3 mars 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 22/10818

Pôle 1 - Chambre 8

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 8



ARRET DU 03 MARS 2023



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10818 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF54U

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 01 Juin 2022 -Président du TC d'EVRY - RG n° 2022R050



APPELANTES



S.A.R.L. SVD CONSULTING agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[Adresse 3]

[Localité 5]



S.A.R.L. SVD GESTION agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[Adresse 2]

[Localité 6]



Représentées par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

Assistées par Me Elsa GIANGRASSO, avocat au barreau de PARIS, toque : A438



INTIMEE



S.A.R.L. IN SYSTEM prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Sandrine LOSI de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

Assistée par Me Alexandre DUPREY de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 janvier 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Florence LAGEMI, Président chargé du rapport et Rachel LE COTTY, Conseiller.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:



Florence LAGEMI, Président,

Rachel LE COTTY, Conseiller,

Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,



Greffier, lors des débats : Marie GOIN







ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence LAGEMI, Président et par Marie GOIN, Greffier présent lors de la mise à disposition.












La société In System est un intégrateur informatique de gestion, spécialisé en solutions d'outils de gestion, paie et ressources humaines. Depuis 1995, elle est revendeur de l'éditeur de logiciels 'Sage' et agréée 'centre de compétence Sage' depuis 1998, assurant à ce titre la maintenance des logiciels 'Sage Ligne 100', sur toutes les plateformes techniques proposées.



La société SVD Gestion est un prestataire informatique qui commercialise des logiciels de gestion commerciale et de ressources humaines. Cette société a absorbé la société SVD Consulting, qui n'a plus d'activité depuis le 30 juin 2021.



Au cours du mois de septembre 2020, la société SVD Gestion a annoncé sur les réseaux sociaux qu'elle devenait 'centre de compétence Sage' et que son équipe se renforçait.



La société In System suspectant des faits de concurrence déloyale de la part des sociétés SVD Gestion et SVD Consulting, manifestés par un débauchage de quatre de ses salariés dont deux étaient dédiés aux logiciels 'Sage', et un détournement de clientèle résultant de la résiliation de 76 contrats 'Sage', a, par première requête présentée le 16 septembre 2021, saisi le président du tribunal de commerce d'Evry afin d'obtenir la désignation d'un huissier de justice pour procéder à des mesures de constat et saisie aux sièges des sociétés SVD Gestion et SVD Consulting situés à [Adresse 7].



Par ordonnance du 27 octobre 2021, le président du tribunal de commerce d'Evry a accueilli cette requête.



La société In System a présenté, le 2 décembre 2021, une seconde requête aux mêmes fins mais visant outre le siège social de [Localité 5], l'établissement de la société SVD Gestion situé [Adresse 2] à [Localité 6].



Par ordonnance du 5 janvier 2022 et ordonnance rectificative du 17 janvier 2022, le président du tribunal de commerce d'Evry a ordonné une mesure d'instruction devant s'exercer au siège social des sociétés SVD Gestion et SVD Consulting à Gif-sur-Yvette mais également dans l'établissement de [Localité 6].



Cette mesure d'instruction a été exécutée le 26 janvier 2022.



Par acte du 28 mars 2022, la société In System a fait assigner les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting, devant le juge des référés du tribunal de commerce d'Evry, afin d'obtenir la levée de la mesure de séquestre des pièces saisies mise en oeuvre par les ordonnances des 5 et 17 janvier 2022.



Par acte du même jour, les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting ont fait assigner, devant le même juge, la société In System en rétractation de l'ordonnance rendue sur requête le 27 octobre 2021, demande étendue par conclusions ultérieures aux ordonnances des 5 et 17 janvier 2022.



Par ordonnance du 1er juin 2022, le premier juge a, notamment :


ordonné la jonction des deux affaires ;

déclaré recevables les demandes de rétraction des ordonnances des 27 octobre 2021, 5 janvier 2022 et 17 janvier 2022 ;

débouté les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting de leur demande de rétractation des ordonnances des 5 et 17 janvier 2022 ;

déclaré la demande de levée de séquestre provisoire recevable et fondée ;

ordonné la levée du séquestre provisoire mis en oeuvre par les ordonnances des 5 et 17 janvier 2022 et autorisé la SCP François-Le Discorde-[C], huissiers de justice, à libérer les documents et informations saisis le 26 janvier 2022 et séquestrés par leurs soins, entre les mains de la société In System ;

déclaré irrecevable la demande de dommages et intérêts des sociétés SVD Gestion et SVD Consulting ;

condamné les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting à payer chacune la somme de 2.500 euros à la société In System sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.




Par déclaration du 7 juin 2022, les sociétés SVD Consulting et SVD Gestion ont relevé appel de cette décision en ses dispositions ayant rejeté leur demande de rétractation des ordonnances des 27 octobre 2021, 5 et 17 janvier 2022, déclaré recevable et fondée la demande de levée de séquestre et ordonné la levée du séquestre, déclaré irrecevable leur demande de dommages et intérêts et les ayant condamnées au paiement des dépens et d'une indemnité au titre des frais irrépétibles.



Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 19 janvier 2023, les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting demandent à la cour de :


confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :


prononcé la jonction des deux procédures 2022R0050 et 2022R0056,

déclaré recevables leur demande additionnelle de rétractation des ordonnances des 5 et 17 janvier 2022 ;


infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle :


les a déboutées de leur demande de rétractation des ordonnances des 27 octobre 2021, 5 janvier 2022 et 17 janvier 2022,

a déclaré la demande de levée de séquestre provisoire recevable et fondée,

a ordonné la levée du séquestre provisoire mis en oeuvre par les ordonnances des 5 et 17 janvier 2022 et autorisé la SCP François-Le Discorde-[C] à libérer les documents et informations saisis le 26 janvier 2022 et séquestrés par ses soins entre les mains de la société In System,

a déclaré irrecevable leur demande de dommages et intérêts,

les a condamnées à payer chacune la somme de 2.500 euros à la société In System au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;



statuant à nouveau,


juger que le motif légitime requis par l'article '175' du code de procédure civile n'existe pas ;

juger que les opérations de constat diligentées par Maître [C] sont entachées de nullité au titre de la violation de l'article 495, alinéa 3 du 'code civil' ;

rétracter les ordonnances des 27 octobre 2021, 5 janvier 2022 et 17 janvier 2022 ;

annuler la levée du séquestre provisoire subséquente ;

ordonner la restitution de l'ensemble des documents, clés informatiques, données et informations saisies ;

juger que le juge des référés est compétent pour statuer la demande indemnitaire ;

condamner la société In System à payer à la société SVD Gestion la somme provisionnelle de 50.000 euros en réparation du préjudice subi ;

débouter la société In System de son appel incident et de toutes ses demandes ;

condamner la société In System à leur payer la somme de 5.000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.




Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 20 janvier 2023, avant le prononcé de l'ordonnance de clôture, la société In System demande à la cour de :




la déclarer recevable et bien fondée ;


y faisant droit,

Sur la recevabilité des demandes de rétractation des ordonnances du 5 janvier 2022 et du 17 janvier 2022 :


infirmer l'ordonnance du 1er juin 2022 en ce qu'elle a déclaré recevables les demandes de rétractation des ordonnances des 27 octobre 2021, 5 janvier 2022 et 17 janvier 2022 ;


et, statuant à nouveau sur ce chef et sur cette prétention nouvelle en appel dans l'instance de levée de séquestre,


déclarer irrecevables la demande de rétractation des ordonnances sur requête du 27octobre 2021, 5 janvier 2022 et l'ordonnance rectificative du 17 janvier 2022 ;


Sur la demande de rétractation des ordonnances des 27 octobre 2021, 5 janvier et 17 janvier 2022 :


confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting de leur demande de rétractation des ordonnances des 5 janvier 2022 et 17 janvier 2022 ;


Sur la demande de levée du séquestre :


confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné la levée du séquestre provisoire mis en 'uvre par les ordonnances du 5 et 17 janvier 2022 et autorisé la SCP François-Le Discorde-[C] à libérer entre ses mains les documents et informations saisis le 26 janvier 2022 et séquestrés par ses soins ;


En tout état de cause :


débouter les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting de leur demande de rétractation des ordonnances des 27 octobre 2021, 5 janvier 2022 et 17 janvier 2022 ;

rejeter l'ensemble des demandes présentées par les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting ;

confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting à lui payer chacune la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance ;


et, y ajoutant :


condamner les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting à lui verser chacune la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens au titre de la procédure d'appel.




La clôture de la procédure a été prononcée le 20 janvier 2023.



Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.








SUR CE, LA COUR



Sur la recevabilité de la demande de rétractation



La société In System soutient que la demande en rétractation présentée par les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting est irrecevable au motif qu'elle a été formée plus d'un mois après la notification des ordonnances des 5 et 17 janvier 2022 en exécution desquelles la mesure d'instruction a été réalisée, et ce en méconnaissance des dispositions de l'article R.153-1 du code de commerce.



L'article R.153-1 du code de commerce énonce que lorsqu'il est saisi sur requête sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ou au cours d'une mesure d'instruction ordonnée sur ce fondement, le juge peut ordonner d'office le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d'assurer la protection du secret des affaires.

Si le juge n'est pas saisi d'une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance en application de l'article 497 du code de procédure civile dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision, la mesure de séquestre provisoire mentionnée à l'alinéa précédent est levée et les pièces sont transmises au requérant.

Le juge saisi en référé d'une demande de modification ou de rétractation de l'ordonnance est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues aux articles R.153-3 à R153-10.



Le délai d'un mois visé par le texte susvisé ne s'applique qu'à la levée de la mesure de séquestre de sorte qu'il n'a aucune incidence sur la recevabilité de la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête, fondée sur les dispositions de l'article 497 du code de procédure civile qui ne fixent aucun délai pour la former.



Il en résulte que la demande de rétractation formée par les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting suivant acte du 28 mars 2022 est recevable.



La société In System fait en outre valoir que l'assignation en rétractation délivrée le 28 mars 2022 ne visait que l'ordonnance du 27 octobre 2021, pourtant non exécutée, et que les appelantes sont irrecevables à solliciter, par conclusions ultérieures, la rétractation des ordonnances des 5 et 17 janvier 2022, demande ne se rattachant pas par un lien suffisant à la demande originaire.



Elle prétend encore que la rétractation des ordonnances des 5 et 17 janvier 2022 demandée en cause d'appel est irrecevable comme constituant une demande nouvelle, expliquant que les appelantes ont déposé des conclusions communes dans les deux instances (rétractation et levée de séquestre) comportant la demande additionnelle sur la rétractation des ordonnances de janvier 2022 alors que cette prétention n'a pas été formée, en première instance, dans la procédure relative à la levée de séquestre, de sorte qu'elle n'a pu être dévolue à la cour.



Il est exact que dans l'assignation du 28 mars 2022, les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting n'ont sollicité que la rétractation de l'ordonnance du 27 octobre 2021, puis qu'elles ont demandé par conclusions ultérieures la rétractation des deux autres ordonnances sur requête des 5 et 17 janvier 2022.



L'examen des requêtes déposées par la société In System et des trois ordonnances rendues les 27 octobre 2021, 5 janvier et 17 janvier 2022 démontre que ces décisions concernent les mêmes faits et les mêmes parties et que la mesure d'instruction ordonnée tend aux mêmes fins, soit réunir des éléments de preuve pour permettre à la société In System d'améliorer sa situation probatoire pour un futur litige en concurrence déloyale.



Il apparaît donc que la demande additionnelle formée par les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting portant sur la rétractation des deux ordonnances sur requête rendues en janvier 2022 se rattache par un lien suffisant à la demande originaire et qu'elle est par suite recevable en application de l'article 70 du code de procédure civile.



La demande de rétractation des ordonnances des 5 et 17 janvier 2022 ne saurait être considérée comme une demande nouvelle en cause d'appel dès lors que les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting ont saisi le premier juge de cette demande et qu'elles en ont expressément dévolu la connaissance à la cour en critiquant, dans la déclaration d'appel, les dispositions de l'ordonnance entreprise les ayant déboutées de leur demande de rétractation des ordonnances des 27 octobre 2021, 5 janvier et 17 janvier 2022.



Ainsi, les fins de non recevoir soulevées par la société IN System seront rejetées et l'ordonnance entreprise confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable la demande de rétractation des trois ordonnances susvisées.



Sur la rétractation des ordonnances rendues sur requête les 27 octobre 2021, 5 et 17 janvier 2022



Sur la violation de l'article 495 du code de procédure civile



Pour solliciter la rétractation de ces ordonnances, les appelantes font état de la violation de l'article 495 du code de procédure civile soutenant d'une part, que l'ordonnance qui leur a été remise par l'huissier de justice est celle du 27 octobre 2021 et non celles du mois de janvier 2022, d'autre part, qu'elles n'ont pas disposé d'un délai suffisant pour appréhender la mesure d'instruction et, enfin, que la liste des contrats résiliés figurant en pièce 10, ne leur a pas été remise par l'huissier de justice alors que s'agissant de la liste des clients à partir de laquelle devait s'effectuer la recherche par mots clés, elle aurait dû figurer dans la requête pour permettre de vérifier le nom des clients en cause.

Elles en déduisent que leurs droits ont été méconnus lors de l'exécution de la mesure d'instruction et que les opérations de constat sont entachées de nullité.



Selon l'article 495, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est exécutoire au seul vu de la minute.

Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée.



L'alinéa 3 de ce texte a pour seule finalité de permettre le rétablissement du principe de la contradiction en portant à la connaissance de celui qui subit la mesure ordonnée à son insu ce qui a déterminé la décision du juge, et d'appréhender l'opportunité d'un éventuel recours.



Au cas présent, il résulte du procès-verbal de constat établi le 26 janvier 2022 par Maître [C], que ce dernier a remis à M. [B], gérant des sociétés SVD Gestion et SVD Consulting, 'copie exécutoire de l'ordonnance du 5 janvier 2022 comportant la requête de la société In System datée du 1er décembre 2021, déposée le 2 décembre 2021 (24 pages) et copie exécutoire de l'ordonnance en rectification d'erreur matérielle du 17 janvier 2022 (4 pages)', actes annexés au procès-verbal de constat.



Le fait que M. [B] ait adressé à son conseil, le 26 janvier 2022, à l'issue des opérations de constat et saisie, la requête datée du 15 septembre 2021, déposée le 16 septembre suivant et l'ordonnance rendue le 27 octobre 2021, s'il démontre qu'il a eu en main ces actes, ne justifie cependant pas le caractère erroné du procès-verbal du 26 janvier 2022 et ne suffit pas à établir que le gérant des sociétés appelantes n'aurait pas eu communication de la requête du 1er décembre 2021 et des ordonnances des 5 et 17 janvier 2022.



En outre, il est rappelé qu'en application de l'article 495, alinéa 3, du code de procédure civile seule une copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée, à l'exclusion des pièces invoquées à l'appui de cette requête.



Ainsi, c'est vainement que les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting font état du défaut de communication de la pièce 10 annexée à la requête, intitulée 'liste des contrats résiliés'.



Au surplus, la cour relève que dans la mission donnée à l'huissier de justice, reprenant celle proposée dans la requête, celui-ci devait se faire remettre par la société In System la liste des comptes clients de cette société, qui ont été résiliés à compter du 1er janvier 2020, disposer de cette liste confidentielle des clients de la société In System et consigner dans son procès-verbal les clients communs. Il en résulte que les sociétés appelantes n'avaient pas à obtenir la communication de la pièce litigieuse avant l'exécution de la mesure d'instruction.



Enfin, l'ordonnance sur requête étant exécutoire au seul vu de la minute, il est également vain de soutenir que les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting n'auraient pas disposé d'un temps suffisant pour appréhender la mesure d'instruction.



En tout état de cause, il est rappelé que l'appréciation des conditions de l'exécution de la mesure d'instruction, qui n'affectent pas la régularité de l'ordonnance sur requête, ne relève pas du juge de la rétractation mais du juge du fond.



Ainsi, les moyens tirés de la violation alléguée de l'article 495 du code de procédure civile, ne peuvent conduire à la rétractation des ordonnances des 5 et 17 janvier 2022.



S'agissant de la rétractation de l'ordonnance rendue le 27 octobre 2021, il apparaît, notamment, du procès-verbal susvisé que celle-ci n'a pas été mise à exécution de sorte que la demande de rétractation de cette ordonnance ne peut être que déclarée sans objet.



Sur le motif légitime



Les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting font encore valoir que les ordonnances litigieuses doivent être rétractées en raison de l'absence de motif légitime, soutenant que la société In System ne démontre pas les actes de concurrence déloyale qu'elle invoque à l'appui de sa demande de mesure d'instruction.



Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.



L'application de ces dispositions suppose que soit constatée l'existence d'un procès en germe possible et non manifestement voué à l'échec au regard des moyens soulevés sans qu'il revienne au juge statuant en référé de se prononcer sur le fond.



En l'espèce, la société In System fait valoir à l'appui de la requête qu'elle soupçonne les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting de se livrer à des actes de concurrence déloyale à son encontre, manifestés d'une part, par un débauchage de quatre de ses salariés ayant démissionné à quelques jours d'intervalle et l'ayant désorganisée d'autant qu'un effacement massif des données a été constaté sur les ordinateurs de certains d'entre eux et, d'autre part, par un détournement de sa clientèle puisque concomitamment au départ de ses salariés, elle a enregistré la résiliation de 76 contrats représentant un chiffre d'affaires de 348.539 euros HT.



La société In System produit les lettres de démission de quatre salariés, MM. [M], [U] et [J] et Mme [D] en date des 27 août, 9, 14 et 29 septembre 2020 dont deux d'entre eux étaient dédiés aux logiciels Sage.



Elle établit en outre par une publication faite par M. [B], sur le site Linkedln, le 17 septembre 2020, qu'à cette date la société SVD Gestion a annoncé devenir Centre de compétences Sage et s'agrandir 'avec des embauches à tous les postes : commerce, maintenance, consulting'.



Elle verse, par ailleurs, aux débats deux attestations de deux de ses salariés, MM. [P] et [R], qui affirment que des effacements de données ont été opérés sur les boîtes de messagerie professionnelle de MM. [J] et [M], lesquelles 'étaient vides ou presque au soir de leur départ respectif'.



Enfin, elle soutient avoir enregistré plusieurs dizaines de résiliations de contrat 'Sage', résiliations intervenues peu de temps après un rendez-vous officieux avec M. [J] alors responsable de certains comptes clients. Elle produit pour en justifier un tableau intitulé 'mode opératoire résiliations' concernant quatre clients, qu'elle a établi à partir d'éléments qu'elle a pu récupérer dans la messagerie de M. [J] et des lettres de résiliation qu'elle verse aux débats.



Les appelantes ne contestent pas l'embauche des salariés de la société In System à l'exception de M. [U], mais nient toute volonté de nuire de l'intimée, d'autant que ses salariés n'étaient pas tenus par une clause de non concurrence.



Elles considèrent en outre que le détournement de clientèle allégué n'est pas justifié et font valoir que le tableau susvisé, les mails de M. [J] ayant permis de le constituer et la liste des clients ayant résilié leur contrat établie par l'intimée sont dépourvus de tout caractère probant. Elles admettent cependant que la société SVD Gestion a intégré 30 clients de la société In System, précisant qu'il s'agit de clients des salariés démissionnaires qu'ils avaient apportés à l'intimée lors de leur embauche par celle-ci et qui les ont suivis après leur embauche par la société SVD Gestion. Elles versent aux débats des attestations de différents clients pour établir ce transfert de clientèle.



S'il n'est pas méconnu que les salariés de la société In System pouvaient être engagés par une société concurrente et que sa clientèle pouvait librement choisir de contracter avec une autre entreprise exerçant dans le même secteur d'activité, il apparaît néanmoins que sur une période de temps relativement courte, trois des salariés de l'intimée ont été embauchés par la société SVD Gestion, que, dans le même temps, celle-ci est devenue centre de compétence 'Sage' et que des résiliations de contrat 'Sage' ont été enregistrées par la société In System.



Il est encore relevé que l'effacement allégué des données dans les messageries professionnelles de deux salariés de la société In System, propre à caractériser une désorganisation de la société et une dissimulation de comportements déloyaux de salariés envers leur ancien employeur, n'est pas contredit par la lettre de M. [J] datée du 17 décembre 2020, et comportant le cachet de l'intimée (pièce 38 des appelantes). En effet, cette pièce, qui établit que M. [J] a restitué l'ordinateur portable mis à sa disposition par la société In System en bon état de fonctionnement, ne démontre pas l'absence d'effacement des données de la messagerie, la cour relevant, au surplus, que la société In System conteste l'authenticité de cette lettre ainsi que la signature figurant sur son cachet.



Si ces éléments ne peuvent à eux seuls suffire à caractériser un débauchage illicite et un détournement de clientèle, ils constituent néanmoins des indices sérieux permettant de démontrer l'existence d'un motif légitime pour justifier la mesure d'instruction sollicitée.



Il est rappelé qu'agissant sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la société In System n'a pas à rapporter, à ce stade de la procédure, la preuve des actes de concurrence déloyale suspectés et du préjudice en résultant.



A cet égard, les critiques des appelantes quant à la valeur probante du tableau récapitulant les modes opératoires de résiliations, des mails de M. [J] ou de la liste des résiliations dommageables établies par l'intimée sont inopérantes dès lors que ces pièces ne sont pas produites pour justifier des demandes dans le cadre d'une procédure au fond mais seulement pour étayer la pertinence des motifs allégués pour demander une mesure d'instruction par voie de requête.



Ainsi, au regard des éléments qui précèdent, la société In System peut légitimement éprouver le besoin de déterminer l'ampleur de la concurrence déloyale suspectée, susceptible de résulter d'un débauchage illicite et d'un possible détournement de clientèle par ses anciens salariés au profit de la société SVD Gestion. Elle établit donc l'existence d'un procès en germe possible en concurrence déloyale dont l'échec manifeste n'est pas démontré par les moyens développés par les appelantes et ni par les pièces qu'elles produisent et, donc, un motif légitime justifiant la mesure d'instruction sollicitée.





Sur le caractère proportionné de la mesure



Les sociétés appelantes invoquent l'absence de proportionnalité de la mesure ordonnée en soutenant que la mission de l'huissier de justice, définie en violation de l'article 9 du code civil, porte atteinte à la vie privée et au secret des correspondances des personnes concernées puisque l'huissier a été autorisé à se faire communiquer les adresses mails personnelles des cinq personnes visées dans la requête (le gérant des sociétés SVD Gestion et SVD Consulting et les quatre salariés démissionnaires), alors qu'il n'est pas établi qu'ils auraient pu communiquer au moyen de leur ordinateur ou de leur adresse mail personnelle.



Il ressort des termes de la requête que la société In System invoquait l'effacement par ses salariés démissionnaires des données de leur boîte de messagerie professionnelle lors de la restitution de leur ordinateur portable. Ce fait, qui rendait vraisemblable un transfert des données effacées sur les messageries personnelles ou des échanges entre les salariés démissionnaires et le gérant des sociétés appelantes à partir de ces messageries, justifie la disposition critiquée de l'ordonnance.



Il sera en outre relevé que la mission confiée à l'huissier de justice a été circonscrite dans son objet puisque les recherches ont été limitées, par l'indication de mots clés et la liste des contrats résiliés par les clients de la société In System remise par cette dernière, au seul transfert de sa clientèle et aux embauches et démissions de ses anciens salariés.



Au surplus, l'ordonnance a fait interdiction à l'huissier de justice et à l'expert informatique l'ayant assisté de collecter des informations manifestement personnelles et sans rapport avec la mission.



Ainsi, la mission ne présente aucun caractère général et préserve les droits des personnes concernées par la mesure d'instruction, les appelantes ne démontrant pas que l'huissier a outrepassé sa mission en captant des éléments d'information sans lien avec les faits reprochés.



Il convient encore de rappeler qu'une mesure de séquestre des éléments recueillis a été prévue pour protéger, le cas échéant, le secret des affaires, en l'espèce non invoqué, ou encore toute atteinte qui serait portée aux droits des personnes visées par la mesure et que l'huissier s'y est conformé.



Enfin, le respect de la vie privée ne constitue pas, en lui-même, un obstacle à l'application de l'article 145 du code de procédure civile, dès lors que la mesure ordonnée repose sur un motif légitime et qu'elle est nécessaire et proportionnée à la protection des droits du requérant.



En conséquence, la mesure ordonnée, utile et proportionnée à la solution du litige, ne porte pas une atteinte illégitime aux droits des personnes concernées par la mesure d'instruction et, tenant compte de l'objectif poursuivi, concilie le droit au respect de la vie privée de ces dernières et le droit à la preuve de la société In System.



Au regard des motifs qui précèdent, il convient, confirmant l'ordonnance entreprise de ce chef, de débouter les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting de leur demande de rétractation des ordonnances des 5 et 17 janvier 2022.



En l'absence de rétractation de ces ordonnances, il y a également lieu de confirmer la levée du séquestre ordonnée par le premier juge et la remise des pièces saisies pour lesquelles il n'a pas été sollicité de procédure de tri, entre les mains de la société In System.



Sur la demande de provision



Selon l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.



Pour solliciter l'allocation d'une provision à valoir sur la réparation de leurs préjudices moral et financier, les sociétés appelantes font état du caractère illégitime de la mesure réalisée et de la captation par la société In System, à travers les données saisies, de sa stratégie commerciale.



Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la demande de provision est recevable et relève des pouvoirs du juge des référés, sous réserve de justifier d'une obligation non sérieusement contestable.



Cependant, ainsi qu'il résulte des motifs qui précèdent, la mesure d'instruction ordonnée est utile et légalement admissible au sens de l'article 145 du code de procédure civile. En outre, les sociétés appelantes n'ont pas invoqué une atteinte au secret des affaires ni même sollicité le tri des pièces pour s'opposer à leur communication.



Il en résulte que les préjudices invoqués ne sont pas établis avec toute l'évidence requise en référé et qu'il n'y a donc pas lieu à référé sur cette demande.



Sur les dépens et les frais irrépétibles



La partie défenderesse à une mesure ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696 du même code. En effet, les mesures d'instruction sollicitées avant tout procès le sont au seul bénéfice de celui qui les sollicite, en vue d'un éventuel procès au fond, et sont donc en principe à la charge de ce dernier.



En revanche, il est possible de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens et, dès lors, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une d'elles.



Au regard de l'issue du litige, chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens exposés tant en première instance qu'en appel.



L'indemnité allouée par le premier juge à la société In System sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile a été exactement appréciée. Les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting seront condamnées à payer à la société In System, contrainte d'exposer des frais irrépétibles pour assurer sa défense en appel, la somme globale de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS





Confirme l'ordonnance entreprise sauf en ses dispositions ayant déclaré irrecevable la demande de dommages et intérêts des sociétés SVD Gestion et SVD Consulting et mis à leur charge les dépens de première instance ;



Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,



Déclare sans objet la demande de rétractation de l'ordonnance rendue sur requête le 27 octobre 2021 ;



Déclare recevable la demande de provision formée par les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting à valoir sur la réparation de leurs préjudices ;



Dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande ;



Laisse à chacune des parties la charge des dépens de première instance et d'appel par elle exposés ;



Condamne les sociétés SVD Gestion et SVD Consulting à payer à la société In System la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.





Le Greffier, Le Président,

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.