15 février 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-25.542

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C300131

Texte de la décision

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 février 2023




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 131 F-D

Pourvoi n° X 21-25.542




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 FÉVRIER 2023

La société Régie immobilière de la ville de [Localité 3] (RIVP), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 21-25.542 contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 4), dans le litige l'opposant à M. [P] [Z], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Régie immobilière de la ville de [Localité 3], après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 octobre 2021), le 15 mai 2007, la régie immobilière de la ville de [Localité 3] (la bailleresse) a signé avec M. [Z] (le preneur) un bail portant sur un local à usage d'habitation, qui interdisait la sous-location.

2. Alléguant que le preneur offrait une partie de son logement en location par l'intermédiaire d'une plate-forme dédiée, le bailleur l'a assigné en résiliation du bail et en indemnisation de son préjudice.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

4. La bailleresse fait grief à l'arrêt de condamner le preneur à lui payer seulement une certaine somme en restitution des fruits civils perçus par les sous-locations non autorisées, alors :

« 2°/ que, sauf lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire ; qu'en décidant que "c'est donc la somme de 1 010 euros qui doit être déduite de la somme de 1 790 euros perçue par M. [Z] pour ces deux mois de sous-location, et il sera alloué à la RIVP la somme de 780 euros au titre de la restitution des fruits civils perçus par le locataire", motifs pris que "si la demande de la bailleresse peut être considérée (...) comme une demande de restitution des fruits civils, il doit être relevé que l'article 548 du code civil prévoit que doivent être déduits de cette demande les frais remboursables, c'est-à-dire, en l'occurence, la somme que verse M. [Z] au titre du loyer", cependant que l'intégralité des sous-loyers perçus illégalement par le locataire devait être restituée au propriétaire, la cour d'appel a violé l'article 549 du code civil ;

3°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a fractionné les fruits civils et, donc, les sous-loyers en en attribuant une partie au propriétaire, représentant la plus-value de la sous-location illégale, et une partie au locataire, représentant le prix du loyer quotidien, cependant que l'article 548 du code civil impose uniquement au propriétaire de rembourser aux tiers les frais qu'ils auraient exposés pour parvenir à la perception des fruits et que les loyers, qui constituent des fruits civils qui appartiennent au propriétaire, s'analysent comme des frais au sens de l'article 548, la cour d'appel a violé l'article susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 548 et 549 du code civil :

5. Aux termes du premier de ces textes, les fruits produits par la chose n'appartiennent au propriétaire qu'à la charge de rembourser les frais des labours, travaux et semences faits par des tiers et dont la valeur est estimée à la date du remboursement.

6. Selon le second, le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi.

7. Après avoir évalué à une certaine somme les fruits issus de la sous-location non autorisée, l'arrêt condamne le preneur à rembourser au bailleur une somme moindre en déduisant les loyers perçus par ce dernier en exécution du bail.

8. En statuant ainsi, alors que le loyer constitue un fruit civil de la propriété et que le preneur, auteur de la sous-location interdite, ne pouvait être un possesseur de bonne foi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [Z] à verser à la régie immobilière de la ville de [Localité 3] la somme de 780 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, au titre de la restitution des fruits, l'arrêt rendu le 12 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la régie immobilière de la ville de [Localité 3] ;






Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Régie immobilière de la ville de [Localité 3]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La Régie Immobilière de la Ville de [Localité 3] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de résolution du bail et de ses demandes subséquentes ;

1°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en retenant qu'« il n'est pas contesté que les seules sous-locations réalisées par M. [Z], ont eu lieu pour quelques nuits durant les mois de juillet et août 2017, et ne portaient que sur une des chambres de l'appartement » (arrêt attaqué, p. 4 § 9 de l'arrêt), cependant que, dans ses dernières conclusions, déposées et signifiées le 18 mai 2021, la Régie Immobilière de la Ville de [Localité 3] soutenait qu'il était établi par le procès-verbal de constat du 15 juillet 2017 que Monsieur [Z] sous-louait de manière permanente une chambre dans l'appartement (concl., p. 4 § 9)
soulignant que « Monsieur [P] [Z] a[vait] lui-même reconnu avoir sous-loué le logement social qui lui était loué, durant les mois de juillet et août 2017 » (concl., p. 6§4 de ses conclusions), ce dernier admettant en effet avoir sous-loué l'appartement du 10 juillet au 30 août 2017 (concl. de M. [Z], p. 4§8), de sorte qu'il était contesté que la sous-location ait concerné seulement « quelques nuits durant les mois de juillet et août » (page 4§9), la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU' en application des articles 1728 et 1729 du code civil, le preneur peut sous-louer en tout ou en partie son bail ou le céder s'il n'est pas privé de ce droit, en tout ou en partie, par la loi ou la convention ; qu'en matière de location de logements sociaux conventionnés, l'article R. 353-37 du code de la construction et de l'habitation pose à l'égard du preneur une interdiction formelle de sous-louer ; qu'ainsi, la mise en souslocation d'un logement social conventionné est considérée comme une circonstance aggravante du manquement du preneur qui sous-loue en violation des termes du contrat de bail ; qu'en considérant que « le manquement n'est pas suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail » (arrêt attaqué, p. 4 § 12), motifs pris que « la sous-location litigieuse a eu un caractère occasionnel et partiel, l'annonce de proposition de location a été immédiatement supprimée et le locataire a répondu sans délai à sommation par la bailleresse de lui communiquer les locations consenties via le site internet Airbnb » (arrêt attaqué, p. 4 § 10), sans prendre en compte, comme il lui était demandé par la Régie Immobilière de la Ville de [Localité 3] (concl., p. 6), pour apprécier la gravité du manquement, sa qualité de bailleur social et l'interdiction formelle de sous-louer qui pesait sur M. [Z], en application de l'article D. 353-37 du code de la construction et de l'habitation, dont il résultait que l'activité particulièrement lucrative de location d'un bien par l'intermédiaire du site Airbnb était radicalement contraire à la destination d'un tel logement ouvrant droit à des prestations sociales et destiné à des locataires dont les revenus ne dépassent pas un certain montant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1728 et 1729 du code civil, et D. 353-37 du code de la construction et de l'habitation.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La Régie Immobilière de la Ville de [Localité 3] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Monsieur [Z] à lui verser la seule somme de 780 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, au titre de la restitution des fruits civils et de l'avoir déboutée de ses demandes ;

1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré d'une limitation de la restitution des fruits civils sur le fondement de l'article 548 du code civil, sans avoir au préalable invité les parties, et en particulier la Régie Immobilière de la Ville de [Localité 3], à présenter des observations, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE sauf lorsque la souslocation a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire ;
qu'en décidant que « c'est donc la somme de 1.010 euros qui doit être déduite de la somme de 1.790 euros perçue par M. [Z] pour ces deux mois de souslocation, et il sera alloué à la RIVP la somme de 780 euros au titre de la restitution des fruits civils perçus par le locataire » (arrêt attaqué, p. 5 § 8), motifs pris que « si la demande de la bailleresse peut être considérée (…) comme une demande de restitution des fruits civils, il doit être relevé que l'article 548 du code civil prévoit que doivent être déduits de cette demande les frais remboursables, c'est-à-dire, en l'occurrence, la somme que verse M. [Z] au titre du loyer » (arrêt attaqué, p. 5 § 6), cependant que l'intégralité des sous-loyers perçus illégalement par le locataire devait être restituée au propriétaire, la cour d'appel a violé l'article 549 du code civil ;

3°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a fractionné les fruits civils et, donc, les sousloyers en en attribuant une partie au propriétaire, représentant la plus-value de la sous-location illégale, et une partie au locataire, représentant le prix du loyer quotidien, cependant que l'article 548 du code civil impose uniquement au propriétaire de rembourser aux tiers les frais qu'ils auraient exposés pour parvenir à la perception des fruits et que les loyers, qui constituent des fruits civils qui appartiennent au propriétaire, s'analysent comme des « frais » au sens de l'article 548, la cour d'appel a violé l'article susvisé.

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