15 février 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-19.826

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00153

Texte de la décision

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 février 2023




Cassation


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 153 F-D

Pourvoi n° J 21-19.826

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [L].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 20 mai 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 FÉVRIER 2023

Mme [U] [L], épouse [R], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 21-19.826 contre l'arrêt rendu le 9 juillet 2020 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Aras propreté, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [L], de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Aras propreté, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 9 juillet 2020), Mme [L] a été engagée par la société SNE Hyhiôs à compter du 21 août 2006 en qualité d'agent de service. Le contrat de travail, soumis à la convention collective des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, a été repris par la société Guy Martin Dangbo (GMD), avant que celle-ci ne soit placée en liquidation judiciaire le 22 décembre 2014.

2. Par lettre du même jour, le mandataire liquidateur a convoqué la salariée à un entretien en vue de son licenciement pour motif économique, entretien qui s'est tenu le 31 décembre 2014.

3. Par lettre du 5 janvier 2015, le mandataire liquidateur a informé la salariée de la possibilité d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle jusqu'au 21 janvier 2015 en lui précisant qu'à défaut d'adhésion, cette lettre constituerait la notification du licenciement économique et que, sous réserve qu'elle soit bien salariée de la société GMD son contrat de travail serait transféré en cas de reprise du contrat de nettoyage par une autre entreprise.

4. Le mandataire liquidateur a informé la salariée le 30 janvier 2015 de la reprise du marché de nettoyage par la société Aras propreté.

5. Après que la Direccte a refusé à deux reprises d'homologuer la rupture conventionnelle signée entre la société Aras propreté et la salariée, celle-ci a été licenciée pour faute grave par lettre du 29 octobre 2015.

6. Elle a saisi la juridiction prud'homale pour contester ce licenciement et obtenir paiement de diverses sommes.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La salariée fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement, de la débouter de l'ensemble de ses demandes et, en conséquence, de la débouter de ses demandes au titre de la requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet et de l'ensemble des demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail, notamment au titre de l'indemnité légale de licenciement et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'en application de l'article 7.2 de la convention collective des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, il n'incombe pas au salarié affecté à un marché repris et que l'entreprise entrante refuse de conserver à son service, d'établir qu'il remplit les conditions conventionnelles relatives à la garantie de l'emploi et à la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire ; que c'est à l'entreprise entrante qu'il appartient d'établir que le salarié ne remplissait pas les conditions d'application du dispositif conventionnel ; qu'en conséquence, dès lors qu'elle contestait que le contrat de travail de la salariée était en cours au jour de la reprise, il appartenait à la société entrante de prouver la date précise de la reprise, sauf à faire peser sur la salariée la charge de la preuve ; qu'en l'espèce, la société entrante n'a jamais démontré la date précise de la reprise de sorte qu'elle n'a jamais prouvé que la salariée ne remplissait pas les conditions d'application du dispositif conventionnel ; qu'en retenant néanmoins, pour dire que la rupture du contrat de travail était intervenue avant la reprise du marché par la société Aras, que les débats n'avaient pas permis pas de déterminer à quelle date précise la société Aras avait contracté avec l'hôtel Auréa et qu'il était seulement manifeste que cet acte n'était intervenu qu'après l'envoi du courrier du 5 janvier 2015 et au plus tard le 30 janvier 2015, quand il ressortait de ses propres constatations que la société Aras n'avait jamais établi la date précise de la reprise, et donc que la salariée ne remplissait pas les conditions d'application du dispositif conventionnel, la cour d'appel a fait peser sur la salariée la charge de la preuve qu'elle était titulaire d'un contrat de travail en cours à la date de la reprise, violant en conséquence l'article 7.2 de la convention collective des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 7.2 de la convention collective des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 :

8. Il n'incombe pas au salarié affecté à un marché repris et que l'entreprise entrante refuse de conserver à son service d'établir qu'il remplit les conditions conventionnelles relatives à la garantie de l'emploi et à la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire.

9. Pour débouter la salariée de ses demandes, l'arrêt relève qu'il résulte des dispositions de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 que le transfert du contrat de travail suppose que celui-ci soit en cours lors du changement de prestataire, le contrat de travail valablement rompu avant la reprise du marché n'étant plus en cours.
10. Il retient que la salariée ne justifie ni même n'allègue avoir formalisé une adhésion au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé par le mandataire judiciaire et qu'en outre, les débats ne permettent pas de déterminer à quelle date précise la société Aras propreté a contracté avec le marché de prestations de nettoyage avec l'hôtel Auréa de Saintes et qu'il est seulement manifeste que cet acte n'est intervenu qu'après l'envoi du courrier précité daté du 5 janvier 2015 et au plus tard le 30 janvier 2015.

11. Il en déduit que, sans élément permettant d'établir que la salarié aurait adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, il apparaît que le contrat de travail a été rompu avant la conclusion du marché de prestations de sorte qu'il n'a pu être transféré à la société Aras propreté.

12. En statuant ainsi, en faisant peser sur la salariée la charge de la preuve qu'elle remplissait les conditions conventionnelles relatives à la continuité de son contrat de travail et, notamment qu'elle était titulaire d'un contrat de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne la société Aras propreté aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Aras propreté et la condamne à payer à la SCP Lyon-Caen et Thiriez la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [L]

Mme [R] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris, de l'AVOIR déboutée de l'ensemble de ses demandes et de l'AVOIR en conséquence déboutée de ses demandes au titre de la requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet et de l'ensemble des demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail, notamment au titre de l'indemnité légale de licenciement et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1) ALORS d'abord QU'en application de l'article 7.2 de la convention collective des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, il n'incombe pas au salarié affecté à un marché repris et que l'entreprise entrante refuse de conserver à son service, d'établir qu'il remplit les conditions conventionnelles relatives à la garantie de l'emploi et à la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire ; que c'est à l'entreprise entrante qu'il appartient d'établir que le salarié ne remplissait pas les conditions d'application du dispositif conventionnel ; qu'en conséquence, dès lors qu'elle contestait que le contrat de travail de la salariée était en cours au jour de la reprise, il appartenait à la société entrante de prouver la date précise de la reprise, sauf à faire peser sur la salariée la charge de la preuve ; qu'en l'espèce, la société entrante n'a jamais démontré la date précise de la reprise de sorte qu'elle n'a jamais prouvé que la salariée ne remplissait pas les conditions d'application du dispositif conventionnel ; qu'en retenant néanmoins, pour dire que la rupture du contrat de travail était intervenue avant la reprise du marché par la société Aras, que les débats n'avaient pas permis pas de déterminer à quelle date précise la société Aras avait contracté avec l'hôtel Auréa et qu'il était seulement manifeste que cet acte n'était intervenu qu'après l'envoi du courrier du 5 janvier 2015 et au plus tard le 30 janvier 2015, quand il ressortait de ses propres constatations que la société Aras n'avait jamais établi la date précise de la reprise, et donc que la salariée ne remplissait pas les conditions d'application du dispositif conventionnel, la cour d'appel a fait peser sur la salariée la charge de la preuve qu'elle était titulaire d'un contrat de travail en cours à la date de la reprise, violant en conséquence l'article 7.2 de la convention collective des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 ;

2) ALORS ensuite QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, qui sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions des parties ; que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; que, pour débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes, la cour d'appel a considéré que le contrat de travail de Mme [R] avait été rompu avant la conclusion du marché de prestation de nettoyage de telle sorte à ce que l'article 7.2 de la convention collective des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 ne pouvait trouver à s'appliquer ; que pour fonder le constat que le contrat de travail de Mme [R] avait été rompu avant la conclusion du marché de prestation de nettoyage, la cour d'appel a jugé que les débats n'avaient pas permis de déterminer à quelle date précise la société Aras avait contracté avec l'hôtel Auréa et qu'il était seulement manifeste que cet acte n'était intervenu qu'après l'envoi du courrier du 5 janvier 2015 et au plus tard le 30 janvier 2015 ; qu'en l'espèce, pourtant, l'employeur n'a jamais soutenu dans ses écritures que le contrat de reprise de l'activité entre la société Aras et l'hôtel Auréa était intervenu postérieurement à la date du 5 janvier 2015 ; que l'employeur se bornait à soutenir qu'en l'espèce le contrat de travail avait été irrémédiablement rompu et qu'à ce titre il ne pouvait avoir été transféré à la société Aras (écritures d'appel de l'employeur p. 8 et 9) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé l'objet du litige en violation des dispositions des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;

3) ALORS encore QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, le moyen tiré de ce que l'acte de transfert n'était intervenu qu'après l'envoi du courrier du 5 janvier 2015 et au plus tard le 30 janvier 2015, quand ni l'employeur ni le salarié n'ont jamais discuté ni tiré aucune conséquence légale de cette situation de fait, la cour d'appel, qui a soulevé ce moyen d'office, sans avoir préalablement recueilli les observations des parties à cet égard, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4) ALORS enfin et en tout état de cause QU'en l'espèce, la salariée faisait valoir précisément que la question de l'appartenance de la salariée à la société Aras avait été réglée par le fait que l'employeur avait fini par convoquer la salariée pour tenter par trois fois de mettre fin à son contrat et que s'il avait fini par la licencier pour faute grave, c'était bien qu'il la reconnaissait comme sa salariée (écritures d'appel de la salariée p. 7) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant, duquel il ressortait qu'en tout état de cause, la salariée avait été reprise par la société Aras dans le cadre d'une application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail, à tout le moins qu'un nouveau contrat de travail s'était créé entre les parties, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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