21 février 2023
Cour d'appel de Grenoble
RG n° 21/01082

Ch.secu-fiva-cdas

Texte de la décision

C5



N° RG 21/01082



N° Portalis DBVM-V-B7F-KYYM



N° Minute :





































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :





Me Agnès MARTIN







AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU MARDI 21 FEVRIER 2023





Appel d'une décision (N° RG 17/00389)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de GRENOBLE

en date du 21 janvier 2021

suivant déclaration d'appel du 09 mars 2021





APPELANTE :



SAS [7], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]



représentée par Me Roselyne CHANTELOVE de la SCP CHAPUIS CHANTELOVE GUILLET-LHOMAT, avocat au barreau de GRENOBLE





INTIMEES :



Madame [I] [A]

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée par Me Agnès MARTIN, avocat au barreau de GRENOBLE



La CPAM DE L'ISERE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]



comparante en la personne de Mme [V] [E], régulièrement munie d'un pouvoir





COMPOSITION DE LA COUR :



LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,



Assistés lors des débats de Mme Kristina YANCHEVA, Greffier,





DÉBATS :



A l'audience publique du 22 novembre 2022,

M. Pascal VERGUCHT, chargé du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président, et Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoirie,





Et l'affaire a été mise en délibéré au 17 janvier 2023 prorogé à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.


EXPOSÉ DU LITIGE





Selon une déclaration d'accident du travail du 4 février 2013, Mme [I] [A], ingénieure qualité pour la SAS [7], a présenté le 11 octobre 2012 un burn-out, et plus précisément s'est mise à pleurer pendant le traitement de courriers électroniques liés au rapport des demandes relatives à un projet.



Un certificat médical initial du 12 octobre 2012 a constaté le burn-out de Mme [A].



A la suite d'un refus de prise en charge par la CPAM de l'Isère notifié par courrier du 30 avril 2013, la cour d'appel de Grenoble a, par arrêt du 31 mars 2016, reconnu que Mme [A] avait été victime d'un accident du travail le 11 octobre 2012 et a ordonné la prise en charge du burn-out sur la base de ce certificat médical initial du 12 octobre 2012.



La CPAM de l'Isère a notifié le 6 septembre 2017 un taux d'incapacité permanente partielle de 20 % avec attribution d'une rente à compter du 24 juin 2017 pour les séquelles d'un burn-out consistant en une réaction anxio-dépressive sévère avec aménagement phobique sans invalidité sociale.



La CPAM a dressé le 23 mars 2017 un procès-verbal de carence à l'occasion de la tentative de reconnaissance amiable d'une faute inexcusable.





Le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble saisi par Mme [A] d'un recours contre la société [7] en présence de la CPAM de l'Isère a décidé, par jugement du 21 janvier 2021, de :

- dire que l'accident trouvait son origine dans la faute inexcusable de l'employeur,

- fixer au maximum la majoration de la rente,

- ordonner une expertise judiciaire aux frais avancés de la CPAM,

- dire que la caisse avancera à Mme [A] une indemnité provisionnelle de 3.000 euros,

- condamner la société [7] à rembourser la caisse des sommes dont elle aura fait l'avance en ce compris les frais d'expertise et de provision, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement,

- condamner la société [7] à payer 1.500 euros à Mme [A] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- renvoyer la victime à faire valoir ses demandes indemnitaires devant le tribunal après le dépôt du rapport d'expertise,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement,

- réserver les dépens.



Par déclaration du 9 mars 2021, la SAS [7] a relevé appel de cette décision.



En exécution du jugement, et d'une ordonnance de remplacement d'expert du 2 mars 2021, la docteur [K] [L] a rendu un rapport, non daté, reçu par la cour le 28 septembre 2021.





Par conclusions du 14 octobre 2022 reprises oralement à l'audience devant la cour, la société demande :

- l'infirmation du jugement,

- le rejet de la demande de reconnaissance d'une faute inexcusable,

- la condamnation de Mme [A] aux dépens et à lui verser 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.





Par conclusions du 31 octobre 2022 reprises oralement à l'audience devant la cour, Mme [A] demande :

- la confirmation du jugement,

- qu'il soit pris acte de ses demandes d'indemnisation à hauteur de 84.635 euros et la condamnation de la société [7] en conséquence,

- la condamnation de la société [7] à lui payer 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions orales à l'audience devant la cour, la CPAM de l'Isère s'en rapporte et demande la condamnation de l'employeur à lui rembourser toutes les sommes dont elle sera amenée à faire l'avance.



En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est donc expressément référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.






MOTIVATION





Sur la contestation du caractère professionnel de l'accident



1. - Il résulte des articles L. 452-1 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale que, pour engager la responsabilité de l'employeur, la faute inexcusable doit être la cause nécessaire de la maladie professionnelle dont est atteint le salarié (civ.2e 4 avril 2013 pourvoi n°12-13.600 Bull II n° 69). A cet égard, l'employeur reste fondé à contester, pour défendre à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie (civ.2e 5 novembre 2015, pourvoi n° 13-28.373, Bull. 2015, II, n° 247 ; dans le même sens civ.2e., 8 novembre 2018, pourvoi n° 17-25.843). Il résulte donc du principe de l'indépendance des rapports entre la victime, la caisse et l'employeur, que ce dernier reste fondé, nonobstant la reconnaissance faite par la caisse qui concerne les rapports caisse-salarié, à contester le caractère professionnel de la pathologie présentée par le salarié en défense à l'action en reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur engagée par ce dernier à son égard.





2. - La SAS [7] conteste le caractère professionnel d'un accident du 11 octobre 2012. Elle fait valoir que Mme [A] n'a pas présenté une brutale altération de ses facultés mentales, un burn-out étant antinomique avec un accident du travail puisqu'il ne peut résulter que de lésions apparues progressivement à la suite d'un investissement professionnel prolongé.



La société prétend également qu'il n'y a pas de preuve d'un fait accidentel au temps et au lieu du travail : aucune personne n'attesterait la réception d'un courriel à l'origine du burn-out ; la déclaration d'accident du travail ne mentionne aucun témoin ; le courriel en cause a été adressé le 9 octobre 2012 et non le 11, sa date de prise de connaissance n'étant pas justifiée ; la première personne avertie ne précise pas que l'état de Mme [A] découlait de la lecture d'un courriel ; seule Mme [A] l'allègue, et elle n'en a pas parlé à l'experte.



Enfin, l'appelante soutient que le lien entre le travail et l'état de Mme [A] n'est pas établi, l'attestation de son époux prouvant qu'elle se livrait par ailleurs à une activité de loueuse non professionnelle de meublés, au pluriel, et à de nombreuses tâches ménagères.





3. - Mme [A] réplique en faisant valoir que c'est bien la lecture d'un courriel professionnel qui l'a profondément choqué au point qu'elle a craqué sur son lieu de travail, du fait d'une trop grande charge de travail. Elle ajoute que le contenu du courriel importe peu car c'est une succession d'évènements qui a généré l'accident du travail.





4. - Il convient de retenir des éléments versés au débat que Mme [Y] [B], chef de projet au sein de la société [7], a attesté le 21 mai 2013 que : « Le 11 octobre 2012 dans l'après-midi, un collègue m'a prévenu que Mme [A] était en pleurs à son bureau. Je l'ai rejointe à son bureau et j'ai constaté également que Mme [A] était en pleurs, prostrée devant son ordinateur. Nous sommes allés discuter dans une salle de réunion pendant environ 1h00. Mme [A] m'a expliqué, je cite : « qu'elle n'en pouvait plus, que c'était trop dur pour elle, qu'elle n'y arrivait plus. » Mme [A] est en général une personne joviale, très enthousiaste et gaie, elle m'est apparue très déstabilisée, en pleurs, stressée, ne sachant plus où elle en était et en manque d'assurance. Je lui ai demandé si cette situation était d'ordre personnel et/ou professionnel, elle m'a répondu que le problème était uniquement professionnel, lié à une trop grosse charge de travail sur une très longue période de plusieurs années et qu'elle ne se sentait plus la force de continuer ainsi, qu'elle doutait de ses compétences. J'ai tenté de la rassurer sur ses compétences et le travail qu'elle a toujours fourni, ainsi que de l'assurer de mon soutien. Mme [A] est ensuite allée à l'infirmerie sur le site. »



Nonobstant l'argument selon lequel le contenu du courriel litigieux n'importerait pas, il y a lieu de constater que dans un courrier du 17 juin 2013 adressé à l'employeur, M. [G] [U], inspecteur du travail, a écrit qu'il avait entendu Mme [A] qui lui avait déclaré avoir « craqué » sur son poste de travail le 11 octobre 2012 à 14 heures « à la reprise », « après avoir lu le mail (du 9 octobre 2012, 1h42 PM, objet M-LSP Training ' Planning proposal, please validate » (avec en note de bas de page la mention d'un document conservé et communiqué, rédigé en anglais sans traduction). Toujours selon le courrier, elle s'est mise à pleurer durablement, à avoir eu des nausées et de la tension, et a déclaré à une collègue de proximité s'inquiétant de son état :« je ne m'en sors (') plus, trop de demandes, (qu'il) faut arrêter » ; cette dernière lui a indiqué de rentrer chez elle, puis au vu de son impossibilité à le faire, de se rendre à l'infirmerie, ce qu'elle a fait. L'inspecteur ajoute dans son courrier que « c'est dans ces circonstances de charge de travail déjà élevée que la salariée reçoit la demande du mail du 9 octobre 2012, lu le 11 octobre 2012. La complexité de la demande, la perspective de devoir faire une présentation avec en mémoire un précédent humiliant vécu début 2012, en Ecosse, et l'annonce d'un délai court, ont selon Mme [A] provoqué le choc émotionnel du 11 octobre 2012. »



Aucune partie ne justifie du courriel, mais les éléments de fait rapportés ci-dessus ne sont pas contestés par les parties.



Dès lors, il convient de constater que Mme [A] a subi devant témoin un malaise alors qu'elle était dans son bureau et devant son ordinateur, à la suite de la lecture d'un courriel professionnel au sujet d'une tâche à remplir, et qu'il en est résulté une lésion constatée médicalement dès le lendemain, et qualifiée de burn-out par le médecin traitant. L'existence d'un accident du travail est donc bien avérée, sans qu'il soit contredit par le fait que la surcharge de travail également invoquée résulterait d'une suite d'évènements indéterminés dans le temps, ou que les burn-out sont le résultat en général d'un excès d'investissement professionnel prolongé dans le temps. Il n'est pas, par ailleurs, établi que les tâches ménagères ou une éventuelle activité de location de meublés aient pu générer la pathologie constatée.



La cour considère donc, comme dans l'arrêt de la même chambre du 31 mars 2016 ayant reconnu le caractère professionnel de l'accident dans les rapports entre Mme [A] et la CPAM de l'Isère, que la lecture d'un mail professionnel constitue un fait précis et soudain survenu au temps et au lieu du travail et ayant constitué le fait générateur de l'état de choc émotionnel dont a été victime la salariée, et que le burn-out constaté médicalement est la conséquence de ce choc émotionnel, le fait que la salariée ait indiqué avoir subi des pressions et un stress professionnel depuis plusieurs mois n'enlevant pas à l'évènement survenu le 11 octobre 2012 son caractère de fait accidentel soudain survenu à l'occasion du travail.



Le jugement sera donc confirmé en ce qui concerne le rejet de la contestation du caractère professionnel de l'accident du 11 octobre 2012.





Sur l'existence d'une faute inexcusable



1. - Il résulte des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (civ.2e, 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-25.021 ; civ.2e, 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-26.677). Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie survenue au salarié mais qu'il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage (Cass. Ass. Plen., 24 juin 2005, pourvoi n°03-30.038).





2. - La société [7] fait d'abord valoir que l'impact du risque et la prévention sont difficiles à évaluer en ce qui concerne les chocs émotionnels puisqu'il s'agit d'un risque subjectif, ce qui est confirmé par les refus de prise en charge successifs de la caisse, de la commission de recours amiable et du tribunal des affaires de la sécurité sociale.



La société ajoute que les risques psychosociaux sont pris en compte en son sein (document unique d'évaluation des risques professionnels, plans de prévention des risques psychosociaux avec réunions d'équipe et visites médicales, aide aux managers, diffusion de supports, formations, entretiens individuels et études de charge de travail globale, actes de prévention nombreux avant comme après la survenance de l'accident à raison de 16 entre 2009 et 2012, comité d'entreprise, CHSCT, service médical au sein de l'établissement de [Localité 6]) : elle estime que, compte tenu du grand nombre d'actions entreprises et dont elle justifie par les éléments versés au débat, il ne saurait être soutenu que la société n'a pas pris les mesures nécessaires pour prévenir l'accident de Mme [A].



Elle souligne également à titre d'illustration une réunion sur les problèmes de surcharge de travail remontés en janvier 2011 ou un état des lieux effectué sur les problèmes remontés en juin 2011, avec une réelle prise en compte par le management de l'alerte constatée par le CHSCT, un nouvel état des lieux lui ayant été présenté en avril 2012.



La société [7] revient sur les observations de l'inspection du travail qui a constaté des horaires de Mme [A] dépassant la durée maximale quotidienne de travail, alors que la salariée était soumise à une convention de forfait-jour selon un avenant mal qualifié par le tribunal, et qu'en application de l'article L. 3121-48 du Code du travail (devenu L. 3121-62) elle n'était pas soumise aux dispositions relatives à la durée légale hebdomadaire et aux durées quotidiennes et hebdomadaires maximales de travail. Elle note que la salariée ne se plaint que de 5 jours en 2012 au-delà de la durée maximale de travail, inopérante en l'espèce.



La société [7] relève enfin qu'elle a réagi après l'accident en poursuivant ses actions de prévention, en revoyant le schéma d'organisation avec une répartition des tâches, et rejette l'argument sur la tardiveté de cette réaction puisque la politique de prévention existait déjà et que Mme [A] ne s'est jamais servie des outils et institutions mis en place pour prévenir les risques psychosociaux, en sachant que les nombreuses visites médicales entre 2002 et 2011 ne mentionnent aucune remarque sur les prétendues pressions et surcharges de travail, et alors qu'elle avait 17 ans d'ancienneté.





3. - Mme [A] fait valoir que l'accident trouve son origine dans une trop grande charge de travail dont son employeur n'a pas su la préserver, et une absence d'écoute face à sa détresse. Elle se prévaut des constatations de l'inspection du travail, reprises par les premiers juges, et de l'absence de justification de la réponse apportée par la société [7] au courrier de l'inspecteur.



Elle estime que le risque auquel elle était exposée est évalué sur la base de critères objectifs de temps de travail et que la subjectivité de son ressenti n'est pas un argument utile. Elle souligne que le risque de surcharge était bien identifié par son employeur, que les actions de préventions engagées étaient nécessaires et les institutions mises en place obligatoires, mais n'étaient pas suffisantes, l'organisation de son travail n'ayant pas fait l'objet d'une interrogation adaptée.



Mme [A] souligne que l'inspecteur du travail avait également noté un dysfonctionnement dans la pluralité des donneurs d'ordres de travail, leur dispersion, autant de facteurs supplémentaires de risque psychosociaux.



Elle prétend enfin avoir évoqué oralement les problèmes d'organisation du travail la concernant, les mesures préventives étant inefficaces et non suivies d'effets.





4. - Il convient de constater que la société [7] justifie d'une politique de prévention des risques psychosociaux en versant de nombreuses pièces au débat (DUERP, programmes annuels de prévention, courriels sur les réunions des instances concernées). Il découle en particulier du DUERP de mai 2012 qu'elle avait identifié comme risque psychosocial : la surcharge de travail liée à l'absence de collègues ou en lien avec des restrictions budgétaires, ou un surcroit d'activités, ou un dysfonctionnement, avec trois points de suspension, qui pouvait entraîner une dégradation de la santé physique et mentale, avec une fréquence de plus d'une fois par semaine mais moins d'une fois par jour et une gravité pouvant être très sérieuse ; un risque de pressions liées aux interfaces directes avec les clients internes ou externes, avec les mêmes conséquences et fréquences possibles, mais une gravité sérieuse ; mais également et notamment le dysfonctionnement et/ou la lourdeur des processus internes et des supports associés, un risque dû à une fréquence accrue des reportings, une différence de perception entre l'employé et le manager sur la fixation des objectifs ou sur les résultats obtenus, des sollicitations multiples et simultanées notamment par e-mails, etc.



L'employeur avait donc conscience du risque entraîné par une surcharge de travail ou des modalités de travail pouvant devenir dysfonctionnelles.





5. - Mme [A] avait été engagée par contrat de travail du 6 octobre 1995 comme assistante d'ingénieur pour un horaire de travail flexible, de 30 heures hebdomadaires de temps de présence sur la base de 37h30 de temps de présence répartis du lundi au jeudi. Un avenant signé par Mme [A] avec la direction des ressources humaines le 17 janvier 2001 prévoyait qu'elle relevait de la catégorie des cadres au forfait jour, à raison de 205 jours en moyenne par année complète. Il n'est pas contesté que Mme [A] a demandé et obtenu un temps de travail réduit à 90 % à compter de 2007 à raison de 7h45 par jour et 4,5 jours par semaine, avec 11 jours choisis par an et 9 jours de RTT.



Il a été constaté par l'inspecteur du travail, dans son courrier du 17 juin 2013, que Mme [A] présentait des relevés horaires confirmés par la direction de l'employeur, qui révélaient 12 heures de travail le jeudi 6 septembre 2012, 10h45 le mardi 11, 12h30 le mardi 2 octobre, 10h45 le jeudi 4 et 10h30 le mardi 9. Sans qu'il soit utile de déterminer le régime applicable pour apprécier la légalité de ces durées de travail, il convient de retenir que ces durées confirment la réalité de la surcharge de travail dont souffrait Mme [A] avec des journées de travail fréquemment supérieures à 10 heures par jour, dans les temps précédant son accident du travail.



Par ailleurs, il n'est pas contesté que le mail litigieux comportait une demande complexe avec la perspective de devoir faire une présentation, et l'annonce d'un délai court.



Enfin, si la société [7] justifie de mesures générales de prévention et d'organisation du travail, elle ne verse aucun document spécifique sur les mesures prises en ce qui concerne le poste de Mme [A], ses attributions et les modalités de son travail, pour contredire les propos de la salariée sur l'activité en croissance, les moyens qui ne suivaient pas, les changements de systèmes informatiques, les évaluations professionnelles déstabilisantes et le rythme des consignes données. Il n'est aucunement justifié de la prise en compte des risques psychosociaux, identifiés de manière générale, dans l'organisation effective du travail de Mme [A], et il ne saurait être reproché à celle-ci de ne pas prouver avoir eu recours aux outils mis en place, puisqu'elle a présenté un burn-out qui découle de son surinvestissement professionnel et donc de l'enthousiasme présenté par sa collègue.



Mme [A] apporte donc la preuve qu'elle était en surcharge de travail et que son employeur, malgré les dispositifs généraux de prévention mis en place, n'a pas pris de mesures adaptées afin de prendre en compte spécifiquement sa situation personnelle et ses conditions de travail effectives.



Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a reconnu l'existence d'une faute inexcusable.





Sur les conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable



Le jugement a, en conséquence de cette reconnaissance de faute inexcusable, ordonné la majoration de la rente servie à Mme [A], l'allocation d'une provision de 3.000 euros sur la réparation de ses préjudices et l'organisation d'une mesure d'expertise médicale pour aider cette évaluation.



L'expertise ayant été achevée en cours d'instance devant la cour d'appel, Mme [A] demande l'évocation de ses demandes d'indemnisation, ce à quoi s'oppose la société [7] qui demande à bénéficier du double degré de juridiction sur cette partie du litige.



Il convient de rappeler que l'article 568 du Code de procédure civile prévoit que lorsque la cour d'appel infirme ou annule un jugement qui a ordonné une mesure d'instruction, ou qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction.



Dès lors que la cour confirme le jugement de première instance, elle ne peut pas évoquer l'évaluation des préjudices personnels de Mme [A].



Le jugement sera donc confirmé en son intégralité et Mme [A] sera déboutée de ses demandes d'indemnisation sur évocation.





Sur les frais de procédures



Les dépens seront mis à la charge de la SA [7].



L'équité et la situation des parties justifient que Mme [A] ne conserve pas l'intégralité des frais exposés pour faire valoir ses droits et la SA [7] sera condamnée à lui payer une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS





La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,



Confirme en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble du 21 janvier 2021,



Y ajoutant,



Déboute Mme [I] [A] de ses demandes d'indemnisation par évocation,



Condamne la SAS [7] aux dépens de la procédure d'appel,



Condamne la SAS [7] à payer à Mme [I] [A] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par M. DELAVENAY, Président et par M. OEUVRAY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





Le Greffier Le Président

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