2 mars 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-20.065

Deuxième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C200197

Titres et sommaires

CASSATION - Pourvoi - Déclaration - Effet - Interruption des délais de prescription - Cas - Vice de forme

La déclaration de pourvoi, même entachée d'un vice de forme, interrompt les délais de prescription comme de forclusion et l'interruption produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. L'irrégularité peut être régularisée pendant toute la durée de l'instance de cassation par le dépôt d'une déclaration de pourvoi rectificative ou d'un mémoire du demandeur contenant l'indication de son domicile personnel, et, le cas échéant, par une nouvelle déclaration de pourvoi formée, dans le délai de l'article 612 du code de procédure civile, à compter du prononcé de l'arrêt déclarant le pourvoi irrecevable

CASSATION - Pourvoi - Déclaration - Forme - Vice de forme - Régularisation

CASSATION - Pourvoi - Déclaration - Déclaration rectificative - Effet - Régularisation

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 mars 2023




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 197 FS-B

Pourvoi n° Y 20-20.065



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 MARS 2023

M. [W] [E], domicilié [Adresse 2]), a formé le pourvoi n° Y 20-20.065 contre l'ordonnance N°RG 16/00338, rendue le 6 juillet 2020 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 6), dans le litige l'opposant à la SCP Courtois-Lebel, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [E], de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la SCP Courtois-Lebel, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Durin-Karsenty, Vendryes, conseillers, Mme Jollec, conseiller référendaire ayant voix délibérative, Mmes Bohnert, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 431-5 et L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée (Paris, 6 juillet 2020), rendue par le premier président d'une cour d'appel, M. [E] a, en septembre 2014, confié la défense de ses intérêts à la SCP Courtois-Lebel (la SCP) dans différents dossiers.

2. Contestant le solde d'honoraire qui lui était réclamé, M. [E] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

3. La SCP conteste la recevabilité du pourvoi. Elle soutient que la déclaration de pourvoi, aux termes de laquelle M. [E] mentionne être domicilié « [Adresse 3] », est nulle, faute de mentionner, conformément aux dispositions de l'article 975 du code de procédure civile, le domicile personnel du demandeur et que cette irrégularité lui cause un grief.

4. L'absence ou l'inexactitude de la mention relative au domicile du demandeur en cassation exigée par le texte précité constitue un vice de forme susceptible d'entraîner la nullité de la déclaration de pourvoi s'il est justifié que cette irrégularité cause un grief au défendeur, l'élection de domicile au cabinet d'un avocat ne pouvant y suppléer.

5. Aux termes de l'article 115 du code de procédure civile, la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief.

6. Selon l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure. Aux termes de l'article 2242 du même code, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

7. La Cour de cassation juge, concernant la procédure d'appel, qu'il résulte des textes précités, d'une part, que les délais de prescription et de forclusion, interrompus par l'effet de l'annulation d'un acte de saisine entaché d'un vice de procédure, recommencent à courir à compter de cette décision d'annulation (2e Civ., 16 octobre 2014, pourvoi n° 13-22.088, publié), d'autre part, que l'acte de saisine de la juridiction, même entaché d'un vice de procédure, interrompt les délais de prescription comme de forclusion (2e Civ., 1er juin 2017, pourvoi n° 16-14.300, publié).

8. Cette interprétation, relative à l'acte de saisine de la cour d'appel, doit être transposée, en ce qui concerne la Cour de cassation, à la déclaration de pourvoi.

9. Il en résulte que la déclaration de pourvoi, même entachée d'un vice de forme, interrompt les délais de prescription comme de forclusion et que l'interruption produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

10. L'irrégularité peut être régularisée pendant toute la durée de l'instance de cassation par le dépôt d'une déclaration de pourvoi rectificative ou d'un mémoire du demandeur contenant l'indication de son domicile personnel, et, le cas échéant, par une nouvelle déclaration de pourvoi formée, dans le délai de l'article 612 du code de procédure civile, à compter du prononcé de l'arrêt déclarant le pourvoi irrecevable.

11. M. [E] ayant, pendant le cours de l'instance suivie devant la Cour de cassation, par le dépôt d'un mémoire, communiqué son adresse personnelle, la nullité affectant la déclaration de pourvoi est couverte.

12. Le pourvoi est, dès lors, recevable.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

13. M. [E] fait grief à l'ordonnance de fixer à la somme de 59 203,71 euros hors taxes, le montant total des honoraires dus à la SCP, de constater des règlements laissant subsister un solde de 24 262,88 euros, de fixer à la somme de 1 630,95 euros hors taxes le montant des frais exposés par la SCP pour son compte devant être remboursés, de constater un règlement partiel laissant subsister au titre des frais un solde de 1 485,95 euros hors taxes, de dire qu'il devrait régler à la SCP les sommes de 24 262,88 euros hors taxes à titre de solde d'honoraires, de 1 485,95 euros hors taxes à titre de solde de remboursement de frais, de rejeter sa demande tendant à voir fixer les honoraires de la SCP à la somme de 31 560,75 euros, voir dire que le paiement de deux provisions d'un montant total de 35 000 euros couvrait entièrement les honoraires et frais, voir ordonner la mainlevée des deux saisies pratiquées en août 2015 et obtenir le paiement de frais irrépétibles, et de le condamner à payer à la SCP la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que le juge ne peut statuer par voie d'affirmation sans mentionner ni analyser les éléments de preuve sur lesquels il se fonde ; qu'en l'espèce, en affirmant que le cabinet d'avocats Courtois Lebel produisait « des pièces qui établissent l'effectivité des diligences dont il se prévaut » et que la durée des diligences fixée était en conformité avec les diligences « détaillées et justifiées par les pièces produites », sans avoir indiqué sur quelles pièces il se fondait ni avoir analysé aucune de ces pièces, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; qu'en ne répondant pas aux conclusions de M. [E] soutenant que le cabinet Courtois Lebel avait facturé des « suivis de dossier », « réunions internes », « débriefing » et des diligences incompréhensibles renseignées sous les formules « follow up », « revue projet », « suivi du dossier » et « règlements des confrères », dont la réalité ne pouvait être vérifiée, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; qu'en ne répondant pas aux conclusions de M. [E] soutenant que les factures produites mélangeaient les numéros des dossiers et les intitulés d'autres dossiers, de sorte que la réalité des diligences facturées était invérifiable, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que s'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de l'honoraires d'apprécier la responsabilité professionnelle de l'avocat, il en va différemment de l'appréciation de diligences manifestement inutiles de l'avocat, résultant notamment d'une organisation défectueuse et de l'éparpillement des missions entre de multiples collaborateurs du cabinet, occasionnant des temps de facturation injustifiés ; qu'en l'espèce, M. [E] a dénoncé le nombre d'intervenants sur un même dossier nécessitant des réunions internes, la quantité d'interventions inutiles et absurdes telles que des « conférences téléphoniques avec le Greffe », des démarches Palais alors que les avocats sont équipés d'une clé RPVA dont l'usage est très rapide, les résultats très médiocres malgré la profusion des procédures et des interventions dispersées dans tous les dossiers ; qu'après avoir constaté que la durée des diligences fixée par la SCP Courtois Lebel était conforme aux diligences détaillées et justifiées par les pièces produites, le premier président de la cour d'appel, qui s'est borné à constater que M. [E] « ne remet pas utilement en cause leur utilité étant rappelé que le juge des honoraires était incompétent pour apprécier les éventuels manquements professionnels de l'avocat », sans avoir recherché concrètement, ainsi qu'il y était invité, si toutes les diligences effectuées dont la taxation était demandée avaient été utiles à la défense des intérêts de M. [E] ni préciser quelle était leur utilité, qui était précisément contestée, a privé sa décision de base légale au regard des articles 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 174 à 179 du décret du 27 novembre 1991. »

Réponse de la Cour

14. Selon l'article 10, alinéa 2, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.

15. L'ordonnance retient, s'agissant du montant des honoraires dus, que, contrairement à ce qu'il affirme, M. [E] ne justifie d'aucun élément matériel probant démontrant qu'un budget maximal d'honoraires avait été fixé pour l'ensemble des six dossiers confiés à la SCP, que celle-ci récapitule pour chacun des dossiers les factures adressées qui, toutes, sont accompagnées d'un détail des diligences effectuées, de leur durée et du montant des honoraires pour chaque avocat intervenu, que le cabinet d'avocats produit aussi des pièces qui établissent l'effectivité des diligences dont il se prévaut et que même si certaines pièces sont transmises en double, il n'en demeure pas moins que la durée des diligences telle que fixée par la SCP est en conformité avec les diligences telles que détaillées et justifiées par les pièces produites et que M. [E] ne remet pas utilement en cause leur utilité, étant rappelé que le juge des honoraires n'est pas compétent pour apprécier les éventuels manquements professionnels de l'avocat.

16. Sous couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de défaut de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine par le premier président de la cour d'appel de la valeur et de la portée des éléments de preuve débattus devant lui.

17. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [E] et le condamne à payer à la SCP Courtois-Lebel la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé en l'audience publique du deux mars deux mille vingt-trois par Mme Martinel, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. [E]

M. [E] fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir fixé à la somme de 59 203,71 euros hors taxes, le montant total des honoraires dus à la SCP Courtois Lebel, constaté des règlements laissant subsister un solde de 24 262,88 euros, fixé à la somme de 1 630,95 euros hors taxes le montant des frais exposés par la SCP Courtois Lebel pour son compte devant être remboursés, constaté un règlement partiel laissant subsister au titre des frais un solde de 1 485,95 euros hors taxes, dit que M. [E] devrait régler à la SCP Courtois Lebel les sommes de 24 262,88 euros hors taxes à titre de solde d'honoraires, de 1 485,95 € hors taxes à titre de solde de remboursement de frais, d'avoir rejeté sa demande tendant à voir fixer les honoraires de la SCP Courtois Lebel à la somme de 31 560,75 euros, voir dire que le paiement de deux provisions d'un montant total de 35 000 € couvrait entièrement les honoraires et frais, voir ordonner la mainlevée des deux saisies pratiquées en août 2015 et obtenir le paiement de frais irrépétibles, et de l'avoir condamné à payer à la SCP Courtois Lebel la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Alors 1°) que le juge ne peut statuer par voie d'affirmation sans mentionner ni analyser les éléments de preuve sur lesquels il se fonde ; qu'en l'espèce, en affirmant que le cabinet d'avocats Courtois Lebel produisait « des pièces qui établissent l'effectivité des diligences dont il se prévaut » et que la durée des diligences fixée était en conformité avec les diligences « détaillées et justifiées par les pièces produites » (ordonnance p. 4, 1er et 2ème §), sans avoir indiqué sur quelles pièces il se fondait ni avoir analysé aucune de ces pièces, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 2°) que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; qu'en ne répondant pas aux conclusions de M. [E] soutenant que le cabinet Courtois Lebel avait facturé des « suivis de dossier », « réunions internes », « débriefing » et des diligences incompréhensibles renseignées sous les formules « follow up », « revue projet », « suivi du dossier » et « règlements des confrères » (conclusions p. 14, et s.), dont la réalité ne pouvait être vérifiée, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 3°) que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; qu'en ne répondant pas aux conclusions de M. [E] soutenant que les factures produites mélangeaient les numéros des dossiers et les intitulés d'autres dossiers (conclusions p. 14, et s.), de sorte que la réalité des diligences facturées était invérifiable, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 4°) et en tout état de cause, que s'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de l'honoraires d'apprécier la responsabilité professionnelle de l'avocat, il en va différemment de l'appréciation de diligences manifestement inutiles de l'avocat, résultant notamment d'une organisation défectueuse et de l'éparpillement des missions entre de multiples collaborateurs du cabinet, occasionnant des temps de facturation injustifiés ; qu'en l'espèce, M. [E] a dénoncé le nombre d'intervenants sur un même dossier nécessitant des réunions internes, la quantité d'interventions inutiles et absurdes telles que des « conférences téléphoniques avec le Greffe », des démarches Palais alors que les avocats sont équipés d'une clé RPVA dont l'usage est très rapide, les résultats très médiocres malgré la profusion des procédures et des interventions dispersées dans tous les dossiers ; qu'après avoir constaté que la durée des diligences fixée par la SCP Courtois Lebel était conforme aux diligences détaillées et justifiées par les pièces produites, le premier président de la cour d'appel, qui s'est borné à constater que M. [E] « ne remet pas utilement en cause leur utilité étant rappelé que le juge des honoraires était incompétent pour apprécier les éventuels manquements professionnels de l'avocat », sans avoir recherché concrètement, ainsi qu'il y était invité, si toutes les diligences effectuées dont la taxation était demandée avaient été utiles à la défense des intérêts de M. [E] ni préciser quelle était leur utilité, qui était précisément contestée, a privé sa décision de base légale au regard des articles 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 174 à 179 du décret du 27 novembre 1991.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.