9 février 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 19/08921

Pôle 6 - Chambre 8

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 09 FÉVRIER 2023



(n° , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08921 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAP3T



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Juillet 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 17/00665





APPELANTE



Madame [Z] [D]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Jessica CHUQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0595



INTIMÉE



SASU PARFUMS ULRIC DE VARENS

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente et Madame Emmanuelle DEMAZIERE, Vice-Présidente placée, chargée du rapport.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente, rédactrice

Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée



Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU





ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


EXPOSÉ DU LITIGE



Dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée du 23 août 2013, Mme [D] a été engagée jusqu'au 31 janvier 2014 en qualité d'attachée commerciale itinérante, statut agent de maîtrise, coefficient 125, par la société Parfums Ulric de Varens ayant pour activité la fabrication de parfums et de produit pour la toilette.



Le 9 janvier 2014 le contrat de travail est devenu à durée indéterminée.



La convention collective applicable à la relation de travail est celle de l'industrie chimique.



Son secteur d'activité était défini comme correspondant aux départements de Seine et Marne (77), de la Marne (51), de l'Oise (60) et de Seine Maritime (76) et en janvier 2014, le département de l'Aube (10) a été ajouté.



Dans le cadre d'une visite périodique du 15 juin 2015, le médecin du travail l'a déclarée inapte temporaire au poste de commercial.



La salariée a été placée en arrêt de travail et à l'issue, lors de la visite de reprise du 9 octobre 2015, le praticien l'a déclarée apte avec restrictions, précisant que l'intéressée était 'apte à ce poste dans les départements de l'Aube, de la Marne, de la Seine et Marne, de l'Essonne, du Val d'Oise. L'attribution d'un autre département que celui de la Haute Normandie est à rechercher plus près du département de la Seine et Marne. En attendant un aménagement de l'organisation du travail nécessite un déplacement une semaine par mois environ avec couchage sur place en Haute Normandie. L'arrivée dans ce département pourra se faire la veille du début du jour du travail dans ce département'.



Par courrier du 16 novembre 2015, la salariée informait son employeur qu'elle avait été reconnue comme travailleur handicapé de première catégorie depuis le 13 octobre précédent.



Elle faisait alors l'objet d'une surveillance médicale renforcée et de visites dans ce cadre les 4 décembre 2015 et 19 février et 1er avril 2016 à la demande du médecin du travail, les fiches d'aptitudes afférentes précisant à compter du 19 février que la salariée était inapte au travail de nuit.



La visite à la demande du praticien du 22 juillet 2016 a donné lieu à l'émission d'une fiche d'aptitude sur laquelle il est mentionné: 'pas d'avis, est en arrêt'.



Dans le cadre d'une visite de reprise du 25 août 2016, le médecin du travail a précisé dans la fiche d'aptitude que la salariée était 'apte au poste dans les départements de l'Aube, la Marne, la seine et Marne, l'Oise éventuellement pour quelques magasins, Seine Saint Denis, Essonne et Val d'Oise en attendant une réorganisation de son secteur'.



La salariée a repris le travail mais était de nouveau placée en arrêt de travail à compter du 3 octobre 2016 plusieurs fois renouvelé jusqu'au 9 mai 2017.

Relativement à des propos tenus sur un réseau social la salariée a fait l'objet le 7 novembre 2016, d'un avertissement.



Dans le cadre d'une visite de pré-reprise du 12 janvier 2017, le médecin du travail précisait sur la fiche d'aptitude que la salariée était en arrêt de travail et que 'lors de la reprise il était à envisager un poste sans déplacement, assis.'



Lors de la visite de reprise du 11 mai 2017, le médecin du travail déclarait la salariée 'apte à un poste de jour exclusivement sur trois départements seulement: la Seine et Marne, l'Aube et la Marne', avis que le praticien confirmera lors des visites organisées à sa demande les 29 mai et 29 juin 2017.



Le 15 mai 2017, un nouvel avertissement était délivré à Mme [D] à raison du non respect des instructions du supérieur hiérarchique.



Le 12 juillet 2017, l'employeur informait le médecin du travail qu'il ne pouvait se conformer aux prescriptions contenues aux avis précités et sollicitait que dans le cadre de la visite prévue par le praticien pour le 21 juillet suivant, il prenne en compte ces éléments pour donner son avis.



Lors d'une visite organisée par le praticien le 12 septembre suivant à la demande de l'employeur la salariée était déclarée 'inapte définitive à ce poste [assistante commerciale]; apte à un poste commercial ou administratif sédentaire dans [Localité 4] ou proche du domicile'.



Considérant qu'elle était victime de harcèlement moral et de discrimination à raison de son handicap, l'intéressée saisissait le conseil des prud'hommes de Meaux par actes des 5, 25 septembre 2017.



Le 11 octobre 2017, Mme [D] était convoquée à un entretien préalable fixé au 24 octobre 2017, puis elle était licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 9 novembre suivant.



Le 8 décembre 2017 la salariée saisissait de nouveau le conseil des prud'hommes pour contester le bien fondé de son licenciement.



Par jugement du 19 juillet 2019, cette juridiction a:

- ordonné la jonction des procédures inscrites sous les numéros 17/00665, 17/00735 et 17/00944 et dit qu'il sera statué par un seul et même jugement.

- débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes.

- condamné la salariée à payer à la société la somme 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement.

- débouté la société du surplus de ses demandes.

- condamné la salariée aux entiers dépens, y compris aux éventuels frais d'exécution du présent jugement par voie d'huissier de justice.

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.





Par déclaration du 9 août 2019, Mme [D] a interjeté appel.





Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 3 octobre 2022, elle demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions hormis la jonction des trois procédures,

- de la recevoir en ses demandes et la déclarer bien fondée.

Statuant à nouveau,

A titre principal:

- d'ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail, produisant les effets d'un licenciement nul à la date du 9 novembre 2017,

- de maintenir le paiement de l'indemnité de licenciement et des autres éléments payés à la salariée dans le cadre du solde de tout compte,

- de condamner, en conséquence, la société à verser les sommes suivantes :

- 8 280 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 828 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 49 680 euros nets à titre d'indemnité pour résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement nul.





A titre subsidiaire :

- de dire le licenciement prononcé pour inaptitude nul ou à tout du moins sans cause réelle et sérieuse.

- de condamner en conséquence la société à verser les sommes suivantes :

- 8 280 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 828 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 49 680 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans causer réelle et sérieuse.



En tout état de cause :

- de fixer la moyenne des salaires à 2 198,98 euros brut par mois.

- d'annuler les deux avertissements disciplinaires.

- de condamner la société à verser 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour deux avertissements disciplinaires nuls, vexatoires et discriminatoires.

- de rejeter des débats les pièces adverses n°29, 37, 41, 50, 63 et 90 car non conformes aux dispositions des articles 200, 201, 202 et 203 du code de procédure civile.

- de condamner la société à payer:

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquements en matière d'obligation de formation renforcée des travailleurs handicapés,

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'entretien professionnel et abonder le CPF à hauteur de 100 heures,

- 1 000 euros à titre de rattrapage de primes et rappels de salaires pour inégalité de traitement et discrimination dont discrimination sexiste,

- 250 euros à titre de remboursement de la facture d'huissier,

- 5 100 euros à titre d'indemnité d'occupation professionnelle de son domicile,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice spécifique subi résultant de l'interruption intempestive de la portabilité de la mutuelle subie,

- 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- de juger que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la première saisine du conseil de prud'hommes, avec capitalisation desdits intérêts.

- de débouter la société de toutes ses demandes notamment au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civil.

- d'infirmer le jugement de première instance l'ayant condamnée à payer 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- de condamner la société aux entiers dépens.





Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 26 septembre 2022, la société demande au contraire à la Cour :

- de débouter Mme [D] de son appel,

- de confirmer le jugement entrepris.



Subsidiairement,

- de minorer très substantiellement le quantum de l'indemnité brute pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse'

- de ramener cette indemnité à la somme correspondant à 3 mois de salaire, soit 6 594,64 euros brut, étant précisé qu'en tout état de cause cette indemnité ne pourra excéder la somme correspondant à 5 mois de salaire, soit la somme d'un montant de 10 994,90 euros brut,

- de juger Mme [D] ne justifie pas d'un quelconque préjudice résultant des avertissements et la débouter de sa demande de dommages et intérêts.

- si par impossible la Cour devait faire droit à la demande de Mme [D] relative à l'indemnité d'occupation du domicile,

- de déclarer cette demande prescrite pour la période antérieure au 10 novembre 2014

- de minorer très substantiellement l'indemnité d'occupation du domicile à des fins professionnelles.



Très subsidiairement

- de minorer très substantiellement le montant des dommages et intérêts qui pourraient être alloués au titre des avertissements,



En tout état de cause,

- de juger que toute condamnation ne pourra porter que sur des sommes brutes.

- de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance,

- de la condamner en outre à payer à la société :

- 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'appel,

- aux entiers dépens.

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.



Statuant à nouveau,

- de condamner Mme [D] à payer à la société 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

- de débouter Mme [D] de sa demande de rejet des pièces n°29, 37, 41, 50, 63 et 90 versées aux débats par la société.

- de débouter Mme [D] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- de débouter Mme [D] de toutes ses demandes au titre des intérêts et de la capitalisation des intérêts.





L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 octobre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 8 décembre 2022 pour y être examinée.



Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.






MOTIFS



Il doit être précisé ici que la mesure de jonction ordonnée par le jugement du 17 juillet 2019 est en application de l'article 368 du code de procédure civile, une mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours.



La cour ne peut donc être saisie d'une demande de confirmation sur ce point.



Par ailleurs et sur la demande de rejet des pièces N° 29, 37, 41, 50, 63 et 90 de l'employeur, il convient de rappeler que si les écrits produits sous ces numéros ne répondent pas aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile sur les formes juridiques des attestations, ils demeurent des éléments qu'il appartient à la cour de prendre en considération et d'en apprécier librement la valeur et la portée alors que le principe de liberté de la preuve gouverne le procès prud'homal et qu'en conséquence rien ne s'oppose à ce que soit examinée une attestation établie par une personne représentant l'employeur ou travaillant à son service.



La demande formée de ce chef doit donc être rejetée.















I- sur l'exécution du contrat de travail,



A) sur les avertissements,



1) sur le bien fondé des sanctions



Aux termes de l'article L. 1331-1 du Code du Travail, constitue une sanction toute mesure autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.



En vertu de l'article 1333-1 du Code du Travail, en cas de litige sur le prononcé d'une sanction disciplinaire, la juridiction apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.



L'employeur doit fournir les éléments retenus pour prendre la sanction.



Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.



a- avertissement du 7 novembre 2016,



En application des articles L. 1121-1 du code du travail et 10, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.



Le courrier électronique par lequel l'avertissement a été délivré et dont les termes fixent les limites du litige fait grief à Mme [D] d'avoir réalisé sur les réseaux sociaux des posts 'publics', M. [L], le supérieur hiérarchique de la salariée écrivant à ce propos 'sans même, avoir cherché à me joindre pour discuter de ces cartes de secteur, tu annonces publiquement que je ne sais pas faire mon travail ('le tireur ne sait pas viser'), et c'est inacceptable. Je suis d'autant plus déçu que cette nouvelle carte a été motivée par ta demande de perdre le dpt 76 qui t'obligeais à découcher et à traverser l'île de France pour t'y rendre. Ce nouveau secteur t'évite dans la majeure partie des situations de découcher et correspond malgré tout à une activité à temps complet.'



Le message en cause a été adressé par le biais d' un compte facebook que la salariée dit 'vérouillé' ou fermé, à trois destinataires faisant partie du personnel de la société.



Il était ainsi rédigé: 'blague du jour.

La médecine du travail ne veut plus que tu fasses le département 76 tkt pas on te l'enlève en échange on te donne le 08 les Ardennes le 02 l'Aisne et le 91 l'Essonne logique non''

Ah mais tu as le 77/51 et 10....Bah alors elle est pas belle la vie'.



Outre que l'attestation de Mme B., elle même destinataire initiale du message, spécifie sans plus de précision que les commentaires ont été lus par 'de nombreux collègues', ce qui ne met pas la cour en mesure d'établir l'exacte étendue de la publicité du message envoyé à trois personnes par la salariée sur un compte 'facebook' qualifié de fermé, la société Ulric de Varens ne verse aucun élément permettant de considérer que les propos litigieux étaient injurieux diffamatoires ou excessifs caractérisant un abus par la salariée de sa liberté d'expression.



Ainsi la sanction du 7 novembre 2016 doit-elle être annulée.



b- avertissement du 15 mai 2017,



L'article 1132-1 du Code du Travail inclus dans le chapitre 2 fixant les règles sur le principe de non-discrimination et inclus dans le titre III intitulé 'Discriminations', prohibe toute mesure discriminatoire, directe ou indirecte à l'encontre d'un salarié, en raison de l'un des motifs énoncés à l'article 1er de la loi N° 2008 -496 du 27 mai 2008, et notamment de son état de santé et l'article 1134-1 du même code aménage les règles de preuve pour celui qui s'estime victime de discrimination au sens du chapitre 2, l'intéressé devant alors seulement présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte , la partie défenderesse devant prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge formant sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Selon l'article L.1132-4 , toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre [ chapitre II principe de non discrimination], est nul.



Par courrier électronique adressé à la salariée, M. [L], son supérieur hiérarchique lui notifiait un nouvel avertissement en ces termes: ' Lors de votre reprise je vous ai donné des instructions claires que vous refusez de suivre. A la lecture de votre plan de tournée vendredi dernier, j'ai constaté qu'il ne correspondait pas mes instructions. Je vous ai expliqué pourquoi (courrier joint) et j'ai complété et détaillé ma demande en vous fixant une nouvelle échéance à ce lundi.

Je vois que ce matin vous m'envoyez strictement le même document, sans aucune des modifications que je vous ai demandées. Je veux bien entendre ou lire vos remarques et commentaires, mais il ne faut pas inverser les rôles: je suis votre supérieur hiérarchique, et c'est donc à ma responsabilité de fixer et déterminer les éléments qui font votre activité. A ce titre et solennellement, je vous demande une nouvelle fois de revoir votre plan et de me le renvoyer sous 48 heures.'.



La salariée rappelle que ce plan sur neuf semaines se distinguait de celui qui lui était demandé antérieurement à son arrêt de travail, lequel s'étendait, comme pour les autres commerciaux sur une période de deux semaines.

Elle considère que cette exigence est discriminatoire et se fonde sur son état de santé.



L'employeur ne méconnaît pas cette spécificité relativement à une demande de plan sur neuf semaines, ces éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination.



Or la société explique cette requête, qu'elle reconnaît comme étant spécifique à Mme [D] et formulée lors de sa reprise après un long arrêt de travail, 'par des raisons objectives, nécessaires et appropriées' dont elle ne donne pas le moindre détail.



L'employeur ne met donc pas la cour en mesure de considérer que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination liée à l'état de santé de Mme [D] et que la sanction qu'il a prononcée à raison du non respect des consignes données dans ces circonstances était bien fondée.



L'avertissement du 15 mai 2017 doit en conséquence être également annulé.



2) sur les conséquences de l'annulation des avertissements.



Mme [D] sollicite 3 000 euros de dommages-intérêts en réparation des avertissements indûment prononcés à son encontre, soulignant qu'ils ont eu un caractère vexatoire et discriminatoire.



Le fait qu'aient été notifiés par l'employeur des avertissements par la suite annulés dans le cadre de la présente instance à raison d'une part de l'absence de bien fondé et d'autre part sur un fondement illicite a causé un préjudice à Mme [D] qu'il convient d'indemniser à hauteur de 500 euros.





B) sur l'obligation de formation renforcée,



L'article L. 6321-1 du code du travail impose à l'employeur une obligation générale d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard notamment de l'évolution des emplois des technologies et des organisations.



Les articles L. 5213-3 et suivants déterminent les règles applicables en matière d'adaptation et de formation professionnelle au salarié handicapé.



Au delà de ces textes législatifs, Mme [D] se fonde également sur les dispositions conventionnelles de l'accord du 10 mai 2011 relatif à l'emploi des personnes handicapées en soulignant que l'article 13 prévoit la mise en place d'un référent handicap et que les articles 14 à 19 réglementent en matière d'emploi des personnes handicapées, la formation la sensibilisation et la communication à l'ensemble du personnel.



Il est sollicité à ce titre 5 000 euros de dommages-intérêts.



Cependant, outre qu'aucun élément ne démontre la réalité de la violation des dispositions légales et conventionnelles présentées, l'existence et l'ampleur du préjudice dont il est demandé réparation ne sont aucunement documentées.



Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée de ce chef.





C) sur les entretiens professionnels,



L'article 6315-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi N° 2014-288 du 5 mars 2014, instaure pour le salarié le bénéfice d'un entretien professionnel avec son employeur consacré aux perspectives d'évolution professionnelle.



Cet entretien est proposé systématiquement et donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié.



Il ne peut être considéré que la société Ulric de Varens démontre avoir respecté les obligations mises à sa charge en la matière par la seule production de l'envoi à la salariée d'une matrice vierge d'entretien professionnel accompagnée d'un support d'une aide à l'organisation ou d'un guide.



De même l'information qui a été donnée sur la situation de son compte personnel de formation (CPF) ne justifie pas de l'organisation effective des entretiens exigés.



Mme [D] sollicite de ce chef 3 000 euros et que soit ordonné à l'employeur d'abonder son compte personnel de formation de 100 heures en réparation du préjudice subi qu'elle décrit en soulignant qu'elle n'a plus retrouvé d'emploi dans sa branche des cosmétiques depuis la rupture de son contrat de travail.



L'absence de tout entretien professionnel doit être considérée comme ayant limité la faculté de la salariée d'envisager son avenir professionnel et ses éventuelles évolutions, ce fait rendant plus complexe la recherche d'emploi après le licenciement.









La combinaison de ces éléments conduit à lui octroyer de ce chef 500 euros à titre de dommages-intérêts, le préjudice devant être ainsi considéré comme intégralement indmnisé sans qu'il soit justifié d'ordonner en outre l'abondement du Compte Personnel de Formation.





D) sur l'inégalité de traitement entre homme et femme,



Il est admis en référence au principe général de l'égalité de traitement, que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant qu'ils soient placés dans une situation identique.



Cette règle générale fait l'objet d'un texte spécial édictée dans le titre deuxième 'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes' du livre deuxième sur les 'salaires et avantages en nature', par l'article L.3221-2 du code du travail selon lequel 'Tout employeur assure pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes.'



L'article L. 3221-8 prévoit que lorsque survient un litige relatif à l'application du présent chapitre, [chapitre deuxième], les règles de preuve énoncées à l'article L. 1144-1 s'appliquent'.



Il en résulte que lorsque survient un litige, le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.



Le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile.



Mme [D] reproche à son employeur de ne pas justifier en quoi son travail n'était pas de valeur égale à celui d'un autre attaché commercial M. T., qu'elle considère avoir été mieux rémunéré qu'elle puisqu' admis au statut d'ingénieurs et cadres tandis qu'elle était demeurée au statut d'agent de maîtrise.



Elle sollicite de ce chef 1 000 euros 'à titre de rattrapage de primes et rappels de salaires'.



La réalité d'une situation spécifique de M.T. lui même attaché commercial au regard des primes qui lui sont allouées n'est pas contestée par l'employeur qui verse à ce titre un document intitulé 'Politique de prime 2017 Ulric de Varens, spécifique M. T.'



Ces éléments de fait laissent supposer l'existence d'une discrimination homme-femme.



Face à cela l'employeur n'apporte pas la preuve d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination alors qu'il ne justifie aucunement de la réalité des fonctions spécifiques auxquelles le document précité rattache le versement à M. T., de la prime en cause ,rien ne permettant de caractériser la réalité de fonctions non seulement de formation, mais également de suivi renforcé et de statistiques dites REP, telles que mentionnées dans le-dit document.



Sans autre élément sur le calcul du 'rattrapage' sollicité, il doit être alloué de ce chef à Mme [D] une indemnité de 800 euros.











E) sur l'indemnité pour occupation du domicile,



1) sur la prescription de l'action,



En application de l'article L. 1471-1 du code du travail , les actions relatives à l'exécution du contrat de travail se prescrivent par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.



Mme [D] soutient que sa demande ne concerne pas l'exécution du contrat de travail, mais concerne une immixtion dans sa vie privée dès lors qu'elle touche à l'usage de son domicile personnel, estimant dès lors que seule la prescription de cinq ans telle qu'issue de l'article 2224 du code civil est applicable.



Cependant, alors qu'il est admis que les frais professionnels nécessaires à l'exécution du contrat de travail ne peuvent rester à la charge du salarié et doivent lui être remboursés par l'employeur, il doit être considéré que la demande formée au titre des frais d'occupation du domicile est relative à des frais exposés pour les besoins de l'exercice de la profession et relève en conséquence de l'exécution du contrat de travail., relevant ainsi des dispositions de l'article L. 1471-1 précité et non des dispositions générales de l'article 2224.



Le délai de prescription applicable est en conséquence de deux ans.



Dans les limites de la demande formée sur ce point par l'employeur, l'action de Mme [D] doit être déclarée prescrite pour les sommes dues antérieurement au 10 novembre 2014.



2) au fond,



Il a été rappelé ci-dessus que le salarié ne doit pas conserver à sa charge les frais nécessaires à l'exercice de sa profession.



La société ne conteste pas que l'exercice d'attaché commercial en son sein nécessite la possession de divers équipements pour lesquels elle propose la mise à disposition d'un local loué, le fait que Mme [D] n'ait pas eu recours à cette solution mais utilisé une partie de son domicile personnel à cette fin n'étant pas remis en cause.



Sans autre élément sur l'étendue et les conséquences de cette sujétion, le montant alloué à ce titre doit être arrêté à la somme de 2 000 euros.





F) sur le harcèlement moral et la discrimination.



1) sur la discrimination,



L'article 1132-1 du Code du Travail inclus dans le chapitre 2 fixant les règles sur le principe de non-discrimination et inclus dans le titre III intitulé 'Discriminations', prohibe toute mesure discriminatoire, directe ou indirecte à l'encontre d'un salarié, en raison de l'un des motifs énoncés à l'article 1er de la loi N° 2008 -496 du 27 mai 2008, notamment de son handicap, et l'article 1134-1 du même code aménage les règles de preuve pour celui qui s'estime victime de discrimination au sens du chapitre 2, l'intéressé devant alors seulement présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, la partie défenderesse devant prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge formant sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.







A l'appui de sa demande, Mme [D] présente les faits suivants :

- elle a été victime d'un grave problème de santé qui nécessite un suivi médical important et a conduit à son admission au statut de travailleur handicapé de première catégorie le 13 octobre 2015, élément qu'elle a porté à la connaissance de la société le 16 novembre suivant.

- malgré les avis circonstanciés et répétés du médecin du travail faisant état de son aptitude mais de la nécessaire adaptation de son poste à son état de santé auquel est lié son handicap, l'employeur n'a pas procédé aux aménagements nécessaires, notamment de son secteur d'activité, préconisations qui avaient pourtant été formulées avant même la reconnaissance de son statut d'handicapée.

- ce constat a été fait par l'inspecteur du travail qui a adressé sur ce point à l'employeur un courrier le 24 mai 2017, qui est versé aux débats et dans lequel le destinataire est invité à lui faire part des mesures prises pour remédier à la situation.

- la répétition d'arrêts de travail à compter du 3 octobre 2016, nés de sa fatigabilité et de la non prise en compte par l'employeur qui ne lui avait à cette date toujours pas proposé de redécoupage adapté de son secteur,

- l'instauration tardive d'un nouveau secteur à compter du 1er janvier 2017.



Les éléments ainsi présentés sont précis et concordent avec les faits constants exposés dans l'exposé du litige de cet arrêt, tels que résultant des pièces versées de part et d'autres et en particulier des avis médicaux successifs.



Pris dans leur ensemble ils laissent supposer l'existence d'une discrimination liée au handicap de Mme [D] dont l'existence a été connue dès octobre 2015.



Pour prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, l'employeur rappelle que dans les suites de l'avis médical du 9 octobre 2015 dans lequel le praticien a pour la première fois préconisé la recherche d'un secteur géographique plus restreint et un aménagement temporaire de l'organisation, une concertation avec les autres salariés, nécessaire à toute réorganisation des secteurs, a été menée et que la salariée a été informée en juillet 2016 d'une future modification applicable à compter de la fin de l'année.



A supposer le nouveau secteur adapté aux recommandations du médecin du travail, ni la durée de la concertation avec les autres commerciaux, ni ses modalités, ni le fait qu'une réorganisation ne pouvait être envisagée qu'en fin d'année 2016 pour être effective en janvier 2017, soit plus d'un an après les premières prescriptions du médecin du travail et la reconnaissance du statut de salarié handicapé, ne sont justifiés.



De même alors que l'employeur a écrit au médecin du travail le 12 juillet 2017, pour souligner qu'il ne pouvait se conformer à ses prescriptions et sollicitait que dans le cadre de la visite de reprise du 21 juillet suivant, il soit tenu compte de cette difficulté pour donner son avis, la société Ulric de Varens n'apporte aucune justification sur l'impossibilité dont il a fait ainsi part au praticien.



De plus si les attestations de la directrice commerciale avec laquelle Mme [D] a travaillé jusqu'en février 2016 et celle de son successeur font référence à un aménagement temporaire effectif conforme aux préconisations formalisées par le médecin du travail dans son avis du 9 octobre 2015, ce que tendent à établir les déclarations de ces témoins ainsi que les états de frais de déplacement en Haute Normandie, ces pièces ne permettent pas de déterminer la date exacte à laquelle a été mise effectivement en oeuvre la possibilité 'd'aménager son emploi du temps afin de coller aux recommandations de la médecine du travail' autres que celles tenant au département de Haute Normandie , ni les moyens mis à sa disposition pour un tel aménagement.



Il doit donc être retenu que Mme [D] a été victime de discrimination liée à son handicap.



2) sur le harcèlement moral,



Le harcèlement moral s'entend aux termes de l'article L 1152-1 du Code du Travail, d'agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.



Par ailleurs, aux termes de l'article 1154-1 du Code du Travail, dans sa rédaction issue de la loi N° 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige au cours duquel le salarié évoque une situation de harcèlement moral, celui-ci doit présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement, l'employeur devant prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.



A l'appui de sa demande, Mme [D], outre les faits tenant à la discrimination liée à son handicap ci-dessus examinés, présente également les faits suivants :

- sanctions injustifiées,

- mise en quarantaine et absence de contacts avec ses collègues, absence de la part de M. [L], son supérieur hiérarchique de transmission d'informations, en particulier sur les critères d'attribution des primes, à compter du 8 mars 2017,

- instauration d'un nouveau secteur sans concertation, impliquant une modification unilatérale du contrat de travail, et de manière tardive ainsi que le rappelle la lettre de l'inspection du travail adressée à l'employeur le 24 mai 2017,

- dégradation concomitante de son état de santé ayant impliqué de nombreux arrêts de travail, et des restrictions explicites du médecin du travail lequel sera contraint de constater l'inaptitude de la salariée, état généré par l'inertie de l'employeur à adapter son poste à son handicap,

- exigence d'un plan de tournée sur neuf semaines, distinct de celui imposé aux autres agents commerciaux,

- refus intempestif de congés d'hiver.



De ce qui précède il résulte que ces faits précis, concordants et pour la plupart étayés par les pièces précédemment examinées par la cour, laissent supposer, dès lors qu'ils sont pris dans leur ensemble, l'existence d'un harcèlement moral.



L'employeur ne parvient pas à prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement dès lors que la justification du caractère objectif des décisions qu'il a prises n'est pas rapporté.



Il en est ainsi des sanctions dont l'annulation a été prononcée ci-dessus.



Il en est de même de la discrimination à raison du handicap, liée à la tardiveté des mesures d'adaptation du secteur géographique et de la dégradation de l'état de santé laquelle résulte amplement de l'évolution du statut de salarié apte au poste avec restrictions à celui de salarié inapte au poste.



Ainsi Mme [D] doit -elle être reconnue également victime de harcèlement moral.



3) sur l'obligation de sécurité,



Selon l'article L. 4121-1 du code du travail l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent:

1) des actions de prévention des risques professionnels,

2) des actions d'information et de formation,

3) la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.



L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.



L'article L. 4121-2 du Code du Travail détermine les principes généraux de prévention sur le fondement desquels ces mesures doivent être mises en oeuvre.



Il en résulte que constitue une faute contractuelle engageant la responsabilité de l'employeur le fait d'exposer un salarié à un danger sans avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés, alors que l'employeur doit assurer l'effectivité de l'obligation de sécurité qui lui incombe en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise.



L'absence de mise en place de moyens adaptés effectifs résulte du constat des manquements de l'employeur relatifs à la mise en place d'un secteur d'activité conforme aux recommandations du médecin du travail dans un délai raisonnable tel qu'il résulte des développements précédents.



Le non respect des dispositions légales précitées doit donc être considéré comme établi.





II- sur la rupture du contrat de travail,



A- sur la résiliation du contrat de travail,



Par application combinées des articles 1217, 1224, 1227 et 1228 du Code civil, tout salarié reprochant à son employeur des manquements graves à l'exécution de son obligation de nature à empêcher la poursuite du contrat peut obtenir le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.



Si les manquements invoqués par le salarié à l'appui de sa demande sont établis et d'une gravité suffisante, la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Dans l'hypothèse où le salarié a été licencié, le juge doit préalablement rechercher si la demande de résiliation était justifiée et s'il l'estime non fondée il doit alors statuer sur le licenciement.



Les différentes demandes formées par Mme [D] au titre de l'exécution de son contrat de travail ont conduit la cour, ainsi que cela résulte des précédents développements, à retenir l'existence de plusieurs manquements graves de l'employeur à ses obligations, en particulier une discrimination liée au handicap, un harcèlement moral et un manquement à son obligation de sécurité, justifiant que la résiliation du contrat de travail soit prononcée à ses torts.



Mais au delà, selon l'article 1132-4 du code du travail , toute disposition tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du chapitre intitulé principe de non discrimination est nul il en est de même en vertu de l'article L. 1152-3 du Code du Travail, pour toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, relativement au harcèlement.



L'analyse faite des événements ayant émaillé la relation de travail depuis le 9 octobre 2015 jusqu'au jour de la saisine du conseil des prud'hommes démontre que la résiliation prononcée est en lien avec des faits caractérisant la violation par l'employeur des textes sur l'interdiction de la discrimination et du harcèlement moral, le tout conduisant au au prononcé de la nullité de la rupture du contrat de travail , l'examen du bien fondé du licenciement tenant à une inaptitude étant dès lors sans objet, et les effets de la résiliation devant fixés au 9 novembre 2017, date du licenciement.

B- sur les sommes dues,



En application de l'article L 1235-3-1 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance N° 2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable à l'espèce au regard de la date de la rupture du contrat de travail, les montants minimaux et maximaux prévus à l'article L. 1235-3 ne sont pas applicables lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités tenant à des faits de harcèlement moral ou à une discrimination en application de l'article  L. 1134-4 du code du travail.



Dans ce cas, le juge octroie une indemnité qui ne peut être inférieure au salaires des six derniers mois.



La durée et la gravité des manquements multiples ci-dessus analysés ainsi que les conséquences de la rupture du contrat de travail pour la salariée dont il est établi qu'elle a retrouvé un emploi le 7 janvier 2019 avec un salaire brut légèrement supérieur à celui qu'elle percevait antérieurement, conduisent à fixer l'indemnité pour licenciement nul à hauteur de 20 000 euros.



Il est admis que les « salaires des six derniers mois » visés par l'article L.1235-3-1 du code du travail s'entendent de la rémunération brute du salarié.



La somme est donc allouée en brut.



Quant à l'indemnité de préavis à laquelle la salariée peut prétendre, quand bien même aurait-elle été insusceptible de pouvoir exécuter sa tâche pendant cette période, dès lors que la rupture a été imputée aux torts de son employeur, la somme due de ce chef doit être déterminée en application de l'article 20 de la convention collective applicable qui fixe à deux mois la durée de préavis concernant les agents de maîtrise et de l'article 11 de l'accord du 10 mai 2010 relatif à l'emploi des personnes handicapées et selon lequel le préavis doit être doublé pour ces salariés.



Sur la base d'un salaire de 2 070 euros brut, tel que retenu par Mme [D] et par l'employeur, il doit lui être alloué la somme de 8 280 euros de ce chef et 828 euros au titre des congés payés afférents.





III- sur les autres demandes,



A- remboursement de frais d'huissier,



La salariée soutient qu'elle s'est trouvée dans l'obligation d'avoir recours aux services d'un huissier pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté sur le matériel qu'elle a restitué à l'occasion de la rupture de son contrat de travail, soutenant que cette restitution s'est faite dans des conditions difficiles voire vexatoire.



Outre que le fondement juridique de cette demande n'est pas autrement déterminé, Mme [D] ne justifie aucunement de la contrainte que lui aurait imposée son employeur de solliciter un huissier de justice.



La demande formée a été à juste titre rejetée.





B- sur la portabilité de la mutuelle,



L'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale instaure le principe dit 'de portabilité de la Mutuelle'ou de maintien, en cas de cessation du contrat de travail non imputable à une faute lourde des garanties contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risque d'incapacité de travail ou d'invalidité.



Mme [D] rappelle qu'elle a accepté ce mécanisme que son employeur en a été avisé et qu'elle en a bénéficié jusqu'au 31 décembre 2017, la garantie s'interrompant en janvier 2018, ce qui a généré pour elle des dépenses supplémentaires.



La société Ulric de Varens expose qu'elle a changé, à effet du 31 décembre 2017, d'organisme de garantie postérieurement au licenciement, et que dans les suites de la réclamation reçue le 13 janvier 2018 Mme [D] a été informée du changement intervenu, preuve étant néanmoins apportée que la demande de transfert de Mutuelle au profit des anciens salariés avait été faite le 2 janvier 2018 et l'attestation d'assurance établie le 29 janvier 2018 ayant elle même été transmise à l'intéressée le 8 février suivant.



Au titre des troubles et tracas tels qu'ils résultent notamment de l'attestation du pharmacien de l'appelante, générés par une demande de transfert effectuée par l'employeur le 2 janvier 2018 et par conséquent postérieure à la date de cessation de garantie par le précédent organisme, il y a lieu d'allouer en réparation du préjudice subi la somme de 250 euros à titre de dommages-intérêts.





C- sur la demande reconventionnelle tenant au caractère abusif de la procédure,



De ce qui précède il résulte que le caractère abusif de la procédure ne peut être retenu.



La demande formée a donc été à juste titre rejetée.





IV- sur le remboursement des allocations de chômage,



Les conditions d'application de l'article L 1235 - 4 du code du travail étant réunies, il convient d'ordonner le remboursement des allocations de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois d'indemnités.





V- sur les autres demandes,



Les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation en conciliation, et les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt, en application de l'article 1154 devenu l'article 1343-2 nouveau du code civil



En raison des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable d'allouer à Mme [D] une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.





PAR CES MOTIFS



La Cour,



DIT n'y avoir lieu à statuer sur la mesure de jonction ordonnée par le conseil des prud'hommes dans le jugement entrepris.



REJETTE la demande de rejet des pièces N° 29,37,41,50,63 et 90 formée par Mme  [D].

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a:

- rejeté les demandes en paiement :

- de dommages-intérêts pour non respect de l'obligation de formation renforcée,

- de remboursement des frais d'huissier,



INFIRME le jugement pour le surplus,



et statuant à nouveau,



ANNULE les avertissements prononcés le 7 novembre 2016 et le 15 mai 2017.



CONSTATE la prescription de l'action en paiement de l'indemnité pour occupation du domicile au 10 novembre 2014 dans les limites de la demande de la société Ulric de Varens.



PRONONCE la résiliation du contrat de travail de Mme [D] aux torts de l'employeur.



DIT que cette résiliation produit ses effets au 9 novembre 2017.



DIT que Mme [D] a été victime de discrimination et de harcèlement moral.



PRONNONCE en conséquence la nullité de la rupture du contrat de travail,



CONDAMNE la société Ulric de Varens à verser à Mme [D] les sommes de:

- 500 euros en réparation du préjudice né du prononcé des avertissements annulés,

-500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né du manquement à l'obligation aux entretiens professionnels,

- 800 euros à titre d'indemnité pour inégalité de traitement entre homme et femme,

- 2 000 euros à titre d'indemnité d'occupation du domicile,

- 8 280 euros brut à titre d'indemnité de préavis,

- 828 euros au titre des congés payés afférents,

- 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la nullité de la rupture du contrat de travail,

- 250 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de l'interruption de la portabilité de la Mutuelle,

- 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.



DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation en conciliation, et que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.



ORDONNE le remboursement à l'organisme les ayant servies, des indemnités de chômage payées au salarié au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d'indemnités.



DIT que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt, en application de l'article 1154 devenu l'article 1343-2 nouveau du code civil.



DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes.



CONDAMNE la société Ulric de aux dépens.





LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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