16 février 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 22/13579

Pôle 1 - Chambre 2

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 16 FEVRIER 2023



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/13579 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGGL3



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 01 Juillet 2022 -Président du TC de PARIS - RG n° 2021061223





APPELANTE



S.A.S. CAFPI, RCS d'EVRY sous le numéro 510 302 953



[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assistée à l'audience par Me Hélène DJEYARAMANE, avocat au barreau de PARIS, toque : A861





INTIMEE



S.A.R.L. ARTEMIS COURTAGE, RCS de Paris sous le numéro 512 444 282



[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée à l'audience par Me Sébastien DOMINGUEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D2004





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Janvier 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller chargé du rapport,

Michèle CHOPIN, Conseillère,



Qui en ont délibéré,



Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.




******



EXPOSÉ DU LITIGE



Par requête datée du 14 octobre 2021, la société Cafpi a sollicité du président du tribunal de commerce de Paris une mesure d'instruction contre la société Artemis Courtage, société concurrente.



Par ordonnance en date du 21 octobre 2021, il a été fait droit à la demande.



Par acte d'huissier de justice du 22 décembre 2021, la société Artemis Courtage a assigné la société Cafpi devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de voir :

à titre principal,

- juger recevable et bien fondée la société Artemis Courtage en ses demandes, fins et prétentions ;

- rétracter, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue sur requête par M. le président du tribunal de commerce de Paris le 21 octobre 2021 ;

en conséquence,

- déclarer nuls les procès-verbaux de constat dressés le 25 novembre 2021 par les études d'huissiers de justice [M] [E], [K] [A] et [N] [C] [G] [P] [J], et tous les actes pris sur le fondement de ladite ordonnance ;

- ordonner la restitution au profit de la société Artemis Courtage de l'ensemble des documents et données appréhendés par les études d'huissiers de justice [M] [E], [K] [A] et [N] [C] [G] [P] [J] en exécution de ladite ordonnance ;

- faire interdiction aux études d'huissiers de justice [M] [E], [K] [A] et [N] [C] [G] [P] [J] et aux experts informatiques qui les ont accompagnés de faire mention de ou de révéler, par quelque moyen que ce soit et à quelque titre que ce soit, tout ou partie des informations auxquelles ils ont eu accès dans le cadre des opérations menées en application de ladite ordonnance ;

à titre subsidiaire,

- rétracter l'ordonnance rendue sur requête par M. le président du tribunal de commerce de Paris le 21 octobre 2021 en toutes ses dispositions à l'exception de celles concernant les allégations relatives au détournement de clientèle qui aurait été prétendument mis en oeuvre par la société Artemis courtage via (i) M. [O] [T] sur la période du 03 janvier 2021 au 21 octobre 2021, (ii) M. [B] [R] sur la période du 18 août 2020 au 21 octobre 2021, et (iii) Mme [Y] [W] sur la période du 21 février 2021 au 21 octobre 2021 ;

en conséquence,

- déclarer nulles les dispositions des procès-verbaux de constat dressés le 25 novembre 2021 par les études d'huissiers de justice [M] [E], [K] [A] et [N] [C] [G] [P] [J], et tous les actes pris sur le fondement de ladite ordonnance, à l'exception des dispositions et des actes concernant les allégations relatives au détournement de clientèle qui aurait été prétendument mis en oeuvre par la société Artemis Courtage via (i) M. [O] [T] sur la période du 03 janvier 2021 au 21 octobre 2021, (ii) M. [B] [R] sur la période du 18 août 2020 au 21 octobre 2021, et (iii) Mme [Y] [W] sur la période du 21 février 2021 au 21 octobre 2021 ;





- ordonner la restitution au profit de la société Artemis courtage de l'ensemble des documents et données appréhendés par les études d'huissiers de justice [M] [E], [K] [A] et [N] [C] [G] [P] [J] en exécution des dispositions de ladite ordonnance à l'exception des documents et données informatiques concernant les allégations relatives au détournement de clientèle qui aurait été prétendument mis en oeuvre par la société Artemis Courtage via (i) M. [O] [T] sur la période du 3 janvier 2021 au 21 octobre 2021, (ii) M. [B] [R] sur la période du 18 août 2020 au 21 octobre 2021, et (iii) Mme [Y] [W] sur la période du 21 février 2021 au 21 octobre 2021 ;

- faire interdiction aux études d'huissiers de justice [M] [E], [K] [A] et [N] [C] [G] [P] [J] et aux experts informatiques qui les ont accompagnées de faire mention de ou de révéler, par quelque moyen que ce soit et à quelque titre que ce soit, l'ensemble des documents et données appréhendés par lesdites études d'huissiers et experts en exécution des dispositions de ladite ordonnance auxquels ils ont eu accès dans le cadre des opérations menées en application de ladite ordonnance, à l'exception des documents et données informatiques concernant les allégations relatives au détournement de clientèle qui aurait été prétendument mis en oeuvre par la société Artemis Courtage via (i) M. [O] [T] sur la période du 03 janvier 2021 au 21 octobre 2021, (ii) M. [B] [R] sur la période du 18 août 2020 au 21 octobre 2021, et (iii) Mme [Y] [W] sur la période du 21 février 2021 au 21 octobre 2021 ;

en tout état de cause,

- condamner la société Cafpi à verser à la société Artemis Courtage la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Cafpi aux entiers dépens de l'instance.



En défense, la société Cafpi a sollicité le rejet des demandes formées par la société Artemis Courtage, outre 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux dépens.



Par ordonnance contradictoire du 1er juillet 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :



- rétracté l'ordonnance rendue sur requête par M. le président du tribunal de commerce de Paris le 21 octobre 2021, déclaré nulles les dispositions des procès-verbaux de constat dressés à l'occasion des opérations initiées le 25 novembre 2021 et ordonné la destruction des documents et données appréhendées par les études d'huissiers de justice [M] [E], [K] [A] et [N] [C] [G] [P] [J] en exécution des dispositions de ladite ordonnance ; cette destruction ne pourra avoir lieu qu'une fois le délai d'appel expiré ou, en cas d'appel, qu'une décision a été rendue par la cour d'appel ;

- débouté la société Cafpi de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la société Cafpi à verser à la société Artemis Courtage la somme de 6.000 euros déboutant pour le surplus sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Cafpi aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 41,93 euros TTC dont 6,78 euros de TVA ;

- rappelé que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l'article 514 du code de procédure civile.



Par déclaration du 16 juillet 2022, la société Cafpi a relevé appel de la décision.



Dans ses conclusions remises le 25 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Cafpi demande à la cour de :



- infirmer la décision rendue par le président du tribunal de commerce de Paris en date du 1er juillet 2022 en ce qu'elle a :






rétracté l'ordonnance rendue sur requête par M. le président du tribunal de commerce de Paris le 21 octobre 2021, déclaré nulles les dispositions des procès-verbaux de constat dressés à l'occasion des opérations initiées le 25 novembre 2021 et ordonné la destruction des documents et données appréhendées par les études d'huissiers [M] [E], [K] [A] et [N] [C] [G] [P] [J] en exécution des dispositions de ladite ordonnance. Cette destruction ne pourra avoir lieu qu'une fois le délai d'appel expiré ou, en cas d'appel, qu'une décision rendue par la cour d'appel,

débouté la société Cafpi de l'ensemble de ses demandes,

condamné la société Cafpi à verser à la société Artemis Courtage la somme de 6.000 euros déboutant pour le surplus sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Cafpi aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 41,93 euros TTC dont 6,78 euros de TVA ;


par conséquent,

- débouter la société Artemis Courtage de l'ensemble de ses demandes en ce qu'elle avait sollicité en première instance de :

à titre principal,


juger recevable et bien fondée la société Artemis Courtage en ses demandes, fins et prétentions,

rétracter, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue sur requête par M. le président du tribunal de commerce de Paris le 21 octobre 2021,


en conséquence,


déclarer nuls les procès-verbaux de constat dressés le 25 novembre 2021 par les études d'huissiers de justice [M] [E], [K] [A] et [N] [C] [G] [P] [J], et tous les actes pris sur le fondement de ladite ordonnance,

ordonner la restitution au profit de la société Artemis Courtage de l'ensemble des documents et données appréhendés par les études d'huissiers de justice [M] [E], [K] [A] et [N] [C] [G] [P] [J] en exécution de ladite ordonnance,

faire interdiction aux études d'huissiers [M] [E], [K] [A] et [N] [C] [G] [P] [J] et aux experts informatiques qui les ont accompagnés de faire mention de ou de révéler, par quelque moyen que ce soit et à quelque titre que ce soit, tout ou partie des informations auxquelles ils ont eu accès dans le cadre des opérations menées en application de ladite ordonnance,


à titre subsidiaire,


rétracter l'ordonnance rendue sur requête par M. le président du tribunal de commerce de Paris le 21 octobre 2021 en toutes ses dispositions à l'exception de celles concernant les allégations relatives au détournement de clientèle qui aurait été prétendument mis en oeuvre par la société Artemis Courtage via (i) M. [O] [T] sur la période du 03 janvier 2021 au 21 octobre 2021, (ii) M. [B] [R] sur la période du 18 août 2020 au 21 octobre 2021, et (iii) Mme [Y] [W] sur la période du 21 février 2021 au 21 octobre 2021,


en conséquence,


déclarer nulles les dispositions des procès-verbaux de constat dressés le 25 novembre 2021 par les études d'huissiers de justice [M] [E], [K] [A] et [N] [C] [G] [P] [J], et tous les actes pris sur le fondement de ladite ordonnance, à l'exception des dispositions et des actes concernant les allégations relatives au détournement de clientèle qui aurait été prétendument mis en oeuvre par la société Artemis Courtage via (i) M. [O] [T] sur la période du 03 janvier 2021 au 21 octobre 2021, (ii) M. [B] [R] sur la période du 18 août 2020 au 21 octobre 2021, et (iii) Mme [Y] [W] sur la période du 21 février 2021 au 21 octobre 2021,















ordonner la restitution au profit de la société Artemis Courtage de l'ensemble des documents et données appréhendés par les études d'huissiers de justice [M] [E], [K] [A] et [N] [C] [G] [P] [J] en exécution des dispositions de ladite ordonnance à l'exception des documents et données informatiques concernant les allégations relatives au détournement de clientèle qui aurait été prétendument mis en oeuvre par la société Artemis Courtage via (i) M. [O] [T] sur la période du 3 janvier 2021 au 21 octobre 2021, (ii) M. [B] [R] sur la période du 18 août 2020 au 21 octobre 2021, et (iii) Mme [Y] [W] sur la période du 21 février 2021 au 21 octobre 2021,

faire interdiction aux études d'huissiers de justice [M] [E], [K] [A] et [N] [C] [G] [P] [J] et aux experts informatiques qui les ont accompagnées de faire mention de ou de révéler, par quelque moyen que ce soit et à quelque titre que ce soit, l'ensemble des documents et données appréhendés par lesdites études d'huissiers et experts en exécution des dispositions de ladite ordonnance auxquels ils ont eu accès dans le cadre des opérations menées en application de ladite ordonnance, à l'exception des documents et données informatiques concernant les allégations relatives au détournement de clientèle qui aurait été prétendument mis en oeuvre par la société Artemis Courtage via (i) M. [O] [T] sur la période du 03 janvier 2021 au 21 octobre 2021, (ii) M. [B] [R] sur la période du 18 août 2020 au 21 octobre 2021, et (iii) Mme [Y] [W] sur la période du 21 février 2021 au 21 octobre 2021,


- condamner la société Artemis Courtage au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Artemis Courtage aux entiers dépens.



La société Cafpi soutient en substance :



- que le recours à la procédure non-contradictoire était parfaitement justifié pour établir ou mesurer l'ampleur du détournement de clientèle et de prospects et pour établir et mesurer l'ampleur du débauchage déloyal ;



- qu'elle n'a jamais entendu recourir à la procédure sur requête pour agir au titre de la violation de la clause de non-concurrence ;



- qu'elle a notamment rapporté la preuve de douze détournements de clientèle dont elle a été victime ;



- qu'elle a subi un départ massif de ses mandataires d'intermédiaires en opérations de banque qui ont rejoint la société Artemis Courtage, avec un taux anormalement bas de concrétisation des dossiers qui avait été gérés par les mandataires partis ;



- qu'un débat contradictoire aurait fait courir un risque conséquent de voir les éléments de preuve disparaître, s'agissant d'éléments informatiques et compte tenu des faits de concurrence déloyale mis en exergue.



Dans ses conclusions remises le 02 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Artemis Courtage demande à la cour, au visa des articles 145, 146, 490, 493, 496 et 700 du code de procédure civile, de :



- juger mal fondé l'appel formé par la société Cafpi contre l'ordonnance de référé rendue sur requête par M. le président du tribunal de commerce de Paris le 1er juillet 2022 ;

en conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue sur requête par M. le président du tribunal de commerce de Paris le 1er juillet 2022 ;

en tout état de cause,

- débouter la société Cafpi de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;



- condamner la société Cafpi au paiement de 10.000 euros au bénéfice de la société Artemis Courtage au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Cafpi aux entiers dépens de l'instance.



La société Artemis Courtage soutient en substance :



- que le prétendu débauchage massif ne concerne que 13 collaborateurs sur 1.600, qui ont quitté six agences sur une période de plus de six mois ;



- que les prétendus détournements de clientèle ne concernent que 12 dossiers clients sur les 40.000 dossiers annuels de Cafpi, initiés sur une période de plusieurs mois par seulement trois des 13 ex-collaborateurs cités ;



- qu'aucune preuve n'est fournie s'agissant du taux de non-concrétisation de ses dossiers clients ;



- que la crainte de voir disparaître certains supports informatiques n'est pas établie, crainte qui ne saurait concerner au demeurant les contrats ou mandats ;



- que Cafpi a omis de préciser avoir reçu plusieurs autres courriers en réponse à ses allégations, en particulier émanant des mandataires concernés, ainsi qu'un courrier d'Artemis répondant aux allégations formulées.




SUR CE LA COUR



L'article 493 du code de procédure civile dispose que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.



En outre, aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.



L'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime, c'est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. Elle doit être pertinente et utile.



Ainsi, si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n'est pas manifestement voué à l'échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.



De plus, si la partie demanderesse dispose d'ores et déjà de moyens de preuves suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d'instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.



Enfin, ni l'urgence ni l'absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d'application de ce texte.



En l'espèce, il faut rappeler qu'il appartient à la société Cafpi de démontrer, avec une suffisante crédibilité, les faits qu'elle invoque, pour que soit caractérisé un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile.



C'est également à la société Cafpi de prouver que le recours à la procédure sur requête était nécessaire, s'agissant d'une dérogation au principe de la contradiction.



Dans ses dernières écritures, la société appelante précise à ce propos que le caractère non contradictoire se justifie pour les griefs de débauchage et de détournement de clientèle, et non pour un grief de violation de la clause de non-concurrence pour ses anciens collaborateurs.



Dès lors, les développements des parties sur ce dernier point sont inopérants et c'est à l'aune des deux autres griefs qu'il convient d'examiner le bien-fondé de la procédure sur requête.



Or, nonobstant les erreurs matérielles affectant l'ordonnance (interversions sur les noms des sociétés), force est de relever :



- que, s'agissant du débauchage massif voire simplement déloyal allégué, la société intimée relève, sans être contestée sur ce point par la société appelante, que seuls onze mandataires et deux salariés, travaillant dans six agences distinctes (situées à [Localité 6], [Localité 9], [Localité 5], [Localité 11], [Localité 10] et [Localité 7]), ont quitté la société Cafpi sur une période de six mois, soit une proportion très faible ;



- que ces départs, inhérents à la vie des affaires s'agissant de personnels travaillant dans un secteur d'activité et rejoignant une société concurrente, doivent être mis en rapport avec la taille de l'entreprise, la société Cafpi ayant 230 agences et 1.600 collaborateurs, de sorte que le débauchage supposé, qui supposerait un départ simultané et organisé de collaborateurs, n'est en rien établi, peu important dans ces conditions que sept collaborateurs soient partis d'une seule et même agence, soit l'agence Cafpi de [Localité 8] ;



- que, par ailleurs, il apparaît que les détournements de clientèle allégués ne concernent, en réalité, que douze dossiers clients, initiés sur une période de quatre mois, par trois collaborateurs (M. [T], M. [R] et Mme [W]) ;



- que si la société Cafpi indique aussi qu'il existerait un taux anormalement bas de concrétisation des dossiers montés par ses collaborateurs partis, la société Artemis Courtage oppose valablement que le niveau de proportion n'est pas indiqué, aucun élément de preuve n'étant fourni sur ce point ;



- que le listing présenté sous forme de tableau (pièce 17) mentionnant 6.444 dossiers ouverts chez Cafpi puis non concrétisés n'établit pas qu'ils auraient été récupérés par Artemis Courtage au terme d'un processus de détournement de clientèle mis en place, le lien entre ces dossiers et l'action d'anciens collaborateurs passés chez l'intimée n'étant pas établi ;



- que la société Cafpi ne peut être suivie lorsqu'elle estime que les agissements répréhensibles d'un seul mandataire suffiraient à caractériser un motif légitime, alors que la simple crédibilité des faits repose, à tout le moins, sur des indices d'agissements organisés par la société Artemis Courtage, de nature à justifier une mesure se déroulant au sein de cette société concurrente ;



- que, dans ces circonstances, les suppositions présentées au soutien de la requête, présentant un caractère purement spéculatif, n'apparaissent pas crédibles, pour justifier d'un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile ;



- que, de plus, la dérogation au principe de la contradiction suppose que la société Cafpi établisse un risque de dépérissement des preuves ou la nécessité d'un effet de surprise ;



- qu'il sera relevé que plusieurs documents sollicités par la Cafpi ne sont pas susceptibles d'être détruits par la société intimée, à savoir les contrats de travail ou les mandats conclus par Artemis Courtage avec ses collaborateurs, étant observé que la société Cafpi expose sans fondement et de manière purement hypothétique que des contrats de travail modifiés, soient des faux, auraient pu être communiqués par Artemis Courtage dans le cadre d'un recours à une procédure contradictoire ;



- qu'il n'est pas plus établi que, même conservées sur support informatique, les données clients d'Artemis Courtage auraient pu être détruites en cas de recours à une procédure contradictoire, étant observé que l'intimée est soumise à une obligation de conservation des mandats clients pendant dix ans, ce point là n'étant pas non plus contesté par l'appelante ;



- que, pourtant, les faits présentés au soutien de la requête, même à les supposer crédibles, devraient être démontrés par les contrats signés par les collaborateurs et par les données clients de la société Artemis Courtage, soit autant de documents dont le risque de destruction n'est pas caractérisé ;



- qu'enfin, la société Artemis Courtage produit un courrier du 27 janvier 2021, dans lequel elle répond à la société Cafpi s'agissant d'accusations de campagne de débauchage, d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme ;



- qu'il s'en déduit que les accusations en cause avaient déjà été portées à la connaissance de l'intimée par l'appelante, avant l'introduction de la procédure sur requête ;



- que, dès lors, le litige, déjà né entre les parties, avait donné lieu à des échanges, de sorte que la société Cafpi ne peut non plus se prévaloir d'un nécessaire effet de surprise.



Aussi, au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise, en ce compris le sort des dépens et frais de première instance exactement réglé par le premier juge, tant le motif légitime de la mesure que la nécessité de déroger au principe de la contradiction par le recours à la procédure sur requête n'étant pas établis.



A hauteur d'appel, la société appelante devra indemniser l'intimée pour ses frais non répétibles exposés et sera condamnée aux dépens d'appel.



PAR CES MOTIFS



Confirme l'ordonnance entreprise ;



Y ajoutant,



Rejette les autres demandes ;



Condamne la société Cafpi à verser à la société Artemis Courtage la somme de 4.000 euros à hauteur d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne la société Cafpi aux dépens d'appel.



LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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