16 février 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/14939

Pôle 4 - Chambre 11

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 16 FÉVRIER 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/14939

N° Portalis 35L7-V-B7F-CEG7E



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2021 -TJ de BOBIGNY - RG n° 17/03947



APPELANT



FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentée par Me Alain LABERIBE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1217



INTIMES



Monsieur [X] [J]

[Adresse 4]

[Localité 6]

né le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 11] (France)

Représenté par Me Caroline CARRÉ-PAUPART, avocat au barreau de PARIS, toque : E1388



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT DENIS

[Adresse 1]

[Localité 7]

n'a pas constitué avocat



Etablissement Public CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentée par Me Omar YAHIA de la SELARL YAHIA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0068



COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 08 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.



Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE





ARRET :



- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nina TOUATI, présidente de chambre pour la présidente de chambre empêchée et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.




FAITS ET PROCÉDURE



Le 3 décembre 2012, alors qu'il se rendait sur son lieu de travail à vélo, M. [X] [J] a été victime d'un accident de la circulation, ayant été percuté par un camion qui entreprenait de le doubler.



Le camion a pris la fuite à la suite de la collision, et son auteur n'a jamais pu être identifiée de sorte que la plainte déposée par M. [J] le 28 janvier 2014 a été classée sans suite par le procureur de la République de Bobigny.



Le 6 mars 2014, M. [J] a saisi le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO), lequel lui a alloué une provision d'un montant de 40 000 euros, et a désigné en qualité d'expert le Docteur [H], qui a établi son rapport le 29 septembre 2016.



M. [J] a fait assigner le FGAO, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (la CPAM) ainsi que le Centre hospitalier de Saint-Denis, son employeur, aux fins d'indemnisation de son préjudice.



Par jugement du 9 avril 2019, le tribunal de grande instance de Bobigny a procédé à la liquidation du préjudice corporel de M. [J], sursis à statuer sur les postes de perte de gains professionnels futurs, d'incidence professionnelle et de déficit fonctionnel permanent jusqu'à ce que le montant de la rente accident du travail qui sera allouée à M. [J] soit connu, renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 10 décembre 2019 pour permettre au demandeur de justifier du montant de la rente accident du travail versée par son organisme de sécurité sociale et de conclure sur les postes objet du sursis à statuer.



Par jugement du 6 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Bobigny, a :

- dit que le préjudice de M. [J] s'établit comme suit :

- 92 834,20 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs

- 25 000 euros au titre de l'incidence professionnelle

- 51 500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- débouté M. [J] du surplus de ses demandes,

- dit que le FGAO sera tenu au versement des indemnités ci-dessus fixées, avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement,

- condamné le FGAO à payer à M. [J] une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé au FGAO la charge des dépens, comprenant les frais d'expertise,

- déclaré la décision commune et opposable à la CPAM,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.



Par déclaration du 20 août 2021, le FGAO a interjeté appel de ce jugement en critiquant expressément chacune de ses dispositions, sauf celles relatives au rejet du surplus des demandes de M. [J], et à la déclaration de jugement commun et opposable à la CPAM.



Par ordonnance d'incident du 13 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a constaté l'exécution de la décision dont appel par le FGAO et dit que la demande de radiation de l'affaire du rôle de la cour était devenue sans objet.



PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES



Vu les conclusions du FGAO, notifiées le 18 mars 2022, aux termes desquelles, il demande à la cour, de :

Vu les articles L.421-1 et R.421-13 du code des assurances,

- juger le FGAO recevable et bien fondé en son appel,

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- dit que le préjudice de M. [J] s'établit comme suit :

- 92 834,20 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs

- 25 000 euros pour l'incidence professionnelle

- 51 500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

- dit que le FGAO sera tenu au versement des indemnités ci-dessus fixées, avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement

- condamné le FGAO à payer à M. [J] une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- laissé au FGAO la charge des dépens, comprenant les frais d'expertise

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

Statuant à nouveau,

- juger qu'il appartient à M. [J] de produire :

- un relevé complet ou une attestation du CGOS Ile de France précisant l'intégralité des prestations versées depuis l'accident

- une créance actualisée de son organisme social détaillant le capital et les arrérages de l'allocation temporaire d'invalidité (ATI) et de la pension d'invalidité versées, conformément à la demande du tribunal judiciaire de Bobigny dans son jugement du 9 avril 2019,

Sous cette réserve,

- rejeter la demande formée au titre des pertes de gains professionnels futurs,

- retenir une indemnité de 20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle dont à déduire l'ATI et la pension d'invalidité, dont bénéficie M. [J],

- retenir au titre du déficit fonctionnel permanent la somme de 37 500 euros, dont à déduire le reliquat de l'allocation temporaire d'invalidité et de la pension d'invalidité versées, après imputation sur l'indemnité retenue au titre de l'incidence professionnelle,

- débouter M. [J] de son appel incident, et du surplus de ses demandes, y compris celle formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappeler que le FGAO ne peut être condamné aux dépens, qui ne figurent pas au rang des charges qu'il est tenu d'assurer.



Vu les conclusions de M. [J], notifiées le 22 décembre 2021, aux termes desquelles il demande à la cour de :

Vu les dispositions de la loi du 5 juillet 1985,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que M. [J] a été victime d'un accident indemnisable par le FGAO,

- infirmer le jugement entrepris quant aux sommes allouées à M. [J] en indemnisation de son préjudice,

Statuant de nouveau,

- condamner le FGAO à verser les sommes suivantes à M. [J] :

- pertes de gains futurs : 100 792,55 euros

- incidence professionnelle - situation d'exclusion sociale prématurée : 50 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 57 500 euros,

- confirmer la condamnation du FGAO en première instance à payer à M. [J] au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 2 500 euros,

- condamner le FGAO à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Le Centre hospitalier de [Localité 8] a constitué avocat mais n'a pas conclu.



La CPAM, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 14 octobre 2021, par acte d'huissier de justice délivré à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.




MOTIFS DE LA DÉCISION



Il n'y a pas lieu de 'confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que M. [J] a été victime d'un accident indemnisable par le FGAO', le dispositif du jugement ne comportant pas une telle affirmation.



Sur l'indemnisation de M. [J]



L'expert, le Docteur [H], a indiqué dans son rapport en date du 29 septembre 2016, que M. [J] a présenté à la suite de l'accident du 3 décembre 2012 une fracture comminutive des deux os de la jambe gauche ouverte Cauchoix III avec atteinte vasculaire (thrombose de l'artère tibiale postérieure, section de l'artère fibulaire antérieure) et qu'il conserve comme séquelles une amyotrophie de la jambe gauche, une légère instabilité avec Lachmann + du genou gauche, un remaniement de la jambe gauche avec perte de substance au niveau de la partie distale, une raideur de la tibio-tarsienne, de la sous-astragalienne et du médio-pied avec une déviation en varus de l'arrière pied, une légère limitation de la force musculaire du releveur du gros orteil et des péroniers latéraux, des troubles sensitifs en regard et une boiterie gauche avec une tendance à l'éversion du pied.



Il a conclu notamment ainsi qu'il suit :

- consolidation au 8 avril 2016

- déficit fonctionnel permanent de 25 %

- assistance permanente par tierce personne de 2 heures par semaine pour les activités ménagères

- incidence professionnelle : inaptitude au poste antérieur d'employé de restauration, les séquelles justifient un aménagement de poste, un poste sédentaire

- aménagements : aménagement de la voiture avec boîte automatique

- préjudice d'agrément : incapacité pour la pratique du jogging et gêne importante pour la pratique du vélo.



Son rapport constitue, sous les précisions qui suivent, une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 3] 1959, de son activité d'agent d'entretien à l'Hôpital [10] à [Localité 8] lors de l'accident, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.



Par ailleurs, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié par la Gazette du palais du 15 septembre 2020 taux d'intérêts 0 % dont l'application est sollicitée par la victime et qui est le plus approprié en l'espèce pour assurer la réparation intégrale du préjudice corporel qu'elle a subi.



- Sur la perte de gains professionnels futurs

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.



Le FGAO relève que M. [J] a conservé l'intégralité de sa rémunération jusqu'à sa mise à la retraite pour invalidité et qu'il a bénéficié de l'évolution indiciaire de son traitement.

Il admet qu'à la date de l'accident le traitement indiciaire de M. [J] était de 1 477,06 euros mais retient comme revenu de référence le revenu net imposable de l'année 2012, soit 20 102,47 euros.



Il conclut à la réformation de la décision et à ce que la cour prononce un sursis à statuer jusqu'à ce que M. [J] produise un relevé complet du CGOS justifiant de l'intégralité des prestations versées depuis l'accident et une créance actualisée de l'organisme social détaillant le capital et les arrérages de l'allocation temporaire d'invalidité et de la pension d'invalidité versées à M. [J].



Il précise sur ce point que le relevé des prestations de maladie du CGOS pour la période du 24 juillet au 23 décembre 2018, ne fait pas état d'une créance définitive et qu'il faut tenir compte de l'allocation temporaire d'invalidité qui a été versée à M. [J] même après sa mise à la retraite ; pour la période postérieure au 1er avril 2019, le FGAO oppose que M. [J] n'a pas communiqué une créance actualisée de la CNRACL détaillant le capital et les arrérages de la rente d'invalidité.





Le FGAO soutient en outre que sans l'accident M. [J] aurait pu faire valoir ses droits à la retraite en 2019 et que la durée du congé est assimilée à une période de service effectif pour l'avancement et les droits à la retraite de sorte que M. [J] ne justifie pas en quoi l'accident aurait eu une incidence sur ses droits à la retraite.



M. [J] fait valoir qu'à la suite de l'accident il a été en arrêt de travail jusqu'à sa mise à la retraite pour inaptitude à partir du 1er avril 2019 ; il demande la confirmation du jugement sur le calcul de sa perte de gains professionnels futurs, à compter de la date de la consolidation de son état jusqu'au 31 mars 2019, sur la base du revenu de référence de 1 477,06 euros retenu par le tribunal, avec application du pourcentage d'évolution indiciaire, dont il soutient ne pas avoir bénéficié dans le cadre du maintien de salaire.



Il impute les indemnités de maladie perçues du CGOS en précisant que la prime pour départ à la retraite, qui ne peut s'analyser comme un salaire, ne peut être prise en compte.



Pour la période postérieure, il sollicite l'infirmation du jugement et un calcul de sa perte de gains professionnels futurs tenant compte de l'évolution indiciaire à appliquer sur son revenu de référence et d'une capitalisation viagère de sa perte de revenus ; il impute les sommes versées par la CNRACL en précisant qu'il a produit un décompte définitif de pension.



Sur ce, M. [J] était agent de la fonction publique hospitalière lors de l'accident et celui-ci a été pris en charge en tant qu'accident de trajet.



L'expert, le Docteur [H] a fixé la date de la consolidation de l'état de M. [J] au 8 avril 2016 et a estimé que M. [J] pouvait bénéficier d'un aménagement de poste pour occuper un emploi sédentaire.



Néanmoins, il ressort de la lettre du directeur des ressources humaines du groupement hospitalier de territoire [Localité 8] [Localité 12], en date du 7 mai 2018, que le médecin du travail a considéré que M. [J] était inapte à toutes fonctions, à compter du 24 avril 2018, date de consolidation retenue, et que dans l'attente d'une procédure de retraite pour invalidité, les arrêts de travail devaient être régularisés en maladie ordinaire.



Par ailleurs, il est justifié que la Commission de réforme des fonctionnaires des collectivités locales, dans sa séance du 26 juin 2018, a décidé de placer M. [J] en retraite pour invalidité à compter du 1er avril 2019.



M. [J] qui n'a jamais repris son travail du fait de l'accident du 3 décembre 2012, est donc fondé en sa demande d'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs pour la période échue à compter de la date de la consolidation fixée par l'expert judiciaire au 8 avril 2016.



La perte de gains professionnels futurs subie par M. [J] doit être fixée sur la base du revenu qu'il percevait lors de l'accident, en tenant compte de l'évolution indiciaire.



Les parties s'accordent pour reconnaître que lorsque l'accident est survenu le traitement indiciaire de M. [J] était de 1 477,06 euros ; il ressort des bulletins de salaire des mois de janvier 2012 à janvier 2019 inclus qui ont été communiqués, d'une part, qu'outre son traitement indiciaire, qui correspond à un montant brut, M. [J] percevait diverses indemnités et, d'autre part, que M. [J] a bien bénéficié, dans le cadre du maintien de sa rémunération, de l'évolution indiciaire de son traitement.



Le calcul opéré par le FGAO qui retient comme revenu de référence le seul revenu net imposable de l'année 2012 est donc erroné puisqu'il omet ainsi de tenir compte de l'évolution indiciaire du traitement au cours du temps.



En revanche, le calcul opéré par le tribunal doit être validé en ce qu'il permet de tenir compte tant des accessoires de salaire que percevait M. [J] que de l'évolution indiciaire du traitement de base.



Le jugement doit en conséquence être confirmé dans le détail du calcul des revenus attendus et des revenus effectivement perçus par M. [J] durant la période échue de la consolidation du 8 avril 2016 au 31 mars 2019, veille de sa mise à la retraite pour invalidité et en ce qu'il a fixé le solde revenant à M. [J] à la somme de à la somme de 9 447,56 euros.



Pour la période à échoir à compter du 1er avril 2019, il convient de considérer que sans l'accident, eu égard à son année de naissance, et nonobstant la circonstance qu'il aurait pu prendre sa retraite dès l'âge de 62 ans, M. [J] aurait continué à travailler jusqu'à l'âge de 67 ans, afin de percevoir une meilleure retraite ; sa perte de gains annuelle doit être calculée sur la base du revenu annuel attendu jusqu'en mars 2019, soit 23 405,70 euros [ 20 102,47 euros x 1 719,77 euros (traitement indiciaire en 2019) / 1477,06 euros (traitement indiciaire en 2012) ].



La perte de gains est la suivante :

- du 1er avril 2019 à la liquidation

23 405,70 euros x 47,5 mois /12 mois = 92 644,79 euros

- à compter de la liquidation :

par capitalisation de la perte annuelle par un euro de rente temporaire pour un homme âgé de 63 ans à la liquidation jusqu'à l'âge de 67 ans, selon le barème susvisé soit 3,874

23 405,70 euros x 3,874 = 90 673,68 euros.



M. [J] du fait de sa cessation anticipée d'activité pour invalidité va subir une perte de retraite, celle-ci étant calculée en fonction du traitement indiciaire des 6 derniers mois.



Il convient de considérer que sans l'accident M. [J] aurait perçu 72 % de son dernier traitement indiciaire ; eu égard à l'évolution de l'indice entre 2012 et 2019, soit 1,16 (1 719,77 euros / 1477,06 euros) et en appliquant ce même pourcentage d'évolution sur le dernier traitement indiciaire perçu par M. [J] en 2019, le montant du traitement indiciaire que M. [J] aurait perçu en 2026 peut être évalué à 1 994,93 euros (1 719,77 euros x 1,16) euros, ce qui représente un traitement indiciaire annuel de 23 939,16 euros ; la pension de retraite qu'il aurait perçue doit ainsi être évaluée à 17 236,20 euros (23 939,16 euros x 72 %).



Selon les attestations de paiement délivrées par la CNRACL M. [J] perçoit une pension de retraite de 1 047,84 euros par mois soit une pension de retraite de 12 574,08 euros par an.



La perte annuelle de retraite est ainsi de 4 662,12 euros (17 236,20 euros - 12 574,08 euros) ; cette perte doit être capitalisée par un euro de rente viagère pour un homme âgé de 67 ans à la liquidation selon le barème susvisé, soit 17,275, ce qui représente une perte de 80 538,12 euros (4 662,12 euros x 17,275).



La perte de gains professionnels totale est ainsi de 180 259,36 euros (9 447,56 euros + 90 673,68 euros + 80 538,12 euros).



Il résulte de l'application combinée des articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet et des décrets 2005-442 du 2 mai 2005 et 2003-1306 du 26 décembre 2003 que, compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service.



Si M. [J] justifie percevoir, par les attestations de paiement délivrées par la CNRACL une rente d'invalidité de 671,93 euros par mois, il est susceptible de percevoir également une allocation temporaire d'invalidité ainsi que l'invoque le FGAO.



En outre, les arrérages des pensions de retraite prématurées sont également à imputer en application de l'article 1,II, de l'ordonnance du 7 janvier 1959 dans sa rédaction applicable en la cause, soit en l'espèce, à compter du 1er avril 2019 jusqu'à la date à laquelle M. [J] aurait normalement pu faire valoir ses droits à la retraite.



La cour n'est onc pas en mesure de déterminer le montant de l'indemnité revenant à M. [J] et il convient d'ordonner la réouverture des débats afin de l'inviter à communiquer un état des débours de la CNRACL mentionnant toutes les prestations qu'elle a versées, notamment au titre de la pension de retraite anticipée, distinguant les arrérages échus de la rente d'invalidité et le capital constitutif de celle-ci et à justifier soit du montant de l'allocation temporaire d'invalidité qu'il perçoit soit à justifier par une attestation du tiers payeur concerné qu'il ne perçoit pas une telle allocation.

- Sur l'incidence professionnelle

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap ; il inclut les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste, la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap et la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.



Le tribunal a alloué à M. [J] une indemnité de 25 000 euros en réparation de la situation d'exclusion sociale prématurée dans laquelle il s'est trouvé.



Le FGAO qui relève qu'en l'absence de l'accident M. [J] aurait pu faire valoir ses droits à la retraite, estime que la demande d'indemnisation d'une incidence professionnelle destinée à compenser une exclusion sociale prématurée n'est pas fondée, mais offre à titre exceptionnel une somme de 20 000 euros sur laquelle devront être imputées l'allocation temporaire d'invalidité et la pension d'invalidité.



Sur ce, l'accident a conduit au placement de M. [J] à la retraite anticipée pour invalidité alors que sans l'accident il aurait travaillé jusqu'à l'âge de 67 ans ; M. [J] doit ainsi être indemnisé du sentiment de dévalorisation sociale ressenti du fait de son exclusion définitive prématurée du monde du travail qui sera réparée à hauteur de la somme de 25 000 euros.



Pour les mêmes motifs que ceux énoncés pour la perte de gains professionnels futurs le montant de l'indemnité revenant à M. [J] après imputation des prestations ayant vocation à réparer ce poste de préjudice ne peut être déterminé à ce jour ; il convient en conséquence d'ordonner la réouverture des débats et d'inviter M. [J] à communiquer les documents énoncés pour la perte de gains professionnels futurs.



- Sur le déficit fonctionnel permanent

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).



Il est caractérisé par une légère instabilité avec Lachmann + du genou gauche, un remaniement de la jambe gauche avec perte de substance au niveau de la partie distale, une raideur de la tibio-tarsienne, de la sous-astragalienne et du médio-pied avec une déviation en varus de l'arrière pied, une légère limitation de la force musculaire du releveur du gros orteil et des péroniers latéraux , des troubles sensitifs en regard et une boiterie gauche avec une tendance à l'éversion du pied, conduisant à un taux de 25 % et justifiant compte tenu des souffrances morales et des troubles induits dans les conditions d'existence une indemnité de 55 000 euros pour un homme âgé de 56 ans à la consolidation.



Il résulte des décrets 2005-442 du 2 mai 2005 et 2003-1306 du 26 décembre 2003 susvisés que la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité ne réparent pas le déficit fonctionnel permanent.



L'indemnité de 55 000 euros revient en conséquence en intégralité à M. [J].

Sur les demandes accessoires



Les dispositions du jugement relatives aux dépens doivent être infirmées, ceux-ci ne faisant pas partie des charges incombant au FGAO ; celles relatives à l'article 700 du code de procédure civile doivent être confirmées.



Les dépens et frais irrépétibles d'appel doivent être réservés.



PAR CES MOTIFS



La Cour,

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,



Et dans les limites de l'appel,



- Infirme le jugement sur le déficit fonctionnel permanent subi par M. [X] [J] à la suite de l'accident de la circulation du 3 décembre 2012 et sur les dépens,



- Le confirme sur l'article 700 du code de procédure civile,



Statuant à nouveau sur le point infirmé et y ajoutant,



- Condamne le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages à verser M. [X] [J] au titre du déficit fonctionnel permanent consécutif à l'accident, une indemnité de 55 000 euros, provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites avec les intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus,



Avant dire droit sur la demande de condamnation du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages au titre des postes du préjudice corporel de M. [X] [J] relatifs à la perte de gains professionnels futurs et à l'incidence professionnelle,



- Fixe à la somme de 180 259,36 euros la perte de gains professionnels futurs subie par M. [X] [J] à la suite de l'accident de la circulation du 3 décembre 2012 et à celle de 25 000 euros l'incidence professionnelle de cet accident,



- Ordonne la réouverture des débats, la révocation de l'ordonnance de clôture et le renvoi à la mise en état,



- Invite M. [X] [J] à communiquer un état des débours de la CNRACL mentionnant toutes les prestations qu'elle a versées, notamment au titre de la pension de retraite anticipée, distinguant les arrérages échus de la rente d'invalidité et le capital constitutif de celle-ci et à justifier soit du montant de l'allocation temporaire d'invalidité qu'il perçoit soit à justifier par une attestation du tiers payeur concerné qu'il ne perçoit pas une telle allocation,



- Laisse les dépens de première instance à la charge de l'Etat,



- Réserve les dépens et frais irrépétibles d'appel.





LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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