24 février 2023
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 20/03812

1re chambre de la famille

Texte de la décision

Grosse + copie

délivrées le

à











COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre de la famille



ARRET DU 24 FEVRIER 2023





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/03812 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OVZP





Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de radiation du 08 SEPTEMBRE 2020 de la

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER - N° RG 20/03373

sur appel du jugement rendu le 27 JANVIER 2020 par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEZIERS - N° RG 17/02283





APPELANT :



Monsieur [E] [S]

né le 17 Février 1963 à [Localité 1] ([Localité 1])

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Emmanuel LE COZ, avocat au barreau de BEZIERS





INTIMEE :



Madame [K] [J]

née le 11 Décembre 1967 à [Localité 1] ([Localité 1])

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Murielle MOLINE, avocat au barreau de BEZIERS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/011227 du 14/10/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Montpellier)





Ordonnance de clôture du 04 Octobre 2022



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 JANVIER 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Nathalie LECLERC-PETIT, Conseillère, et Mme Morgane LE DONCHE, Conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre

Madame Nathalie LECLERC-PETIT, Conseillère

Madame Morgane LE DONCHE, Conseillère



Greffier lors des débats : Madame Séverine ROUGY





ARRET :



- Contradictoire ;



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;



- signé par Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre, et par Madame Séverine ROUGY, greffière.




*

* *



FAITS ET PROCÉDURE



M. [E] [S] et Mme [K] [J] se sont mariés le 17 septembre 2005 sans contrat préalable. Ils avaient acquis ensemble avant le mariage, le 26 janvier 1998, un bien immobilier à [Localité 1]. Le divorce a été prononcé le 14 avril 2011 sur le fondement de l'article 233 du code civil, puis confirmé par la Cour d'appel de Montpellier le 9 octobre 2012.



Par acte du 18 novembre 2016 reçu par Me Jean-Pascal Marc, notaire à Capestang, les parties ont vendu le bien immobilier.



Suivant exploit en date du 24 juillet 2017, Mme [J] a assigné M. [S] devant le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Béziers aux fins d'ordonner les opérations de compte, et liquidation-partage des leurs intérêts patrimoniaux.



Par jugement rendu le 27 janvier 2020, le juge aux affaires familiales :

- déclarait recevable la demande en partage judiciaire

- ordonnait l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision [J] [K]- [S] [E]

- déboutait M. [S] de sa demande d'expertise

- jugeait qu'une indemnité d'occupation est due par M. [S] du 18 novembre 2011 au 18 novembre 2016, soit pour une durée de 60 mois d'une valeur locative mensuelle d'un montant de 650€


jugeait M. [S] redevable envers l'indivision de la somme de 39 000€ au titre de l'indemnité d'occupation

déboutait M. [S] de sa demande formée au titre d'un enrichissement injustifié

déboutait les parties de leur demande au titre de sommes personnelles investies lors de l'achat

désignait Me Marc Jean-Pascal, notaire à Capestang (34310) pour procéder aux opérations de liquidation et de partage

renvoyait en conséquence les parties devant Me Marc afin qu'il partage et délivre les fonds consignés en son étude, suite à la vente du bien immobilier indivis, conformément à la présente décision à savoir :






A Mme [J] la somme de 84 291,77€

A M. [S] la somme de 45 291,77 €


disait que ces montants seront actualisés par le notaire du prix consigné en fonction des charges et intérêts courus depuis la vente et/ou dont le Tribunal n'a pas connaissance

constatait que le partage ne présente pas de complexité particulière

disait et jugeait n'y avoir lieu à désignation d'un juge pour surveiller les opérations

rejetait la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

partageait les dépens par moitié entre les parties et les déclarait frais privilégiés de partage.




*****



M. [E] [S] a relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 7 août 2020 aux fins de réformation des chefs du rejet de sa demande d'expertise, de l'indemnité d'occupation, du rejet de sa demande fondée sur l'enrichissement injustifié, du rejet des demandes des parties au titre de sommes personnelles investies lors de l'achat, de la désignation de Me Marc pour procéder aux opérations de liquidation et de partage, des modalités du partage des fonds consignés suite à la vente du bien immobilier, de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.



Les dernières écritures de l'appelant ont été déposées le 7 novembre 2020 et celles de l'intimée le 5 février 2021.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 octobre 2022.





PRÉTENTIONS DES PARTIES



M. [E] [S], dans le dispositif de ses dernières écritures en date du 7 novembre 2020 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande à la cour, au visa des articles 815, 1360 et 1303 et suivants du code civil, d'infirmer le jugement déféré des chefs critiqués par sa déclaration d'appel à l'exclusion de la désignation de Me Marc pour procéder aux opérations de liquidation et partage:




juger que la demande relative à l'indemnité d'occupation ne peut viser que la période du 8 octobre 2012 au 18 novembre 2016, soit 49 mois

juger qu'il est créancier sur l'indivision post-communautaire d'une somme de 5 551€

juger, qu'en l'état des pièces produites aux débats, la détermination du quantum de l'indemnité d'occupation dont serait éventuellement redevable M. [S] est incertaine

avant dire droit, désigner tel expert qu'il plaira à la Cour avec mission de :


se rendre sur place

se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission

décrire les lieux sis [Adresse 3] et, en tant que de besoin, les visiter après avoir éventuellement recueilli l'accord des nouveaux propriétaires

chiffrer la valeur locative du bien immobilier dont s'agit, en tenant compte de l'abattement induit par l'occupation par un copropriétaire indivisaire

indiquer et évaluer la réalité des prestations de travail accompli par lui et chiffrer le cas échéant le coût de chaque prestation

proposer un apurement des comptes entre les parties avec évaluation de l'indemnité due à l'appauvri


fixer la provision à consigner au greffe, pour moitié par chaque partie à l'instance, à titre d'avance sur les honoraires de l'expert dans un délai qui sera imparti dans le jugement à intervenir

subsidiairement, si la cour rejetait la demande d'expertise, rejeter les demandes de Mme [J] comme injustes et en tout état de cause mal fondées

condamner Mme [J] à lui payer la somme de 3 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

condamner Mme [J] aux entiers dépens de l'instance.




Mme [K] [J], dans le dispositif de ses dernières écritures en date du 5 février 2021 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande à la cour, au visa des articles 815, 815-9, 815-10, 1360 du code civil et 1136-1 du code de procédure civile, de :




déclarer recevable et bien fondé son appel incident

réformer le jugement dont appel des chefs critiqués en ce qu'il :


l'a déboutée de sa créance au titre des sommes personnelles investies pour un montant de 3 970 €

n'a pas estimé retenir, dans les droits des parties, la somme de 39 000€ au titre de son compte d'administration, devant être porté au passif de la communauté et ajoutée à ses droits

n'a pas estimé retenir, dans les droits des parties, la somme de 39 000€ au titre du compte d'administration de M. [S], débiteur à l'encontre de l'indivision post communautaire, devant être porté à l'actif de la communauté et déduite des droits de celui-ci

a ordonné la délivrance des fonds à son profit à la somme de 84 291,77€

a ordonné la délivrance des fonds au profit de M. [S] à la somme de 45 291,77€


confirmer le jugement dont appel pour le surplus

ordonner les opérations de compte liquidation-partage du régime matrimonial et de l'indivision post communautaire

fixer une indemnité d'occupation mensuelle à la charge de M. [S] à la somme mensuelle de 650€

fixer le montant de l'indemnité d'occupation dû à l'indivision post communautaire par M. [S] à la somme 39 000€ sur une durée de 60 mois du 18 novembre 2011 au 18 novembre 2016 tenant une indemnité d'occupation mensuelle de 650€

retenir dans les droits des parties, la somme de 39 000€ au titre de son compte d'administration, étant créancière à l'encontre de l'indivision post communautaire, et devant être portée au passif de la communauté et ajoutée à ses droits

retenir dans les droits des parties, la somme de 39 000€ au titre du compte d'administration de M. [S], débiteur à l'encontre de l'indivision post communautaire, et devant être portée à l'actif de la communauté et déduite des droits de celui-ci

fixer sa créance envers l'indivision post communautaire au titre des sommes personnelles investies pour un montant de 3 970€

fixer l'actif de la communauté à la somme de 175 000€

fixer le passif de la communauté à la somme de 49 386,45€

fixer ses droits à la somme de 105 776,77€

fixer les droits M. [S] à la somme de 23 806,77€

fixer le passif à acquitter à la somme de 6 416,45€ au titre du solde de prêt restant dû à l'égard du Crédit Lyonnais

commettre un juge commissaire chargé des opérations de partage

commettre Me [C] Marc, notaire, pour procéder aux opérations de liquidation et de partage

ordonner le partage et la délivrance des fonds consignés en l'étude de Me Marc suite à la vente du bien immobilier à la somme de 105 776.77€ à son profit

ordonner le partage et la délivrance des fonds consignés en l'étude de Me Marc suite à la vente du bien immobilier à la somme de 23 806,77€ au profit de M. [S]

ordonner l'acquittement de la somme de 6 416,45€ au titre du solde de prêt restant dû à l'égard du Crédit Lyonnais

confirmer le jugement pour le surplus

débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes comme injustes et mal fondées

condamner M. [S] au paiement de la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.





*****



SUR QUOI LA COUR



* Effet dévolutif et objet de l'appel



L'étendue de l'appel est déterminée par la déclaration d'appel et peut être élargie par l'appel incident ou provoqué (articles 562 et 901 4° du code de procédure civile) alors que l'objet du litige est déterminé par les conclusions des parties (article 910-4 du code de procédure civile). L'objet du litige ne peut s'inscrire que dans ce qui est dévolu à la cour et les conclusions ne peuvent étendre le champ de l'appel.



Tenant l'appel principal et l'appel incident, la cour est saisie des chefs suivants : la désignation de Me Marc pour procéder aux opérations de liquidation et partage, la demande d'expertise, l'indemnité d'occupation due par M. [S] à l'indivision, l'enrichissement injustifié, les opérations de compte, liquidation et partage, l'article 700 du code de procédure civile et les dépens. 



Toutefois, dans ses dernières conclusions, M. [S] ne critique plus la désignation de Me Marc pour procéder aux opérations de liquidation et partage. La décision est par conséquent confirmée s'agissant de ce chef.





* La demande d'expertise



- Le premier juge a retenu que M. [S] avait disposé de nombreuses années pour faire réaliser une évaluation de la valeur locative du bien qu'il occupait et des éventuelles améliorations apportées, que sa demande d'expertise sur le bien dont il n'était plus propriétaire apparaissait tardive, et que le tribunal disposait de l'ensemble des éléments nécessaires pour rendre sa décision.



- Au soutien de son appel, M. [E] [S] fait valoir qu'en sa qualité de copropriétaire et ayant par ailleurs occupé le bien avec l'enfant commun, il y a lieu d'appliquer une valeur locative réduite de 25% pour le calcul de l'indemnité d'occupation. Il ajoute que Mme [J] ne peut se contenter d'affirmer péremptoirement la valeur locative en se contentant de produire une seule attestation de l'agence immobilière datée du 19 juillet 2013 sans produire aux débats d'autres éléments complémentaires. Il indique qu'il est particulièrement fondé à solliciter avant dire droit l'instauration d'une mesure d'expertise avec mission pour l'expert d'évaluer la valeur locative du bien litigieux. Il l'estime par ailleurs nécessaire, indiquant qu'il a réalisé l'intégralité des travaux d'agrandissement du bien litigieux le faisant ainsi passer d'une surface de 50m2 à une surface de 150m2.

- En réplique, Mme [K] [J] fait valoir que M. [S] a occupé les lieux pendant plus de quatre ans jusqu'à la vente du bien intervenue le 18 novembre 2016 et avait tout loisir de faire procéder à l'évaluation de la valeur locative du bien pendant qu'il occupait celui-ci. Elle ajoute que la demande de M. [S] d'expertise en vue d'obtenir l'évaluation de la valeur locative du bien est tardive et inutile, le bien étant vendu depuis le 18 novembre 2016, et que M. [S] ne rapporte en rien la preuve de la réalisation des travaux alléguée.



- Réponse de la cour :



En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions.



L'article 146 al 2 du code de procédure civile dispose par ailleurs qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.



En l'espèce, M. [S] s'est vu attribuer la jouissance du domicile conjugal par ordonnance de non-conciliation du 26 novembre 2008, et le bien a été vendu le 18 novembre 2016. Il a ainsi disposé de nombreuses années, pendant lesquelles il a occupé le bien, afin de faire procéder à l'évaluation de la valeur locative de celui-ci avant de le vendre. Or, il ne produit aucune pièce pour contester la valeur locative évaluée le 19 juillet 2013 à la somme de 650 euros par mois par l'agence immobilière La Bourse de l'Immobilier. Il fait état de travaux accomplis par ses soins dans le domicile, qui ne sont toutefois pas documentés en l'absence d'une quelconque pièce pour en justifier.



Ainsi, c'est à juste titre que le premier juge a débouté M. [S] de sa demande d'expertise. La décision est confirmée.



* L'indemnité d'occupation



- Le premier juge a retenu qu'il est constant que M. [S] a joui privativement de la chose indivise pendant plusieurs années, que la date à laquelle le jugement est passé en force de chose jugée est le 14 mai 2011 et que celle à laquelle la première demande de Mme [J] concernant l'indemnité d'occupation a été formalisée est le 18 novembre 2016. Il a ainsi retenu que, cette demande ayant été formalisée plus de 5 ans après la date à laquelle le jugement est passé en force de chose jugée, Mme [J] ne peut obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date du 18 novembre 2016 et donc que l'indemnité d'occupation sera due par M. [S] du 18 novembre 2011 au 18 novembre 2016. Il a par ailleurs retenu qu'il y a lieu de fixer la valeur locative à la somme mensuelle de 650€, soit 39 000€ sur 60 mois, eu égard à la situation, à la description et à la contenance du bien, ainsi qu'à l'attestation de l'agence immobilière La Bourse de l'Immobilier.



- Au soutien de son appel, M. [E] [S] fait valoir que c'est au 9 octobre 2012, date du prononcé de l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier, et non au 14 mai 2011 que le jugement de divorce est passé en force de chose jugée et que c'est au 18 novembre 2016 que Mme [J] avait formulé sa demande au titre de l'indemnité d'occupation à l'occasion du projet de partage du prix de vente. Il soutient que cette demande ne peut donc viser que la période du 9 octobre 2012 au 18 novembre 2016, soit 49 mois. Il demande un abattement à hauteur de 25% de la valeur locative du bien au motif de sa qualité de copropriétaire du bien occupé et du fait qu'il y résidait avec l'enfant commun. Il ajoute que Mme [J] ne peut se contenter d'affirmer péremptoirement la valeur locative en se contentant de produire une seule attestation de l'agence immobilière datée du 19 juillet 2013 et sans production aux débats d'autres éléments complémentaires.



- En réplique, Mme [K] [J] fait valoir que le jugement de divorce a acquis force de chose jugée le 15 septembre 2011, date à laquelle M. [S] a sollicité dans ses écritures la confirmation du principe du jugement du divorce, et que c'est donc à juste titre que le premier juge a retenu l'indemnité d'occupation à charge de M. [S] sur une période de 60 mois du 18 novembre 2011 au 18 novembre 2016. Elle fait également valoir que le premier juge a fait une exacte appréciation du quantum de l'indemnité d'occupation fixé à hauteur de 650€ puisque c'est l'évaluation qui a été faite par l'agence immobilière le 19 juillet 2013, reprise et avalisée par Me Marc. Elle conteste l'abattement de 25% de la valeur locative du bien demandée par M. [S] soutenant que ce dernier ne justifie nullement le bien fondé de cet abattement et son évaluation. Elle rappelle que M. [S] a occupé les lieux pendant plus de quatre ans jusqu'à la vente du bien intervenue le 18 novembre 2016 et avait tout loisir de faire procéder à l'évaluation de la valeur locative du bien pendant qu'il l'occupait celui-ci. Elle ajoute qu'il a occupé ce bien sans prendre en charge le règlement du crédit immobilier finalement pris en charge par sa propre compagnie d'assurance, qu'il s'est opposé pendant plusieurs années à la vente de ce bien et qu'il refusait d'en régler les taxes foncières. Elle indique qu'elle s'est trouvée dans l'obligation de se reloger, que son loyer était de 495€ et qu'elle a fait l'objet d'une saisie sur ses comptes bancaires pour le règlement des taxes foncières du bien.



- Réponse de la cour :




Sur le point de départ de l'indemnité d'occupation :




L'article 262-1 du code civil dans sa version antérieure à la loi du 23 mars 2019 dispose que le jugement de divorce lorsqu'il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, prend effet dans les rapports entre époux en ce qui concerne leurs biens à la date de l'ordonnance de non-conciliation.



L'article 815-9 alinéa 2 du code civil prévoit que l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est sauf convention contraire, est redevable d'une indemnité.

Toutefois, M. [S] s'étant vu attribuer la jouissance gratuite du domicile conjugal par l'ordonnance de non-conciliation du 26 novembre 2008, l'indemnité d'occupation n'est due par celui-ci qu'à compter de la date à laquelle la décision de divorce a acquis force de chose jugée.



En l'espèce, le jugement de divorce est intervenu le 14 avril 2011, et a été prononcé sur le fondement de l'article 233 du code civil. Mme [J] a fait appel principal du jugement de divorce, sur les conséquences du divorce uniquement. Elle indique sans être contredite par M. [S] que ce dernier, dans ses écritures du 15 septembre 2011, n'a pas contesté le principe du divorce. L'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 9 octobre 2012 précise d'ailleurs que dans ses dernières conclusions du 24 février 2012, M. [S] forme des demandes relatives aux conséquences du divorce uniquement.



La cour retient par conséquent que l'appel principal comme incident ayant tous deux été limités aux conséquences du divorce, il est devenu définitif à la date du dépôt des conclusions de l'intimé qui se limitaient aux seules conséquences du divorce, soit le 15 septembre 2011.






Sur la prescription de la demande d'indemnité d'occupation




L'article 815-10 alinéa 3 du code civil prévoit qu'aucune recherche relative aux fruits et revenus des biens indivis n'est recevable plus de cinq ans après la date à laquelle ils ont été perçus ou auraient pu l'être.



Ainsi, en application de l'article 815-10 alinéa 3 du code civil, si un ex-époux demande l'indemnité d'occupation plus de cinq ans après le jour où le jugement a acquis force de chose jugée, il ne peut obtenir une indemnité d'occupation que pour les cinq années précédant la demande.



En l'espèce, Mme [J] a réclamé le règlement d'une indemnité d'occupation par M. [S] à l'occasion du projet de répartition entre les ex-époux du prix de la vente du bien immobilier, intervenue le 18 novembre 2016. Le premier juge a ainsi à juste titre retenu le 18 novembre 2016 comme la date de la première demande de Mme [J] aux fins de règlement d'une indemnité d'occupation par son conjoint. Cette demande étant intervenue plus de cinq ans après le jour où le jugement de divorce a acquis force de chose jugée, elle ne peut obtenir une indemnité d'occupation que pour les cinq années précédant sa demande, soit du 18 novembre 2011 au 18 novembre 2016.






Sur le montant de l'indemnité d'occupation




En application de l'article 373-2-2 I du code civil, la contribution à l'entretien et l'éducation d'un enfant peut être, en tout ou partie, servie sous forme d'un droit d'usage et d'habitation.

Ainsi, le montant de l'indemnité d'occupation, qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, doit prendre en compte la valeur locative du bien, l'occupation du bien par un époux et l'enfant du couple peut également être prise en considération pour fixer le montant de l'indemnité d'occupation.



En l'espèce, Mme produit une évaluation de la valeur locative du bien à 650 euros par mois datée du 19 juillet 2013 qui a déterminé le premier juge à fixer l'indemnité d'occupation à la même somme.



La cour retient toutefois que par arrêt du 9 octobre 2012, cette cour a transféré la résidence de l'enfant chez le père avec effet au 12 janvier 2012 et débouté celui-ci de sa demande de contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant, retenant que la mère ne percevait qu'une allocation adulte handicapé de 790 euros par mois et devait faire face à des charges de 710 euros par mois.



Ainsi, l'enfant commun née en 1996 a résidé dans le bien immobilier à compter du 12 janvier 2012 avec M. [S], chez lequel sa résidence habituelle avait été fixée.

Par conséquent, il y a lieu de fixer l'indemnité d'occupation à la somme de 520 euros, correspondant à la valeur locative diminuée de 20%. La décision déférée est infirmée sur ce point.





* L'enrichissement injustifié



- Le premier juge a retenu que M. [S] n'apporte aucune preuve, ou commencement de preuve de travaux réalisés et financés par ses soins, alors que la charge de la preuve lui incombe.



- Au soutien de son appel, M. [E] [S] indique qu'il a réalisé l'intégralité des travaux d'agrandissement du bien litigieux le faisant ainsi passer d'une surface de 50m2 à une surface de 150m2 et que le premier juge, ayant retenu qu'il n'apportait pas la preuve des travaux réalisés, ne s'explique pourtant pas sur l'augmentation de surface du bien.



- En réplique, Mme [K] [J] fait valoir que M. [S] ne rapporte en rien la preuve de la réalisation des travaux alléguée alors que la charge de la preuve lui incombe à lui seul et que sa demande est tardive et inutile, le bien étant vendu.



- Réponse de la cour :



L'article 1303 du code civil dispose qu'en dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indu, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement. 





En application de l'article 1303-1 du code civil, l'enrichissement ne doit procéder ni de l'accomplissement d'une obligation par l'appauvri, ni de son intention libérale.

L'article 1303-3 du code civil édicte enfin le caractère subsidiaire de l'action fondée sur l'enrichissement injustifié, en excluant pour l'appauvri l'action sur ce fondement lorsqu'une autre action lui est ouverte ou se heurte à un obstacle de droit, tel que la prescription.

En l'espèce, la demande de M. [S] vise à voir reconnaître qu'il a effectué personnellement l'intégralité des travaux d'agrandissement du bien immobilier, ayant permis d'augmenter la superficie de celui-ci de 50m2 à 150 m2. Il fait état de sa qualité d'électricien et de « professionnel du bâtiment » au soutien de cette demande.



Toutefois, le premier juge a relevé à juste titre que M. [S] n'apportait aucune preuve ou commencement de preuve de travaux réalisés par ses soins. En cause d'appel, M. [S] ne produit pas de pièce complémentaire. La décision est par conséquent confirmée.



* Les opérations de compte, liquidation et partage



- Le premier juge a retenu que les parties ne rapportant pas la preuve de l'origine des sommes investies pour l'acquisition du bien immobilier, il n'y a pas lieu de retenir dans les comptes les sommes qu'elles indiquent avoir personnellement investies. Il a retenu que l'indemnité d'occupation est due à l'indivision et doit être inclue dans l'actif net à partager entre les époux.



- M. [E] [S] affirme avoir pour sa part investi la somme de 36 080 francs (5551 euros) à l'occasion de l'achat du bien immobilier, comme en atteste le décompte établi par le notaire, Me Marc, et qu'il est en conséquence créancier sur l'indivision post-communautaire d'une somme de 5 551€ à ce titre. Il n'indique rien sur la somme dont son ex-épouse se dit créancière.





- Au soutien de son appel incident, Mme [K] [J] fait valoir qu'elle a investi des fonds propres à hauteur de 3 970 euros comme relevé par décompte du notaire, et s'estime créancière envers l'indivision post-communautaire de cette somme, et de la totalité de la somme de 39000 euros correspondant à l'intégralité de l'indemnité d'occupation. Elle fait valoir que M. [S] ne justifie pas son affirmation selon laquelle il serait créancier sur l'indivision post-communautaire de la somme de 5 551€.

Elle soutient que le total de l'actif et le total du passif de la communauté s'élèvent respectivement à 175 000€ et 49 386,45€, et que ses droits s'élèvent à la somme de 105 776,77 euros.



- Réponse de la cour :



L'article 815-13 du code civil dispose que lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation d'un bien indivis.



Le règlement d'échéances d'emprunts ayant permis l'acquisition d'un immeuble indivis ainsi effectué par un indivisaire au moyen de ses deniers personnels au cours de l'indivision est ainsi considéré comme une dépense de conservation donnant lieu à indemnité sur le fondement de l'article 815-13 alinéa 1er (Civ 1re, 26 janvier 2022).



En l'espèce, les époux ont fait l'acquisition du bien immobilier avant le mariage, le 26 janvier 1998 pour la somme de 360 000 francs, l'acte d'acquisition mentionnant un financement à l'aide de deniers personnels sans autre précision pour un montant de 36 000 francs, et au moyen d'un financement par emprunt du crédit lyonnais pour 324 000 francs.



Il résulte de la fiche de compte de Me Jean-Pascal Marc éditée le 18 novembre 2016 et produite par Mme [J] qu'une écriture a bien été passée au crédit du compte de l'indivision pour 26 000 francs à la date du 26 janvier 1998, soit le jour de l'achat par les parties du bien immobilier. Cette écriture est libellée « [J] [V] solde P.vente PREVOST SUZ./CTS [S]-[J] ». Mme [J] rapporte donc bien la preuve qu'elle a apporté des fonds à hauteur de 26 000 francs lors de l'acquisition du bien. Cette somme équivalait à 3963,67 euros en 1998. Mme [J] dispose donc d'une créance à l'égard de l'indivision pour ce montant. La décision déférée est infirmée sur ce point.



M. [S] soutient qu'il résulterait de cette même fiche comptable qu'il a apporté la somme de 36 080 francs. Toutefois, aucune écriture ne mentionne une telle somme. La seule écriture approchante porte sur une somme de 36 000 francs. Elle est libellée « crédit lyonnais pour [S]-[J] », et ne correspond donc pas à un apport personnel de M.[S] seul. Le premier juge a ainsi à juste titre débouté M. [S] de sa demande. La décision est confirmée sur ce point.



Tenant l'existence d'une indivision pré-communautaire avec acquisition d'un bien immobilier et apport de fonds personnels par Mme [J] lors de l'acquisition, l'existence de fonds consignés chez le notaire suite à la vente du bien pendant l'indivision post-communautaire, et la nécessité de déterminer si l'indivision reste redevable d'un passif à acquitter auprès du crédit lyonnais, il y a lieu d'ajouter à la décision déférée qui a désigné Me Marc pour procéder aux opérations de liquidation et partage, et de confier à ce dernier, en application de l'article 1368 du code de procédure civile, mission d'établir les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir, en faisant application de la présente décision.





* Les frais et dépens



L'action en partage étant exercée dans l'intérêt commun des parties, c'est à juste titre que le premier juge a partagé par moitié les dépens entre les parties, et les a déclarés frais privilégiés de partage.



En cause d'appel, il y a lieu de condamner Mme [J], partie perdante, aux entiers dépens. Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [S] les frais qu'il a exposés pour la défense de ses intérêts en cause d'appel. Mme [J] est par conséquent condamnée à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.



PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,



INFIRME la décision déférée s'agissant du montant de l'indemnité d'occupation due par M.[S] et de la créance de Mme [J] envers l'indivision au titre de la somme personnelle investie lors de l'acquisition du bien immobilier.



Statuant à nouveau,



-Dit que M. [S] est redevable d'une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 520 euros du 18 novembre 2011 au 18 novembre 2016



-Dit que l'indivision est redevable envers Mme [J] de la somme de 3963,67 euros



CONFIRME la décision déférée pour le surplus des chefs critiqués.



Y AJOUTANT,



-Désigne Me Jean-Pascal Marc, Notaire à Capestang, aux fins d'établir les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir conformément à la présente décision,



-Désigne le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Béziers pour surveiller le déroulement des opérations en qualité de juge commis,



-Enjoint aux parties d'apporter, dès le premier rendez-vous auprès du notaire, les pièces suivantes :

-le livret de famille,

-le contrat de mariage (le cas échéant),

-les actes notariés de propriété pour les immeubles,

-les actes et tout document relatif aux donations et successions,

-la liste des adresses des établissements bancaires où les parties disposent d'un compte,

-les contrats d'assurance-vie (le cas échéant),

-les cartes grises des véhicules,

-les tableaux d'amortissement des prêts immobiliers et mobiliers,

-une liste des crédits en cours,

-les statuts de sociétés (le cas échéant) avec nom et adresse de l'expert-comptable.



-Rappelle que :



- le notaire désigné dispose d'un délai d'un an à compter de la réception de la présente décision pour dresser un état liquidatif qui établit les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties, la composition des lots à répartir. Ce délai est suspendu en cas de désignation d'un expert et jusqu'à la remise du rapport ;



- le notaire désigné convoque d'office les parties et leurs avocats et demande la production de tout document utile à l'accomplissement de sa mission ; il leur impartit des délais pour produire les pièces sollicitées, rend compte au juge des difficultés rencontrées et peut solliciter de lui toute mesure de nature à faciliter le déroulement des opérations (injonctions, astreintes, désignation d'un expert en cas de désaccord, désignation d'un représentant à la partie défaillante, conciliation en sa présence devant le juge, vente forcée d'un bien...);



- si un acte de partage amiable est établi, le notaire en informe le juge qui constate la clôture de la procédure, étant rappelé que les parties peuvent, à tout moment, abandonner les voies judiciaires et réaliser un partage amiable;



- en cas de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmet au juge un procès-verbal reprenant les dires des parties ainsi que le projet d'état liquidatif ;



- la date de jouissance divise devra être déterminée dans le projet d'acte.



- le procès verbal de dires dressé par le notaire est le plus exhaustif possible, il reprend tous les points d'accord et de désaccord subsistant entre les parties et il est rappelé aux parties que ce qui n'aura pas été consigné dans leurs dires sera réputé ne plus faire difficulté et mention de ce rappel est effectuée dans l'acte;



- le notaire perçoit directement ses émoluments auprès des parties.



-Si le notaire commis, pour établir l'état liquidatif se heurte à l'inertie d'un indivisaire, il peut le mettre en demeure, par acte extrajudiciaire, de se faire représenter. Faute pour l'indivisaire d'avoir constitué mandataire dans les trois mois de la mise en demeure, le notaire peut demander au juge de désigner toute personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu'à la réalisation complète des opérations. 



-Condamne Mme [K] [J] aux entiers dépens en cause d'appel.



-Condamne Mme [K] [J] à verser à M. [E] [S] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.





LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,













SR/MLD

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