba qui a qualité et intérêt à agir,

- dit que la société Marhaba ne rapporte pas la preuve d'une franchise restant à sa charge,

- en conséquence, débouté la société Marhaba de sa demande en paiement de la franchise,

- dit les assureurs subrogés dans les droits de la société Marhaba,

- déclaré les assureurs, les sociétés Asco NV, Zurich Insurance PLC, AXA Belgium, Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, Allianz Versicherungs AG et Kravag Logistic Versichrungs AG, recevables en leur action à l'encontre de la société CMA CGM,

- dit la société CMA CGM responsable des dommages causés aux marchandises durant le transport,

- dit que la société CMA CGM ne peut bénéficier d'un des cas exonératoires de responsabilité tels que prévus à l'article 4. 2 de la convention de Bruxelles,

- dit que la preuve du quantum du dommage subi par la société Marhaba n'est pas établie,

- en conséquence, débouté les sociétés Asco NV, Zurich Insurance PLC, AXA Belgium, Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, Allianz Versicherungs AG, Kravag Logistic Versichrungs AG et Marhaba de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- condamné conjointement les mêmes à payer à la société CMA CGM la somme de 4000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Sur l'appel formé par la société Marhaba et ses assureurs, la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1) a, par arrêt du 2 mai 2019, confirmé en totalité le jugement entrepris et condamné in solidum les appelantes aux dépens et à payer à l'intimée une indemnité unique de 10 000 euros au titre des frais exposés en appel.



Cet arrêt a été cassé et annulé, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il dit que la société Marhaba ne rapporte pas la preuve d'une franchise restant à sa charge, en conséquence la déboute de sa demande en paiement de la franchise, dit que la preuve du quantum du dommage subi par la société Marhaba n'est pas établie, en conséquence déboute les sociétés Marhaba, Asco NV, Zurich Insurance PLC, AXA Belgium, Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, Allianz Versicherungs AG et Kravag Logistic Versichrungs AG de toutes leurs demandes, condamne conjointement la société Marhaba et ses assureurs en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, et en ce qu'il les condamne in solidum en application de l'article 700 du même code et aux dépens, par un arrêt rendu le 30 juin 2021 par la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique).



Les réponses de la Cour de cassation au moyen du pourvoi sont les suivantes:



(')

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :



6. Pour rejeter la demande en paiement, l'arrêt retient que l'expert s'est fondé uniquement sur des chiffrages établis unilatéralement par la société Marhaba.



7. En statuant ainsi, alors que pour calculer l'étendue des pertes l'expert s'était fondé sur les factures de vente établies par la société FVC, le chargeur, pour chacun des conteneurs envoyés à la société Marhaba, le destinataire, et non sur des chiffrages établis unilatéralement par cette dernière, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis du rapport et des factures, a violé le principe susvisé.

(')



Vu l'article 4 du code civil :



9. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.



10. Pour rejeter la demande de la société Marhaba en paiement de la contre-valeur en euros de la somme de 4 414,75 USD restée à sa charge, l'arrêt se borne à retenir que la franchise ainsi réclamée n'est pas établie, faute de communication du contrat d'assurance.



11. En statuant ainsi, tout en constatant que l'acte du 31 juillet 2013 subrogeant conventionnellement les assureurs mentionnait une indemnisation de la société Marhaba pour une certaine somme correspondant au montant du préjudice chiffré par l'expert, déduction faite d'une somme de 4 414,75 USD, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.



Désignée comme juridiction de renvoi, cette cour a été saisie par les sociétés Marhaba, Asco NV, Zurich Insurance PLC, AXA Belgium, Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, Allianz Versicherungs AG et Kravag Logistic Versichrungs AG, par déclaration reçue le 26 août 2021 au greffe.



Elles lui demandent, dans leurs dernières conclusions déposées le 30 décembre 2022 via le RPVA, de :



Sur la recevabilité de l'action de la société Marhaba,

- rejeter la demande de la société CMA CGM tendant à obtenir l'infirmation du jugement du tribunal de commerce de Marseille du 17 juin 2016 en ce qu'il a dit l'action de la société Marhaba recevable, cette demande se heurtant à la fin de non-recevoir tirée de l'irrévocabilité de la chose jugée,

Sur la recevabilité de l'action des compagnies d'assurances subrogées dans les droits de la société Marhaba,

- rejeter la demande de la société CMA CGM tendant à obtenir l'infirmation du jugement (...) en ce qu'il a dit l'action des compagnies d'assurances Asco NV, Zurich Insurance PLC, AXA Belgium, Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, Allianz Versicherungs AG et Kravag Logistic Versichrungs AG, recevable, cette demande se heurtant à la fin de non-recevoir tirée de l'irrévocabilité de la chose jugée,

Sur la responsabilité de la compagnie CMA CGM,

- rejeter la demande de la société CMA CGM tendant à obtenir l'infirmation du jugement (...) en ce qu'il a jugé celle-ci responsables des dommages causés aux marchandises et dit qu'elle ne peut bénéficier d'aucun cas excepté, cette demande se heurtant à la fin de non-recevoir tirée de l'irrévocabilité de la chose jugée,

Sur le quantum des dommages,

- infirmer le jugement (...) en ce qu'il a dit que la société Marhaba ne rapporte pas la preuve d'une franchise restant à sa charge et l'a déboutée de sa demande en paiement de la franchise, alors que le préjudice resté à la charge de celle-ci ne correspond pas juridiquement à une franchise contractuelle prévue par la police d'assurance mais à une partie du préjudice qui n'a pas été indemnisé par les assureurs dans le cadre de la subrogation conventionnelle,

- condamner la compagnie CMA CGM à payer à la société Marhaba la contre-valeur en euros au jour de l'arrêt à intervenir de 4414,75 USD ou, à titre subsidiaire, de 4977,26 USD, outre les intérêts légaux capitalisés sur ces sommes à compter de la date de l'assignation,

- infirmer le jugement (...) en ce qu'il a dit que la preuve du quantum du dommage subi par la société Marhaba n'est pas établie et en ce qu'il a débouté la société Marhaba et les compagnies Asco NV, Zurich Insurance PLC, AXA Belgium, Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, Allianz Versicherungs AG et Kravag Logistic Versichrungs AG de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner la compagnie CMA CGM à payer aux compagnies Asco NV, Zurich Insurance PLC, AXA Belgium, Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, Allianz Versicherungs AG et Kravag Logistic Versichrungs AG la contre-valeur en euros au jour de l'arrêt à intervenir de 43 947,24 USD ou, à titre subsidiaire, de 43 288,04 USD, outre les frais d'expertise à hauteur de 1626,37 euros et les intérêts légaux capitalisés sur ces sommes à compter de la date de l'assignation,

- infirmer le jugement (...) en ce qu'il a condamné les sociétés Marhaba, Asco NV, Zurich Insurance PLC, AXA Belgium, Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, Allianz Versicherungs AG et Kravag Logistic Versichrungs AG à verser à la société CMA CGM la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- débouter la compagnie CMA CGM de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- la condamner à payer aux sociétés Marhaba, Asco NV, Zurich Insurance PLC, AXA Belgium, Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, Allianz Versicherungs AG et Kravag Logistic Versichrungs AG la somme de 25 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel.



La société CMA CGM, dont les dernières conclusions ont été déposées le 24 décembre 2021 par le RPVA, sollicite de voir :



A titre principal :

Vu l'article L. 172-29 du code des assurances et l'article 31 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 17 juin 2016 et déclarer les compagnies d'assurances demanderesses et la société Marhaba irrecevables en leur action à son encontre,

A titre subsidiaire :

Vu l'article 4.2 g), m) et q) de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée,

- infirmer le jugement (...) et dire et juger qu'elle est au bénéfice des cas exceptés exonératoires de responsabilité prévus aux articles l'article 4.2 g), m) et q) de la convention de Bruxelles,

- en conséquence, débouter les compagnies d'assurances demanderesses et la société Marhaba de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

À titre plus subsidiaire,

Vu les articles 9 du code de procédure civile, L. 5422-23 du code des transports, 4.5 b) de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée et L. 5422-13 du code des transports,

- confirmer le jugement (...) en ce qu'il a constaté que les compagnies d'assurances demanderesses et la société Marhaba ne rapportent pas la preuve de leur préjudice et les a déboutées de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

A titre très subsidiaire :

Vu l'article 12 du connaissement,

- dire et juger que sa responsabilité à l'égard des assureurs ne saurait excéder la somme de 32 458,23 USD,

- confirmer le jugement (...) en ce qu'il a débouté la société Marhaba de sa demande au titre de la franchise de 4414,75 USD,

En toute hypothèse,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les compagnies d'assurances demanderesses et la société Marhaba à lui verser la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens de première instance, d'appel, cassation et d'appel après renvoi.



À l'appui de ses prétentions, la société CMA CGM fait essentiellement valoir que :



- les assureurs de la société Marhaba n'établissent pas l'existence d'une subrogation, légale ou conventionnelle, dans les droits de leur assuré,

- si la société Marhaba apparaît comme destinataire au connaissement, elle ne rapporte pas la preuve qu'elle était propriétaire des marchandises au moment du dommage,

- sa responsabilité de transporteur maritime n'est pas engagée, dès lors qu'elle n'a fait que respecter les instructions données par les autorités sud-africaines en matière d'exportation de produits périssables, résultant du « Perishable Products Export Control Board » (PPECB), qui impose de procéder au transport de prunes en indexant, en cours de transport, pour une meilleure conservation, le conteneur à une température de 7,5 °C pendant une durée de sept jours,

- le rapport du cabinet expertise DPS n'établit pas la preuve du préjudice allégué au regard des dispositions de l'article 4.5 b) de la Convention de Bruxelles, alors que la valeur de la marchandise doit être déterminée au jour de son déchargement selon les trois critères successifs prévus par ce texte (d'après le cours en bourse, ou à défaut, d'après le prix courant sur le marché ou, à défaut de l'un et de l'autre, d'après la valeur usuelle de marchandises de même nature et qualité) et que la réalité de la vente en sauvetage de la marchandise n'est pas prouvée, la société Marhaba se contentant de produire des tableaux établis par elle-même,

- en toute hypothèse, le fret, soit la somme de 3829,67 USD par conteneur, est dû en totalité à compter de la réservation du transport de la marchandise et est acquis à tout événement, conformément à l'article 12 du connaissement.



Instruite conformément aux dispositions de l'article 1037-1 du code de procédure civile renvoyant à l'article 905 du même code, la procédure a été clôturée par ordonnance du 10 janvier 2023.




MOTIFS de la DÉCISION :



L'article 623 du code de procédure civile dispose que la cassation est partielle lorsqu'elle n'atteint que certains chefs dissociables des autres ; selon l'article 624 du même code, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce et s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; enfin, l'article 625, alinéa 1er, énonce que sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé.



En l'occurrence, la cassation n'a pas atteint les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 2 mai 2019 en ce que, confirmant le jugement, elle a dit recevable l'action de la société Marhaba en tant que destinataire au connaissement émis le 2 mars 2013, en ce qu'elle a déclaré recevable l'action des sociétés Asco NV, Zurich Insurance PLC, AXA Belgium, Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, Allianz Versicherungs AG et Kravag Logistic Versichrungs AG en tant qu'assureurs subrogés dans les droits de la société Marhaba et en ce qu'elle a déclaré la société CMA CGM responsable des dommages causés aux marchandises lors de leur transport et dit que celle-ci ne pouvait bénéficier d'un des cas exonératoires de responsabilité tels que prévus à l'article 4.2 de la convention de Bruxelles de 1924.



Il résulte, en premier lieu, des dispositions combinées des articles 1250 et 1252 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que la subrogation est conventionnelle lorsque le créancier recevant son paiement d'une tierce personne la subroge dans ses droits et actions, qu'une telle subrogation ne peut nuire au créancier n'ayant été payé qu'en partie et que celui-ci peut, en ce cas, exercer ses droits contre le débiteur pour ce qui lui reste dû, par préférence à celui dont il n'a reçu qu'un paiement partiel ; dans le cas présent, la société Marhaba a reçu un paiement partiel des assureurs, d'un montant de 43 947,24 USD, en indemnisation de son préjudice et les a subrogés dans ses droits et actions à due concurrence dans un acte du 31 juillet 2013, dont il ressort qu'une somme de 4414,75 USD a été laissée à sa charge sur un montant total de 48 361,99 USD ; le premier juge ne pouvait rejeter la demande de la société Marhaba en paiement de la contre-valeur en euros de cette somme au seul motif qu'à défaut de communication de la police d'assurance, la preuve de l'existence d'une franchise n'était pas rapportée, alors qu'il constatait qu'elle n'avait reçu qu'un paiement partiel dans le cadre d'une subrogation conventionnelle.



L'article 4, paragraphe 5, de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée, à laquelle l'une et l'autre des parties se réfère, énonce au b) : « La somme totale due (en indemnisation des pertes ou dommages des marchandises) sera calculée par référence à la valeur des marchandises au lieu et au jour où elles sont déchargées conformément au contrat, ou au jour et au lieu où elles auraient dû être déchargées. La valeur de la marchandise est déterminée d'après le cours en bourse, ou, à défaut, d'après le prix courant sur le marché ou, à défaut de l'un et de l'autre, d'après la valeur usuelle de marchandises de même nature et qualité » ; ces dispositions sont reprises, en des termes identiques, à l'article L. 5422-13 du code des transports.



En l'espèce, pour chiffrer à la somme de 48 265,30 USD le montant des dommages, le cabinet d'expertise DPS, après avoir retenu qu'aucune valeur de marché saine n'était disponible (sic), a calculé l'étendue des pertes de marchandises par référence aux factures éditées le 28 février 2013 par l'expéditeur, la société sud-africaine FVC International, factures libellées en dollars US et qu'il a convertis en dirhams émiriens, y ajoutant les frais de transport supplémentaires, puis en déduisant le produit des ventes en sauvetage, sur la base de rapports de pertes et profits établis par la société Marhaba elle-même pour les trois conteneurs TRLU 162586-0, AMCU 92 1395-1 et CRLU 140990-4 renfermant les cartons de prunes endommagés.



Lors de la réunion d'expertise du 23 mars 2013, en présence de l'expert de la société CMA CGM, les parties présentes ont assisté aux opérations de déchargement de la marchandise ; l'expert du cabinet DPS a décrit dans son rapport l'état des prunes fraîches transportées en indiquant que tous les cartons inspectés présentaient des fruits mous et mûris et parfois des fruits trop mûrs présentant des dégradations et des pourritures brunes et que, dans une moindre mesure, des fruits étaient endommagés avec des plis et une perte d'eau, certains présentant des blessures de pré-récolte comme des cicatrices, des bleus, des dommages dus au vent et des fissures, quelques prunes étant même écrasées en raison d'un sur-arrimage à l'intérieur des cartons ; il a évalué le taux moyen en pourcentage de fruits mous et mûris dans chaque conteneur entre 50 % (conteneur AMCU 921395-1) et 75 % (conteneurs TRLU 162586-0 et CRLU 140990-4) et de fruits présentant d'autres dommages comme des plis, des pertes d'eau, des écrasements et des dommages mécaniques à proportion de 5 % (conteneur CRLU 14990-4), 15% (conteneur TRLU 162586-0) et 20 % (conteneur AMCU 921395-1).



Le cabinet d'expertise DPS a donc évalué la marchandise endommagée par référence au prix figurant sur les factures de vente de l'expéditeur, converti en dirhams émiriens, majoré des frais de livraison, après avoir relevé qu'aucune valeur de marché n'était disponible ; ce prix peut, en l'occurrence, être retenu pour l'évaluation de la marchandise endommagée dès lors qu'aucun élément ne permet de considérer que la valeur de la marchandise aurait été modifiée au jour du déchargement ; en outre, la société CMA CGM, bien qu'ayant été représentée aux opérations d'expertise et reçu communication du rapport du cabinet DPS, n'a pas discuté les conclusions de celui-ci, ni proposé une autre évaluation de la marchandise au regard des critères énoncés par l'article 4, paragraphe 5, de la convention de Bruxelles.





Lors des opérations d'expertise, il a également été constaté que les fruits étaient mous et mûris dans une proportion comprise entre 50 % et 75 % et qu'ils présentaient d'autres dommages comme des plis, des pertes d'eau, des écrasements ou des dommages mécaniques, dans une proportion de 5 % à 20%, permettant ainsi de déterminer la quantité de marchandise saine susceptible d'être revendue sur place, sachant que les prunes fraîches devaient être réexportées, comme l'indique le cabinet DPS en page 4 de son rapport ; c'est vainement que la société CMA CGM prétend qu'il ne peut être tenu compte des rapports de pertes et profits établis par la société Marhaba elle-même, alors que les produits des ventes annoncés, soit respectivement 48 720 dirhams émiriens (conteneur TRLU 162586-0), 35 488 dirhams émiriens (conteneur AMCU 921395-1) et 62 200 dirhams émiriens (conteneur CRLU 140990-4), ont été entérinés par le cabinet d'expertise DPS et sont compatibles avec les constatations faites lors de la réunion d'expertise sur la quantité de fruits sains, susceptibles d'être revendus sur place, en fonction des prix figurant sur les factures de vente.



Enfin, si l'article 12 des conditions générales du connaissement, dispose que le fret est acquis à tout événement, il n'en demeure pas moins qu'il doit être tenu compte du coût du fret pour déterminer le préjudice subi en fonction de la valeur de la marchandise au moment où elle aurait dû être livrée en bon état.



Il convient dès lors d'entériner une évaluation de la marchandise endommagée à la somme de 48 265,30 USD correspondant à la valeur de celle-ci au jour du déchargement, déduction faite du produit des ventes de fruits réalisées sur place ; les sociétés Asco NV, Zurich Insurance PLC, AXA Belgium, Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, Allianz Versicherungs AG et Kravag Logistic Versichrungs AG, en tant qu'assureurs subrogés dans les droits de la société Marhaba, sont dès lors fondées à obtenir le paiement de la contre-valeur en euros à la date du présent arrêt de la somme de 43 852,55 USD (48 265,30 USD - 4414,75 USD), outre la somme de 1626,37 euros correspondant aux frais d'expertise, justifiés par la facture produite, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2014, date de l'assignation, capitalisés ; la société Marhaba est, pour sa part, fondée à obtenir le paiement de la contre-valeur en euros à la date de l'arrêt de la somme de 4414,75 USD avec intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2014, capitalisés.



Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la société CMA CGM doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, y compris ceux afférents la décision cassée, ainsi qu'à payer aux sociétés Marhaba, Asco NV, Zurich Insurance PLC, AXA Belgium, Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, Allianz Versicherungs AG et Kravag Logistic Versichrungs AG la somme de 15 000 euros en remboursement des frais non taxables que celles-ci ont dû exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS :



La cour,



Statuant publiquement et contradictoirement,



Vu l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1) en date du 2 mai 2019 et l'arrêt rendu par la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) le 30 juin 2021,



Confirme le jugement du tribunal de commerce de Marseille en date du 17 juin 2016, mais seulement en ce qu'il a :



- dit recevable l'action de la société Marhaba qui a qualité et intérêt à agir,

- dit les assureurs subrogés dans les droits de la société Marhaba,

- déclaré les assureurs, les sociétés Asco NV, Zurich Insurance PLC, AXA Belgium, Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, Allianz Versicherungs AG et Kravag Logistic Versichrungs AG, recevables en leur action à l'encontre de la société CMA CGM,

- dit la société CMA CGM responsable des dommages causés aux marchandises durant le transport,

- dit que la société CMA CGM ne peut bénéficier d'un des cas exonératoires de responsabilité tels que prévus à l'article 4. 2 de la convention de Bruxelles,



Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,



Condamne la société CMA CGM à payer aux sociétés Asco NV, Zurich Insurance PLC, AXA Belgium, Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, Allianz Versicherungs AG et Kravag Logistic Versichrungs AG, en tant qu'assureurs subrogés dans les droits de la société Marhaba :



- la contre-valeur en euros à la date du présent arrêt de la somme de 43 852,55 USD,

- la somme de 1626,37 euros correspondant aux frais d'expertise,



Dit que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2014 et que les intérêts ayant plus d'un an d'ancienneté seront eux-mêmes productifs d'intérêts,



Condamne la société CMA CGM à payer à la société Marhaba la contre-valeur en euros à la date du présent arrêt de la somme de 4414,75 USD,



Dit que cette somme sera également assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2014 et que les intérêts ayant plus d'un an d'ancienneté seront eux-mêmes productifs d'intérêts,



Rejette toutes autres demandes,



Condamne la société CMA CGM aux dépens de première instance et d'appel, y compris ceux afférents la décision cassée, ainsi qu'à payer aux sociétés Marhaba, Asco NV, Zurich Insurance PLC, AXA Belgium, Italiana Assicurazioni Trasporti SIAT, Allianz Versicherungs AG et Kravag Logistic Versichrungs AG la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



le greffier, le président,

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