28 février 2023
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 21/01909

Chambre commerciale

Texte de la décision

Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



Chambre commerciale



ARRET DU 28 FEVRIER 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01909 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O5T6





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 10 FEVRIER 2021

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2020005019





APPELANTE :



S.A. SOCIETE ANONYME DES GAZETTES ASSOCIEES (SAGA)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Claire GROUSSARD, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIMEE :



SARL SOCIETE GAZETTE ECONOMIQUE DE [Localité 3] représentée en la personne de son gérant, domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Christine AUCHE-HEDOU substituant Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Alice CLARAMUNT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant







Ordonnance de clôture du 5 janvier 2023



COMPOSITION DE LA COUR :



En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 JANVIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :



M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

qui en ont délibéré.





Greffier lors des débats : Madame Hélène ALBESA









ARRET :



- contradictoire



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;



- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.






FAITS, PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :



La société anonyme des Gazettes associés (la Saga) est une société d'édition de journaux, qui publie trois titres, dont la Gazette de Montpellier, hebdomadaire d'informations générales, paraissant le jeudi ; elle exploite également un site internet 'Gazette Live'.



La SARL Gazette économique de [Localité 3], qui exerce sous le nom commercial 'Metropolitain', est également une société de presse ; elle édite sous ce nom une revue hebdomadaire, qui paraît chaque mardi (publication d'annonces légales) et diffuse également un site internet d'information en ligne 'actu.fr'.



La Gazette économique de [Localité 3] a commandé le 5 février 2020 auprès de la SAS Opinion-Way un sondage sur les intentions de vote au titre des élections municipales à [Localité 4] avant le premier tour de mars 2020. Il s'agissait d'un sondage réalisé sur un échantillon de 800 personnes, et sur une période courant du 7 au 22 février 2020, moyennant un prix de 23 520 euros, la date de parution envisagée étant l'édition du 25 février 2020.



Les résultats du sondage ont été restitués par la société Opinon-Way à la Gazette économique de [Localité 3] le 21 février 2020 à 14 h 43.



Le 21 février 2020, à 19 h 31, la Saga a publié un article sur son site Gazette Live, intitulé « sondage : la percée de [B] [E] » se référant à un 'sondage Opinon Way, financé par divers chefs d'entreprise locaux et réalisé sur un échantillon représentatif de 600 Montpelliérains, interrogés dans la deuxième semaine de février.'



Le 25 février 2020, la Gazette économique de [Localité 3] a adressé à la Saga une mise en demeure destinée à obtenir l'indemnisation de son préjudice compte tenu de ses agissements, qu'elle considère comme étant constitutifs d'actes de concurrence déloyale et parasitaire ainsi que la publication d'un message rectificatif (précisant que le sondage a été commandité par la société éditrice du Metropolitain, les conditions exactes de sa réalisation et l'expression d'excuses pour cette diffusion envers son concurrent et les lecteurs).



La Saga a publié ledit message le jour même en précisant que le 'sondage avait été, avant sa publication, communiqué à la plupart des états-majors politiques locaux et circulait déjà sur internet depuis 24 h'.



Le 26 février 2020, le sondage était publié dans son intégralité sur le site de l'institut de sondages Opinion-Way.



Le 28 février 2020, la commission des sondages a adressé une mise au point à la Saga.



Le 5 mars 2020, la Saga a publié un articule intitulé 'sondage OpinonWay pour Métropolitain : Second Tour : Configuration indécise, [B] [E] en bonne position'.



Par courrier du 7 mars 2020, la Gazette économique de [Localité 3] sollicitait auprès de la Saga la publication d'un droit de réponse (précisant, notamment, que la Saga n'avait jamais été autorisée à publier ledit sondage), qui a été effectuée dans l'édition du 12 au 18 mars 2020, la Gazette précisant que 'une fois publiés par la Commission des sondages, comme c'est le cas ici pour le second tour, les sondages sont des documents publics : en publiant celui-ci, [elle] n'a fait que son devoir d'information vis à vis de ses lecteurs, dans le strict respect des règles en vigueur'.



Saisi par acte d'huissier en date du 18 mai 2020 délivré par la Gazette économique de [Localité 3] en indemnisation pour concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la Saga, le tribunal de commerce de Montpellier a, par jugement du 10 février 2021 :



'- considéré que la Gazette s'est rendue coupable de parasitisme et de concurrence déloyale à l'encontre du Metropolitain,

- condamné la Gazette à payer au Metropolitain la somme de 11 760 euros au titre du préjudice lié au coût du sondage et la somme de 3 000 euros au titre de la perte de bénéfice,

- condamné 1a Gazette la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 et aux dépens,

- débouté le Metropolitain du surplus de ses demandes.'



Par déclaration reçue le 23 mars 2021, la Saga a régulièrement relevé appel de ce jugement.



Elle demande à la cour, en l'état de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 13 décembre 2022, de :



« - Vu les articles 1240 et 1241 du code civil, (...) infirmer le jugement (...),

- dire qu'elle n'a pas commis d'agissements parasitaires constitutifs d'une faute,

- dire qu'elle n'a pas commis de concurrence déloyale constitutif d'une faute,

- dire que la société Gazette Économique de [Localité 3] ne justifie d'aucun préjudice,

- débouter la société Gazette Économique de [Localité 3] de ses (...) demandes,

- rejeter l'appel incident de la société Gazette Économique de [Localité 3],

- condamner la société Gazette Economique de [Localité 3] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. »



Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :



- dans le domaine de la presse, constitue un agissement parasitaire, constitutif d'une faute, la reproduction par un journal, sans indication de source, d'une interview ayant impliqué un travail complet,

- en matière de presse, le parasitisme est constitué lorsque le travail intellectuel du journaliste qui être usurpé,

- la définition du parasitisme ne peut pas s'appliquer au cas d'espèce, puisque le Metropolitain a commandé ledit sondage, mais ne l'a pas réalisé lui-même et n'a pas rédigé d'article à son sujet ; elle ne s'est donc pas approprié son travail,

- le sondage était très complet (1er tour : 7 hypothèses sur un cinq panels de sondés (35 réponses), 2ème tour : 4 hypothèses sur cinq panels de sondés (20 réponses), elle n'en a publié qu'une partie (une hypothèse) le 20 février 2020 et le Metropolitain pouvait parfaitement publier le reste, ce qu'elle a choisi de ne pas faire,



- lors de la seconde diffusion dans la Gazette du 5 au 11 mars, elle a précisé les conditions de réalisation du sondage et celui-ci avait déjà été publié par la société Opinion-Way le 26 février et, ainsi, rendu public, et utilisé par la radio nationale France Inter le 28 février,

- son enquête était sérieuse et la seconde diffusion était complète ; aucun manquement à la déontologie journalistique n'est caractérisé,

- il ne peut y avoir de concurrence déloyale en l'espèce, puisque les deux sociétés n'ont pas le même public, le même objet et ne sont pas en situation de concurrence ; elle est un hebdomadaire d'informations générales et locales alors que le Metropolitain est principalement un journal d'annonces légales,

- elle n'a commis aucune violation de la loi du 19 juillet 1977, car elle n'est pas à l'origine de la première publication du sondage ; les résultats de celui-ci avaient été publiés dès le 20 février 2020 par le biais d'un tweet d'un ancien élu (M. [K]) et l'enquête effectuée dans l'entourage de l'un des candidats à la mairie (M. [H]) lui a appris que le sondage existait bien (sans pour autant pouvoir indiquer précisément leurs sources),

- elle a régularisé dès le 5 mars 2020 (alors que le sondage était devenu public),

- aucun préjudice découlant de l'absence de la totalité des mentions obligatoires lors de la première parution d'un sondage n'est rapporté,

- n'ayant publié que 5 % du sondage (hypothèse n°1 du 1er tour), elle ne peut supporter le coût total ou à hauteur de moitié du sondage, ni la perte de bénéfice, ni le discrédit ne sont étayés,

- aucune atteinte à l'image n'est établie, eu égard à la publication du droit de réponse,

- la demande de publication est vexatoire et découle d'un précédent contentieux.



Formant appel incident, la Gazette économique de [Localité 3] sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 26 décembre 2022 :



« - Vu l'article 1240 du code civil (ancien article 1382), la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion modifiée,



- confirmer le jugement (...)en ce qu'il a dit que la Gazette s'est rendue coupable de parasitisme et de concurrence déloyale (...) et l'a condamnée aux dépens et à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700,

- l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, condamner la Saga à lui verser une indemnité de 29 600 euros au titre du préjudice matériel subi à ce titre,

- condamner la Saga à lui verser une indemnité de 20 000 euros en couverture de son préjudice d'image,

- ordonner la publication, sur la page d'accueil du site de la Saga, accessible à l'adresse url https://www.lagazettedemontpellierfr/ou à toute autre adresse utile, et sur au moins une demi-page, dans une police de caractères parfaitement grosse et lisible, de la mention suivante :

' PUBLICATION JUDICIAIRE : Selon arrêt de la Cour d'appel de Montpellier en date du ..., la société Société Anonyme des Gazettes Associées, éditrice de la Gazette de Montpellier, a été condamnée pour avoir commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme au détriment du Metropolitain en reprenant à son compte, à deux reprises, les résultats d'un sondage d'opinion commandé par le Metropolitain, sans respecter la déontologie journalistique et la réglementation applicable aux sondages. La présente publication est prise en exécution de l'arrêt précité, afin d'informer utilement ie public de la situation dommageable dont le Metropolitain a été victime de la part de son concurrent »,

Et ce, pendant une durée de 6 mois, et sous astreinte de 1 000 euros HT parjour de retard et dans les 8 jours de la signification de la décision à intervenir,







- ordonner la publication de cette même mention, sur au moins une demi-page, dans une police de caractères parfaitement grosse et lisible, dans l'hebdomadaire 'La Gazette de Montpellier» édité par la Société Anonyme des Gazettes Associées et ce, dans le numéro suivant les 8 jours de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros HT par jour de retard,

- se déclarer compétent pour la liquidation de l'astreinte,

- condamner la Société Anonyme des Gazettes Associées à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel en sus de l'ancienneté déjà ordonnée par le tribunal en première instance,

- condamner la Société Anonyme des Gazettes Associées aux entiers dépens de première instance et d'appel.'



Elle expose en substance que :



- le fait de s'approprier le travail de confrères en publiant les informations obtenues par un journal concurrent est un comportement parasitaire, l'obtention d'une information privilégiée ou exclusive conférant le plus souvent un avantage économique au journal qui a pu l'obtenir,

- l'appropriation par la Saga du sondage, qu'elle n'a pas financé et sans la citer, est un acte de parasitisme et est contraire à la déontologie journalistique,

- le fait qu'elle n'ait pas réalisé elle-même le sondage, mais l'ait seulement financé est sans incidence, les investissements objet d'un parasitisme pouvant être intellectuels ou financiers,

- l'absence de publication après celle de la Saga est sans incidence, car une seconde publication n'avait plus le même impact,

- le tweet de M. [K] le 20 février n'autorisait pas la Saga à publier le sondage, sans citer la source, et cette information ne peut être vérifiée (compte Twitter inaccessible), le tweet est en tout état de cause antérieur aux résultats du sondage qu'elle n'a reçu que le 21 février à 14 h 43 et ceux-ci sont différents du contenu du tweet,

- la Saga n'a nullement effectué un travail d'enquête, mais a publié les résultats d'un sondage sur la base d'indications non vérifiées en privant le commanditaire de la primeur de la publication, le secret des sources étant hors sujet,

- la violation de la réglementation applicable aux sondages d'opinion (loi du 19 juillet 1977), à savoir l'absence de certaines mentions (texte intégral des questions...) ou mentions erronées (nom du commanditaire, nombre de personnes interrogées, date des interrogations), qui a été constatée par la commission des sondages, créant, ainsi une distorsion avec elle, qui s'efforce de la respecter,

- une situation de concurrence n'est plus nécessaire pour sanctionner des actes de concurrence déloyale tandis que les parties sont deux parutions de presse éditées dans la même zone géographique,

- l'imprécision du tweet de M. [K] ne permet pas de retenir un lien avec le sondage d'Opinion-Way et l'article de la Saga est la première diffusion, qui doit répondre aux dispositions de la loi du 19 juillet 1977, aucune régularisation n'étant envisageable,

- son préjudice, qui s'infère nécessairement des actes de concurrence déloyale et parasitaire, est double : économique (coût du sondage, perte de bénéfices) et d'image (la Saga a tourné en dérision ses reproches et mis en cause son intégrité journalistique).



Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.



C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 5 janvier 2023.






MOTIFS de la DECISION :



1- sur les actes de concurrence déloyale et de parasitisme :



La concurrence déloyale désigne la mise en oeuvre de pratiques commerciales abusives à l'égard de tout concurrent ; elle nécessite la démonstration d'une faute de son auteur, génératrice de préjudice.



Le parasitisme est défini comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire ou de profiter, indûment, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.



L'existence d'une situation de concurrence directe et effective entre les sociétés considérées n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale ou parasitaire, qui exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice.



Au demeurant, outre la spécificité de la Gazette économique de [Localité 3] concernant la publication d'annonces légales, les parties assurent toutes deux des parutions dans la presse d'information générale et locale, pour lesquelles elles se trouvent manifestement en situation de concurrence.



Le défaut de respect d'une réglementation dans l'exercice de l'activité commerciale alors que celui-ci a un coût peut constituer une faute, génératrice d'un trouble commercial pour un concurrent et d'un préjudice, fût-il seulement moral.



La loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion, définit et régit lesdits sondages, notamment, ceux publiés, diffusés ou rendus publics sur le territoire national portant sur des sujets liés, de manière directe ou indirecte, au débat électoral.



Selon l'article 2 de cette loi, la première publication ou la première diffusion de tout sondage (...) est accompagnée des indications suivantes, établies sous la responsabilité de l'organisme qui l'a réalisé :

1° Le nom de l'organisme ayant réalisé le sondage ;

2° Le nom et la qualité du commanditaire du sondage ou de la partie du sondage, ainsi que ceux de l'acheteur s'il est différent ;

3° Le nombre de personnes interrogées ;

4° La ou les dates auxquelles il a été procédé aux interrogations ;

5° Le texte intégral de la ou des questions posées sur des sujets mentionnés au deuxième alinéa de l'article 1er ;

6° Une mention précisant que tout sondage est affecté de marges d'erreur ;

7° Les marges d'erreur des résultats publiés ou diffusés, le cas échéant par référence à la méthode aléatoire ;

8° Une mention indiquant le droit de toute personne à consulter la notice prévue à l'article 3.

Les informations mentionnées aux 5° et 7° peuvent figurer sur le service de communication au public en ligne de l'organe d'information qui publie ou diffuse le sondage. Dans ce cas, l'organe d'information indique l'adresse internet de ce service.



L'article 9 suivant prévoit que la commission des sondages peut, à tout moment, ordonner à toute personne qui publie ou diffuse un sondage (...) commandé, réalisé, publié ou diffusé en violation de la présente loi et des textes réglementaires applicables ou en altérant la portée des résultats obtenus, de publier ou de diffuser une mise au point ou, le cas échéant, de mentionner les indications prévues à l'article 2 qui n'auraient pas été publiées ou diffusées. La mise au point est présentée comme émanant de la commission. Elle est, suivant le cas, diffusée sans délai et de manière que lui soit assurée une audience équivalente à celle de ce sondage, ou insérée dans le plus prochain numéro du journal ou de l'écrit périodique à la même place et en mêmes caractères que l'article qui l'a provoquée et sans aucune intercalation. (...)



Il est établi que le 21 février 2020, à 19 h 31, la Saga a publié un article sur son site Gazette Live, intitulé « sondage : la percée de [B] [E] » se référant à un 'sondage Opinon Way, financé par divers chefs d'entreprise locaux et réalisé sur un échantillon représentatif de 600 Montpelliérains, interrogés dans la deuxième semaine de février.' alors que ce sondage a été commandé par la Gazette économique de [Localité 3] à cette société de sondages le 5 février précédent.



La Saga, qui reconnaît ne pas être le commanditaire dudit sondage, se retranche derrière une première publication de celui-ci par le biais d'un tweet émanant d'un tiers le 20 février 2020 à 21 heures 16.



Toutefois, elle indiquait elle-même en commentaire du droit de réponse, publié le 25 février 2020, que le sondage circulait sur internet depuis 24 heures 'avant sa publication' tandis que le contenu de ce tweet ne permet pas de retenir qu'il s'agissait de la première diffusion dudit sondage (d'autres sondages ayant été commandés à l'instar de celui effectué par la société de sondages BVA pour la Saga) ne mentionnant, au demeurant, aucun commanditaire (ni aucune des mentions obligatoires). Ainsi, la Saga n'a pas respecté les dispositions sus-rappelées alors qu'il lui appartenait d'y pourvoir lorsque elle a, le 21 février 2020, publié, même en partie, le sondage opéré par la société Opinion-Way pour la société Gazette économique de [Localité 3].



Au demeurant, la commission des sondages a retenu qu'elle avait bien assuré la première publication pour lui délivrer le 28 février 2020 une mise au point.



Elle ne peut davantage se retrancher derrière la protection de ses sources pour justifier la diffusion d'un commanditaire et d'un panel erronés alors que l'enquête, qu'elle indique avoir effectuée, est sans incidence sur la réglementation applicable lors de la première publication d'un sondage. Au surplus, ce caractère erroné et incomplet traduit une publication effectuée avec une légèreté blâmable, à défaut, soit d'avoir pu accéder au sondage lui-même, soit d'avoir choisi d'en dissimuler l'origine.



La publication d'une autre partie du sondage, relative au second tour, dans l'édition du 5 au 12 mars 2020 par le biais d'un articule intitulé 'sondage OpinonWay pour Métropolitain : Second Tour : Configuration indécise, [B] [E] en bonne position', comporte les mentions obligatoires et est postérieure à la diffusion de celui-ci par la commission des sondages.



Le non-respect desdites dispositions est constitutif d'une faute, pour la société Saga, qui est un organe de presse, parfaitement informé de ses obligations en la matière et n'ayant pas hésité à procéder à la publication du sondage, appartenant à son concurrent, en parfaite connaissance de cause eu égard à l'intérêt évident en terme de lectorat d'une première diffusion.



Par ailleurs, le fait de commander un sondage,, même sans le publier et le commenter, suffit à constituer un travail journalistique, la recherche et collecte des données traduisant un travail de réflexion et un investissement financier. La publication par la Saga, sans citer le réel commanditaire du sondage, s'analyse en une appropriation par facilité du travail d'autrui et à une présentation trompeuse pour le lecteur s'agissant, en l'espèce, d'une matière particulièrement réglementée et ce au mépris de l'éthique professionnelle.



Il en résulte que la société Saga a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme lorsqu'elle a publié le 21 février 2020 une partie du sondage commandé par la société Gazette économique de [Localité 3] auprès de la société Opinion-Way.



N'ayant publié qu'une partie du sondage pour le 1er tour (hypothèse 1) le 21 février 2020, alors que la société Gazette économique de [Localité 3] a renoncé, de son propre chef, à toute publication, le préjudice causé ne peut correspondre au montant total du sondage réglé à la société Opinion-Way et sera évalué, au vu des éléments versés aux débats, à la somme de 15 000 euros.



La perte de bénéfice alléguée n'est pas étayée.



La publication de la partie du sondage, relative au second tour, dans l'édition des 5-12 mars 2020, précise que la Gazette économique de [Localité 3] n'a pas voulu publier ledit sondage pour des motifs 'mystérieux' sans que cette affirmation, soumise à la sagacité du lecteur, ne constitue un dénigrement, à défaut de caractériser une critique malveillante visant à jeter le discrédit.



Aucune atteinte à l'image de la société Gazette économique de [Localité 3] n'est rapportée, eu égard à la publication des droits de réponse le 25 février 2020 et dans l'édition des 12-18 mars 2020, qui rend superfétatoire la demande de publication de la présente décision, en dépit des commentaires ajoutés à leur suite, qui visaient principalement, pour la Saga, à se dédouaner de tout non-respect des dispositions de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977.



Les demandes d'indemnisation et de publication sous astreinte au titre d'une perte de bénéfice, d'un discrédit et d'une atteinte à l'image seront donc rejetées.



Le jugement sera confirmé, sauf en ce qui concerne l'allocation de dommages-intérêts en réparation d'une perte de bénéfice et le montant des dommages-intérêts octroyés.



2- sur les autres demandes :



Succombant sur son appel, la Saga sera condamnée aux dépens et au vu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 3 500 euros, sa demande sur ce fondement étant rejetée.



PAR CES MOTIFS :



La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,



Réforme le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 10 février 2021 mais seulement en ce qu'il a condamné 'la Gazette à payer au Metropolitain la somme de 11 760 euros au titre du préjudice lié au coût du sondage et la somme de 3 000 euros au titre de la perte de bénéfice',



Statuant à nouveau de ces chefs réformés,



Condamne la société anonyme des Gazettes associés à payer à la SARL Gazette économique de [Localité 3] la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation d'actes de concurrence déloyale et parasitaire,



Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions,



Condamne la société anonyme des Gazettes associés à payer à la SARL Gazette économique de [Localité 3] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



Rejette la demande de la société anonyme des Gazettes associés fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne la société anonyme des Gazettes associés aux dépens d'appel.



le greffier, le président,

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