2 mars 2023
Cour d'appel de Versailles
RG n° 21/04593

12e chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 30F



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 MARS 2023



N° RG 21/04593 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UUXO





AFFAIRE :



S.A. NEXITY STUDEA

C/



[W] [R]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Mai 2021 par le Tribunal judiciaire de NANTERRE

N° Chambre : 8

N° RG : 18/05503



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Martine DUPUIS



Me Benoît RAMBERT



TJ NANTERRE













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



S.A. NEXITY STUDEA

RCS Paris n° 342 090 834

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Sophie LOZE de la SCP SUR MAUVENU ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0319



APPELANTE

****************



Madame [W] [R]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentée par Me Benoît RAMBERT de l'AARPI 2BA Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0308



INTIMEE

****************



Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Décembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,



Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
























EXPOSE DU LITIGE



Par acte sous seing privé du 31 août 1999, Mme [W] [R] a conclu un bail commercial au profit de la société SGRS, devenue société Lamy Résidences, puis société Nexity Studea, portant sur un studio constituant le lot n°205 situé au sein d'une résidence '[Adresse 6]' sise [Adresse 3] à [Localité 7], pour une durée de neuf années, à compter du 1er octobre 1999 et jusqu'au 30 septembre 2008.



Le 31 mars 2008, Mme [R] a délivré congé, sans indemnité d'éviction, à effet au 30 septembre 2008.

Le 30 mars 2009, Mme [R] a adressé un second congé sans offre de renouvellement à la société Lamy Résidences, pour le 30 septembre 2009.



Par acte du 29 septembre 2010, la société Lamy Résidences a assigné Mme [R] devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de voir prononcer la nullité des deux congés successifs et subsidiairement de voir fixer le montant de l'indemnité d'éviction à la somme de 21.806,35 €.



Par jugement du 24 octobre 2013, le tribunal de grande instance de Nanterre a reconnu le droit à l'indemnité d'éviction de la société Nexity Studea, et a avant dire droit nommé un expert en la personne de M. [I] [L] aux fins de détermination du montant de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation.



L'expert judiciaire a déposé son rapport le 28 novembre 2017.



Par jugement du 10 mai 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- fixé l'indemnité d'éviction due par Mme [R] à la société Nexity Studea à la somme de 14.912,57 € se décomposant en :

- 12.350,16 € au titre de l'indemnité principale d'éviction ;

- 1.235,02 € pour indemnité de remploi ;

- 797,76 € au titre du trouble commercial ;

- 179,63 € au titre des frais fixes ;

- 300 € pour frais de déménagement ;

- 50 € au titre des frais administratifs ;

- fixé le montant de l'indemnité d'occupation annuelle due par la société Nexity Studea à Mme [R] à 4.380 € ;

- condamné la société Nexity Studea, venant aux droits de la société Lamy Résidences, à payer à Mme [R] la somme de 35.117,79 €, montant provisoirement arrêté au 28 novembre 2017 (date de dépôt du rapport), sous déduction des sommes payées au même titre par la société Nexity Studea ;

- ordonné la compensation des créances réciproques des parties ;

- condamné Mme [R] à payer à la société Nexity Studea la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [R] aux dépens de l'instance, qui incluront les expertises ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- prononcé l'exécution provisoire de la décision.



Par déclaration du 19 juillet 2021, la société Nexity Studea a interjeté appel du jugement.



PRÉTENTIONS DES PARTIES



Par dernières conclusions notifiées le 16 mars 2022, la société Nexity Studea demande à la cour de :

- Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société Nexity Studea,

Faisant droit à l'appel formé par la requérante,

- Réformer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 10 mai 2021 déféré en ce qu'il a :

- Fixé l'indemnité d'éviction due par Mme [R] à la société Nexity Studea à la somme de 14.912,57 € se décomposant en :

- 12.350,16 € au titre de l'indemnité principale d'éviction,

- 1.235,02 € pour indemnité de remploi,

- 797,76 € au titre du trouble commercial,

- 179,63 € au titre des frais fixes,

- 300 € pour frais de déménagement,

- 50 € au titre des frais administratifs,

- Fixé le montant de l'indemnité d'occupation annuelle due par la société Nexity Studea à Mme [R] à 4.380 €,

- Condamné la société Nexity Studea, venant aux droits de la société Lamy Résidences, à payer à Mme [R] la somme de 35.117,79 €, montant provisoirement arrêté au 28 novembre 2017 (date de dépôt du rapport), sous déduction des sommes payées au même titre par la société Nexity Studea,

- Ordonné la compensation des créances réciproques des parties,

- Confirmer le jugement dont appel pour le surplus,



Et, statuant à nouveau des chefs infirmés,

Sur l'indemnité d'éviction,

A titre principal,

- Fixer l'indemnité d'éviction due par Mme [R] à la société Nexity Studea pour le lot n°205 à la somme totale de 31.344,75 €, sauf à parfaire, se décomposant en :

- 22.682,30 €, sauf à parfaire, au titre de l'indemnité d'éviction principale,

- 2.268,23 €, sauf à parfaire, au titre des frais de remploi,

- 797,76 €, sauf à parfaire, au titre du trouble commercial,

- 300 €, sauf à parfaire, au titre des frais de déménagement,

- 500 €, sauf à parfaire, au titre des frais administratifs,

- 4.796,55 €, sauf à parfaire, au titre des frais fixes,



A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour venait à considérer que l'activité se rapproche davantage de celle d'administrateur de biens,

- Confirmer le jugement sur le montant de l'indemnité d'éviction,



Sur l'indemnité d'occupation,

- A titre principal, fixer à la somme de 1.351,16 €, l'indemnité d'occupation annuelle valeur 2017 pour le lot n°205, en faisant application de la méthode hôtelière,

- A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour d'appel décidait de faire application de la méthode par comparaison, fixer le montant de l'indemnité d'occupation annuelle valeur 2017 à la somme de 3.657 €,



En tout état de cause,

- Déclarer mal fondé l'appel incident de Mme [R] et l'en débouter,

- Débouter Mme [R] de l'intégralité de ses demandes,

- Condamner Mme [R] au paiement de la somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile,

- Condamner Mme [R] au paiement des entiers dépens de la présente instance y compris ceux de première instance comprenant les frais d'expertise.



Par dernières conclusions notifiées le 20 décembre 2021, Mme [R] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement prononcé par le tribunal de grande instance de Nanterre le 10 mai 2021 (RG 18/05503) en ce qu'il a :

- Fixé l'indemnité d'éviction due par Mme [R] à la société Nexity Studea à la somme de 14.912,57 € se décomposant en :

- 12.350,16 € au titre de l'indemnité principale d'éviction,

- 1.235,02 € pour indemnité de remploi,

- 797,76 € au titre du trouble commercial,

- 179,63 € au titre des frais fixes,

- 300 € pour frais de déménagement,

- 50 € au titre des frais administratifs,



Statuant à nouveau,

Fixer l'indemnité d'éviction à la somme de 1.939,44 €, se décomposant en :

- 1.281,75 € au titre de l'indemnité principale d'éviction,

- 128,06 € au titre du trouble commercial,

- 179,63 € au titre des frais fixes,

- 300 € pour frais de déménagement,

- 50 € au titre des frais administratifs,

Subsidiairement à la somme de 6.934,86 €, se décomposant en :

- 6.227,17 € au titre de l'indemnité principale d'éviction,

- 128,06 € au titre du trouble commercial,

- 179,63 € au titre des frais fixes,

- 300 € pour frais de déménagement,

- 50 € au titre des frais administratifs,

- Confirmer le jugement pour le surplus,

- Condamner la société Nexity Studea à payer à Mme [R] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Et aux entiers dépens d'appel.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 octobre 2022.



Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.










MOTIVATION



Sur le montant de l'indemnité principale d'éviction



Le jugement a retenu la perte partielle du fonds de commerce, correspondant à la location de l'appartement, et que l'activité de gestionnaire de résidence étudiante se situe entre les activités d'administrateur de biens et d'exploitant d'hôtel, de sorte que la méthode du chiffre d'affaires ne pouvait être appliquée. Il a calculé le montant de l'indemnité d'éviction sur la base du chiffre d'affaires annuel (moyenne 2016-2018 : 6.175,08 €) auquel il a affecté un coefficient de 1,8 comme proposé par l'expert, pour parvenir à une indemnité principale d'éviction de 12.350,16 €.



Relevant que le tribunal a entériné les conclusions du rapport d'expertise, la société Nexity Studea soutient que l'expert a fait une mauvaise application de la méthode de calcul de l'indemnité principale, mais sollicite la confirmation du jugement qui a retenu que l'éviction entraînera une disparition partielle du fonds correspondant aux locaux loués par Mme [R], l'appelante exploitant un fond constitué de l'ensemble des studios qu'elle met à disposition de ses clients en leur fournissant des prestations para-hôtelières.

Elle demande que le coefficient multiplicateur soit revu, en recherchant de quelle activité la sienne se rapproche le plus d'un point de vue économique, et déduit de son analyse qu'elle est éloignée de celle d'un administrateur de biens mais plus proche de celle d'un exploitant de résidence de services et d'une activité para-hôtelière. Elle demande, au vu du bon emplacement de la résidence et de ses attraits, l'application d'un coefficient de 3,3 sur le chiffre d'affaires TTC, et non de 2 sur le chiffre d'affaires HT comme retenu par le jugement.

Elle sollicite donc la somme de 22.682,30 € à ce titre, et subsidiairement la confirmation du jugement ainsi que le rejet de la méthode proposée par Mme [R].



Mme [R] soutient que c'est à raison que l'expert a chiffré les indemnités en retenant que l'activité d'exploitant de résidence étudiante se rapproche de celle d'administrateur de biens, l'activité principale de la société Nexity Studea étant la sous-location de studios d'habitation, ces autres services étant optionnels et destinés à assurer aux propriétaires un cadre fiscal favorable. Elle conteste les prestations revendiquées par la société Nexity Studea, avance que le chiffre d'affaires révèle qu'il s'agit seulement d'une activité de sous-location d'immeuble, comme l'ont retenu plusieurs décisions de justice. Elle affirme que l'activité d'exploitation d'une résidence étudiante est proche de celle d'administrateur d'immeubles, souligne les différences entre la résidence en cause et une activité hôtelière, et que les juridictions administratives ont retenu que ces prestations ne pouvaient être assimilées à celles d'une résidence de tourisme. Elle propose de retenir un chiffre d'affaires annuel de 2.740 € et un coefficient de 1,4, soit une valeur de fonds de commerce de 3.826 €, et subsidiairement conteste les montants avancés par la société Nexity Studea dont la capacité bénéficiaire est bien au-delà des normes de l'activité hôtelière. Elle affirme que la méthode du multiple du chiffre d'affaires est inappropriée, et que la méthode à retenir est celle d'un multiple de l'excédent brut d'exploitation.



*****



L'article L.145-14 du code de commerce prévoit que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, il doit, sauf exceptions prévues aux articles L.145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.



Après avoir rappelé la situation locative, l'expert judiciaire M. [L] rappelle que le lot n°205 est un studio de 17,8 m² en bon état d'usage, dans une résidence de douze étages située à proximité de la [Adresse 6] et des boulevards périphériques, disposant au titre des locaux communs d'un accueil de 7h30 à 11h30, et au sous-sol d'une salle de petit déjeuner 'très succincte' et d'une partie laverie et sanitaires.

Il présente les deux hypothèses possibles, selon que l'on considère qu'il y a ou non unité d'exploitation et que la perte d'un lot correspond à la perte d'une partie du fonds ou que les lots sont indépendants. Dans l'hypothèse d'une unité d'exploitation, il convient de considérer que l'activité de gestionnaire de résidence de services est comparable à celle d'administrateur de biens, ou à celle de gestionnaire d'un hôtel meublé mais, au vu des différences sensibles dans les deux cas, l'expert estime que l'activité de gestionnaire de résidence de services se situe entre les deux, de sorte qu'il propose une estimation de la valeur du fonds sur la base de calcul du chiffre d'affaires, HT ou TTC. Il évalue l'indemnité à 12.220 € selon cette méthode.

En retenant l'hypothèse d'une absence d'unité d'exploitation, il parvient à une indemnité de 6.270 €, l'indemnité correspondant alors à une perte limitée de loyer.



Le jugement a retenu une perte partielle du fonds de commerce, correspondant à la location du studio en cause, et la société Nexity Studea sollicite la confirmation du jugement sur ce point, en soulignant qu'elle exploite un fonds unique au sein de la résidence Studea [Localité 7] dans laquelle se trouve le studio.



Si Mme [R] conteste l'existence d'une unité d'exploitation ainsi que l'effectivité des prestations de nature hôtelière qui seraient dispensées, en soutenant qu'il s'agit d'une activité de sous-location d'immeuble, elle fait état au soutien de son raisonnement de décisions de jurisprudence qui ont retenu l'existence d'une perte partielle de fonds de commerce. Par ailleurs, alors que le jugement avait relevé que Mme [R] ne démontrait pas l'existence d'une possibilité de remplacement de ces locaux par des locaux équivalents dans une autre résidence exploitée par la société Nexity Studea, Mme [R] n'apporte aucune explication en cause d'appel sur une telle possibilité de remplacement.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu une perte partielle du fonds de commerce du fait de la cessation de la location de l'appartement.



*****



L'expert judiciaire a estimé que l'activité de gestionnaire d'une résidence de services se situe entre celle d'administrateur de biens et celle d'exploitant d'hôtel, et le tribunal judiciaire l'a suivi sur ce point.



La société Nexity Studea soutient que son activité se rapproche de celle d'un hôtelier en ce qu'elle loue des logements nus qu'elle meuble et équipe afin de les proposer aux clients, qu'elle leur offre des services para-hôteliers et dispose de personnels afin de s'occuper de ses clients. Elle relève que l'activité para-hôtelière telle que définie administrativement est très similaire de celle d'un hôtel meublé, s'agissant de l'offre de petits déjeuners, du nettoyage des locaux, de la fourniture de linge de maison ou de la disposition d'un service de réception. Elle avance que le caractère optionnel de certains services n'est pas de nature à modifier cette analyse, car cette offre de services nécessite qu'elle dispose de personnels pour les délivrer.

Cependant, l'expert judiciaire a relevé que les prestations habituelles de résidences étudiantes sont éloignées de celles d'un hôtel classique (s'agissant des services d'accueil, de ménage des chambres, de petits déjeuners...) qui induisent une masse salariale beaucoup plus importante, que les séjours en hôtel sont pour des durées de 2 à 3 jours alors qu'ici la durée est de plusieurs mois, que les loyers en matière hôtelière et en matière de résidence étudiante représentent une part très différente du chiffre d'affaires.

De plus, Mme [R] n'est pas contredite lorsqu'elle indique que l'activité d'hébergement commercial n'est pas autorisée dans un immeuble d'habitation, quand elle relève que les occupants de la société Nexity Studea sont des 'locataires' ce qui n'est pas le cas de clients d'un hôtel, qu'ils doivent assurer eux-mêmes les locaux qu'ils occupent, souscrire à des abonnements de fourniture d'énergie, sont assujettis au paiement de la taxe d'habitation, doivent supporter les réparations d'entretien courant des locaux, et que les baux leur permettent de bénéficier d'un droit de renouvellement. Elle relève également que les fournitures de linge, de petits déjeuners et de ménage ne sont pas compris ni fournis le week-end (s'agissant des petits déjeuners), soit autant de caractéristiques -sans que cette liste ne soit exhaustive - qui éloignent l'activité de la société Nexity Studea de celle d'une activité d'hôtelier.



Pour autant, l'activité de la société Nexity Studea n'est pas assimilable non plus à une activité de gestion d'immeuble, l'expert judiciaire relevant à raison que les locations de studios sont de quelques mois alors que les baux d'habitation classiques sont de 3 ou 6 ans, qu'ici le propriétaire du local perçoit son loyer même si son lot n'est pas loué, que le gestionnaire de la résidence est un salarié et non un administrateur rémunéré au prorata des loyers faisant l'objet de quittances.

La société Nexity Studea relève également à juste titre qu'elle conclut des contrats avec les clients pour son propre compte, qu'elle prend les biens à bail et les propose à ses propres clients, qu'elle n'est pas payée par le propriétaire mais au contraire qu'elle lui verse un loyer, qu'elle est propriétaire des meubles garnissant le logement et doit donc veiller à leur réparation et à leur remplacement.



Au vu de ce qui précède, et même si la société Nexity Studea souligne la proximité économique entre son activité et celle de la gestion d'un hôtel meublé, il apparaît que son activité emprunte tant à celle d'administrateur de biens qu'à celle d'exploitant d'hôtel, et se situe entre elles.



*****



L'expert judiciaire a estimé la valeur du fonds sur la base d'un calcul de 1,5 à 2 fois le chiffre d'affaires HT ou 1,3 à 1,8 fois le chiffre d'affaires TTC. Retenant les marges hautes (soit 2 pour le HT et 1,8 pour le TTC), et se fondant sur une moyenne des chiffres d'affaires des années 2014 à 2016, il parvient à un montant de 12.220 €.

Le jugement a actualisé la base de calcul, en retenant les chiffres d'affaires HT des années 2016 à 2018, et a déterminé ainsi le montant de l'indemnité principale d'éviction à 12.350,16€.



Si la société Nexity Studea fait état des atouts de la résidence [Adresse 8], en termes d'environnement, propices aux étudiants occupants la résidence, ces éléments étaient connus de l'expert judiciaire qui les a pris en compte dans son rapport, et le fait que la résidence présente 'un état de ravalement correct' comme un 'bon état d'usage' ne peut justifier que soit appliqué un coefficient multiplicateur de 3,3 du chiffre d'affaires, alors que l'expert, après avoir estimé que la base de calcul pouvait être estimée entre 1,5 et 2 fois multiplié par le chiffre d'affaires HT, a retenu un coefficient de 2, soit un coefficient élevé ; ce d'autant que Mme [R] avance pour sa part que les fonds de commerce d'un administrateur de biens seraient habituellement évalués à 140% du chiffre d'affaires TTC.

Le fait pour Mme [R] de relever que le chiffre d'affaires de la société Nexity Studea est en 2020 de 103.714.429 € ne lui permet pas de déduire, au vu des éléments dont elle fait état, que le résultat que cette société allègue au titre de son appartement représente 4,13% de son chiffre d'affaires, de sorte que ses développements pour écarter l'application d'un multiple du chiffre d'affaires au profit de l'excédent brut d'exploitation ne peuvent être suivis.



La société Nexity Studea fait état d'un chiffre d'affaires pour le studio de Mme [R] de 20.620,28 € pour la période allant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020, au vu d'un relevé comptable produit par l'appelante non contesté par l'intimée. Soit une moyenne mensuelle de 6.873,42 € arrondie à 6.873 €.

L'application d'un coefficient de 2 au chiffre d'affaires HT aboutit au chiffre de 13.746 €, l'application d'un coefficient de 1,8 au chiffre d'affaires TTC à celui de 13.609 €.

Aussi la cour retiendra la moyenne de ces deux montants, soit 13.677,5 €, arrondie à 13.677€ à laquelle sera fixée l'indemnité principale d'éviction, et le jugement sera réformé en ce montant.





Sur les indemnités accessoires dues à la société Nexity Studea



Sur l'indemnité de remploi



L'expert judiciaire a indiqué qu'était habituellement retenu à ce titre 10% de la valeur du fonds, mais que la jurisprudence était divisée sur la prise en compte de cette indemnité pour l'éviction d'un studio dans une résidence de services.

Le jugement a considéré que cette indemnité avait pour objet d'indemniser le locataire des frais qu'il devrait assumer pour l'acquisition d'un nouveau fonds ou d'un nouveau droit au bail, de sorte qu'elle était due, et l'a fixée à 10% de la valeur du fonds.



La société Nexity Studea sollicite que cette indemnité soit fixée à 10% de l'indemnité d'éviction principale, en rappelant qu'elle a pour but de couvrir les frais et droits de mutation à régler pour l'acquisition d'un nouveau fonds de commerce, et doit être écartée s'il est prouvé l'impossibilité d'acquisition du preneur, ou son absence d'intention de se réinstaller, ce que Mme [R] ne démontre pas.

Mme [R] relève que la société Nexity Studea ne démontre pas être en mesure d'acquérir un fonds de résidence étudiante, et qu'il résulte de ses comptes qu'elle n'achète jamais de fonds de commerce et lots de résidence étudiante, puisqu'elle se fait au contraire rémunérer par les promoteurs des immeubles à destination des résidences étudiantes lorsqu'elle s'engage à se faire consentir par les acquéreurs particuliers de ces lots des baux commerciaux en vue de leur exploitation.



*****



L'indemnité de remploi est destinée à couvrir les frais de mutation relatifs à l'acquisition d'un fonds de commerce ou d'un droit au bail de même valeur.





Toutefois, le droit du locataire à l'indemnisation des frais de remploi est subordonné à la preuve qu'il réinstallera son fonds, ce que la société Studea Nexity n'allègue pas.

La société Nexity Studea ne fait pas non plus état de ses démarches pour remplacer le lot, ou pour trouver une résidence à proximité offrant des lots disponibles, ce qui permettrait d'envisager une possible mutualisation des services. En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a fait droit à cette demande de frais de remploi.





Sur l'indemnité pour trouble commercial



L'expert judiciaire a proposé de retenir une indemnité à ce titre correspondant à six mois calculée sur la moyenne des résultats opérationnels, et le jugement a adopté ce raisonnement pour condamner Mme [R] au paiement de 797,76 €.



La société Nexity Studea sollicite la confirmation du jugement sur ce point. Mme [R] indique que le calcul de cette somme doit reposer sur le résultat opérationnel ou net, soit 4,13% du chiffre d'affaires du lot considéré, de sorte que cette indemnité serait de 128,06 €.



Toutefois, la cour ayant précédemment indiqué que ce taux de 4,13% ne pouvait être retenu, le raisonnement de Mme [R] ne peut être suivi.

Aussi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [R] à payer 797,76 € à ce titre.





Sur les frais fixes



L'expert a retenu 50% des frais d'exploitation centralisés, en indiquant que si la société Nexity Studea soutenait que devaient être pris en compte l'impôt foncier et les charges d'exploitation centralisées, l'impôt devait être à la charge du propriétaire, et les charges ne devaient pas être toutes fixes et bénéficier pour certaines d'un prorata.

Le jugement a suivi l'analyse de l'expert en considérant que les impôts et taxes moyens ne constituaient pas tous des frais fixes et que la société Nexity Studea n'aurait pas à les acquitter à l'avenir pour le studio de Mme [R]. Retenant une période de 6 mois comme l'expert, il a calculé ces frais à 179,63 €.



La société Nexity Studea soutient que la perte d'un logement à louer dans la résidence entraîne une perte de chiffre d'affaires et une diminution de la rentabilité globale de l'exploitation, et qu'il faut prendre en compte l'ensemble des charges, qui ne dépendent pas du nombre des chambres exploitées. Elle demande que soient retenus, au titre des frais fixes, les impôts et taxes, et que le surcoût annuel découlant pour elle de la perte du studio soit apprécié sur 9 ans, de sorte qu'elle demande la condamnation de Mme [R] au paiement de 4.796,55€.



Mme [R] demande dans le dispositif de ses conclusions la confirmation du montant des frais fixes à 179,63 €, et ne développe pas d'observations sur ce point dans le corps de ses conclusions.



*****



Comme l'a indiqué le jugement, la société Nexity Studea devra supporter des charges fixes qu'elle ne pourra répercuter sur ce lot, ce qui est de nature à lui causer un préjudice non contesté par les parties. Il a aussi indiqué que les impôts et taxes ne constituaient pas des frais fixes, et que la société Nexity Studea n'aurait pas à s'acquitter de ces charges à l'avenir pour le studio de Mme [R].



Si la société Nexity Studea soutient qu'elle devra s'acquitter du paiement des impôts et taxes au titre de ses frais fixes, elle procède sur ce point par affirmation. La cour relève au surplus que, selon le bail, la taxe foncière est supportée par le bailleur. Le seul fait pour la société Nexity Studea de produire des comptes d'exploitation des années 2018, 2019 et 2020, même signés par son directeur, ne peut suffire à justifier de ses demandes de prise en charge par Mme [R] d'une partie des impôts, charges d'exploitation et charges fixes, ces documents n'étant pas dressés ou même visés par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes. La prise en compte d'une période de 9 années apparaît elle aussi excessive, de sorte qu'il ne sera pas fait droit à la demande de la société Nexity Studea.



En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [R] au paiement de 179,63 € de ce chef.





Sur les frais de déménagement



Les deux parties sollicitant la confirmation du jugement qui a fixé le montant des frais de déménagement à 300 €, il sera fait droit à cette demande.





Sur les frais administratifs



L'expert n'était pas saisi d'une demande à ce titre et ne s'est pas prononcé sur ce point. Le jugement a retenu que ces frais se limitaient à la résiliation du contrat avec l'occupant des lieux, et a retenu la somme de 50 € à ce titre.



Mme [R] demande dans le dispositif de ses conclusions la confirmation de cette somme.

La société Nexity Studea soutient qu'il lui revient également de procéder à d'autres formalités administratives, notamment la modification de son site internet et la résiliation des abonnements liés au studio (internet...), ces abonnements ayant été négociés en fonction du nombre de studios exploités dans la résidence.



Cependant, le jugement avait déjà expressément relevé que la société Nexity Studea ne démontrait ni la nécessité de modifier son site internet du fait de la perte du studio, ni que celle-ci induisait des frais s'agissant de l'abonnement internet du studio ou des frais de prise en charge de l'eau et de l'électricité du studio.

La cour constate que la société Nexity Studea ne produit pas davantage d'élément en cause d'appel pour démontrer la réalité de ces dires.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [R] au paiement de la somme de 50 € à ce titre.





Sur le montant de l'indemnité d'occupation



L'expert judiciaire a retenu la somme de 4.380 € par an au titre de la méthode de comparaison avec les prix pratiqués (après déduction de 20% pour frais de gestion et de 10% pour précarité), et la somme de 3.933 € par an au titre de la méthode hôtelière (après prise en compte du taux d'occupation, déduction d'un coefficient de 40% pour tenir compte des frais de gestion, et de 10% pour précarité).



Le jugement a écarté la monovalence des locaux, pouvant être transformés sans d'importants travaux, de sorte qu'il n'a pas retenu la méthode hôtelière mais l'évaluation de la méthode par comparaison. Prenant en compte les différences soulignées par la société Nexity Studea entre les différents types de studio, il a néanmoins considéré que ces références pouvaient être utilisées tout en tenant compte des particularités du studio, auquel l'expert a appliqué un abattement de 20%. Le jugement a en conséquence retenu la valeur locative de 4.380 €.



La société Nexity Studea soutient que les locaux sont monovalents, la monovalence s'appréciant dans le cadre d'un possible changement d'activité commerciale et non dans le cadre du passage à une activité civile. Elle ajoute que s'agissant d'immeubles construits à destination de résidences de services, ils ne peuvent être affectés à une autre destination commerciale sans transformations importantes, de sorte qu'il convient de retenir la monovalence du lot en cause. Elle en déduit qu'il convient d'appliquer la méthode hôtelière, que l'indemnité d'occupation doit être fixée selon les usages observés dans la branche d'activité considérée.



Mme [R] sollicite que la méthode hôtelière soit écartée, ainsi que la confirmation du jugement en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation à 4.380 €. Elle affirme que les locaux peuvent être modifiés sans travaux importants, notamment à usage de bureaux ou d'ateliers.



*****



L'article L.145-28 du code de commerce prévoit qu'aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections VI et VII, compte-tenu de tous les éléments d'appréciation.

L'article L145-33 précise que le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité, les prix couramment pratiqués dans le voisinage, un décret en conseil d'Etat précisant la consistance de ces éléments.



Il en ressort que le preneur, qui peut rester dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, est redevable d'une indemnité d'occupation qui doit être fixée à la valeur locative.



Enfin, l'article R.145-10 indique que le prix du bail des locaux construits en vue d'une seule utilisation peut, par dérogation aux articles L.145-33 et R.145-3 et suivants, être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée.



Des locaux présentent un caractère monovalent lorsqu'ils ont été construits pour une seule utilisation et qu'il n'est pas possible de les affecter à une autre destination sans des travaux importants ou des transformations coûteuses.



Si la société Nexity Studea soutient que les locaux sont monovalents, cette monovalence n'a pas été retenue par l'expert judiciaire ni par le jugement, et la société Nexity Studea ne démontre pas que les résidences services ne peuvent être affectées à une autre destination commerciale, et que leur affectation en immeuble d'habitation ne saurait faire échec à la monovalence. Mme [R] souligne à ce titre qu'il s'agit d'une pièce principale et d'une salle de bain pouvant être affectés sans travaux particuliers à un usage de bureau ou d'atelier, et faute d'éléments de la société Nexity Studea démontrant l'inexactitude de ce qui précède, le jugement sera confirmé en ce qu'il n'a pas retenu la monovalence des locaux. Aussi, il n'y a pas lieu de calculer la valeur locative selon la méthode hôtelière.



*****



La société Nexity Studea soutient qu'il convient de comparer l'indemnité d'occupation à des studios loués par des sociétés d'exploitation de résidences de services, et conteste le fait pour l'expert d'avoir pris en compte des studios d'habitation sur le marché de la location civile, qui ne sont pas comparables avec les loyers commerciaux. Elle ajoute que l'expert n'a pas tenu compte d'une partie de ses prestations de services, incluse dans le loyer versé par les clients.



Dans sa comparaison avec les prix pratiqués, l'expert judiciaire a pris en compte six locations réalisées à [Localité 7] entre 2011 et 2014, quatre offres de location présentées à [Localité 7] en 2017, ainsi que trois offres de studio en résidences étudiantes aussi implantées à [Localité 7].



Cependant, et comme l'a relevé le jugement, si des différences sensibles existent entre les studios se trouvant dans des résidences services et les autres studios, en terme de prestations offertes aux 'locataires', les montants de loyers pratiqués dans le voisinage peuvent être utilement pris en compte, et l'expert a bien tenu compte des spécificités des services offerts par les résidences de services en pratiquant un abattement de 20% au titre des frais de gérance et de gardiennage.

Si l'indemnité d'occupation constitue la contrepartie de la jouissance des locaux, la société Nexity Studea ne peut se fonder sur les loyers qu'elle-même verse aux propriétaires de studios dans la résidence de [Localité 7], pour en déduire qu'il s'agit du montant de l'indemnité d'occupation due à Mme [R].

L'abattement réalisé par l'expert vise les 'frais de gestion minorés par rapport à une location individuelle' en citant notamment l'absence de frais de gérance, de frais de gardiennage..., mais cette liste apparaît expressément dressée de manière non exhaustive, de sorte que la société Nexity Studea ne peut prétendre qu'elle ne prend pas en compte une partie des prestations qu'elle offre à ses clients, comme le gestionnaire de résidence, l'internet ou la laverie.

La cour considère, comme le tribunal, que l'abattement de 20% réalisé par l'expert judiciaire est destiné à tenir compte du coût des services spécifiques offerts par la société Nexity Studea dans une résidence services par rapport à un studio proposé à la location sur le marché 'hors résidences services'.



Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a, au vu d'une valeur locative des locaux de 6.087,60 €, pratiqué un abattement de 20% pour les frais induits par une résidence locative et de 10% pour précarité, puis retenu un montant d'indemnité d'occupation annuelle arrondie à 4.380€.





Sur les autres demandes



Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la compensation des créances, et s'agissant de la condamnation prononcée au titre des dépens et frais irrépétibles de 1ère instance.



Succombant au principal en son appel, la société Nexity Studea sera condamnée au paiement des dépens d'appel, ainsi qu'au versement à Mme [R] de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire,



Confirme le jugement, sauf s'agissant du montant de l'indemnité principale d'éviction, et de l'indemnité de remploi,



statuant à nouveau sur ces points,



Fixe à 13.677 € le montant de l'indemnité principale d'éviction,



Déboute la société Nexity Studea de sa demande au titre de l'indemnité de remploi,



Dit en conséquence que l'indemnité d'éviction due par Mme [R] à la société Nexity Studea s'élève à la somme de 15.004,39 €,



y ajoutant,



Déboute les partie de leurs autres demandes,



Condamne la société Nexity Studea à payer à Mme [R] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des entiers dépens d'appel.



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le greffier, le président,

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.